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08/07/2022 | FRANCE | N°22/00426

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 juillet 2022, 22/00426


MINUTE N° 317/2022





























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI



- Me CHEVALLIER-GASCHY



Le 8 juillet 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 08 Juillet 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00426

- N° Portalis DBVW-V-B7G-HYHO



Décision déférée à la cour : 21 décembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



La S.A.R.L. KARELIS, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3]



représentée par...

MINUTE N° 317/2022

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

- Me CHEVALLIER-GASCHY

Le 8 juillet 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 08 Juillet 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00426 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYHO

Décision déférée à la cour : 21 décembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

La S.A.R.L. KARELIS, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me AYADI, avocat au barreau d'Epinal

INTIMÉS :

1) Monsieur [G] [C]

2) Madame [N] [P]

demeurant tous deux [Adresse 2] à [Localité 4]

représentés par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

APPELÉE EN INTERVENTION FORCÉE et appelante sur incident :

3) La Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

Avocat plaidant : Me KNITTEL, avocat au barreau d'Epinal

INTERVENANTE VOLONTAIRE et appelante sur incident :

4) La S.A. MMA IARD Représentée par son représentant légal es qualité audit siège.

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

Avocat plaidant : Me KNITTEL, avocat au barreau d'Epinal

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 1er juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon devis du 1er mars 2011, M. [G] [C] et Mme [N] [P] ont signé avec la SARL Karelis, un contrat pour la réalisation d'un chalet sis [Adresse 2] à [Localité 4], la livraison s'étant faite le 11 juillet 2011.

La société Karelis a acquis les fenêtres et huisseries extérieures auprès de la SARL Poirot laquelle a été placée en liquidation judiciaire.

Se plaignant de ce que le bâtiment présentait des désordres relatifs aux menuiseries extérieures constatés par le cabinet Groupe Expert Bâtiment (GEB) le 24 février 2021, M. [G] [C] et Mme [N] [P], par acte d'huissier du 9 juillet 2021, ont fait assigner la SARL Karelis Maisons Bois à fin d'expertise judiciaire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse.

Par acte du 4 octobre 2021, la SARL Karelis a assigné en intervention forcée la SA MMA IARD Assurances Mutuelles en sa qualité d'assureur de la société Poirot ; cette procédure enregistrée sous le n°RG 21/493 a fait l'objet d'une jonction avec la procédure principale.

La SA Mutuelles du Mans IARD assurant également la société Poirot est intervenue volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 21 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

déclaré fondée la demande d'expertise formée par M. [G] [C] et Mme [N] [P] ;

ordonné une expertise judiciaire dont il a détaillé la mission et commis pour y procéder M. [K] [E] ;

déclaré les opérations d'expertise opposables aux compagnies MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de la société Karelis ;

débouté la société Karelis et les compagnies MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD de leurs demandes ;

rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les dépens suivront le sort de ceux exposés au principal et, à défaut, resteront à la charge de M. [G] [C] et Mme [N] [P] ;

constaté l'exécution provisoire de plein droit des dispositions de la présente décision.

Le juge, après avoir rappelé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, a indiqué que M. [C] et Mme [P] sollicitaient la désignation d'un expert judiciaire aux fins de constater les désordres affectant principalement les menuiseries extérieures de leur chalet en bois livré le 11 juillet 2011 par la société Karelis.

Sur la prescription soulevée par la société Karelis, le juge a rappelé que, dans le cadre d'un contrat de vente, le délai de prescription applicable est soit le délai biennal de l'action en garantie des vices cachés soit le délai de cinq ans de l'action en non-conformité.

Le juge a, tout d'abord, relevé qu'étaient versés aux débats le devis n° 1201/D3/JL du 1er mars 2011 pour un montant total de 99 866 euros TTC comprenant les huisseries, les plans du chalet en bois, la facture de la SARL Menuiserie Poirot adressée à la société Karelis concernant les huisseries pour un montant de 14 958,59 euros TTC, la lettre de mise en demeure des consorts [P]-[C] du 22 septembre 2020 pour reprise de malfaçons sur ouvrants, le courrier de réponse de la société Karelis en date du 16 octobre 2020 et le rapport d'expertise unilatérale de GEB Alsace en date du 24 février 2021.

