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19/08/2022 | FRANCE | N°20/01733

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 août 2022, 20/01733


MINUTE N° 340/2022



























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 19 août 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 19 Août 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01733 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLCG
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Décision déférée à la cour : 26 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [N] [V]

Madame [F] épouse [V]

demeurant tous deux [Adresse 6] (SUISSE)



représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la c...

MINUTE N° 340/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 19 août 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 Août 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01733 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLCG

Décision déférée à la cour : 26 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [N] [V]

Madame [F] épouse [V]

demeurant tous deux [Adresse 6] (SUISSE)

représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

Monsieur [M] [P]

Madame [C] [Z] épouse [P]

demeurant tous deux [Adresse 2]

représentés par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 1er juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 20 août 2015, les époux [M] et [C] [P] ont accepté l'offre d'achat des époux [V] portant sur un terrain à bâtir sis à [Localité 4] (Corse), lieudit Abbartello parcelles cadastrées [Cadastre 3] et [Cadastre 1] pour un prix de 227 000 euros.

Le 25 novembre 2015, les époux [P] ont informé les époux [V] de leur intention de ne pas poursuivre la vente car ils avaient trouvé un nouvel acquéreur.

Par acte introductif d'instance déposé au greffe le 8 mars 2017, les époux [V] ont assigné les époux [P] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse en résolution du contrat et en paiement d'une somme de 22 700 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire a :

- rejeté la demande de résolution judiciaire de l'offre d'achat acceptée le 20 août 2015,

- rejeté la demande d'indemnisation et la demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive,

- condamné les époux [V] aux dépens et au paiement aux époux [P] d'une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que les époux [V] avaient pris l'engagement de faire établir par acte sous seing privé un compromis de vente sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt et de consigner une somme de 11 000 euros, ce qu'ils n'ont pas fait ; que si aucun délai n'était stipulé pour la régularisation de la vente en la forme authentique, la formalisation de l'acte sous seing privé devait toutefois intervenir avant le 31 août 2015, ce qui démontrait la volonté des parties de régulariser l'offre d'achat dans un délai rapide ; que les époux [P] qui avaient laissé un délai de trois mois aux acquéreurs pour réaliser les conditions suspensives étaient fondés, à l'issue de ce délai raisonnable, à se prévaloir de la caducité de l'accord, laquelle était imputable au comportement fautif des époux [V] ce qui justifiait le rejet de leur demande de dommages et intérêts.

Les époux [V] on interjeté appel de ce jugement, le 30 juin 2020, en ce qu'il a rejeté leurs demandes et les a condamnés aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 29 mars 2021, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de résolution judiciaire de l'offre d'achat et leur demande d'indemnisation et statuant à nouveau, de prononcer la résolution judiciaire de l'offre d'achat acceptée par les consorts [P] et les condamner au paiement de la somme de 22 700 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens de la présente procédure. Ils demandent également le rejet de l'appel incident des époux [P].

Ils acceptent l'analyse du tribunal selon laquelle la condition d'obtention du financement ne constituait pas une condition suspensive de l'offre d'achat, et subsidiairement, soutiennent que la caducité de l'offre d'achat ne pouvait résulter que du constat d'une impossibilité avérée de réaliser la condition suspensive, or aucun délai butoir n'était fixé et ils avaient entrepris les démarches nécessaires à la réalisation de la vente dans un délai raisonnable.

Ils considèrent que la date du 31 août 2015 prévue pour la signature d'un acte sous seing privé était seulement prévisionnelle, le délai étant en tout état de cause trop court et la rédaction d'un compromis n'étant pas nécessaire puisque l'offre acceptée vaut vente, le seul délai stipulé étant le 20 mars 2016 pour la régularisation de l'acte authentique.

