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30/06/2022 | FRANCE | N°19/02373

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 juin 2022, 19/02373


MINUTE N° 302/2022





























Copie exécutoire à





- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Valérie SPIESER



- Me Laurence FRICK





Le 30/06/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 30 juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/023

73 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HC4Z



Décision déférée à la cour : 05 Avril 2019 par le Tribunal de grande instance de SAVERNE



APPELANTS sous le n° 19/2373, INTIMÉS sous le n° 19/2727 et INTIMÉS sur appel incident :



Monsieur [Y] [I]

Madame [W] [F] épouse [I]

Madame [L] [D]...

MINUTE N° 302/2022

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Valérie SPIESER

- Me Laurence FRICK

Le 30/06/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/02373 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HC4Z

Décision déférée à la cour : 05 Avril 2019 par le Tribunal de grande instance de SAVERNE

APPELANTS sous le n° 19/2373, INTIMÉS sous le n° 19/2727 et INTIMÉS sur appel incident :

Monsieur [Y] [I]

Madame [W] [F] épouse [I]

Madame [L] [D] épouse [F]

demeurant tous les trois [Adresse 3]

représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

La S.E.L.A.R.L. JENNER & ASSOCIES, liquidateur de M. [Y] [I],

ayant siège social [Adresse 4]

non représentée, régulièrement assignée à domicile le 2 février 2021.

INTIMÉS sous les n° 19/2373 et 19/2727 et APPELANTS sur appels incident et provoqué :

Monsieur [P] [A]

Madame [T] [N] épouse [A]

demeurant tous les deux [Adresse 1]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTERVENANT VOLONTAIRE, intimé sur appel provoqué et appelant sur incident :

Monsieur [Z] [K]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurence FRICK, avocat à la cour

APPELANTS sous le n° 19/2727 et INTIMÉS sous le n° 19/2373 :

La SARLU SOCIETE SELEST PAYSAGES, représentée par son gérant,

dont le siège social était [Adresse 2]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour

Maître [M] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARLU SELEST PAYSAGES,

exerçant [Adresse 4]

non représenté, régulièrement assigné à domicile le 3 juillet 2020.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET rendu par défaut

- prononcé publiquement après prorogation du 17 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Selon acte du 8 décembre 2014, les époux [A] ont acquis des époux [I] et de Mme [D], épouse [F] une maison d'habitation sise [Adresse 1], édifiée en 2008.

En juin 2009, la société Selest paysages avait réalisé des travaux d'aménagement extérieurs incluant la réalisation des abords d'une piscine et d'une terrasse au-dessus de la cave de l'immeuble.

La société Selest paysages a été placée en redressement judiciaire par jugement du 19 septembre 2011. Un plan d'apurement du passif a été adopté le 3 septembre 2012.

Le 14 juin 2015, les époux [A] lui ont signalé des traces d'infiltration dans le soubassement de leur maison, dans la cave et le garage. La société Selest paysages s'est engagée à reprendre les travaux d'étanchéité au droit de la terrasse, mais les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur la nature des travaux à réaliser.

Par ordonnance du 7 décembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saverne a ordonné, à la requête des époux [A], une expertise confiée à M. [H] qui a déposé son rapport définitif le 11 octobre 2016.

Par exploits des 24 et 25 octobre 2016, les époux [A] ont fait citer la société Selest paysages, ainsi que son gérant M. [K], les époux [I] et Mme [D] devant le tribunal de grande instance de Saverne en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés contre les vendeurs, et de la responsabilité décennale, subsidiairement contractuelle, contre la société Selest paysages et M. [K].