Le juge a ensuite rappelé que le contrat de vente d'un chalet en kit devait être requalifié en contrat de construction de maison individuelle conforme aux prescriptions des articles L.231- et suivants et L.232-1 et suivants (sans toutefois préciser le code concerné) quand le constructeur vendeur propose un plan de pose et des prestations de service pour l'installation d'un chalet.

Après avoir constaté que la société Karelis ne fournissait qu'un devis mais pas les conditions générales de vente du contrat signé avec M. [C] et Mme [P], le juge a retenu qu'il était établi que ces derniers avaient monté et mis en oeuvre le chalet hormis les huisseries extérieures pour lesquelles la société Karelis ne produisait pas l'éventuelle facture de la société Poirot concernant la pose des menuiseries extérieures dans le cadre d'une sous-traitance.

Il en a déduit qu'il existait une contestation sérieuse concernant la nature du contrat signé entre les parties qu'il n'appartenait pas au juge des référés de trancher.

Il a, cependant, considéré comme légitime de désigner un expert judiciaire conformément à l'article 145 du code de procédure civile, compte tenu des désordres dont il est fait état dans l'assignation et du rapport d'expertise privée de GEB Alsace du 24 février 2021, cette mesure d'instruction permettant à la juridiction éventuellement saisie du fond du litige de statuer en toute connaissance de cause sur les responsabilités encourues et les chefs de préjudice subis, les opérations d'expertise devant être déclarées opposables aux compagnies MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, en leur qualité d'assureurs de la société Karelis.

La SARL Karelis a formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 1er février 2022 et, par requête reçue le 3 février 2022, a demandé à être autorisée à assigner les intimés à jour fixe, requête à laquelle il a été fait droit par ordonnance de la présidente de la chambre le 4 février 2022.

Le 19 mai 2022, M. [C] et Mme [P] ont produit une note en délibéré.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 21 avril 2022, la SARL Karelis demande à la cour de :

déclarer son appel tant recevable que bien fondé ;

par conséquent :

infirmer l'ordonnance rendue le 21 décembre 2021 ;

statuant à nouveau :

déclarer que le contrat la liant aux consorts [C] [P] était un contrat de vente ;

déclarer que les consorts [C] [P] sont prescrits en leur action à son encontre ;

débouter les consorts [C] [P] de leur demande d'expertise judiciaire ;

débouter les consorts [C] [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire :

déclarer les opérations d'expertise opposables aux compagnies Mutuelle du Mans IARD Assurances Mutuelles et Mutuelle du Mans IARD SA ;

en tout état de cause :

condamner solidairement, M. [C] et Mme [P] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

La société Karelis expose que les consorts [C] et [P] sollicitent de voir désigner un expert afin qu'il examine les réserves décrites dans l'assignation, le terme de « réserves » étant malvenu puisqu'il s'agit de défauts constatés près de dix ans après la livraison des matériaux, ces défauts n'atteignant que les menuiseries extérieures, qui n'ont été ni posées ni fabriquées par elle puisqu'elle s'est contentée de les acheter à la société Poirot, puis de les revendre aux acquéreurs qui les ont ensuite posées.

Elle considère que, dans ce cadre, s'agissant de ces matériaux, elle n'a pas la qualité de maître d''uvre mais de vendeur plus précisément de négociant, de sorte que les dispositions afférentes à la garantie décennale ne s'appliquent pas, seules les dispositions du droit de la vente étant applicables, le délai de prescription se trouvant être soit le délai biennal de l'action en garantie des vices cachés, soit le délai quinquennal de l'action en non-conformité et le point de départ dudit délai étant la date de livraison des menuiseries.

La société Karelis souligne que le juge des référés a outrepassé ses pouvoirs en soulevant d'office l'argument suivant lequel le contrat de vente d'un chalet en kit doit être requalifié en contrat de construction de maison individuelle conforme aux prescriptions des articles L.231-1 et suivants et L.232-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, quand le constructeur vendeur propose un plan de pose et des prestations de service pour l'installation d'un chalet, ce qui n'est pas le cas puisqu'elle n'a vendu que du matériel et n'a pas été mandatée pour construire le chalet ni pour installer les fenêtres, le juge des référés ayant dénaturé les termes pourtant clairs du contrat, la jurisprudence applicable en la matière retenant que la vente d'un chalet en kit ne peut être qualifiée en contrat de construction de maison individuelle quand le constructeur vendeur propose un plan de pose et des prestations de service pour l'installation, le contrat de vente en kit ne devenant contrat de construction de maison individuelle que si le vendeur s'engage à procéder à la construction d'un chalet d'un certain modèle à un certain prix.

