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28/06/2022 | FRANCE | N°21/01623

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 28 juin 2022, 21/01623


MINUTE N° 22/494





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 28 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01623

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRIZ



Décision déférée à la Cour : 09 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :



Madame [P] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par M. [S...

MINUTE N° 22/494

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 28 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01623

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRIZ

Décision déférée à la Cour : 09 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [P] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par M. [S] [U] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE:

S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

Mme [P] [D] a été engagée par l'association Ehpad [7] à [Localité 8] à compter du 1er novembre 1988 en qualité d'employée de buanderie, son contrat de travail étant repris par la société Elior services propreté et santé (ci-après Elior) à compter du 1er février 2017 dans le cadre des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, son salaire mensuel étant fixé à 1 540,97 €. La convention collective nationale des entreprises de propreté et annexes s'applique aux rapports entre les parties.

Mme [D] a fait l'objet d'une mutation disciplinaire le 21 décembre 2017 et a été affectée à compter du 8 janvier 2018 à l'Hôpital [5] à [Localité 6].

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse d'une contestation de sa mutation disciplinaire par demande enregistrée au greffe le 11 février 2019.

Mme [D] a été placée en arrêt maladie à compter du 17 janvier 2018 et a été déclarée inapte à tout emploi dans l'entreprise, sans possibilité de reclassement, par avis du médecin du travail du 23 septembre 2019.

Elle a été licenciée pour inaptitude par lettre recommandée avec accusé réception en date du 11 octobre 2019.

Elle a modifié ses demandes devant le conseil de prud'hommes et a contesté son licenciement.

Par jugement en date du 9 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la demande de Mme [D] était mal fondée,

- dit et jugé que le licenciement de Mme [D] reposait sur son inaptitude,

- dit et jugé qu'il n'y a ni harcèlement, ni agissements fautifs de la part de la société Elior,

- débouté Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [D] aux dépens de l'instance.

Mme [D] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par lettre recommandée avec accusé réception datée du 9 mars 2021 et reçue le 10 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 3 juin 2021, elle demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement,

- dire et juger que l'inaptitude est la conséquence des faits de harcèlement de l'employeur, par conséquent dire et juger que le licenciement est nul,

- condamner la société Elior à lui payer :

- 58 900 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 320,48 € bruts au titre du maintien de salaire en cas d'arrêt maladie,

- 3 800 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 380 € bruts au titre des congés payés sur préavis,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 11 400 € au bénéfice de Pôle emploi conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, soit six mois de salaire,

- ou, si la cour devait estimer que le licenciement ne résulte pas des faits de harcèlement moral, dans ce cas,

- dire et juger que l'inaptitude est la conséquence des agissements fautifs de l'employeur, par conséquence dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société Eior à lui verser les sommes suivantes :

- 38 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 380 € au titre des congés payés sur préavis,

- 320,48 € bruts au titre du maintien de salaire en cas d'arrêt maladie,

- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- 11 400 € au bénéfice de Pôle emploi conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail, soit six mois de salaire,

- condamner la société Elior aux entiers frais et dépens de l'instance.

Au soutien de son appel, elle expose que la mutation disciplinaire s'est accompagnée d'une modification de son contrat de travail puisque sa fonction a été modifiée, passant de lingère à agent de propreté, soit des tâches ne relevant pas de sa classification professionnelle.

Elle précise n'avoir pas accepté cette nouvelle fonction que son employeur a voulu lui imposer unilatéralement.

Elle relève que le coefficient hiérarchique AS1 correspond à une qualification d'agent de propreté et en aucun cas de lingère, fonction pour laquelle elle a un certificat d'aptitude professionnel et considère que la mention de son contrat de travail selon laquelle elle effectue des tâches de lingère et des tâches relevant de la classification AS1B est imprécise, donc lui est inopposable, dans la mesure où les tâches à effectuer ne seront connues que sur le lieu d'affectation et que l'employeur ne peut pas faire accepter par avance des tâches qui sont inconnues à la conclusion du contrat.