Ils invoquent un manque de diligence du notaire qu'ils avaient saisi et contestent toute faute de leur part, estimant par ailleurs que la réitération de la vente en la forme authentique n'avait pas été érigée par les parties en un élément constitutif de leur consentement. Ils estiment qu'il y a lieu de prononcer la résolution de l'offre d'achat acceptée pour faute des vendeurs qui ont refusé de vendre, et que ceux-ci devront les indemniser de leur préjudice.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 3 janvier 2022, les époux [P] concluent au rejet de l'appel principal et des demandes adverses et concluent à la confirmation du jugement, sous réserve de leur appel incident portant sur le rejet de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils sollicitent à ce titre une somme de 5 000 euros, outre 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Ils font valoir que l'offre d'achat, qui n'est pas sujette à interprétation, était assortie d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt dans un délai expirant le 31 août 2015, or les époux [V] n'ont justifié de démarches en vue de l'obtention d'un prêt que le 9 novembre 2015, date à laquelle l'offre d'achat était caduque, outre l'absence de toute démarche dans le délai précité en vue de l'établissement d'un compromis sous seing privé et l'absence de consignation de la somme de 11 000 euros. Ils considèrent que les parties avaient subordonné leur accord définitif à l'établissement d'un compromis de vente et à la réitération de la vente par acte authentique, et estiment avoir laissé un délai raisonnable aux époux [V] pour effectuer les démarches leur incombant, ces derniers étant par leur carence à l'origine de la caducité de l'offre d'achat, ce qui exclut toute résolution judiciaire.

Ils soutiennent que la procédure est abusive, le délai de réalisation des conditions suspensives ayant été fixé au 31 août 2015 par les époux [V] eux-mêmes, et prétendent que la procédure a en réalité été initiée dans l'objectif de faire annuler la vente qu'ils avaient conclue le 1er décembre 2015 avec un autre acquéreur, M. [D], évoquant une collusion entre M. [V] et les associés d'une SCI Onyx qui a fait tout son possible pour tenter de faire annuler le permis de construire obtenu par M. [D], dont l'obtention était érigée en condition suspensive de la vente avec ce dernier.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOTIFS

Sur la résolution judiciaire du contrat

L'offre d'achat acceptée par les époux [P] le 20 août 2015 émise par les époux [V] par l'intermédiaire de la société Capi France prévoit notamment à titre de 'conditions' que :

- la jouissance des lieux sera acquise le jour de la signature de l'acte authentique de vente, qui devra avoir lieu au plus tard le 20 mars 2016,

- en cas d'accord des propriétaires, les présentes vaudront accord sur la chose et sur le prix, et vous vous chargerez d'établir ou faire établir tous actes sous seing privé, qui annuleront et remplaceront les présentes, aux clauses et conditions nécessaires à l'accomplissement de la vente notamment sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt de : en totalité 400 000 euros.

L'offre est en outre assortie de 'conditions particulières' :

- le versement par l'acquéreur d'une somme de 11 000 euros à l'ordre de Me [R], notaire à [Localité 5], lors de la signature d'un compromis prévue le 31 août 2015,

- l'obtention du plan de bornage, d'un permis de construire et du financement.

Il résulte des termes de l'offre d'achat que son acceptation par les propriétaires vaut accord sur la chose et sur le prix, ce que confirme la mention manuscrite apposée par les vendeurs avant leur signature 'bon pour vente au prix de 227 000 euros', de sorte que, comme le soutiennent les appelants, l'acte qui constate l'accord des parties sur la chose et sur le prix s'analyse en une promesse synallagmatique de vente valant vente en application de l'article 1589 du code civil, cette vente devant intervenir à certaines conditions dont celle d'obtention d'un financement, et ces conditions devant être formalisées dans un acte sous seing privé à établir par la société Capi France.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la promesse synallagmatique de vente est soumise à la condition suspensive d'obtention d'un prêt, puisque l'obtention du financement est expressément stipulée comme condition particulière de l'offre d'achat acceptée.

En considération des termes de la promesse ci-dessus rappelés, il apparaît que les parties n'ont pas entendu faire de l'établissement d'un compromis de vente sous seing privé et de la réitération de la vente par acte authentique une condition de leur consentement, comme le soutiennent les époux [P], mais seulement une modalité de mise en oeuvre de l'accord des parties.

