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26/08/2022 | FRANCE | N°20/01659

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 août 2022, 20/01659


MINUTE N° 349/2022





























Copie exécutoire à



- Me Michel WELSCHINGER



- Me Karima MIMOUNI





Le 26 août 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 Août 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01659 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK53

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Décision déférée à la cour : 10 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR





APPELANT et intimé sur incident :



Monsieur [N] [Y]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.





INTIMÉ et appelant sur incident :



Monsi...

MINUTE N° 349/2022

Copie exécutoire à

- Me Michel WELSCHINGER

- Me Karima MIMOUNI

Le 26 août 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 Août 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01659 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK53

Décision déférée à la cour : 10 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANT et intimé sur incident :

Monsieur [N] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [W] [P]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Dominique BERGMANN, suppléant Me Karima MIMOUNI, avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 1er juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Invoquant la signature, par M. [N] [Y], le 19 novembre 2013, d'une reconnaissance de dette à son profit portant sur un montant de 35 000 euros, M. [W] [P] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Colmar afin d'obtenir sa condamnation à lui régler cette somme.

Par jugement du 10 juin 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Colmar, a déclaré recevable la demande formée par M. [P] et a condamné M. [Y] à payer à ce dernier la somme de 35 000 euros dans les deux mois suivant la signification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2018 et capitalisation annuelle des intérêts selon les modalités fixées par l'ancien article 1154 du code civil (article 1343-2 nouveau).

Il a rejeté, d'une part la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par M. [P] et d'autre part la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par M. [Y], et condamné ce dernier au frais et dépens de l'instance ainsi qu'à régler au demandeur la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant sa demande présentée sur le même fondement.

Il a rejeté toutes autres prétentions et dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Le tribunal a tout d'abord relevé qu'au vu de l'attestation manuscrite datée du 19 novembre 2013, dont l'authenticité n'était pas contestée, M. [Y] avait formellement reconnu avoir reçu du demandeur la somme de 35 000 euros en espèces au titre d'un prêt entre amis, sans délai de remboursement défini mais à charge de restitution quand il le pourrait, ce qui démontrait suffisamment la réalité et l'origine contractuelle de la créance de 35 000 euros invoquée par M. [P].

M. [Y] soutenant avoir intégralement remboursé cette dette par voie de compensation conventionnelle, contestée par le demandeur, le tribunal a relevé que les éléments produits tendaient à établir que des discussions s'étaient bien tenues en août 2017 entre les parties, directement ou par le biais de personnes morales les impliquant, afin d'aménager une compensation entre la créance en cause et diverses sommes dues par la SAS HH au titre d'une convention de location-gérance d'un fonds de commerce de café-bar, brasserie, passée avec les époux [Y], auxquels les locaux commerciaux avaient été donnés à bail par la SCI CKD 21.

Cependant, il ne pouvait en être déduit qu'un accord de compensation avait été fermement et définitivement conclu, au vu des correspondances échangées alors entre les parties.

De plus, si la compensation conventionnelle permettait de s'écarter de la plupart des contraintes légales édictées par les articles 1289 à 1299 anciens du code civil, elle n'échappait pas à l'exigence de réciprocité des créances et des dettes, commune à tous les modes de compensation, et M. [P], au vu de ses écritures, n'y avait visiblement pas renoncé.

Or, les dettes à l'origine de la compensation invoquée par M. [Y] impliquaient également d'autres personnes, s'agissant des sociétés HH et CKD 21 et de Mme [S], épouse [Y]. Elles n'étaient donc pas rigoureusement réciproques entre les deux parties à l'instance. En conséquence, ni les conditions d'une compensation légale, ni celles d'une compensation conventionnelle n'étaient remplies et M. [Y] ne démontrait pas l'extinction de sa dette de 35 000 euros.

Au surplus, le tribunal a considéré que les deux décomptes d'huissier de justice du 20 avril 2018 produits par le défendeur manquaient de clarté, se bornant à mentionner deux déductions de 17 500 euros sous l'appellation de « dépôt de garantie ». En outre, le tribunal a estimé ne pas avoir compétence matérielle pour apprécier les modalités d'exécution de la décision de référé du 4 décembre 2017.

