La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2022 | FRANCE | N°20/01058

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 01 juillet 2022, 20/01058


MINUTE N° 305/2022





























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI



- Me Noémie BRUNNER



Le 01/07/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET Du 1er JUILLET 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/0105

8 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ6X



Décision déférée à la cour : 05 Février 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE et INTIMÉE sur incident :



Madame [N] [E] épouse [D]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la c...

MINUTE N° 305/2022

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

- Me Noémie BRUNNER

Le 01/07/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET Du 1er JUILLET 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01058 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ6X

Décision déférée à la cour : 05 Février 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et INTIMÉE sur incident :

Madame [N] [E] épouse [D]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

INTIMÉE et APPELANTE sur incident :

S.A. AFI ESCA prise en la personne de son représentant légal -

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour

APPELÉE EN GARANTIE et APPELANTE sur appel provoqué :

E.U.R.L. GRANFI prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 25 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 6 mars 2015 le Crédit foncier a procédé au rachat d'un prêt immobilier qu'avait souscrit Mme [N] [E], épouse [D] auprès du Crédit agricole. En garantie de ce prêt, Mme [D] a souscrit, par l'intermédiaire de l'Eurl Granfi, courtier, un contrat d'assurance 'Pérénim' auprès de la société Afi Esca garantissant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie, invalidité permanente totale et incapacité temporaire totale de travail, la souscription s'étant faite par voie électronique 'en ligne'.

Mme [D] a été placée en arrêt de travail, le 12 juin 2015, pour lombalgies et a subi une intervention chirurgicale début septembre 2015. Le 27 août 2015, elle a sollicité la mise en oeuvre de la garantie incapacité temporaire totale de travail. La société Afi Esca lui a opposé un refus de garantie.

Selon exploit du 15 septembre 2016, Mme [D] a fait citer la société Afi Esca devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir sa condamnation à prendre en charge les échéances du prêt d'octobre 2015 à septembre 2016.

Par assignation du 3 juillet 2017, la société Afi Esca a appelé en garantie l'Eurl Granfi.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 5 février 2020, le tribunal judiciaire a :

- débouté la société Afi Esca de sa demande d'annulation du contrat d'assurance souscrit le 2 mars 2015 ;

- débouté Mme [D] de sa demande de mise en jeu de la garantie incapacité temporaire totale ;

- déclaré sans objet l'appel en garantie formé par la société Afi Esca contre l'Eurl Granfi ;

- condamné Mme [D] aux dépens à l'exception des dépens de l'appel en garantie qui ont été laissés à la charge de la société Afi Esca ;

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

Le tribunal a considéré que la société Afi Esca, qui ne produisait pas le questionnaire de santé auquel avait répondu Mme [D], ne pouvait invoquer une fausse déclaration intentionnelle de la part de cette dernière ; que l'assureur ne démontrait pas de manquement de l'assurée dans la production des justificatifs exigés par les dispositions contractuelles ; que l'assureur était en revanche fondé à se prévaloir de la déchéance prévue au contrat en cas de refus de l'assurée de se soumettre à un examen médical.

Mme [D] a interjeté appel de ce jugement, le 6 mars 2020, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens, intimant uniquement la société Afi Esca.

La société Afi Esca a appelé en cause l'Eurl Granfi sur appel provoqué par acte signifié le 25 juin 2020.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er février 2021, Mme [D] demande à la cour d'infirmer le jugement sur les chefs critiqués, et statuant à nouveau de :

- condamner la société Afi Esca à lui payer l'ensemble des échéances du prêt d'octobre 2015 à septembre 2016, soit la somme totale de 13 971,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2015,

- condamner la société Afi Esca à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive,

- condamner la société Afi Esca à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Afi Esca et l'Eurl Granfi de leurs demandes dirigées contre elle et rejeter l'appel incident de la société Afi Esca.