Par jugement du 5 avril 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- débouté les époux [A] de leur demande sur le fondement de la garantie décennale, et de dommages et intérêts pour défaut de souscription d'une assurance décennale, la faute n'étant pas en lien avec le dommage,

- dit que la cession du domicile sis [Adresse 1] est emprunte (sic) de vices cachés s'agissant de l'étanchéité de la terrasse, affectant aussi le garage, dont les époux [I] et Mme [D] connaissaient l'existence avant la vente,

- dit que la société Selest paysages a commis une inexécution contractuelle s'agissant de l'étanchéité de la terrasse et du garage,

- débouté les époux [I] et Mme [D] de leur appel en garantie contre la société Selest paysages et M. [K],

- déclaré opposable à la société Selest paysages la créance des époux [A] en ce qu'elle est postérieure à la procédure collective dont a fait l'objet la société,

- condamné en conséquence in solidum les époux [I], Mme [D] et la société Selest paysages à payer aux époux [A] la somme de 49 720,11 euros TTC au titre de leur préjudice matériel, outre intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2016, avec capitalisation,

- condamné les mêmes au paiement de la somme de 4 972,01 euros au titre des frais de maîtrise d'oeuvre,

- débouté les époux [A] de leur demande au titre de leur préjudice de jouissance,

- condamné in solidum les époux [I] et Mme [D] et la société Selest paysages aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 800 euros.

Le tribunal a retenu que :

- la créance des époux [A] était née le jour où ils ont eu connaissance du désordre, soit le 8 décembre 2014, de sorte que la créance étant postérieure à l'adoption du plan de redressement de la société Selest paysages, aucune forclusion pour défaut de déclaration de créance n'était encourue ;

- les dommages qui étaient ponctuels ne rendaient pas le bien impropre à sa destination ;

- la faute commise par M. [K], gérant de la société Selest paysages, détachable de ses fonctions, consistant à ne pas avoir souscrit d'assurance de responsabilité décennale, était dépourvue de lien de causalité avec le dommage ;

- le vice, qui était avéré, était antérieur à la vente - traces de coulures anciennes -, ces traces discrètes n'étant toutefois pas suffisantes pour considérer que le vice était apparent au moment de la vente pour un acquéreur profane ;

- les vendeurs qui avaient nécessairement connaissance du vice ne pouvaient se prévaloir de la clause de non-garantie, alors surtout que les époux [I] étaient des professionnels de l'immobilier ;

- la société Selest paysages engageait sa responsabilité contractuelle à raison de ses manquements aux règles de l'art ;

- le préjudice matériel devait être réparé sur la base de l'évaluation de l'expert, mais la preuve d'un préjudice de jouissance n'était pas rapportée.

Les époux [I] et Mme [D] ont interjeté appel de ce jugement, le 22 mai 2019, en toutes ses dispositions les concernant - procédure RG19/02373 -, intimant toutes les parties.

La société Selest paysages a interjeté appel de ce jugement, le 13 juin 2019, en toutes ses dispositions la concernant - procédure RG19/02727 -, intimant les époux [A] et les consorts [I]-[D]. Les époux [A] ont formé appel provoqué contre M. [Z] [K] qui est intervenu volontairement.

La société Selest paysages a été placée en liquidation judiciaire le 4 mai 2020. Les époux [A] ont déclaré leur créance et appelé en cause le liquidateur, Me [M] [J], par acte du 3 juillet 2020, signifié à domicile. Me [J] a indiqué ne pas intervenir.

Par ordonnance du 3 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption des deux instances suite à la liquidation judiciaire des époux [I] et de Mme [D] épouse [F] prononcée par trois jugements du 12 juin 2020.

La SELARL Jenner et associés, prise en la personne de Me [B] [U], a été assignée en qualité de liquidateur de M. [I], selon exploit du 2 février 2021 signifié à domicile.

Me [U] a informé la cour du fait que les procédures collectives concernant chacun des époux [I] avaient été clôturées pour insuffisance d'actif le 11 décembre 2020, de même que celle concernant Mme [D]-[F], le 8 janvier 2021.

