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08/07/2022 | FRANCE | N°20/01557

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 juillet 2022, 20/01557


MINUTE N° 312/2022





























Copie exécutoire à



- Me Michel WELSCHINGER



- Me Joseph WETZEL





Le 08/07/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 8 JUILLET 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01557 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKYM



Décision déférée à la cour : 25 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



Madame [R] [B]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.





INTIMÉE :



Madame [J] [P] épouse [K]

demeurant [Ad...

MINUTE N° 312/2022

Copie exécutoire à

- Me Michel WELSCHINGER

- Me Joseph WETZEL

Le 08/07/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 8 JUILLET 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01557 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKYM

Décision déférée à la cour : 25 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [R] [B]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Madame [J] [P] épouse [K]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction.

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 13 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame DIEPENBROEK, présidente et Mme DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Mme [J] [P], épouse [K], est l'unique héritière de son père, M. [S] [P], décédé le 11 mars 2006 à [Localité 4], dont Mme [R] [B] était la compagne.

Invoquant diverses anomalies apparues à l'ouverture de la succession, elle a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse de diverses demandes dirigées contre Mme [B], contre la société Natixis et contre la société ACM vie.

Par jugement du 25 mai 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse, l'a déboutée :

- de sa demande de production de pièces à l'encontre de ACM vie,

- de sa demande de sursis à statuer,

- de sa demande tendant au rapport à la succession de la prime de 4 000 euros versée sur le contrat d'assurance-vie Fructivie Sélection vie n°X1 086880, le 4 novembre 2004,

- de sa demande de rapport à la succession de la somme de 10 000 euros par Mme [B].

Il a condamné Mme [B] à payer la somme de 46 200 euros à la succession de feu [S]  [P] ainsi qu'aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Schweitzer, avocat au barreau de Mulhouse, et au paiement de la somme de 1 500 euros à Mme [P], épouse [K], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes de rapport à la succession, le tribunal a observé que Mme [P], épouse [K], n'invoquait aucun fondement juridique à l'appui de ses demandes et qu'il lui appartenait donc de qualifier l'ensemble des faits.

Il a relevé l'existence de retraits d'un montant total de 46 200 euros opérés par Mme [B], à l'aide de procurations dont elle était titulaire, sur des comptes bancaires et livrets d'épargne ouverts au nom de M. [P] à la Caisse de Crédit Mutuel de Wittenheim et à la Banque Populaire, de janvier 2005 à février 2006. Or, ces sommes n'avaient pas réintégré le patrimoine du défunt sous une autre forme et Mme [B], qui ne prétendait pas en avoir été gratifiée par M. [P], ne fournissait aucun élément de nature à justifier ces retraits. Le tribunal a donc retenu une faute à la charge de la défenderesse dans l'exécution de ses obligations de mandataire, sur le fondement des articles 1991 et 1993 du code civil, justifiant sa condamnation à rapporter cette somme à la succession.

Concernant un contrat d'assurance-vie souscrit le 10 octobre 2001 auprès de la Banque Populaire, sur lequel M. [P] avait effectué un versement de 10 000 francs à l'ouverture puis de 4 000 euros le 18 novembre 2004, Mme [P], épouse [K], ne fournissait aucun élément relatif à la situation patrimoniale et financière de son père, lors du versement de ces primes, de nature à démontrer leur caractère manifestement disproportionné.

Par ailleurs, le contrat avait été souscrit alors que M. [P] était âgé de 75 ans, étant décédé cinq ans plus tard, et la prime litigieuse avait été versée 18 mois avant son décès, sans aucun élément sur sa situation personnelle (état de santé notamment) permettant au

tribunal de considérer que, lors des versements opérés, ces derniers étaient dépourvus d'aléas et traduisaient ainsi une volonté du souscripteur de se dépouiller irrévocablement de son patrimoine, alors qu'une clause bénéficiaire est toujours modifiable.

Concernant le véhicule Citroën Xsara, cédé le 2 janvier 2006 par M. [P] à Mme [B], d'après le transfert du certificat de cession, l'audition de la défenderesse établissait qu'il avait une valeur de 10 000 euros et qu'il lui avait été cédé à titre gratuit. Or, cette libéralité n'excédait pas la quotité disponible de la succession.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [B] tendant à la condamnation de Mme [P], épouse [K], à lui verser la somme de 168 000 euros au titre de l'hébergement du défunt, le tribunal a relevé que Mme [B] n'invoquait aucun fondement juridique à l'appui d'une telle demande et que, si Mme [P], épouse [K], soulignait qu'une action en paiement de loyers au titre d'un contrat de bail était prescrite, un tel contrat, même verbal, n'était pas allégué. Par ailleurs, Mme [B] se bornait à alléguer l'existence d'un hébergement de M. [P] pendant 28 ans, sans en rapporter la preuve.

Mme [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 15 juin 2020.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 11 septembre 2020, elle sollicite l'infirmation du jugement déféré, la condamnation de Mme [P], épouse [K], au paiement d'une indemnité de 168 000 euros et que soit ordonnée la compensation entre cette somme et celle de 46 200 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée au bénéfice de Mme [P], épouse [K].

Elle sollicite la confirmation du jugement déféré pour le surplus et la condamnation de Mme [P], épouse [K], en tous les frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de sa demande, elle souligne tout d'abord que le concubinage entre elle-même et feu [S] [P], de 1977 jusqu'au décès de ce dernier, n'est pas contesté, Mme [P], épouse [K], ayant elle-même admis la réalité de cette vie commune.