Elle fait valoir que :

- la pathologie dont elle a souffert ne fait l'objet d'aucune exclusion de garantie,

- l'attitude de l'assureur qui a refusé sa garantie en multipliant les prétextes invoquant successivement l'absence de souscription d'un contrat, puis l'absence de fourniture de documents et enfin de fausses déclarations, alors qu'il a reconnu n'avoir jamais été en possession d'un questionnaire médical, est manifestement abusive, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral et désagréments subis

Elle reproche au tribunal d'avoir statué ultra petita, l'assureur n'ayant pas conclu au débouté de Mme [D] pour refus de se soumettre à un examen médical, ce qui est au demeurant inexact puisqu'elle a expressément accepté de se soumettre à un tel examen par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2016.

Elle soutient que la société Afi Esca ne peut solliciter l'annulation du contrat alors qu'elle est dans l'impossibilité de produire le questionnaire de santé rempli par l'assurée.

Par conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2021, la société Afi Esca demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à l'annulation du contrat d'assurance et en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau sur ces points, de constater la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle à la souscription du contrat, de prononcer la nullité du contrat, de débouter Mme [D] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de l'appel principal et à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de Mme [D] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

A titre encore plus subsidiaire, sur appel provoqué, elle demande la condamnation de l'Eurl Granfi à la garantir de toutes condamnations en principal, intérêts et frais et autres indemnités qui pourraient être prononcées

à son encontre, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que Mme [D] a rempli un questionnaire de santé dans lequel elle a déclaré n'avoir aucun antécédent, alors qu'elle souffrait de lombalgies depuis 2014, la preuve de cette fausse déclaration résultant du fait qu'elle a pu procéder, par l'intermédiaire de l'Eurl Granfi, à la souscription du contrat 'en ligne', une telle souscription étant réservée aux assurés n'ayant aucun antécédent à déclarer, ainsi que cela ressort d'une mention figurant en gras dans les conditions particulières du contrat, immédiatement suivie de la signature de Mme [D]. La société Afi Esca considère que Mme [D] exerçant la profession d'infirmière, cette fausse déclaration est intentionnelle. Subsidiairement, elle considère être fondée à refuser sa garantie en raison du refus de Mme [D] de répondre aux demandes réitérées et multiples de l'assureur de produire certains documents, à savoir le questionnaire médical rempli par son médecin traitant et les pièces justificatives, et de se soumettre à un examen médical, le tribunal n'ayant pas statué ultra petita à cet égard.

Très subsidiairement, elle demande la garantie de l'Eurl Granfi avec laquelle elle était liée par une convention de courtage imposant au courtier de constituer le dossier, de faire remplir la proposition d'assurance et le questionnaire de santé par l'assuré et de retourner les documents à l'assureur, ce qu'elle n'a pas fait puisqu'aucun document ne lui a été transmis, le dispositif de souscription en ligne conférant au courtier une délégation pour l'émission du contrat et l'acceptation du risque en l'absence d'antécédents.

Par conclusions transmises par voie électronique le 25 septembre 2020, l'Eurl Granfi conclut au rejet de l'appel principal et de l'appel en garantie et sur appel provoqué demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite, sur ce fondement, la condamnation de la société Afi Esca au paiement de la somme de 3 000 euros pour les frais exposés en première instance.

Elle demande la confirmation du jugement pour le surplus et à titre subsidiaire conclut au rejet de l'appel en garantie dirigé contre elle et à la condamnation de la société Afi Esca au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et de la somme de 2 000 euros sur même fondement pour les frais exposés en appel, outre les entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Me Borghi.

Elle conteste toute faute de sa part. Elle fait valoir qu'elle n'est pas le mandataire de l'assureur et que son rôle se limite à l'émission du contrat, précisant que lorsque la souscription est finalisée elle envoie tous les documents ainsi que les conditions générales et particulières signées à l'assureur, auquel elle ne peut se substituer pour accepter le contrat, sauf à violer l'article L.511-1 du code des assurances définissant l'activité de distribution d'assurance. Le courtier peut seulement transmettre une proposition d'assurance et dupliquer une simulation qui n'engage ni l'assureur ni l'assuré.

Elle conteste avoir omis de transmettre les documents à la société Afi Esca qui ne peut prétendre n'en avoir reçu aucun, alors qu'elle avait reconnu en première instance avoir reçu les conditions particulières et le contrat de prêt.

