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12/08/2022 | FRANCE | N°22/03013

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 17 (sc), 12 août 2022, 22/03013


Ordonnance notifiée aux parties





Copie exécutoire à Me LECLERE

et à Me MULLER-PISTRE





Copie à Monsieur le PG





le 12 août 2022





La Greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)



N° RG 22/03013 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4UA



Minute n° : 53/2022



ORDONNANCE DU 12 AOÛT 2022



dans l'affaire entre :



APPELANTE :



Madame la Préfèt

e du Bas-Rhin

[Adresse 2]



représentée à l'audience par Monsieur [P] [K], muni d'un pouvoir





INTIMES :



Monsieur [G] [O] [R]

né le 13 Juillet 1966 à [Localité 6]

[Adresse 3]



non comparant, représenté par Me LECLERE, avocat...

Ordonnance notifiée aux parties

Copie exécutoire à Me LECLERE

et à Me MULLER-PISTRE

Copie à Monsieur le PG

le 12 août 2022

La Greffière,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)

N° RG 22/03013 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4UA

Minute n° : 53/2022

ORDONNANCE DU 12 AOÛT 2022

dans l'affaire entre :

APPELANTE :

Madame la Préfète du Bas-Rhin

[Adresse 2]

représentée à l'audience par Monsieur [P] [K], muni d'un pouvoir

INTIMES :

Monsieur [G] [O] [R]

né le 13 Juillet 1966 à [Localité 6]

[Adresse 3]

non comparant, représenté par Me LECLERE, avocate à la cour, commise d'office

L'Association Tandem, prise en la personne de Madame [U], es qualités de curatrice de Monsieur [G] [O] [R]

[Adresse 4]

ni comparante, ni représentée

Monsieur le Directeur de l'EPSAN

[Adresse 1]

représenté par Me MULLER-PISTRE, avocate à [Localité 7], substituée à la barre par Me SOUMSA, avocat à Colmar

Ministère public auquel la procédure a été communiquée :

M. Jean-Luc JAEG, avocat général

Pascale BLIND, présidente de chambre à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu M. [K], Me LECLERE et Me SOUMSA, en audience publique du 12 août 2022, statue comme suit par ordonnance réputée contradictoire :

Monsieur [R] fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte au centre hospitalier de [Localité 5] depuis le 10 décembre 2015, à la demande du représentant de l'Etat, sur signalement du procureur de la République, au vu d'une expertise réalisée dans le cadre d'une procédure pénale du chef de violation de domicile, violences volontaires, concluant à l'irresponsabilité pénale de l'intéressé et à sa dangerosité psychiatrique.

Par ordonnance du 17 novembre 2017, le juge des libertés et de la détention a déclaré que les soins pouvaient se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète.

Monsieur [R] a bénéficié de plusieurs programmes de soins, le premier en date du 26 janvier 2018, la mesure de soins psychiatriques sans consentement étant toujours justifiée, mais l'évolution de l'état de santé du patient permettant sa prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète.

Il a été hospitalisé à nouveau le 1er juin 2022.

Par ordonnance du 10 juin 2022, le juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné le maintien des soins psychiatriques sans consentement sous le régime de l'hospitalisation complète, conformément à l'avis rendu par le collège, en prenant notamment en compte un certificat en date du 7 juin 2022 établi par le docteur [I] selon lequel, depuis une semaine, le patient ne se présentait plus à l'hôpital de jour, et avait été vu à domicile par une infirmière puis en consultation psychiatrique où il avait pu tenir des propos délirants.

En date du 5 juillet 2022, le docteur [I] a établi un certificat médical modifiant la forme des soins psychiatriques et a établi un programme de soins, estimant que les soins psychiatriques sans consentement étaient toujours justifiés mais que l'évolution de l'état de santé du patient permettait sa prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète.

Le collège a émis un avis conforme en date du 5 juillet 2022.

Le représentant de l'Etat a sollicité une expertise psychiatrique confiée au Docteur [V].

Ce dernier a établi un rapport en date 8 juillet 2022 concluant au maintien des soins contraints sous forme d'une hospitalisation complète.

Le préfet du Bas-Rhin a décidé de maintenir l'hospitalisation complète et a demandé, par courrier du 13 juillet 2022, à Monsieur le directeur de l'EPSAN de [Localité 7] de saisir le juge des libertés et de la détention afin que ce dernier statue à bref délai sur la mesure dans les conditions prévues à l'article L. 3211-12 du code de la santé publique.

