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08/07/2022 | FRANCE | N°21/01071

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 juillet 2022, 21/01071


MINUTE N° 315/2022





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Christine BOUDET





Le 08/07/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 8 Juillet 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01071 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQLX


>Décision déférée à la cour : 18 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



S.A. ACM IARD

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour...

MINUTE N° 315/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Christine BOUDET

Le 08/07/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 8 Juillet 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01071 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQLX

Décision déférée à la cour : 18 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A. ACM IARD

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉE :

S.A. GENERALI IARD Prise en la personne de son représentant légal.

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me TORNE CELER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 1er juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 26 octobre 2009 à 7 heures, un accident mortel de la circulation s'est produit sur une route départementale, hors agglomération, à [Localité 5], impliquant le véhicule de M. [B] [W], assuré auprès de la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD et le véhicule de la SARL [L] [V] TP, assuré auprès de la SA Generali IARD.

Alors que M. [V] [L] avait stationné, au milieu de la chaussée, son camion comportant une remorque plate-forme et dont les rampes d'accès avaient été abaissées au sol, M. [B] [W], au volant de son véhicule automobile, circulant sur la même voie de circulation, est monté sur la plate-forme du camion et a percuté mortellement M. [V] [L] qui s'y tenait debout.

Suite à la communication du procès-verbal de transport et de constatations par la gendarmerie nationale, et considérant que son assuré, M. [W], n'avait commis aucune faute, la société ACM a refusé de procéder à l'indemnisation des ayants droits de M. [V] [L].

Compte tenu de ce refus, la société Generali, dans un cadre transactionnel, a procédé à l'indemnisation des ayants droits de la victime à hauteur d'un montant total de 247 736,34 euros avant de solliciter, par courriers des 24 août 2015 et 5 juillet 2016, auprès de la société ACM le remboursement des sommes versées, demande à laquelle, par courrier du 22 septembre 2016, s'est opposée la société ACM considérant que M. [V] [L], gardien du camion, avait commis plusieurs fautes et que, par conséquent, son assureur ne disposait d'aucun recours contre elle.

Après avoir réitéré sa demande, par courrier du 15 novembre 2016, le conseil de la société Generali a interrogé la société ACM sur une éventuelle transaction amiable dans le cadre des articles 56 et 58 du code de procédure civile.

Faute d'accord, par acte d'huissier de justice signifié le 8 juin 2018, la société Generali a fait assigner la société ACM devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Strasbourg sur le fondement d'une action sur recours subrogatoire, aux fins d'obtenir le remboursement des sommes versées aux ayants droit de M. [V] [L].

Par jugement du 18 janvier 2021, le tribunal judiciaire a :

- condamné la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD à rembourser à la SA Generali IARD la somme de 247 736, 34 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2018 ;

- condamné la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD aux entiers frais et dépens dont distraction au profit du cabinet Thellyere, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la SA Assurances du Crédit Mutuel (ACM) IARD à payer à la SA Generali IARD la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu qu'aux termes de son article 1er, la loi du 5 juillet 1985 s'applique aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, donc au cas de l'espèce puisque deux véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans l'accident qui s'est produit sur une voie de circulation ouverte au public, rappelant qu'au moment de l'accident, M. [V] [L] était sorti de son véhicule à l'arrêt et se tenait debout sur la remorque plate-forme du camion de sorte qu'il n'avait ainsi plus aucun pouvoir de contrôle, d'usage ou de direction du camion et devait, en conséquence, être considéré comme une victime non conducteur, relevant des dispositions de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 aux termes duquel les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

Le tribunal a indiqué que, dès lors qu'il n'était pas soutenu que M. [L] avait volontairement recherché le dommage, seule la faute inexcusable comme cause exclusive de l'accident pouvait être opposée pour exclure le droit à indemnisation de la victime non conducteur, cette faute s'entendant comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience et ne pouvant constituer la cause exclusive de l'accident en présence d'une faute d'un tiers.

Il a considéré que M. [W] avait commis une faute d'imprudence et avait manqué de vigilance du fait de son état de fatigue.