Elle demande que la sanction soit en conséquence déclarée nulle ajoutant qu'elle est également nulle car elle s'accompagne d'une double sanction, mutation géographique et rétrogradation.

Subsidiairement, elle conteste la sanction, la considérant disproportionnée au regard des faits reprochés.

Elle précise que l'utilisation d'un « langage détendu » au sein de l'Ehpad [7] peut s'expliquer par son ancienneté de plus de 30 ans dans cet établissement, langage courant utilisé dans le cadre de discussions qui n'avait jamais donné lieu à des remarques ou sanctions.

Elle dit être victime des agissements de la directrice de l'Ehpad qui voulait se débarrasser d'elle alors que ses qualités professionnelles sont reconnues conformément aux attestations qu'elle produit.

Elle affirme que les agissements fautifs de l'employeur ont eu une conséquence néfaste sur sa santé physique et mentale entraînant son inaptitude.

L'inaptitude trouvant sa cause dans des actes de harcèlement moral de l'employeur, à savoir une rétrogradation dans le cadre d'une mutation disciplinaire géographique, elle en conclut que son licenciement est nul.

Subsidiairement, elle précise que le licenciement est la conséquence d'agissements fautifs de la société Elior et qu'il est en conséquence sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, elle fait valoir que la société Elior n'a pas respecté les dispositions du droit local en n'ayant pas maintenu son salaire pendant les sept premiers jours de son arrêt de travail, durée devant être qualifiée de relativement sans importance, et en demande le paiement.

La société Elior s'est constituée intimée devant la cour le 6 mai 2021 et dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 24 août 2021, demande à la cour de :

- dire et juger l'appel de Mme [D] mal fondé, l'en débouter,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner Mme [D] à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [D] aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses demandes elle fait valoir que la sanction disciplinaire est justifiée au regard des faits reprochés à Mme [D], soulignant qu'ils ont été reconnus par elle au cours de l'entretien préalable.

Elle ajoute que la sanction est proportionnée aux faits commis, le comportement de Mme [D] étant incompatible avec son maintien sur les lieux et pouvant nuire gravement non seulement à son image de marque mais également au maintien des bonnes relations entre elle et sa cliente l'Ehpad [7].

Elle précise que la mutation n'a pas modifié sa classification qui est restée AS1B de sorte qu'elle n'a pas fait l'objet d'une double sanction.

Elle expose que le contrat de travail est clair s'agissant de la classification de Mme [D], le contrat mentionnant le site internet sur lequel la convention collective peut être consultée.

Elle relève qu'ayant respecté la procédure disciplinaire et ayant valablement sanctionnée Mme [D], il ne peut lui être reproché un quelconque harcèlement moral.

Elle indique que Mme [D] se trouve en conséquence dans l'impossibilité de présenter des faits laissant présumer une situation de harcèlement moral conformément aux dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail.

Elle rappelle au surplus que l'existence d'une sanction disciplinaire même injustifiée ne constitue pas un harcèlement moral par défaut de répétitivité des agissements.

Elle constate par ailleurs que le certificat médical produit par Mme [D] ne permet pas de caractériser une situation de harcèlement moral, le médecin ne faisant que reprendre les doléances de Mme [D].

Elle observe en outre qu'après enquête et instruction, la Cpam du Bas-Rhin a refusé de reconnaitre le caractère professionnel de la maladie dont Mme [D] se plaignait et a jugé qu'il n'y avait pas de lien entre son état de santé et ses conditions de travail.

Enfin, si Mme [D] fait également état d'agissements fautifs à l'origine de son inaptitude, elle souligne que concrètement elle ne développe pas cette notion et ajoute qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir usé de son pouvoir de direction et disciplinaire en mobilisant notamment la clause de mobilité figurant au contrat de travail qui n'entrainait aucune modification du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire, elle expose que l'absence pour maladie de vingt mois de Mme [D] s'oppose à l'application de l'article L. 1226-23 du code du travail et que la notion de durée relativement sans importance s'applique à la durée de suspension et non pas à la durée d'indemnisation demandée.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions.