Elle indique produire les conditions générales à hauteur d'appel lesquelles ne font que renvoyer à des termes de vente et de livraison de marchandises. Elle fait état des déclarations de M. [C] et de Mme [P] reprises dans le rapport d'expertise de l'expert qu'ils ont mandaté aux termes desquelles ils confirment qu'ils ont monté, installé et posé eux-mêmes l'ensemble du chalet en kit y compris les menuiseries, seul le soubassement ayant été confié à une tierce entreprise. Elle ajoute qu'elle n'a aucun rapport avec M. [Z] par qui elle a été approchée lorsque les consorts [C] et [P] se sont plaints de désordres.

Elle expose encore que le juge des référés a affirmé que la facture de la société Poirot concernant la pose des menuiseries extérieures dans le cadre d'une sous-traitance n'avait pas été produite alors qu'il n'y a pas de sous-traitance et que les parties n'en ont, au demeurant, jamais fait état.

Elle fait valoir que si le juge des référés estimait qu'une contestation sérieuse existait quant à la nature du contrat, il devait renvoyer l'affaire vers le juge du fond en usant de la passerelle et ne pouvait aucunement faire droit à la demande d'expertise alors que l'action des demandeurs pouvait être prescrite.

Elle s'étonne que le juge ait fixé comme mission à l'expert de dire si les désordres en question proviennent d'une absence de conformité aux règles de l'art ou à une mauvaise exécution des prestations contractuellement convenues, alors qu'il a constaté l'absence de contrat en terme d'instrumentum.

A titre subsidiaire :

sur la garantie des sociétés MMA au profit de la société Poirot, elle soutient que les sociétés MMA sont assureurs de cette dernière en raison de ses activités et que la cessation d'activités de cette société est sans incidence sur la mobilisation de la garantie au titre des activités qu'elles s'étaient engagées à assurer ; les sociétés MMA ont vocation à garantir l'éventuelle responsabilité de la SARL Poirot en sa qualité de fabriquant des menuiseries incriminées qui constituent un équipement indissociable de la maison au sens de l'article 1792 du code civil et sont donc garanties puisqu'elles entrent dans la définition des « existants » du contrat litigieux et font corps avec l'ouvrage qui constitue le champ des garanties souscrites par la SARL Poirot,

sur son action à l'égard des sociétés MMA, elle entend solliciter leur condamnation à la relever de toute condamnation si la juridiction entendait faire droit à la recevabilité de l'action de M. [C] et Mme [P] sur le fondement de « décennal » [sic] .

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 21 mars 2022, M. [C] et Mme [P] demandent à la cour de :

rejeter l'appel ;

confirmer l'ordonnance intervenue en ce qu'elle a ordonné une expertise confiée à l'expert [K] [E] ;

débouter les appelants de leur demande et contestation ;

les condamner aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, M. [C] et Mme [P] exposent qu'ils ont passé commande auprès de la SARL Karelis pour la construction d'une maison, respectivement un chalet dont la livraison a été faite le 11 juillet 2011 présentant des désordres ayant fait l'objet d'un constat par rapport du cabinet GEB du 24 février 2021, ce qui légitime leur demande d'expertise.

Ils considèrent qu'il appartiendra au juge du fond de qualifier le contrat liant les parties, étant souligné qu'il n'est fait aucune mention d'une vente dans le devis, que la société Karelis confirme avoir passé commande des menuiseries à la SARL Poirot et donc son implication, un vrai débat existant sur la nature du contrat et l'existence d'un contrat de louage d'ouvrage, d'autant que, pendant la construction, la société Karelis a mis à disposition le service et le soutien de M. [Z] pour suivre le chantier, ce dont il se déduit que le contrat n'était pas exclusivement un contrat de vente, l'expert devant déterminer le rôle de chacun.

Ils ajoutent que, sur le fondement de la responsabilité des constructeurs, la procédure n'est pas prescrite et que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la prescription est également de dix ans à compter de la réception des travaux, tel que cela résulte notamment des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil.