Il a également fait état de ce qu'il n'avait pas été maître de son véhicule au moment où il était arrivé à hauteur du camion puisqu'il s'était montré dans l'incapacité de réagir, de procéder à une manoeuvre d'évitement possible, compte tenu de la vitesse à laquelle il circulait et de l'état de la circulation et n'avait pris conscience de la présence du camion qu'après l'accident, en raison du choc qui l'avait sorti de son état de somnolence sinon de sommeil.

Pour retenir cette faute, le tribunal s'est appuyé sur le procès-verbal d'audition de M. [W] daté 26 octobre 2009, dressé dans le cadre de l'enquête préliminaire de gendarmerie ainsi que sur un courrier manuscrit en date du 13 novembre 2009 dont il ressortait qu'il n'avait pas été maître de sa voiture et avait peut-être eu une légère fatigue puis une perte de connaissance puisqu'il avait senti la voiture monter sur quelque chose puis taper à deux reprises avant de s'immobiliser, avoir vu les deux airbags de son véhicule déclenchés et son pare-brise avant brisé et avoir compris à ce moment-là qu'il venait d'avoir un accident.

Le tribunal a indiqué que cette faute était en lien direct et certain avec le dommage et son existence faisait que, quand bien même M. [L] aurait commis une faute, elle ne serait pas la cause exclusive de l'accident et partant les conditions de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 n'étaient pas réunies pour exclure le droit à indemnisation de la victime.

Le tribunal en a déduit que la SA Generali IARD était bien fondée en son action directe sur recours subrogatoire dirigée à l'encontre de l'assureur du tiers responsable, sur le fondement de l'article L.121-12 du code des assurances, relevant que, contrairement à ce qui était soutenu par la société ACM IARD, la société Generali n'était pas intervenue sans réserves vis-à-vis des ayants droits de M. [L] puisque c'est en application de l'article L.211-9 du même code et de la convention IRCA dont elle avait repris le mandat face au refus de la SA ACM IARD, que la société Generali avait procédé à l'indemnisation des ayants droit de M. [L], pour un montant total de 247 736,34 euros afin notamment de ne pas encourir la pénalité qui sanctionne le défaut de présentation de l'offre dans les délais fixés par la loi.

Le tribunal a précisé que l'assureur qui invoquait la subrogation dans les droits et actions de son assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à sa garantie, peut exercer les droits et actions que cet assuré tient des articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985 et en a déduit que la société ACM IARD ne pouvait valablement soutenir que l'intervention sans réserves de la société Generali emportait renonciation non équivoque à toute cause de non garantie.

La société Generali IARD justifiant de ce qu'elle avait procédé au paiement des indemnités, le tribunal a considéré que les conditions de l'article L.121-12 susvisé étaient réunies et a décidé de faire droit à sa demande en condamnant la SA ACM IARD à lui rembourser la somme de 247 736,34 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2018, date de l'assignation valant mise en demeure.

La société ACM IARD a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 18 février 2021.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er février 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 7 décembre 2021, la société ACM IARD demande à la cour de :

- recevoir l'appel ;

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

* déclarer la demande tant irrecevable qu'infondée,

* rejeter toutes prétentions de la SA Generali IARD,

subsidiairement,

*réduire dans une large mesure les montants sollicités au regard des fautes commisses par le préposé de la société [L],

- condamner la SA Generali IARD aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au versement d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour chacune des deux instances soit 6 000 euros au total.

Au soutien de ses demandes, la société ACM IARD fait valoir que les premiers juges ont omis de considérer que la société Generali IARD était l'assureur de la société de M. [L], elle-même propriétaire du camion, les fautes commises par le préposé de la société [L] engageant la responsabilité du gardien à savoir la société [L] qui se trouve donc être le seul débiteur fautif, le recours entre les co-impliqués étant nécessairement un recours en contribution fondée sur les articles 1382 (aujourd'hui 1240) et 1251 (aujourd'hui 1346) du code civil, étant rappelé que les fautes commises par le préposé de la société [L] engagent la responsabilité du gardien soit la société [L].