La clôture de la procédure a été prononcée le 8 avril 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 29 avril 2022, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.

MOTIFS

- A titre liminaire :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les développements de Mme [D] dans les motifs de ses écritures concernant l'annulation de la sanction disciplinaire dont elle a fait l'objet par courrier en date du 21 décembre 2017, qui ne donnent lieu à aucune demande dans le dispositif, n'ont en conséquence pas lieu d'être examinés, hors dans le cadre de l'examen du harcèlement moral.

- Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié établit des faits qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient à la cour d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient à la cour d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [D] fait valoir que son inaptitude trouve sa cause dans des actes de harcèlement moral, son employeur l'ayant, au titre de la sanction disciplinaire, rétrogradée à un poste de simple employée de nettoyage alors qu'elle avait un poste de lingère.

Pour justifier du harcèlement subi, Mme [D] produit :

- un courrier en date du 21 décembre 2017 lui notifiant sa mutation disciplinaire,

- les attestations de Mme [A] [T] et Mme [Y] [I] selon laquelle Mme [D] occupait à l'hôpital [5] un poste de technicienne de surface,

- le certificat médical du docteur [J] [G] [Z], psychiatre, du 13 septembre 2019 selon lequel Mme [D] est suivie pour une symptomalogie anxio-dépressive depuis le mois de février 2018 et selon lequel Mme [D] fait un lien entre son état et ses troubles de santé et le poste qu'elle occupait,

- l'attestation de Mme [R] [O] déclarant que Mme [D] était une employée appréciée des résidents et des familles, qu'après plusieurs changements de direction les conditions de travail se sont détériorées et que tout a été mis en 'uvre pour leur faire quitter leur emploi,

- les attestations de Mme [K] [B] et Mme [H] [L] attestant des compétences de Mme [D].

Mme [D] a fait l'objet d'une sanction disciplinaire le 21 décembre 2017, soit une mutation disciplinaire au sein de l'hôpital [5] à [Localité 6], le contrat de travail de Mme [D] du 31 janvier 2017 prévoyant une clause de mobilité selon laquelle la salariée s'engage à travailler sur les différents sites actuels et futurs de la société sur une zone géographique de vingt kilomètres à partir du site, c'est-à-dire l'association Ehpad [7] à [Localité 8].

Elle affirme avoir fait l'objet d'une rétrogradation à l'occasion de la sanction du 21 décembre 2017, son emploi au sein de l'hôpital [5] à [Localité 6] étant un emploi d'agent d'entretien et non de lingère conformément à sa formation professionnelle.

La cour relève que selon son contrat de travail signé le 31 janvier 2017, les relations de travail sont régies par la convention collective nationale des entreprises de propretés, et elle occupe un emploi de lingère niveau AS1B.

Contrairement à ce qu'affirme Mme [D], la convention collective nationale des entreprises de propreté lui est opposable, le contrat de travail faisant référence explicitement à cette convention et mentionnant le site internet sur lequel le texte de la convention peut être consulté et ses bulletins de salaire mentionnant ladite convention, la classification : AS1B et l'emploi : agent de service.

La grille de classification d'un agent de service (AS) décrit l'échelon 1 comme suit : « autonomie ' initiative : il assure des prestations à partir d'instructions précises, sous le contrôle de sa hiérarchie » et « technicité : il effectue des travaux d'entretien courant, consistant en un enchaînement de tâches simples et répétitives, d'exécution facile, reproductibles après simple démonstration. Le matériel électrique est simple d'utilisation ».

Les fonctions qui étaient celles de Mme [D] au sein de l'hôpital [5] à [Localité 6], soit agent d'entretien, étaient en conséquence conformes à cette qualification.

Dans son attestation, Mme [O] fait état de la volonté de la société Elior de se séparer de salariés mais ne décrit aucun fait précis et circonstancié.