L'Eurl Granfi estime enfin qu'en tout état de cause, il n'y a aucun lien de causalité entre la prétendue faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué puisque la société Afi Esca a accepté de couvrir le risque alors qu'elle n'était pas en possession de tous les documents contractuels et notamment du questionnaire de santé.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat

Ainsi que l'a exactement rappelé le tribunal, conformément à l'article L.113-2, 2° du code des assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge, et il résulte des dispositions des articles L.112-3 et L.133-8 du même code que l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions ou si elles ont été faites par l'assuré de sa seule initiative.

Or en l'espèce, la société Afi Esca, qui reconnaît que Mme [D] a rempli un questionnaire de santé, est dans l'impossibilité de le produire, et par voie de conséquence, de démontrer à quelle question précise cette dernière aurait apporté une réponse inexacte. La seule production d'un 'questionnaire de santé simplifié' vierge, dont la date d'émission n'est pas précisée, est en effet insuffisante à cet égard, en l'absence de tout élément permettant d'affirmer qu'il s'agit bien du questionnaire qui a été soumis à Mme [D] à la date de souscription du contrat.

De même, la mention figurant en gras dans les conditions particulières selon laquelle 'l'assuré n'a déclaré aucun antécédent médical et a répondu Non à l'ensemble des questions concernant son état de santé (...)', est tout aussi inopérante et ne peut pallier l'absence de production du questionnaire de santé complété par l'appelante, dont la mauvaise foi n'est pas établie en l'absence de justification des questions précises qui lui ont été posées.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat.

Sur la mise en oeuvre des garanties du contrat

Mme [D] reproche au tribunal d'avoir statué ultra petita en prononçant une déchéance de garantie qui n'avait pas été sollicitée par la société Afi Esca, mais ne tire aucune conséquence juridique de cette argumentation puisqu'elle ne conclut pas à la nullité du jugement.

À hauteur de cour, la société Afi Esca fait valoir que les documents initialement transmis par Mme [D] ne correspondent nullement aux documents réclamés ensuite par l'assureur afin de finaliser l'instruction de son dossier.

Or la cour ne peut que constater, comme le tribunal, que le courrier de l'assureur du 25 septembre 2015 (pièce n°6 de l'intimée et 10 de l'appelante) par lequel la société Afi Esca demandait que lui soient adressés, dans les meilleurs délais, les documents cochés dans 'les listes jointes au dos des présentes', ne comporte aucune liste à son verso ; que les pièces visées à l'article 13.3 des conditions générales comme devant être remises par l'assuré au médecin conseil en cas d'incapacité temporaire totale ont été transmises, le questionnaire médical 'lombalgies-dorsalgies'dont le médecin conseil demandait qu'il soit complété par le médecin traitant de l'appelante ne figurant pas au nombre desdites pièces, au vu desquelles, selon le contrat, le médecin conseil de l'assureur devait statuer sur l'état d'incapacité temporaire totale (article 13.3 in fine).

Le tribunal a donc exactement retenu qu'aucun manquement de Mme [D] à ses obligations contractuelles n'était caractérisé.

En revanche, c'est à tort que le tribunal a considéré que la société Afi Esca pouvait, pour refuser sa garantie, se prévaloir du refus de Mme [D] de se soumettre à un examen médical tel que prévu à l'article 14 du contrat, alors que Mme [D] a répondu, le 1er septembre 2016 à cette demande qui avait été adressée par courrier du 6 juillet 2016 à son conseil, puis le 9 août 2016, en copie, à elle-même, qu'elle acceptait d'être vue par le médecin conseil, réitérant toutefois la demande for mulée précédemment à plusieurs reprises de communication du questionnaire de santé complété lors de la souscription du contrat, le fait pour Mme [D] d'assigner concomitamment la société Afi Esca en paiement des échéances de l'emprunt ne pouvant être considéré comme manifestant une volonté de faire obstacle à l'expertise proposée dont elle avait expressément accepté le principe dans le courrier précité et que l'assureur n'a pas mise en oeuvre.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a débouté Mme [D] de ses demandes, auxquelles il convient de faire droit, la société Afi Esca ne contestant pas les montants mis en compte par l'appelante qui tiennent compte de la franchise contractuelle de 90 jours. Il sera donc alloué à Mme [D] la somme de 13 971,12 euros correspondant aux échéances du prêt d'octobre 2015 à septembre 2016, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation qui vaut mise en demeure.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La cour constate que :