Elle soutient qu'un concubinage stable sur une aussi longue période doit s'analyser en une société créée de fait et qu'elle est fondée à solliciter, comme en première instance, une indemnité d'occupation de 168 000 euros, représentant 500 euros par mois pendant 28 ans.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 11 décembre 2020, Mme [P], épouse [K], sollicite que l'appel soit déclaré non fondé et que les conclusions de l'appelante tendant à sa condamnation au paiement des dettes et des dépens de première instance soient déclarées irrecevables, en l'absence de conclusions d'infirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens.

Elle sollicite la confirmation du jugement déféré ainsi que le rejet des conclusions de l'appelante et, subsidiairement, que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation soit déclarée prescrite.

En tout état de cause, elle demande la condamnation de Mme [B] aux dépens de l'appel et à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le fond, elle fait valoir que, si l'appelante invoque l'existence d'une société de fait pour lui réclamer une indemnité d'occupation, elle ne précise pas le fondement de sa demande, alors que les éléments constitutifs d'une société créée de fait n'existent pas en l'espèce.

En effet, Mme [B] ne donne aucune indication quant à l'existence d'apports de chaque partie, d'un partage des bénéfices et des pertes ainsi que d'un affectio societatis que suppose toute société, et ce alors que, selon une jurisprudence constante, la seule cohabitation, même prolongée, entre concubins, et leur participation aux dépenses de la vie commune, ne caractérisent pas l'existence d'une société créée de fait.

L'appelante n'indique pas non plus en quoi la prétendue société de fait aurait généré pour M. [P] l'obligation au paiement d'une indemnité d'occupation que, de plus, elle ne lui a à l'évidence jamais réclamé lors de leur vie commune.

Très subsidiairement, elle invoque la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil, la procédure ayant été engagée en janvier 2016 alors que M. [P] est décédé le 11 mars 2006.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 05 octobre 2021.

MOTIFS

I ' Sur les demandes principales de Mme [J] [P], épouse [K],

Il convient de souligner que, si Mme [B] conclut à l'infirmation du jugement déféré, sans préciser qu'il s'agit d'une infirmation partielle, sa demande tendant à la condamnation de Mme [P], épouse [K], au paiement d'une indemnité de 168 000 euros et à ce que soit ordonnée la compensation entre cette somme et celle de 46 200 euros, au paiement de laquelle elle a été condamnée au bénéfice de Mme [P], épouse [K], ainsi que sa demande tendant à la confirmation du jugement déféré pour le surplus, démontre qu'elle ne remet pas en cause sa condamnation à payer à la succession la somme de 46 200 euros prononcée par le tribunal.

Par ailleurs, il doit être relevé que si, dans ce jugement, les motifs du rejet de la demande de Mme [R] [B] tendant à la condamnation de Mme [J] [P], épouse [K], à lui verser la somme de 168 000 euros au titre de l'hébergement du défunt pendant 28 ans, sont clairement explicités, leur développement s'achevant sur l'indication de ce que cette demande sera rejetée, le tribunal n'a pas statué sur ce chef dans le dispositif du dit jugement.

Il convient donc que la cour répare cette omission de statuer, en se prononçant sur l'appel de Mme [R] [B].

Cette demande de Mme [R] [B] est fondée exclusivement sur le moyen tiré de l'existence d'une société de fait ayant existé entre elle et le défunt, elle-même justifiée par l'existence d'un concubinage stable d'une longue durée, soit 28 ans.

Or, l'existence d'une société créée de fait entre concubins, en application de l'article 1832 du code civil, exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, soit l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et celle de participer aux bénéfices ou aux économies, ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter. Il s'agit d'éléments cumulatifs qui doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres.

La mise en commun d'intérêts inhérents au seul concubinage ne peut constituer ce projet commun, si bien que la seule cohabitation de deux personnes non mariées, qui ont vécu en tant que conjoints aux yeux des tiers, ne peut donner naissance, entre elles, à une telle société de fait.

C'est pourquoi, il n'est pas besoin de déterminer la durée du concubinage entre Mme [R] [B] et le père de Mme [J] [P], épouse [K], dans la mesure où la seule stabilité de ce concubinage sur une longue durée ne peut suffire à démontrer l'existence d'une société de fait entre eux. Or, l'appelante n'invoque aucun des éléments rappelés ci-dessus, constitutifs d'un telle société de fait. Il en résulte que cet appel n'est pas fondé et que le jugement déféré doit être complété en ce que la demande de Mme [R] [B] tendant à la condamnation de Mme [J] [P], épouse [K], au paiement d'une indemnité d'occupation de 168 000 € est rejetée.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

L'appel de Mme [R] [B] étant rejeté, cette dernière sera condamnée aux dépens de l'appel mais aussi à régler la somme de 2 000 euros à Mme [J] [P], épouse [K], au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a engagés en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à l'appelante les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés à l'occasion de la procédure d'appel et sa demande présentée contre l'intimée sur le même fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 25 mai 2020,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [R] [B] tendant à la condamnation de Mme [J] [P], épouse [K], au paiement d'une indemnité de 168 000 euros,

CONDAMNE Mme [R] [B] aux dépens d'appel,

CONDAMNE Mme [R] [B] à payer à Mme [J] [P], épouse [K], la somme de 2 000,00 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de Mme [B] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01557
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;20.01557 ?
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