Elle soutient que M. [B] [W] ne pouvait en aucun cas apercevoir le camion de nuit, faute de signalisation et de gyrophare, seul les « warnings » étant allumés mais néanmoins invisibles dès lors que les ridelles du camion étaient baissées et qu'il n'y avait pas de triangle de pré-signalisation en amont.

Elle ajoute que le camion en convoi exceptionnel était arrêté sur la chaussée occupant toute la voie de circulation en violation des articles R.417-9 et R.416-2 du code de la route.

Elle en déduit que la responsabilité du gardien, soit la société [L], est clairement engagée et que cette dernière ainsi que son assureur, la société Generali IARD doivent contribuer à la dette par application des articles 1346 et 1241 du code civil.

La société ACM IARD fait encore valoir qu'il ne peut être fait abstraction des fautes commises par la victime lorsque celle-ci se trouvait encore conductrice et notamment au titre d'un stationnement très dangereux non signalé et dont la société [L], gardienne du véhicule au moment de l'accident doit répondre.

Elle ajoute que la société Generali IARD ne peut en même temps soutenir qu'elle a indemnisé les ayants droit de la victime sur le fondement de la loi Badinter en qualité d'assureur d'un véhicule impliqué et, d'autre part, faire valoir l'immunité qui la dispenserait de la nécessité d'indemniser les ayants droit de la victime sur le fondement de l'article 455-1-1 code sécurité sociale, cette immunité ne pouvant être mise en compte alors que la société Generali IARD fonde elle-même son action sur un procès-verbal de transaction faisant état d'une intervention au titre de la loi du 5 juillet 1985, ce qui signifie qu'elle a renoncé à toute immunité et a accepté de garantir le sinistre et que son action s'inscrit dans le cadre du recours en contribution qui ne s'apprécie qu'au regard des fautes commises entre co-impliqués.

S'agissant de la conduite de M. [W], elle soutient que même si celui-ci a déclaré qu'il était fatigué lorsqu'il se trouvait au volant, force est de constater qu'il n'a commis aucune infraction, ce qui est conforté par le classement sans suite du parquet de Castres, le camion étant d'un grand volume, empiétant totalement sur la voie de circulation de M. [W] avec des ridelles et le plateau couverts de boue donc totalement invisibles, ce dernier ayant essayé de comprendre l'accident en expliquant qu'il devait être fatigué, étant souligné qu'un état de fatigue n'est pas, par nature, constitutif d'une faute, le témoin, M. [D] [Y] ayant décrit la vitesse de M. [W] comme modérée et estimant que l'accident était inévitable du fait que l'ensemble routier n'était pas visible dans la pénombre.

La société considère que les fautes commises par le préposé de la société [L] engagent la responsabilité de la société [L] elle-même gardien du camion.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 9 août 2021, la SA Generali IARD demande à la cour de :

- déclarer la société ACM mal fondée en son appel ;

- débouter la société ACM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 18 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;

en conséquence :

- déclarer que M. [V] [L] avait la qualité de piéton lors de l'accident dont il a été victime et qu'il bénéficiait de ce fait d'un droit d'indemnisation intégrale ;

- déclarer que M. [V] [L] n'a commis aucune faute inexcusable qui serait la cause exclusive de son dommage ;

- déclarer qu'en raison des effets de la subrogation, elle est en droit d'exercer une action directe à l'encontre de l'assureur de M. [B] [W], tiers responsable, la société ACM aux fins d'obtenir le remboursement de la somme versée aux ayants droit de M. [V] [L] en la qualité de piéton de ce dernier ;

- déclarer qu'elle est subrogée dans les droits et actions des ayants droit de M. [V] [L] sur le fondement de l'article L.121-12 du code des assurances et qu'elle bénéficie en conséquence des effets de cette subrogation légale ;

- condamner la société ACM au remboursement de la somme de 247 736, 34 euros à son profit et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure de payer ;

à titre subsidiaire :