Les époux [V] font valoir à bon droit que la caducité de la promesse de vente ne peut résulter que du constat devenu certain de l'impossibilité de réalisation des conditions suspensives. Or en l'espèce, si le contrat stipule que la signature du compromis est prévue le 31 août 2015, et que le versement de la somme de 11 000 euros devra intervenir à cette date, ce délai n'est toutefois assorti d'aucune sanction. Par voie de conséquence, le non-respect de ce délai ne peut entraîner la caducité de la promesse de vente.

Au surplus, l'acte prévoyant que la réitération de la vente par acte authentique devait intervenir au plus tard le 20 mars 2016, il en découle que c'est au plus tard à cette date que devait être constatée la réalisation des conditions suspensives.

Il ressort des productions que les époux [V] ont entrepris des démarches en vue de la réalisation de la vente peu après l'acceptation de l'offre par les époux [P], M. [Y], collaborateur de Me [R], notaire en charge de l'établissement de l'acte authentique, ayant en effet accusé réception, par courriel du 25 septembre 2015, du dossier transmis par les appelants.

Ces derniers indiquent, sans être contredits, n'avoir eu connaissance que le 14 octobre 2005 de cette correspondance de l'étude notariale qui leur avait été initialement transmise à une adresse électronique erronée ainsi qu'ils en justifient.

En l'absence de tout élément de preuve permettant de démontrer que les époux [V] avaient eu connaissance, avant le 14 octobre 2015, de la demande du notaire de justification des démarches entreprises pour l'obtention du prêt, la réponse qu'ils y ont apportée le 9 novembre 2015, accompagnée de la justification d'une demande de prêt formée auprès de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, ne saurait être considérée comme tardive, le courrier de cette banque du 15 octobre 2015 démontrant au surplus qu'ils avaient formé une demande de prêt dans un délai raisonnable.

Aucun défaut de diligence imputable aux acquéreurs n'étant démontré, les époux [P] qui ne pouvaient, le 25 novembre 2015, se prévaloir de la caducité de la promesse de vente, ne pouvaient pas davantage, se considérer, à cette date, comme étant déliés de leur engagement et contracter avec un nouvel acquéreur. Ce faisant ils ont commis une faute justifiant le prononcé de la résolution judiciaire de la promesse de vente.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande et la demande subséquente de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [V]

La rupture des relations contractuelles imputable aux vendeurs qui ont contacté avec un nouvel acquéreur a causé un préjudice, à tout le moins moral, aux époux [V] qui ont vainement engagé des démarches en vue de l'acquisition du terrain.

Ils ne peuvent toutefois demander une indemnisation à hauteur de 10% du prix de vente, au motif que ce montant serait usuel en matière de clause pénale, alors que la promesse de vente n'est pas assortie d'une telle clause.

Les appelants ne démontrant pas avoir subi un quelconque préjudice financier, il leur sera alloué, en l'état des éléments d'appréciation dont la cour dispose, une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en indemnisation des désagréments et tracas causés par l'attitude des vendeurs et du préjudice moral résultant de l'impossibilité de mener à bien leur projet.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La demande des époux [V] étant partiellement accueillie, la procédure ne peut être considérée comme abusive, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

La cour n'étant saisie d'aucune demande d'infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance celles-ci ne peuvent qu'être confirmées.

Les époux [P] qui succombent en appel supporteront la charge des dépens d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leur propre demande à ce titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 26 mai 2020, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résolution judiciaire de la promesse synallagmatique de vente du 20 août 2015 aux torts des époux [M] [P] - [C] [Z] ;

CONDAMNE les époux [M] [P] - [C] [Z] à payer à M. [N] [V] et à son épouse née [F], la somme de 5 000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

DEBOUTE les époux [V] du surplus de leur demande indemnitaire ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE les époux [M] [P] - [C] [Z] aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. [N] [V] et à son épouse née [F], ensemble, la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les époux [P] de leur demande sur ce fondement.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01733
Date de la décision : 19/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-19;20.01733 ?
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