Rappelant que le juge des référés a fait état de la jurisprudence selon laquelle la vente d'un chalet en kit peut être requalifiée en contrat de construction en maison individuelle en application des dispositions des articles L.231-1 et suivants et L.232-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, M. [C] et Mme [P] en déduisent que la responsabilité de la société Karelis peut être recherchée sur plusieurs fondements.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 26 avril 2022, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD demandent à la cour de :

déclarer recevable l'appel principal de la SARL Karelis ;

déclarer recevable et fondé leur appel incident ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle leur a déclaré les opérations d'expertise opposables, en leur qualité d'assureur de la société Karelis ;

statuant à nouveau,

déclarer irrecevables les demandes de la société Karelis à leur encontre, notamment pour cause de prescription ;

en tout état de cause :

prononcer leur mise hors de cause ;

débouter les parties adverses de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

condamner la société Karelis au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

condamner tous autres parties aux dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD exposent que le contrat liant la société Karelis à M. [C] et Mme [P] a pour objet la fourniture de matériaux pour la réalisation de leur maison principale, de sorte qu'il s'agit d'un contrat de vente, toute action découlant dudit contrat étant soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, de sorte que l'action de M. [C] et Mme [P] est prescrite depuis 2016 ; la demande principale dirigée contre la société Karelis étant irrecevable, leur mise en cause des MMA devient elle-même sans objet.

Elles soutiennent que c'est la nature du contrat liant les parties qui détermine leur droit à agir dans le procès à venir, ce droit d'action conditionnant la recevabilité de la demande d'expertise, l'expert n'ayant pas à définir les prestations réalisées pour déterminer la nature du contrat, cette appréciation juridique échappant à tout expert judiciaire.

Elles ajoutent que la demande de la société Karelis à leur encontre se heurte tout autant à une prescription, même si sa responsabilité était retenue sur le fondement de la garantie décennale puisque la SARL Poirot ne pourrait voir retenir sa responsabilité décennale qu'en sa qualité de fabricant d'EPERS en application de l'article 1792-4 du code civil alors que les menuiseries qu'elle a fabriquées et livrées ne présentent aucun caractère spécifique répondant à des exigences particulières, précises et prédéterminées, pouvant relever de cette qualification d'EPERS, ce dont il résulte que la société Poirot avait uniquement la qualité de fournisseur vendeur de matériaux et, à ce titre, sans qu'il puisse être utilement retenu que le produit fourni par l'entreprise se trouvait incorporé à l'immeuble, ne peut être soumise à la garantie décennale ; de jurisprudence constante, l'action directe aujourd'hui engagée à rencontre des MMA par la société Karelis, est soumise au même délai de prescription que l'action principale à l'encontre de l'assuré, en l'occurrence cinq ans.

Considérant qu'à ce jour, aucune action n'a été engagée à l'encontre de la SARL Poirot, elles arguent de ce que cette dernière qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée suivant jugement de clôture pour insuffisance d'actif en date du 13 juillet 2013 ne dispose plus d'aucune action à l'encontre de son assureur, rappelant que, selon la Cour de cassation, l'action directe contre l'assureur ne peut prospérer si la victime est privée de tout recours contre l'assuré, ce qui est le cas puisqu'un tel recours de la société Karelis contre l'assuré, la SARL Poirot est définitivement compromis depuis la liquidation de cette dernière.

Sur les garanties souscrites auprès d'elles, les compagnies d'assurances expliquent qu'elles n'ont pas vocation à garantir l'éventuelle responsabilité de la SARL Poirot qui a fabriqué les menuiseries incriminées, le contrat souscrit auprès d'elles concernant la responsabilité décennale ou encore l'assurance de responsabilité civile de l'entreprise, et non la garantie de l'activité de fabrication en tant que telle, ce qui signifie que ces garanties concernent les travaux de menuiseries supposant une intervention à l'acte de construire, avec des travaux d'exécution et de pose sur l'ouvrage ; or, la SARL Poirot, au titre du contrat de fourniture signé avec la société Karelis est intervenue exclusivement en qualité de fabricant.

Elles ajoutent que le contrat d'assurance a pris effet au 1er janvier 2009 et se trouve résilié depuis le 8 février 2012 suite à la liquidation judiciaire de la SARL Poirot.