Concomitamment, le docteur [I] a établi le 13 juillet 2022 un certificat de levée des soins psychiatriques et le collège des soignants a émis un avis conforme le même jour.

L'EPSAN a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 19 juillet 2022 aux fins de levée de la mesure.

Par ordonnance du 22 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention, estimant que la législation impose une double expertise, a ordonné une expertise psychiatrique et commis le docteur [D] avec pour mission de dire si l'état du patient nécessite la mise en 'uvre de soins sous contrainte, et dans l'affirmative, sous quelle forme.

Le docteur [D] a examiné Monsieur [R] le 26 juillet 2022 et établi son rapport aux termes duquel il a conclu à la poursuite des soins sous forme de programme de soins ambulatoires.

Par décision du 27 juillet 2022, le juge des libertés de la détention a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de Monsieur [R], ordonné l'effet différé de cette décision de mainlevée pendant une durée qui ne saurait excéder 24 heures, pour la mise en place d'un programme de soins.

Le préfet du Bas-Rhin a interjeté appel de cette décision le 4 août 2022.

L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, les parties étant dûment convoquées.

A l'audience, le représentant de l'Etat, reprenant les termes de son mémoire d'appel du 4 août 2022, sollicite l'infirmation de l'ordonnance du 27 juillet 2022 et la poursuite des soins sur décision du représentant de l'Etat en hospitalisation complète dont faisait l'objet Monsieur [R] avant l'ordonnance contestée.

L'appelant fait valoir que l'expertise du docteur [V] est conforme aux dispositions du code de la santé publique, et qu'à l'inverse de l'expertise du Docteur [D], réalisée en urgence, l'expertise médicale du docteur [V] reprend la biographie, un examen médical comprenant les antécédents médicaux et de vie, les faits qui ont valu l'admission en soins sans consentement, décrit les troubles du patient et permet de prendre en compte la dangerosité du patient.

L'appelant critique la décision du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle n'apprécie pas le caractère proportionnel de la mesure d'hospitalisation complète aux risques pour autrui et/ou l'ordre public.

Il estime que la poursuite des soins en hospitalisation complète est nécessaire au regard des critères prévus à l'article L. 3213 -1 du code de la santé publique.

L'EPSAN reprend à l'audience son mémoire du 11 août 2022 aux termes duquel il expose que si les textes prévoient qu'une double expertise devrait être réalisée pour pouvoir lever une mesure de soins sous contrainte d'un patient pris en charge au titre de l'article L. 3213-7, il n'existe aucune obligation de réaliser une expertise pour la mise en place d'un programme de soins. Il considère que la décision du juge des libertés de la détention est bien fondée en ce qu'elle a ordonné la mise en place d'un programme de soins à la suite d'un avis du collège, couplé d'une expertise favorable à la poursuite de la prise en charge ambulatoire, et ce, quand bien même l'expertise du Docteur [V] y était défavorable. Il sollicite à l'audience la confirmation de l'ordonnance du 27 juillet 2022.

Monsieur [R] ne s'est pas présenté à l'audience bien que régulièrement convoqué par lettre simple et par lettre recommandée du 9 août 2022.

Son conseil sollicite la confirmation de la décision déférée en soulignant que Monsieur [R] adhère au programme de soins.

L'avocat général s'en rapporte, selon une note du 9 août 2022, communiquée aux parties le 10 août 2022.

SUR QUOI

L'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique dispose qu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement. La personne est prise en charge :

1° soit sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code

2° soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1

Aux termes de l'article L. 3211-12 I du même code, le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.

Aux termes de l'article L. 3211-12 II du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du même code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcé sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes et d'au moins 10 ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens. Le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.

Par ailleurs, l'article L. 3211-12 III dispose que le juge des libertés de la détention ordonne, s'il y a lieu, la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète et qu'il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application de l'article L. 3211-2-1.

En l'espèce, il a été régulièrement statué au vu de l'avis du collège et des expertises psychiatriques, effectuées par le docteur [V] et par le docteur [D], inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 3213-5-1.

Aux termes du certificat médical du 5 juillet 2022 modifiant la forme des soins psychiatriques, le docteur [I] indique que Monsieur [R] a été admis dans son unité suite à une décompensation de sa pathologie psychiatrique chronique et qu'un changement de traitement a permis un apaisement de la symptomatologie délirante. Il expose que Monsieur [R] adhère à son suivi et à son traitement et qu'il souhaite reprendre son suivi habituel de secteur, auquel il était assidu. Le programme de soins du même jour prévoit des consultations médicales mensuelles avec un psychiatre sur le CMP de secteur.