- suite à la demande de prise en charge qui lui a été adressée le 27 août 2015 par Mme [D], la société Afi Esca lui a tout d'abord, le 2 septembre 2015, opposé un refus de garantie au motif que sa 'demande d'admission à l'assurance avait été classée sans suite',

- le 25 septembre 2015, après réception des éléments communiqués par Mme [D], l'assureur lui a demandé de fournir des documents complémentaires dont la nature n'était pas précisée ainsi que cela a été évoqué ci-dessus,

- le 29 décembre 2015, la société Afi Esca, qui avait été mise en demeure par l'appelante d'effectuer au plus vite les remboursements qui lui étaient dus, répondait être dans l'attente d'un justificatif réclamé à l'Eurl Granfi sans lequel l'instruction du sinistre ne pouvait débuter,

- le 12 janvier 2016 le médecin conseil adressait à Mme [D] le questionnaire médical 'lombalgies-dorsalgies' ci-dessus évoqué,

- en juin et juillet 2016 la société Afi Esca invoquait l'absence de précisions quant aux antécédents médicaux de Mme [D] et sur la pathologie entraînant l'arrêt de travail, alors même que Mme [D] lui réclamait avec insistance la copie du questionnaire médical qu'elle avait rempli le jour de la souscription du contrat.

Il s'évince de cette chronologie que la société Afi Esca, qui manifestement ne disposait pas d'un dossier complet, après avoir vainement prétendu ne pas être l'assureur de Mme [D], lui a successivement reproché différents manquements, et en dernier lieu de fausses déclarations, alors même qu'elle savait pertinemment ne pouvoir en justifier puisqu'elle n'était pas en possession du questionnaire de santé rempli par l'assurée lors de la conclusion du contrat.

La société Afi Esca a ainsi fait preuve d'une résistance abusive en tentant de faire supporter à son assurée les conséquences de sa propres négligence dans la gestion du dossier, ce qui a causé un préjudice à la fois moral et matériel à Mme [D] qui a dû multiplier les démarches pour obtenir la garantie de l'assureur, et justifie l'octroi d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'appel en garantie de la société Afi Esca contre l'Eurl Granfi

Bien que la société Afi Esca ne demande pas explicitement la réformation du jugement en ce qu'il a déclaré l'appel en garantie sans objet, la cour est néanmoins valablement saisie de l'appel en garantie formé à titre subsidiaire par la société Afi Esca, s'agissant d'un appel antérieur au 17 septembre 2020.

La société Afi Esca et l'Eurl Granfi sont liées par une convention de courtage aux termes de laquelle la première autorise la seconde à commercialiser certains de ses contrats auprès de sa clientèle, l'article 2 de la convention précisant que 'le courtier dispose de toute sa liberté sociale et de l'indépendance de sa gestion, exclusive de tout lien de subordination ou représentation sous quelque forme que ce soit de la part de la Compagnie'.

L'article 8-1 du contrat intitulé 'moyens de transmission' impose au courtier de respecter les procédures mises en place par la compagnie pour la transmission des documents relatifs aux propositions d'assurance, aux bulletins de souscription ..., et l'article 8-2 intitulé 'gestion des contrats' indique que le courtier transmet à la compagnie les propositions d'assurances et/ou les bulletins d'adhésion accompagnés de la première cotisation ou d'une autorisation de prélèvement dûment complétée et signée (...).

La société Afi Esca reproche à l'Eurl Granfi de ne pas lui avoir transmis les documents concernant le contrat souscrit par Mme [D] et notamment le questionnaire de santé.

L'Eurl Granfi conteste toute omission de sa part mais ne rapporte pas la preuve de la transmission effective de l'ensemble des pièces devant être fournies en originaux à la compagnie sous 14 jours, ainsi que le mentionne la dernière copie d'écran de la procédure de souscription en ligne. Elle ne peut utilement se prévaloir du fait que l'assureur soit en possession des conditions particulières et du contrat de prêt souscrit par Mme [D], pièces dont la société Afi Esca prétend qu'elles sont en sa possession pour avoir été communiquées en première instance par Mme [D].