Les procédures RG19/02373 et procédure RG19/02727 ont été jointes le 6 juillet 2021.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2020, la société Selest paysages demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il prononce des condamnations contre elle, et statuant à nouveau de :

- constater que la créance des consorts [A] est inopposable à la société Selest paysages en raison de l'absence de déclaration de la créance de garantie à la procédure collective ;

- débouter les consorts [A] de l'intégralité de leurs fins et conclusions à l'encontre de la société Selest paysages,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les demandes des consorts [A] sont irrecevables car elles sont prescrites, respectivement car ils n'ont pas la qualité ni l'intérêt à agir, en cas d'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a dit que la vente était atteinte d'un vice caché ;

En tout état de cause :

- débouter les consorts [A] de l'intégralité de leurs fins et conclusions à l'encontre de la société Selest paysages,

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter les consorts [A] de l'intégralité de leurs fins et conclusions à l'encontre de la société Selest paysages et de leur appel incident.

Elle soutient que la créance qui n'a pas été déclarée dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet le 19 septembre 2011 lui est inopposable, la date du contrat ou la date d'exécution du contrat devant être prise en compte pour la détermination du caractère antérieur de la créance et non pas la date d'apparition des dommages, comme l'a retenu à tort le tribunal, et l'article L.622-26 du code de commerce prévoyant que les créances non déclarées régulièrement dans les délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

Subsidiairement, elle considère que le dommage ne relève pas de la garantie décennale et que la demande qu'elle soit fondée sur la garantie biennale ou la garantie de parfait achèvement est prescrite. Par ailleurs, si la cour devait considérer qu'il n'y pas de vice caché, les époux [A] n'auraient ni qualité ni intérêt à agir puisqu'il résulte de l'acte de vente qu'ils ont pris l'immeuble en l'état. Elle conteste enfin toute faute de sa part.

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2021, (dans les deux dossiers) M. [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 5 avril 2019 en ce qu'il a :

* débouté Madame [T] [N] épouse [A] et Monsieur [P]

[A] de leurs demandes fondées sur la garantie décennale ;

* en conséquence, débouté Madame [T] [N] épouse [A] et Monsieur [P] [A] de leurs demandes de condamnation de Monsieur [K] pour défaut de souscription d'un contrat d'assurance en matière de garantie décennale, dès lors que la faute n'est pas en lien avec les dommages ;

- débouté Madame [W] [I], Monsieur [Y] [I] et Madame [L] [D] de leur appel en garantie de Monsieur [Z] [K].

Par conséquent,

Sur l'appel provoqué des consorts [A] contre Monsieur [K] :

- rejeter l'appel provoqué ;

- dire et juger que les demandes des consorts [A] à l'encontre de Monsieur [K] sont irrecevables car elles sont prescrites ;

- dire et juger que les demandes des consorts [A] à l'encontre de Monsieur [K] sont irrecevables car il n'existe aucun lien de causalité entre la faute alléguée et leur préjudice ;

- débouter les consorts [A] de l'intégralité de leurs fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [K] ;

Sur l'appel incident des consorts [I]-[D] :

- rejeter l'appel incident ;

- débouter les époux [I]-[D] et Madame [D] de leur demande en garantie à l'encontre de Monsieur [K] ;

- débouter les consorts [I] [D] de l'intégralité de leurs fins, moyens et conclusions à l'encontre de Monsieur [K] ;

En tout état de cause

- condamner in solidum Monsieur [P] [A] et Madame [T] [A] à payer à Monsieur [Z] (sic) de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de Procédure civile et aux entiers frais et dépens de la procédure.

M. [K] fait valoir que les travaux ont été réalisés alors qu'il venait de débuter son activité, et qu'ayant été mal conseillé par son assureur, il pensait être assuré.

Il soutient que la demande en tant que dirigée contre lui est prescrite en application de l'article L.223-23 du code de commerce, le délai de prescription de trois ans ayant commencé à courir à la date du fait dommageable, soit à compter de l'ouverture du chantier en 2009, la vente ne pouvant conférer plus de droits aux époux [A] qu'à leurs vendeurs dont ils exercent les droits et actions. Il indique n'avoir jamais dissimulé l'absence d'assurance.