- déclarer qu'elle est subrogée dans les droits et actions des ayants droit de M. [V] [L] sur le fondement de l'ancien article 1251 du code civil et qu'elle bénéficie en conséquence des effets de cette subrogation légale ;

à titre infiniment subsidiaire :

- déclarer qu'elle est subrogée dans les droits et actions des ayants droit de M. [V] [L] sur le fondement de l'ancien article 1250 du code civil et qu'elle bénéficie en conséquence des effets de la subrogation conventionnelle ;

en tout état de cause :

- la déclarer recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'y dire bien fondée ;

- débouter la société ACM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

- débouter la société ACM de sa demande au titre des frais irrépétibles tant de première instance qu'en cause d'appel ;

- condamner la société ACM à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société aux entiers dépens d'appel.

Se fondant sur les dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances et se prévalant d'une jurisprudence qui considère qu'en matière d'assurances de responsabilité, l'assureur peut être subrogé dans les droits de la victime, bien qu'elle ne soit pas son assuré, la société Generali IARD, justifiant la réalité du règlement de l'indemnité « pour le compte de qui il appartiendra » fait en exécution de son obligation de garantie au bénéfice de chaque ayant droit, soutient qu'elle démontre qu'elle était tenue de procéder à l'indemnisation en vertu de sa qualité d'assureur en responsabilité civile d'un véhicule co-impliqué conformément à l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, la société ACM n'ayant pas respecté la convention IRCA dont elle est pourtant signataire, puisqu'elle était, compte tenu du décès de la victime, désignée en qualité d'assureur mandaté afin de procéder à l'indemnisation des ayants droit de M. [V] [L].

Elle conteste avoir procédé à une intervention sans réserve susceptible d'emporter renonciation non équivoque à toute cause de non- garantie, soulignant que la mention « pour le compte de qui il appartiendra » vise justement à préciser que le paiement ne préjuge en rien de la question de la contribution à la dette.

La société Generali IARD ajoute que l'action de M. [V] [L] résulte de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 qui lui confère en sa qualité de piéton, un droit d'indemnisation intégrale contre le tiers responsable, la jurisprudence ayant eu l'occasion de préciser que ladite action transmise en vertu de l'article L.121-12 du code des assurances peut résulter des dispositions des articles 1 à 6 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, qu'en sa qualité d'assureur en responsabilité civile de la SARL [L] [V] TP, propriétaire du véhicule impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, elle n'a eu d'autre choix que de procéder à l'indemnisation des ayants droit de la victime, afin de se conformer aux articles 12 à 27 de cette même loi et que, bien qu'en vertu de l'article 2.1.4 de la convention

IRCA, le mandat d'indemnisation avait été automatiquement transféré à la société ACM au regard du décès de M. [V] [L], celle-ci, bien que signataire de ladite convention, a refusé de prendre en charge ce mandat.

La société Generali IARD fait encore valoir que M. [V] [L] disposait, à l'évidence, d'une action à l'encontre de M. [B] [W] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ce dernier ayant manifestement manqué de vigilance dans la mesure où le véhicule de M. [L] stationné sur la chaussée était nécessairement visible sur une portion de route rectiligne dans des conditions atmosphériques normales puisque ses feux de croisement et ses feux de détresse étaient actionnés, étant souligné que bien que les rampes de la remorque étaient abaissées et, apparemment, masquaient partiellement ces derniers à l'arrière du véhicule, il devait néanmoins nécessairement subsister une luminosité résiduelle.

Elle précise que M. [V] [L] qui se situait sur le plateau de la remorque était porteur d'un gilet fluorescent, donc largement visible en pleine nuit comme c'était le cas au moment de l'accident, que M. [B] [W] a commis une faute d'imprudence en manquant de vigilance eu égard à son état de fatigue et en ne restant pas maître de son véhicule lorsqu'il est arrivé à la hauteur du camion et qu'en tout état de cause, roulant sur une route qui ne bénéficiait d'aucun éclairage public, il lui appartenait d'actionner ses feux de route et de les interchanger par ses feux de croisement à la vue d'un véhicule arrivant en sens inverse.