Il ressort en outre de courriers adressés par la société Afi Esca à l'Eurl Granfi, les 13 et 28 mai 2015, qu'elle lui a réclamé la proposition d'assurance dûment complétée, datée et signée, la photocopie recto verso de la carte nationale d'identité de l'assurée, le tableau d'amortissement ou le justificatif bancaire reprenant les caractéristiques du prêt, l'original du questionnaire médical et le mandat de prélèvement SEPA dûment complété.

Or par courriers des 28 septembre et 18 novembre 2015, la compagnie d'assurance ne sollicitait plus, pour instruire le dossier, que la communication du questionnaire médical, ce qui implique nécessairement la réception des autres documents.

En l'état de ces constatations, il n'est pas démontré que l'Eurl Granfi aurait satisfait à son obligation de transmission du questionnaire médical.

Néanmoins, l'Eurl Granfi conteste à juste titre le lien de causalité entre sa faute et le préjudice allégué par la compagnie d'assurance consistant à devoir prendre en charge les échéances du prêt de Mme [D], dès lors que la société Afi Esca a émis le contrat sans être en possession du questionnaire médical.

Les conditions particulière du contrat ont en effet été émises par la société Afi Esca et signées par elle, et contrairement à ce qu'elle soutient, il ne résulte d'aucune des dispositions de la convention de courtage ou du dispositif de souscription en ligne que le courtier disposerait d'une délégation de la compagnie pour accepter le risque en l'absence d'antécédents.

L'article 8-2 de la convention intitulé 'gestion des contrats' indique au contraire très clairement que 'le COURTIER n'est pas le mandataire de la COMPAGNIE qu'il ne peut signer pour le compte de la COMPAGNIE ni dispositions particulières ou certificat d'adhésion ni avenant ni quittance (...)'.

Ce même article stipule en outre que 'la COMPAGNIE retourne au courtier les dispositions particulières et ou certificats d'adhésion dès émission'.

La société Afi Esca ayant accepté le contrat et perçu les primes correspondantes sans être en possession du questionnaire médical, a par conséquent accepté le risque de voir sa garantie mobilisée, et ne peut faire peser sur le courtier, les conséquences de sa négligence, qui est seule à l'origine de son préjudice, quand bien même l'article 4 de la 'charte d'utilisation du service souscription en ligne' prévoit-il que 'le courtier utilisateur sera considéré comme responsable de toutes les conséquences d'une

mauvaise utilisation du service et notamment de l'émission d'un contrat pour lequel les documents originaux ne sont pas transmis ou incomplètement transmis à la compagnie', cette disposition ne pouvant décharger la compagnie d'assurance de l'obligation de vigilance dont elle doit faire preuve lors de l'émission du contrat.

L'appel en garantie de la société Afi Esca sera donc rejeté.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. La société Afi Esca supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera alloué à Mme [D], sur ce fondement, une somme de 3 000 euros et à l'Eurl Granfi une somme de 1 5000 euros au titre des frais exposés en première instance et la même somme au titre des frais exclus des dépens exposés en appel.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la distraction des dépens au profit de Me Borghi, cette disposition n'étant pas applicable en droit local d'Alsace-Moselle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 5 février 2020, sauf en ce qu'il a débouté la société Afi Esca de sa demande d'annulation du contrat d'assurance souscrit le 2 mars 2015 et le CONFIRME de ce seul chef ;

Statuant à nouveau, pour le surplus et ajoutant au jugement,

CONDAMNE la SA Afi Esca à payer à Mme [N] [E], épouse [D] la somme de 13 971,12 euros au titre des échéances du prêt d'octobre 2015 à septembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 septembre 2016 ;

CONDAMNE la SA Afi Esca à payer à Mme [N] [E], épouse [D] la somme 1 500 euros (mille cinq cents) euros à titre de dommages et intérêts ;

DEBOUTE la SA Afi Esca de son appel en garantie contre l'Eurl Granfi et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Afi Esca à payer à Mme [N] [E], épouse [D] la somme de 3 000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Afi Esca à payer à l'Eurl Granfi la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance et la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la SA Afi Esca aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu d'ordonner la distraction des dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01058
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;20.01058 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award