Il soutient que l'action est également irrecevable pour défaut de lien de causalité car les désordres ne sont pas de nature décennale, s'agissant d'infiltrations ponctuelles dans le garage, aucun risque de chute n'étant par ailleurs avéré s'agissant du dallage.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 2 octobre 2021, les époux [I] et Mme [D] demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la vente est « emprunte de vices cachés s'agissant de l'étanchéité de la terrasse affectant aussi le garage» dont les vendeurs avaient connaissance avant la vente,

- débouté les concluants de leur appel en garantie dirigé contre la société Selest Paysages et Monsieur [K],

- condamné les concluants in solidum avec la société Selest Paysages à payer aux consorts [A] 49 720,11 euros au titre de leur préjudice matériel, avec les intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2016, capitalisés,

- condamné les concluants in solidum avec la société Selest Paysages à payer aux consorts [A] 4 972,01 euros au titre des frais de maîtrise d'oeuvre,

- condamné les concluants in solidum avec la société Selest Paysages aux dépens,

- débouté les concluants de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les concluants in solidum avec la société Selest Paysages à payer aux consorts [A] 1 800 euros au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, et tenant compte de l'évolution du litige en suite de l'ouverture de procédures de liquidation judiciaire à l'encontre de M. et Mme [I] ainsi que de Mme [D] puis de leur clôture pour insuffisance d'actif,

Vu l'article L. 643-1 du code de commerce (sic),

- dire que M. [P] [A] et Mme [T] [A] n'ont pas conclu en suite de la clôture des procédures de liquidation judiciaire et ne justifient pas en tout état de cause avoir recouvré leurs droits de poursuite individuelle à l'égard de M. et Mme [I] ainsi que de Mme [D],

- dire irrecevables sinon mal fondés et en conséquence, débouter M. [P] [A] et Mme [T] [A] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et moyens en tant que dirigés contre M. et Mme [I] et Mme [D],

- les condamner à payer à M. et Mme [I] et à Mme [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

Subsidiairement, sur appel en garantie,

- dire que la société Selest Paysages, représentée par son liquidateur Me [J], et M. [Z] [K], son gérant, doivent conjointement et solidairement garantir M. et Mme [I] ainsi que Mme [D] de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre au profit des consorts [A] et ce en principal, intérêts, dommages-intérêts, article 700 du code de procédure civile et frais,

- condamner M [Z] [K] à supporter ces condamnations et fixer la créance des consorts [I] et de Mme [D] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Selest Paysages,

- dire que la SARL Selest Paysages sera conjointement et solidairement tenue avec Monsieur [K] aux frais et dépens de première instance et d'appel en ce inclus les frais d'expertise ainsi que de la somme de 3 000 euros envers M. et Mme [I] et Mme [D] et, en ce qui concerne la société Selest paysages,

- fixer la créance de ces derniers,

- les débouter de toutes conclusions contraires ainsi que de leurs fins, moyens et prétentions dirigés contre M. et Mme [I] et Mme [D],

Sur l'appel de la société Selest Paysages :

- constater et dire que la société Selest Paysages, respectivement son liquidateur, ne maintiennent pas l'appel, sinon, les dire irrecevables en leurs prétentions et les en débouter en tant qu'elles sont dirigées directement ou indirectement contre M. et Mme [I] ainsi que Mme [D] ou tendent à laisser à leur charge le montant des condamnations prononcées par le premier juge,

Sur l'appel incident de Monsieur et Madame [A] :

- le dire irrecevable en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme [I] ainsi que Mme [D] et tend à voir fixer des créances dans des procédures collectives clôturées sinon à mettre à leur charge le montant des condamnations prononcées par le premier juge ou de montants complémentaires sans justifier avoir recouvré leur droit de poursuite individuelle,

Subsidiairement, dire l'appel incident mal fondé,

- débouter Monsieur et Madame [A] de l'intégralité de leurs prétentions,

- les condamner aux frais de l'appel incident.

Les époux [I] et Mme [D] font valoir, pour l'essentiel, que les procédures de liquidation judiciaire les concernant sont clôturées pour insuffisance d'actif, ce dont ne tiennent pas compte les époux [A] qui ne justifient pas avoir recouvré leur droit de poursuite individuelle, de sorte que leurs conclusions seraient irrecevables.