Elle ajoute que, dans ces conditions, M. [W] qui, selon ses propres déclarations, la veille de l'accident s'était levé à 3 heures 30 du matin et le jour-même à 6 heures 30, a incontestablement manqué de vigilance, comme le démontre le fait qu'il n'ait procédé à aucune man'uvre d'évitement de l'obstacle qui se trouvait devant lui, et dont la présence était parfaitement décelable au moyen des feux de circulation de son propre véhicule, un léger endormissement n'étant pas exclu, aucune conclusion ne pouvant être tirée de l'absence de dépôt de plainte des ayants droit de la victime ni même de ce que le procureur de la République ait décidé de procéder à un classement sans suite.

Elle fait valoir que les prétendues fautes de M. [V] [L] sont totalement indifférentes dans la mesure où, au moment de l'accident, celui-ci n'avait plus la qualité de conducteur mais celle de piéton, aucune faute inexcusable, cause exclusive du dommage, ne pouvant être relevée à l'encontre de celui-ci.

Si la cour ne validait pas l'application de l'article L.121-12 du code des assurances, la société Generali IARD, à titre subsidiaire et ensuite infiniment subsidiaire, entend se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 1251 ancien du code civil relatif à la subrogation légale et de celles de l'ancien article 1250 relatif à la subrogation conventionnelle dont les conditions sont remplies.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement de la somme de 247 736,34 euros par la société Generali IARD

La société Generali a assigné la société ACM devant le tribunal de grande instance en indiquant clairement qu'elle se fondait notamment sur l'article L.121-12 du code des assurances lequel prévoit que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Il n'est pas contesté que la société Generali IARD a effectivement versé la somme de 247 736, 34 euros aux ayants droit de la victime, M. [L].

L'analyse des procès-verbaux de transaction signés par la société Generali IARD et les ayants- droit de M. [V] [L] permet de constater que cette indemnisation s'est faite en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et qu'il y a été précisé que le règlement pouvait intervenir le cas échéant pour le compte de qui il appartiendra, ce dont il s'évince que la société Generali IARD n'a pas entendu renoncer à toute cause de non garantie et qu'elle n'est pas intervenue sans réserves.

La société Generali IARD apparaît donc tout à fait recevable à agir à l'encontre de la société ACM sur le fondement de la subrogation légale lui permettant d'exercer l'action de la victime, et le jugement sera complété sur ce point.

Aux termes de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident et la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi.

L'appréciation de l'indemnisation de la victime et des ayants droit doit donc se faire dans le cadre des dispositions d'ordre public de cette loi, ce qui implique que les moyens soulevés par la société ACM tirés de la notion de garde et de ses conséquences sont sans emport.

Il n'est pas contesté qu'au regard de la loi du 5 juillet 1985, M. [V] [L] avait la qualité de piéton au moment de l'accident.

Dès lors, il importe peu de déterminer si M. [W] a commis une faute en sa qualité de conducteur automobile puisque l'article 3 susvisé prévoit la possibilité d'une indemnisation sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'analyse d'une faute éventuelle.

En revanche, pour être exonéré d'indemnisation, il importe que la société ACM, en sa qualité d'assureur de M. [W] démontre que M. [V] [L] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident.

Or, la société ACM n'indique pas en quoi le comportement de M. [V] [L] caractérise, dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985, une faute inexcusable cause exclusive de l'accident et de nature à empêcher l'indemnisation des ayants droit de la victime.

Dès lors, la société ACM doit être considérée comme tenue de procéder à l'indemnisation du préjudice subi par les ayants droit de M. [V] [L] et donc de payer à la société Generali IARD la somme réclamée, que celle-ci a avancée.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, la société ACM IARD est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Generali IARD la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ACM IARD est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DECLARE la SA ACM IARD recevable en ses demandes ;

CONFIRME dans toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 18 janvier 2021 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SA ACM IARD aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la SA ACM IARD à payer à la SA Generali IARD la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la SA ACM IARD de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01071
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;21.01071 ?
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