MINUTE N° 335/2022
Copie exécutoire à
- Me Orlane AUER
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
Le 19 août 2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 19 Août 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03306 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNWV
Décision déférée à la cour : 03 Novembre 2020 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur [J] [Y],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Orlane AUER, avocat à la cour.
plaidant : Me COMMISSIONE, substituant Me FRANCK, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIME :
Monsieur [M] [U],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.
plaidant : Me BOISSERIE, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller faisant fonction de Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller
Madame Myriam DENORT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction.
ARRET contradictoire
- prononcé publiquement après prorogation du 8 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] a assigné M. [Y] le 6 août 2018 devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, aux fins de remboursement de la somme de 30 000 euros qu'il lui avait prêtée, outre intérêts conventionnels de 10 % l'an, dans la limite du taux de l'usure, en vertu d'une reconnaissance de dette du 23 décembre 2016 par laquelle M. [Y] avait reconnu lui devoir cette somme, qu'il s'était engagé à lui rembourser au plus tard le 23 décembre 2017. Celui-ci a contesté sa signature comme avoir emprunté ladite somme et a demandé l'annulation de la reconnaissance de dette pour défaut de 'cause et de contrepartie'.
Le juge de la mise en état a enjoint à M. [Y] de déposer au greffe des documents comportant sa signature et/ou son écriture établis à une date la plus proche possible de la reconnaissance de dette, ce qu'il a fait.
Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal a :
- débouté M. [Y] de toutes ses prétentions,
- dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise en écritures,
- condamné M. [Y] à payer la somme et les intérêts réclamés ainsi qu'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le tribunal a retenu que M. [Y] était bien l'auteur de la signature et de la mention manuscrite (de la somme en toutes lettres et en chiffres) et que la reconnaissance de dette était valable, sa cause n'ayant pas besoin d'être exprimée et étant présumée, sans que M. [Y] ne démontre son inexistence.
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M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclarations des 9 et 13 novembre 2020, le dossier ouvert suite à la seconde déclaration ayant été joint au premier.
Par conclusions du 24 février 2022, il sollicite son infirmation et le rejet des demandes adverses, la cour jugeant que la reconnaissance de dette est dépourvue de 'toute cause et de contrepartie' et donc nulle aux visa de l'article 1169 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation ; il réclame en outre la condamnation de M. [U] aux dépens et à lui payer une somme 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu'il ressort de la reconnaissance de dette que M. [U] fonde ses demandes sur un prêt, qui est un contrat réel dont la remise de fonds est une condition de formation, alors que M. [U] ne lui a jamais rien versé, ce qu'il prouve en versant aux débats l'intégralité de ses relevés bancaires entre mars 2014 et juin 2018 (concernant trois comptes chèques ainsi qu'un livret A et non un seul compte chèque comme l'a dit le tribunal) ne faisant pas apparaître ce versement ; il en déduit qu'il a renversé la présomption simple dont bénéficiait M. [U], contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, de sorte que la dette est dépourvue de cause et de contrepartie. Il relève que la preuve d'un fait négatif est impossible, qu'il a fourni l'ensemble des éléments à sa disposition et que M. [U], s'il lui avait effectivement prêté les fonds, pourrait en justifier, d'autant qu'il est expert comptable ; il ajoute qu'il a fait délivrer à M. [U] le 26 janvier 2022 une sommation interpellative, l'huissier n'ayant rencontré que son fils de 17 ans, et que M. [U] n'a transmis aucune réponse, son mutisme démontrant sa mauvaise foi.
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Par conclusions du 30 décembre 2021, M. [U] sollicite la confirmation du jugement déféré et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il relève que M. [Y] ne conteste plus être le signataire de la reconnaissance et fait valoir qu'il ne fait pas la preuve de l'absence de remise de la somme, ne justifiant pas ne pas avoir d'autres comptes bancaires que ceux dont il justifie.
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022.
MOTIFS
M. [Y] ne conteste pas le jugement déféré en ce qu'il a retenu qu'il était bien le signataire de la reconnaissance de dette, comme l'auteur de la mention manuscrite reconnaissant devoir la somme de 30 000 euros, en toutes lettres et en chiffres.
Sur la contrepartie de la reconnaissance de dette
La reconnaissance de dette étant en date du 23 décembre 2016, les dispositions applicables sont celles entrées en vigueur le 1er octobre 2016. Ainsi, il n'y a pas lieu de se référer à la 'cause' de la reconnaissance, la notion de cause du contrat (anciens articles 1131 à 1133 du code civil) ayant été remplacée par celle de 'contenu' du contrat par les nouvelles dispositions des articles 1128 et 1162 à 1171 du code civil.
En revanche, il est constant que pour être valable, la reconnaissance de dette doit avoir une contrepartie.
La reconnaissance faisant état de l'existence d'un 'prêt consenti moyennant un intérêt de 10% par an', elle se réfère à un prêt à titre onéreux, de sorte que la validité de celui-ci nécessite une contrepartie qui ne soit pas illusoire en application de l'article 1169 du code civil.
En présence d'une reconnaissance de dette, la contrepartie est toutefois présumée exister - il s'agit d'une présomption simple susceptible de preuve contraire -, à moins qu'il ressorte de la reconnaissance elle-même que la remise des fonds n'a pas été effectuée.
En l'espèce, il ne peut être déduit des termes de la reconnaissance de dette que la somme de 30 000 euros que M. [Y] a reconnu devoir à M. [U] ne lui avait pas encore été remise au jour où elle a été rédigée.
Il s'est en effet engagé 'expressément' à la 'lui rembourser' et a même indiqué que ses héritiers, au cas où son décès interviendrait avant 'le remboursement complet', seraient tenus solidairement 'd'achever ce remboursement en vertu du présent engagement'.
La notion de remboursement implique la remise préalable des fonds.
En conséquence, il appartient à M. [Y] d'établir que la remise de fonds n'a pas eu lieu.
Or la production de relevés de divers comptes de M. [Y] à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne ne faisant pas mention du versement est insuffisante à établir cette absence de remise, la somme ayant pu être virée sur un compte de M. [Y] dans une autre banque ou versée par un autre moyen qu'un virement bancaire. Elle ne peut non plus être déduite de l'absence de réponse à la sommation interpellative délivrée le 26 janvier 2022 au domicile de M. [U] (à la personne de son fils) sur le moyen par lequel il a prêté la somme litigieuse à M. [Y].
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de nullité de la reconnaissance de dette pour absence de contrepartie et a condamné M. [Y] au remboursement de la somme qu'il avait reconnu devoir.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu du rejet de l'appel, la décision de première instance sera également confirmée sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ; M. [Y] sera condamné aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en appel, lui-même étant débouté de sa propre demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [J] [Y] à payer à M. [M] [U] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] [Y] aux dépens d'appel et le déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,