En revanche, M. [P] ne démontrait pas la réalité et l'étendue de l'éventuel préjudice subi, à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive du défendeur. La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de M. [Y] n'était pas non plus fondée.

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 24 juin 2020.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 8 avril 2021, il sollicite l'infirmation du jugement déféré et que la cour, statuant à nouveau, déclare irrecevables et en tout cas mal fondées les demandes de M. [P] et qu'elle l'en déboute.

Il sollicite également la condamnation de l'intimé à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

M. [Y] expose que la SCI CKD 21 est propriétaire des locaux loués à la société HH, dans lesquels était exploité par cette dernière un fonds de commerce de café-bar, brasserie, situé [Adresse 3]. Cette SCI est représentée par lui-même et son épouse et tous deux avaient loué ce fonds de commerce à la société HH, représentée par M. [P], selon un contrat de location gérance, contre une redevance annuelle de 48 000 euros HT.

La société HH ne parvenant plus à régler les redevances de la location-gérance et les loyers et charges du bail commercial, les parties s'étaient rapprochées et un accord était intervenu, dans le cadre duquel la compensation est intervenue, afin de permettre à M. [P] de ne pas perdre son fonds de commerce et à lui-même d'être remboursé d'une partie de ses dettes. Il invoque à ce titre un courrier de M. [P], ès qualités de représentant de la société HH, du 18 août 2017, faisant état de cette compensation et de l'extinction totale de la dette litigieuse, ce qui avait permis à ce dernier d'éviter une procédure d'expulsion, et il estime démontrer suffisamment la compensation conventionnelle.

À l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, M. [Y] soutient que M. [P] a introduit la présente instance alors qu'il savait pertinemment ne plus pouvoir prétendre à rien au titre de la reconnaissance de dette litigieuse.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 11 janvier 2021, M. [P] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Y] à lui payer la somme de 35 000 euros dans les deux mois suivant la signification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2018 et capitalisation annuelle des intérêts selon les modalités fixées par l'ancien article 1154 du Code civil (article 1343-2 nouveau), et en ce qu'il l'a condamné au frais et dépens de l'instance et à lui régler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident, il sollicite en revanche l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts et il sollicite que la cour condamne M. [Y] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et, dans tous les cas, qu'elle le condamne à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [P] conteste la compensation invoquée par M. [Y] au motif qu'elle est juridiquement impossible, en l'absence d'identité de parties entre débiteurs et créanciers réciproques. Cette compensation impliquerait cinq personnes et il reprend les motifs du jugement déféré sur l'exigence d'obligations réciproques.

Il ajoute que M. [Y] a fermement rejeté la compensation proposée en août 2017, lui ayant fait délivrer le 29 août 2017 un commandement de payer, au titre d'un arriéré locatif, démontrant son refus de la proposition de compensation et ayant sollicité en référé, le 20 octobre 2017, l'expulsion sous astreinte de la société HH, ainsi que le paiement d'arriérés de loyer, sans déduire le montant de sa propre dette.

À l'appui de sa demande incidente en dommages-intérêts pour résistance abusive, M. [P] soutient que M. [Y] développe une défense relevant d'une duplicité équipollente au dol, constituant une faute devant être sanctionnée par l'octroi de dommages-intérêts.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 04 janvier 2022.

MOTIFS

I ' Sur la demande principale

Ainsi que le tribunal l'a relevé, M. [Y] ne conteste pas la reconnaissance de dette d'une somme de 35 000 euros qu'il a signée le 19 novembre 2013 au profit de M. [P], et la réalité du prêt d'un tel montant à durée indéterminée que celle-ci évoque.

Seule la compensation conventionnelle est invoquée par l'appelant, qui se prévaut à ce titre d'un courrier de M. [P] du 18 août 2017 pour se prétendre libéré de l'obligation de remboursement de cette dette.