Enfin, la cour observe que si dans son certificat médical, le docteur [Z], reprend les déclarations de Mme [D] faisant état d'un lien entre son état de santé et le poste qu'elle occupait, la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a rendu le 4 septembre 2019 une décision défavorable à la prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.

En l'état des éléments qui précèdent, Mme [D], qui invoque en réalité un fait unique, une rétrogradation sous couvert d'une sanction disciplinaire, ne présente pas des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer et de supposer l'existence d'un harcèlement.

Les demandes formées par Mme [D] aux fins de voir constater l'existence d'un harcèlement moral, et condamner l'employeur à lui verser des dommages et intérêts à ce titre seront donc rejetées, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

- Sur le licenciement :

Mme [D] demande à titre principal que son licenciement soit déclaré nul et à titre subsidiaire qu'il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Au vu de ce qui précède, la demande de nullité du licenciement, fondée sur le harcèlement moral subi, sera rejetée.

Sur la demande formée à titre subsidiaire, il sera rappelé qu'en application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La lettre de licenciement de Mme [D] est ainsi libellée :

« Le 23 septembre 2019, le médecin du travail a assorti son avis d'une mention expresse indiquant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

En conséquence, au vu dudit avis, nous étions dispensés de l'obligation de reclassement sur un autre poste, comme indiqué dans notre courrier du 24 septembre 2019.

Par conséquence, suite de votre inaptitude définitive, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement suite à inaptitude physique et dispense de reclassement constatées par le médecin du travail.

Les délégués du personnel ont été informés de la situation en date du 24 septembre 2019.
Votre état de santé ne vous permettant pas d'effectuer votre préavis, la date d'envoi de la présente lettre fixera la date de rupture de votre contrat ».

Mme [D] demande que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif que son inaptitude est la conséquence d'agissements fautifs de son employeur.

Mme [D] n'explicite cependant pas lesdits agissements fautifs reprochés à la société Elior alors qu'en tout état de cause, d'une part, la sanction disciplinaire n'est pas remise en cause devant la cour, d'autre part, les tâches qui lui ont été confiées au sein de son nouveau lieu de travail à [Localité 6] correspondent à sa classification professionnelle, soit la classification AS1B de la convention collective des entreprises de propreté et, enfin, la Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a refusé de prendre en charge sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels par décision qui lui a été notifiée le 4 septembre 2019.

La demande de Mme [D] tendant à ce que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse sera dans ces conditions rejetée.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

- Sur le maintien de salaire :

Selon l'article L. 1226-23 du code du travail applicable dans les départements de le Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

Toutefois, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d'assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l'employeur.

Ces dispositions de droit local sont d'ordre public et il ne peut y être dérogé qu'en considération de dispositions conventionnelles plus favorables.

Le caractère relativement sans importance de la durée de l'absence s'apprécie en fonction de la durée de chaque arrêt, au regard notamment de l'ancienneté et de l'importance de l'entreprise.

Il est constant que le délai prévu par le droit local ne doit pas en moyenne dépasser vingt jours, sinon il n'est plus « relativement sans importance ».

Mme [D] demande le paiement de son salaire pour les sept premiers jours de son arrêt de travail.

En l'espèce, Mme [D] a été absente pour maladie de façon continue du 17 janvier 2018 au 4 novembre 2018 conformément aux arrêts de travail produits par la société Elior, aucune des parties ne produisant d'arrêts de travail pour la période postérieure.

Cette absence d'une durée de plus de neuf mois ne peut être considérée comme un temps relativement sans importance au sens de l'article L. 1226-23 du code du travail de sorte qu'il ne pouvait être fait droit à ce chef de demande.

Le jugement sera confirmé en ce que Mme [D] a été déboutée de sa demande de maintien de salaire.

- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [D], qui succombe, a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance et sera condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Par ailleurs l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant au bénéfice de Mme [D] que de la société Elior.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 9 février 2021, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [P] [D] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant au profit de Mme [P] [D] que de la Sasu Elior services propreté et santé.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01623
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.01623 ?
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