Au fond, ils font valoir que les vices étaient apparents puisque l'expert a relevé des traces d'infiltrations anciennes, et forment, subsidiairement, un appel en garantie contre la société Selest paysages sur le fondement de la responsabilité décennale, subsidiairement contractuelle.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 29 janvier 2021, signifiées le 2 février 2021 à domicile à Me [U], en qualité de liquidateur de M. [I], les époux [A] ont repris l'instance dans les deux dossiers et demandé à la cour de :

- déclarer les appels principaux, incidents et provoqués de la société Selest paysages et des époux [I] et de Mme [D] non repris par les liquidateurs irrecevables et mal fondés et pour le surplus irrecevables et mal fondés,

- rejeter les demandes dirigées contre eux,

- juger les époux [I] et Mme [D], la société Selest paysages et M. [K] responsables in solidum des désordres,

- confirmer le jugement en ce qu'ils les a condamnés in solidum sauf à fixer leur créance au passif,

- réformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance et a mis hors de cause M. [K],

- fixer leur créance au passif des liquidations judiciaires des époux [I] et de Mme [D], ainsi que de la société Selest paysages au titre de leur préjudice de moral et de jouissance à 20 000 euros,

- condamner M. [K] au paiement des sommes de 49 720,11 euros et de 4  972,01 euros,

- débouter la société Selest paysages, les époux [I] et Mme [D] ainsi que M. [K] de toutes leurs demandes, prétentions, fins et moyens, et les condamner aux entiers dépens.

Les époux [A] invoquent des désordres consistant en un ruissellement d'eau au sous-sol en cas de fortes pluie, et des dégradations des dalles de la terrasse et de la plage de la piscine trouvant leur origine, selon l'expert judiciaire, dans de nombreux défauts de mise en oeuvre imputables à la société Selest paysages.

Ils fondent leurs demandes contre les vendeurs sur la responsabilité décennale, considérant qu'il y a bien impropriété à la destination en raison d'un risque pour la sécurité des personnes - risque de chute du fait du décollement des marches d'accès à la plage de la piscine - ; subsidiairement, la garantie des vices cachés, les désordres concernant des travaux que les vendeurs, maîtres de l'ouvrage, s'étaient réservés dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle, les traces de coulures et les auréoles qui apparaissent et disparaissent au gré des intempéries n'étant pas visibles pour un acquéreur profane mais nécessairement connues des vendeurs qui sont en outre des professionnels de l'immobilier ; plus subsidiairement, la responsabilité contractuelle des vendeurs pour défaut de délivrance conforme, l'ouvrage n'étant pas exempt de vices.

Au soutien de leurs demandes dirigées contre la société Selest paysages, les époux [A] invoquent la responsabilité contractuelle de la société Selest paysages pour manquement aux règles de l'art, ainsi que la faute de M. [K] qui n'ayant pas souscrit d'assurance de responsabilité décennale engage également sa responsabilité personnelle au titre des désordres qui étant de nature décennale auraient été pris en charge par l'assureur.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOTIFS

La Selarl Jenner et associés et Me [J] ayant été régulièrement assignés à domicile, en qualité de liquidateurs judiciaires respectivement de M. [I] et de la société Selest paysages, il sera statué par défaut.

Les appels principaux, incidents et provoqués respectivement formés par la société Selest paysages et les consorts [I]-[D] alors qu'ils étaient in bonis sont recevables, nonobstant l'absence de reprise des conclusions par les mandataires judiciaires.

Sur la demande des époux [A] dirigées contre les consorts [I]-[D]

Par trois jugements du 12 juin 2020, le tribunal judiciaire de Saverne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard respectivement de M. [Y] [I], de Mme [W] [F], épouse [I] et de Mme [L] [D], épouse [F].