Par ce courrier, M. [P], ès-qualités de représentant de la société HH, indique « confirmer » son accord concernant la compensation entre la dette de 35 000 euros contractée par M. [Y] le 19 novembre 2013, selon un prêt souscrit auprès de M. [P], non encore remboursée à ce jour, et la somme de 19 388,66 euros correspondant à des loyers dus par la société HH à ce jour. Il propose, pour la différence, de 15 611,34 euros en faveur de M. [P], de déduire les loyers des locaux d'août et septembre 2017, ainsi que les redevances de location-gérance des mêmes mois, M. [P] devant s'acquitter du solde de 1 259,76 euros en septembre.

Cependant, un courriel adressé par M. [Y] à M. [P] le 25 août 2017, en réponse à cette lettre, n'exprime aucun accord à la proposition de compensation de créances de la société HH, représentée par son gérant. Tout au plus indique-t-il qu'« un état Contable pourra être établi pour définir ce qui est (dus) entre les parties temps pour l'aspect professionnel location gérance que pour la dette privée contracté en 2013 », sans plus de précision sur ce point.

En outre, il résulte d'une ordonnance de référé du 04 décembre 2017 que les époux [Y] et la SCI CKD 21 ont poursuivi la société HH notamment en paiement, respectivement, de redevances de location-gérance impayées et de loyers et charges impayés, et qu'ils ont obtenu sa condamnation au paiement des sommes provisionnelles de 21 813,10 euros et de 14 401,00 euros à ce titre. Il ressort des termes de cette décision qu'aucune compensation conventionnelle entre l'une quelconque de ces dettes d'une part et celle résultant du prêt consenti à M. [Y] en novembre 2013 d'autre part, n'a été admise par ce dernier, ce que confirment les décomptes détaillés de l'huissier de justice en charge du recouvrement des créances issues de cette ordonnance de référé, datés du 20 avril 2018.

De plus, ces créances ont pour seule débitrice la société HH, personne morale distincte de la personne physique de son gérant, M. [P], et pour bénéficiaires la SCI CKD 21 d'une part, et les époux [Y] d'autre part. Aucune d'entre elles n'a pour débiteur M. [P], qui avait consenti le prêt de 35 000 euros à M. [Y].

Or, comme le souligne le premier juge, si la compensation conventionnelle n'exige pas que les créances en cause remplissent toutes les conditions de la compensation légale édictées par les anciens articles 1289 et suivants du code civil, applicables en l'espèce au vu de date de la signature du contrat de prêt, conformément à l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, elle exige en revanche, tout comme la compensation légale, la réciprocité des créances en cause.

Il ne peut donc être question de compensation de dettes réciproques entre les parties, qui, s'agissant du prêt de 35 000 euros sont exclusivement M. [P] et M. [Y] et, dès lors, aucune compensation conventionnelle n'a pu éteindre la dette de ce dernier résultant de ce prêt.

Il en résulte qu'en l'absence de remboursement du dit prêt, la demande de M. [P] en paiement de celui-ci est fondée et qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Y] au paiement de la somme de 35 000 euros assortie des intérêts légaux à compter de la date de signification de l'acte introductif d'instance, et en ce qu'il a accueilli la demande de capitalisation des intérêts dus pour une année entière, qui est de droit.

II - Sur les demandes de dommages et intérêts réciproques

M. [P] ne démontre, ni la duplicité de la défense de M. [Y] au paiement de sa créance, ni, comme l'a relevé le premier juge, la réalité du préjudice que lui aurait causé la résistance de son débiteur au paiement de ladite créance. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par ailleurs, la demande principale de M. [P] se révélant fondée, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [Y] à son encontre ne l'est donc pas et le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

Pour les mêmes motifs, M. [Y], condamné au paiement de la créance de prêt invoquée par M. [P], sera condamné aux dépens de l'appel et au paiement, à l'intimé, de la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés par ce dernier en appel.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais exclus des dépens qu'il a lui-même engagés en appel et, en conséquence, sa propre demande présentée à ce titre, fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Colmar le 10 juin 2020,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [N] [Y] aux dépens d'appel,

CONDAMNE M. [N] [Y] à régler à M. [W] [P] la somme de 1 000,00 (mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [N] [Y] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01659
Date de la décision : 26/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-26;20.01659 ?
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