Elles soulignent que le premier juge a déclaré les opérations d'expertise opposables aux compagnies d'assurance concluantes en leur qualité d'assureur de la société Karelis, alors qu'elles assurent la SARL Poirot.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que la note produite en délibéré l'a été sans que cette production ait été demandée par la présidente, il y a lieu de l'écarter des débats.

Sur la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile permet notamment d'ordonner une expertise en référé, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Cependant, pour que cette expertise soit ordonnée, il apparaît nécessaire de vérifier qu'un litige est susceptible de prendre naissance.

A cet égard, M. [C] et Mme [P] font état de l'existence d'un débat quant à la nature du contrat les liant à la société Karelis consistant à déterminer s'il s'agissait d'un contrat de louage d'ouvrage ou d'un contrat de vente.

S'il est vrai que ni le juge des référés ni l'expert n'ont à se prononcer sur cette qualification, il n'en demeure pas moins que la cour doit apprécier les éléments produits par les parties pour déterminer si un litige est susceptible de prendre naissance.

A cet égard, M. [C] et Mme [P] produisent un devis du 1er mars 2011 lequel porte sur la fourniture de matériaux pour la réalisation de leur maison principale lequel précise clairement que seuls les matériaux détaillés dans le devis sont inclus et ne prévoit pas de prestations de montage à la charge de la société Karelis.

M. [C] et Mme [P] ne produisent aucun élément en faveur d'une participation de la société Karelis au montage du chalet, étant souligné que l'intervention d'un technicien mandaté par cette dernière en la personne de M. [F] [Z] ne ressort que du rapport d'expertise produit par M. [C] et Mme [P] lequel a été établi unilatéralement.

Considérant qu'aucun élément n'est produit par ces derniers pour remettre en cause la qualification du contrat les liant à la société Karelis lequel présente l'apparence d'un contrat de vente, cette dernière apparaît fondée à soutenir qu'une éventuelle action est susceptible de se heurter à la prescription dont l'analyse relève du juge du fond et non du juge des référés.

Dès lors, à défaut pour M. [C] et Mme [P] de justifier d'un motif légitime pour que soit ordonnée une expertise, il y a lieu de rejeter leur demande à cette fin et de dire qu'est sans objet la demande tendant à ce que cette expertise soit dite opposable aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.

L'ordonnance entreprise est donc infirmée de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, sur la demande tendant à la qualification du contrat et sur la demande tendant à la mise hors de cause des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles

Ces demandes ne relevant pas de la compétence du juge des référés mais de celle du juge du fond, il n'y a pas lieu à référé.

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est infirmée de ces chefs.

M. [C] et Mme [P] sont condamnés aux dépens de la procédure de première instance et d'appel afférents à l'instance principale dirigée contre la société Karelis.

La société Karelis est condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel afférents à la mise en cause de la société MMA IARD Assurances Mutuelles et à l'intervention volontaire de la société MMA IARD.

M. [C] et Mme [P] sont condamnés à payer à la société Karelis la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Karelis est condamnée à payer à la société MMA IARD Assurances Mutuelles et à la société MMA IARD la somme de 1 500 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] et Mme [P] sont déboutés de leur demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

ECARTE des débats la note produite en délibéré le 19 mai 2022 par M. [G] [C] et Mme [N] [P] ;

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse du 21 décembre 2021 ;

Statuant de nouveau et y ajoutant :

REJETTE la demande d'expertise ;

DIT sans objet la demande tendant à voir déclarer l'expertise opposable aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;

DIT n'y avoir lieu à référé s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, de la demande tendant à la qualification du contrat et de la demande tendant à la mise hors de cause des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;

CONDAMNE M. [G] [C] et Mme [N] [P] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel afférents à l'instance principale dirigée contre la SARL Karelis ;

CONDAMNE la SARL Karelis aux dépens de la procédure de première instance et d'appel afférents à la mise en cause de la société MMA IARD Assurances Mutuelles et de l'intervention volontaire de la société MMA IARD les dépens ;

CONDAMNE M. [G] [C] et Mme [N] [P] à payer à la SARL Karelis la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Karelis à payer aux sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et société MMA IARD la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [G] [C] et Mme [N] [P] de leur demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00426
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;22.00426 ?
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