Ces trois procédures ont été clôturées pour insuffisance d'actif, le 11 décembre 2021 pour les époux [I] et le 8 janvier 2021pour Mme [D].

Ainsi que le relèvent les consorts [I]-[D], conformément à l'article L.643-11 I du code de commerce, dans sa version applicable au jour du jugement d'ouverture, le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf dans les cas visés par ce texte.

Les époux [A] dont l'action tend au paiement d'une créance antérieure à l'ouverture des procédures de liquidation judiciaire ayant concerné chacun des consorts [I]-[D], ne démontrant pas qu'ils se trouvent dans l'un des cas visés par ce texte leur permettant de recouvrer leur droit de poursuite individuelle contre leurs débiteurs, il convient par voie de conséquence, de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations contre les consorts [I]-[D] et de déclarer les demandes des époux [A] irrecevables.

Sur la demande des époux [A] dirigées contre la société Selest paysages représentée par son liquidateur

La société Selest paysages étant en liquidation judiciaire, la demande ne peut tendre qu'à la fixation de la créance des époux [A] au passif de la société.

Si Me [J] régulièrement appelé en cause, n'a pas constitué avocat, ni repris à son compte les conclusions déposées pour le compte de la société Selest paysages, la cour reste néanmoins saisie des moyens que celle-ci avait soulevé à l'appui de l'appel qu'elle avait régulièrement interjeté alors qu'elle était à nouveau in bonis.

À cet égard, la société Selest paysages fait valoir que la créance des époux [A] trouvant son origine dans des prestations effectuées avant le jugement

d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont elle a fait l'objet le 19 septembre 2011, aurait dû faire l'objet d'une déclaration de créance conformément à l'article L.622-24 du code de commerce.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la détermination du caractère antérieur ou postérieur d'une créance née de l'exécution incomplète ou défectueuse de travaux ne dépend pas de la date d'apparition des malfaçons, mais de la date à laquelle ont été effectuées les prestations défectueuses, le délai pour agir en relevé de forclusion étant prorogé dans le cas où le créancier a été dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois courant à compter du jugement d'ouverture.

La créance des époux [A] étant née de l'exécution défectueuse des prestations réalisées par la société Selest paysages en juin 2009, antérieurement à l'ouverture de la première procédure collective dont elle a fait l'objet en septembre 2011, devait donc être déclarée au passif de la société.

Selon l'article L.622-26, alinéa 2 du code de commerce dans sa version en vigueur au jour du jugement d'ouverture, ce texte étant applicable au redressement judiciaire conformément à l'article L.631-14 du même code, les créances non déclarées régulièrement dans les délais prévus à l'article L.622-24 sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.

Il n'est pas discuté que le plan de redressement dont a bénéficié la société Selest paysages, qui est arrivé à son terme en 2018, a été respecté. Par voie de conséquence, la créance des époux [A] est inopposable à la société Selest paysages, nonobstant l'ouverture d'une nouvelle procédure collective, l'exécution du plan ne faisant pas recouvrer aux créanciers de la première procédure dont la créance n'a pas été déclarée leur droit de poursuite individuelle.

Le jugement entrepris devra donc être infirmé sur ce point et les demandes dirigées contre la société rejetées.

Sur la demande dirigée contre M. [K]

Il n'est pas contesté que M. [K], gérant et associé unique de la société Selest paysages n'avait pas souscrit d'assurance de responsabilité décennale.

La responsabilité du gérant d'une société à responsabilité limitée peut être recherchée par les tiers en cas de faute séparable des fonctions qui lui soit imputable personnellement, tel est notamment le cas du dirigeant d'une société qui laisse débuter les travaux alors que la société n'est pas couverte par une assurance garantissant la responsabilité obligatoire des constructeurs.