Le collège a émis un avis en date du 5 juillet allant dans le même sens.

Le Docteur [V] a estimé dans son rapport du 8 juillet 2022 que Monsieur [R] présente un état dangereux au sens psychiatrique du terme et des troubles mentaux (psychose, schizophrénie) qui pourraient le conduire à être dangereux pour les personnes ou à porter atteinte de manière grave à l'ordre public, et que ces troubles rendent impossible son consentement.

Il indique que le patient bénéficie d'un traitement retard qui ne lui convient pas et qu'il ne veut pas poursuivre.

Le Docteur [V] conclut que Monsieur [R] ne pourra changer de traitement qu'en hospitalisation complète et qu'une transformation de l'hospitalisation ne peut être envisagée à ce jour sous la forme de la mise en place d'un programme de soins adapté.

Cependant, le certificat du docteur [I] en date du 13 juillet 2022 mentionne que l'état clinique du patient est stable, que Monsieur [R] est très attaché à son suivi par le CMP de son secteur et aux ateliers thérapeutiques où il se rend tous les jours, sans obligation de soins en ce sens. Il estime son état compatible avec une reprise du suivi ambulatoire et ce, en soins libres.

Il précise que le patient a été réhospitalisé le 1er juin 2022 suite à une recrudescence hallucinatoire «  en lien avec un raté dans la prise de ces traitements du fait d'un week-end prolongé où ce traitement n'a pu lui être remis par le CMP ». Monsieur [R] est décrit depuis son arrivée dans le service comme ne présentant aucun trouble du comportement évocateur d'une dangerosité psychiatrique et acceptant la modification de son traitement, exprimant même son besoin de poursuivre son suivi ambulatoire.

Le docteur [I] considère aux termes de ce certificat médical que les soins psychiatriques sans consentement ne sont plus justifiés et que la mesure peut être levée.

Le collège a émis un avis conforme le 13 juillet 2022 de même que le 19 juillet 2022 en mentionnant que Monsieur [R] présente une bonne alliance thérapeutique et un insight correct.

Enfin, le docteur [D], aux termes de l'examen psychiatrique du 26 juillet 2022, constate que l'état psychiatrique du patient est relativement bien stabilisé, qu'il se montre calme, coopératif, que la symptomatologie dissociative, de désorganisation, discordance psychique est assez bien jugulée par le traitement et les éléments délirants hallucinatoires bien contenus et même critiqués.

L'expert conclut que la stabilité clinique, la bonne adhésion aux soins, récemment modifiés, le suivi rapproché, étayant, contenant, que le secteur psychiatrique lui propose permettent la levée de l'hospitalisation complète et la poursuite des soins sous forme de programme de soins ambulatoires.

Il considère cependant qu'au vu de la rupture de soins survenus récemment il serait prématuré de lever entièrement les soins sous contrainte.

L'avis des deux médecins experts est donc concordant en ce qu'il est défavorable à la levée des soins sous contrainte. S'agissant de la forme des soins, seul le docteur [V] considère qu'il y a lieu de maintenir Monsieur [R] en hospitalisation complète, au motif principal que Monsieur [R] n'adhère pas au traitement mais souhaite en changer.

Or, les certificats médicaux du Docteur [I] de même que les avis du collège ci-dessus mentionnés sont clairs et circonstanciés et relèvent au contraire l'adhésion du patient au traitement qui a été modifié. Ils sont corroborés par l'expertise du Docteur [D] qui reprend la pathologie de Monsieur [R], son évolution, décrit son état clinique, analyse son adhésion aux soins et prend en compte l'existence par le secteur d'une prise en charge rapprochée et contenante.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que si les soins psychiatriques sans consentement restent nécessaires, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, compte tenu de la rupture de soins survenue récemment et d'un risque d'atteinte à la sûreté des personnes au vu des pathologies présentées, l'hospitalisation sous forme complète n'apparaît plus justifiée.

La décision entreprise ordonnant la mainlevée de l'hospitalisation sous forme complète, avec mise en place d'un programme de soins sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire,

Déclare l'appel recevable ;

Confirme l'ordonnance rendue le 27 juillet 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 17 (sc)
Numéro d'arrêt : 22/03013
Date de la décision : 12/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-12;22.03013 ?
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