Conformément à l'article L.223-23 du code de commerce, l'action en responsabilité se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé de sa révélation. En l'espèce, il n'est pas démontré que les consorts [I]-[D], respectivement les époux [A] aient eu connaissance du fait que l'activité de la société Selest paysages n'était pas couverte par une assurance de responsabilité décennale, M. [K] ayant au contraire adressé un courriel aux époux [A], le 14 septembre 2015, dans lequel il s'engageait à refaire les travaux d'étanchéité au niveau du dallage qui se trouve au-dessus du garage 'dans le cadre de l'assurance décennale', cette mention étant de nature à les induire en erreur, quand bien même M. [K] aurait-il cru de bonne foi, à cette date, être couvert par la police d'assurance qu'il avait souscrite, comme il le prétend. Le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé non pas au jour de la conclusion du contrat, mais au jour où les époux [A] ont su que la société Selest paysages n'était pas couverte par une telle assurance, soit en septembre 2015 lorsque leur mise en demeure d'avoir à produire une attestation d'assurance est restée vaine, sans que M. [K] puisse leur opposer le défaut de vigilance des vendeurs qui se seraient abstenus de solliciter la production d'une attestation d'assurance au moment de la conclusion du contrat.

La demande engagée par assignation du 24 octobre 2016 n'est donc pas prescrite.

La faute commise par M. [K] est avérée. Il appartient toutefois aux époux [A] de démontrer que, du fait de cette faute, ils ont été privés de la possibilité de bénéficier de la garantie d'un assurance de responsabilité décennale, et notamment du caractère décennal des désordres qui est discuté.

A cet égard, force est en effet de constater que si l'expert a relevé des auréoles et traces d'infiltrations ainsi que des coulures dans le garage situé sous l'une des terrasses témoignant d'entrées d'eau par le plafond et les murs, il ne résulte toutefois pas de ces constatations que le garage, qui n'est pas une pièce de vie, soit rendu impropre à sa destination, les infiltrations ne se produisant qu'en cas de fortes précipitations et se manifestant par des traces d'humidité au plafond et sur les murs, les époux [A] ne démontrant 'les ruissellements d'eau' qu'ils allèguent.

De la même manière s'agissant de la terrasse Ouest, si l'expert a relevé que 'le décollement des marches, en accès à la plage de la piscine, anticipe des désordres à venir de l'ensemble des dallettes dont les joints dès à présent se fissurent, et se frangent d'efflorescences en raison de l'eau emprisonnée, à l'origine de la détérioration de la chape et de la colle', il n'a pas pour autant mis en évidence un risque avéré pour la sécurité des personnes rendant l'ouvrage impropre à sa destination, seule une dallette étant décollée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a considéré qu'en l'absence de preuve d'un dommage de nature décennale, la garantie de l'assureur n'était pas susceptible d'être recherchée et par voie de conséquence, a rejeté la demande pour absence de lien de causalité entre la faute reprochée à M. [K] et le préjudice subi par les époux [A].

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

En considération de la solution du litige, l'infirmation du jugement étant notamment la conséquence de l'ouverture de procédures collectives contre les vendeurs, il convient de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elles ont exposés en première instance comme en cause d'appel et de rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt par défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE les appels principaux, incidents et provoqués respectivement formés par la société Selest paysages et les consorts [I]-[D] recevables ;

DECLARE la demande formée par les époux [A] contre M. [K] recevable ;

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Saverne en date du 5 avril 2019, sauf en ce qu'il a débouté les époux [A] de leur demande dirigée contre M. [Z] [K] ;

CONFIRME le jugement entrepris de ce seul chef ;

Statuant à nouveau pour le surplus et ajoutant au jugement,

DECLARE irrecevables les demandes formées par M. [P] [A] et Mme [T] [N], épouse [A] contre M. [Y] [I], Mme [W] [F], épouse [I] et Mme [L] [D] ;

DECLARE inopposable la créance de M. [P] [A] et Mme [T] [N], épouse [A] à la SARLU Selest paysages, représentée par son liquidateur Me [J] ;

DEBOUTE M. [P] [A] et Mme [T] [N], épouse [A] de leurs demandes dirigées contre la SARLU Selest paysages, représentée par son liquidateur Me [J] ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter les dépens qu'elle a exposés en première instance comme en appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/02373
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.02373 ?
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