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24/06/2022 | FRANCE | N°20/03032

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 juin 2022, 20/03032


MINUTE N° 284/2022































Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA



- Me Céline RICHARD





Le 24 juin 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 24 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03032 - N° Portalis DBVW-V-B7E-H

NHV



Décision déférée à la cour : 12 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANT :



Monsieur [H] [T]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.





INTIME :



Monsieur [N] [G] exerç...

MINUTE N° 284/2022

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA

- Me Céline RICHARD

Le 24 juin 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03032 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNHV

Décision déférée à la cour : 12 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [H] [T]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

INTIME :

Monsieur [N] [G] exerçant sous l'enseigne 'SIM AUTOMOBILE',

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Céline RICHARD, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller

Madame Nathalie DENORT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 25 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant facture du 18 avril 2018, M. [T] a acquis auprès de "SIM Automobiles" établissement exploité par M. [G] à [Localité 3], un véhicule d'occasion de marque BMW X5, immatriculé [Immatriculation 5], au prix TTC de 19 700 euros. Il a signé un bon de commande le 14 avril 2018 pour acquérir ce véhicule auprès de M. [G] [N], "Damen Auto", à [Localité 4].

Suivant les procès verbaux n° 2018/020225 du commissariat de police de [Localité 6], M. [T] a été interpellé le 14 décembre 2018 à la suite d'un contrôle routier, les policiers s'étant aperçus que le véhicule était inscrit au fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) ; M. [T] a été entendu dans le cadre d'une enquête de flagrance pour un recel de vol commis en Roumanie, infraction qu'il a contestée, en présentant notamment la carte grise du véhicule à son nom en date du 6 juin 2018. Les policiers ont cependant appréhendé le véhicule qu'ils ont remisé au garage Dasa ; M. [T] a déposé plainte "contre inconnu" le 17 décembre 2018 pour escroquerie, précisant que la carte grise avait été "faite" par les services de "Damen auto" et qu'il avait acheté le véhicule à la suite d'une annonce parue sur le site internet "Le bon coin". Le véhicule a été restitué à M. [E] [X] le 15 janvier 2019, comme lui ayant été volé le 2 mars 2018.

A la suite d'un courrier qui lui avait été adressé le 26 février 2019 par l'assureur protection juridique de M. [T], M. [G], "exploitant l'entreprise SIM Automobiles" a répondu le 21 mars 2019, par l'intermédiaire de son conseil, ignorer que le véhicule était volé et avoir procédé, avant la vente, à toutes les vérifications nécessaires pour s'assurer de sa "provenance conforme".

Par acte du 7 juillet 2020, M. [T] a assigné M. [G] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg afin de voir prononcer "la résolution" de la vente pour vice du consentement (erreur de droit) au motif qu'il s'était fait une fausse idée de la nature des droits qu'il croyait acquérir, soit l'entière propriété du bien.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 12 octobre 2020, le tribunal a débouté M. [T] de l'intégralité de sa demande et l'a condamné aux dépens, après avoir rappelé que la sanction du vice du consentement était la nullité du contrat et retenu que les conditions de cette nullité n'étaient pas réunies, faute de preuve des faits énoncés, notamment la confiscation du véhicule, M. [T] ne justifiant alors que de sa plainte et de son classement sans suite.

*

Le 20 octobre 2020, M. [T] a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions du 14 janvier 2021, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer l'annulation de la vente et de condamner M. [G] à lui payer les sommes suivantes :

- 19 700 euros à titre de remboursement du prix de vente, outre intérêts à compter du 15 février 2019, subsidiairement de l'assignation,

- 1 186,76 euros au titre du remboursement des frais d'immatriculation du véhicule,

- 1 704,90 euros au titre du remboursement des frais d'assurance pour la période d'avril 2018 à avril 2020,

- 769,44 euros au titre du remboursement des intérêts d'emprunt et 7 200 euros de l'assurance de celui-ci,

- 3 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance depuis plus de deux ans,

- 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

M. [T] fait valoir qu'il a obtenu les éléments de l'enquête pénale qu'il produit désormais. Il estime avoir été victime d'une erreur de droit puisqu'il a cru, en toute bonne foi, acquérir un véhicule dont il pourrait jouir de l'entière propriété, alors que celui-ci avait été déclaré volé, qu'il en est aujourd'hui définitivement dépossédé et que la disponibilité du véhicule en constituait une caractéristique essentielle.

*

M. [G], exerçant sous l'enseigne SIM Automobiles, a constitué avocat le 4 décembre 2020, mais n'a pas conclu.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er juin 2021, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 23 mars 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIFS

Sur la nullité pour erreur

En application de l'article 1130 du code civil, l'erreur vicie le consentement lorsqu'elle est de telle nature que, sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du contractant.

Selon l'article 1178 du même code, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

En l'espèce, il ressort des procès-verbaux produits que le véhicule acquis par M. [T] a été restitué le 15 janvier 2019 par les services de police à M. [E] [X] demeurant en Roumanie, auquel il avait été volé le 2 mars 2018.

Il en résulte que le consentement de M. [T] a été vicié par une erreur de droit, ayant cru devenir propriétaire du véhicule par l'effet du contrat de vente alors que suite au vol antérieur, il ne le pouvait pas.

Il est certain que la disponibilité du véhicule à la vente constituait une qualité essentielle de celui-ci et que si M. [T] avait eu connaissance de ce que le véhicule avait été volé, il n'aurait pas contracté, puisqu'il aurait su qu'il s'exposait à une revendication du propriétaire victime, outre qu'il se serait rendu coupable de recel de vol.

Dès lors, la vente doit être annulée et l'intimé condamné à restituer le prix du véhicule à M. [T], soit la somme de 19 700 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2019, date de réception par l'intimé de la mise en demeure adressée par M. [T] de lui restituer le prix, ce conformément à l'article 1352-7 du code civil. Il n'est pas établi que M. [G] ait effectué les démarches pour l'immatriculation du véhicule dans le cadre du contrat de vente, aucune pièce n'étant produite à cet égard, de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande en remboursement des frais exposés à ce titre par l'appelant sur le fondement des restitutions consécutives à l'annulation.

Sur les dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1178, alinéa 4, indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions de droit commun de la responsabilité extra-contractuelle.

Au soutien de sa demande en remboursement de diverses sommes, autres que le prix, et en réparation de son préjudice de jouissance, M. [T] se prévaut de la qualité de professionnel de M. [G], "tenu de connaître les vices de la chose".

Cependant l'action engagée n'est pas fondée sur la garantie des vices cachés, de sorte que l'article 1645 du code civil, permettant de retenir que le vendeur professionnel est tenu à tous dommages et intérêts envers l'acheteur, n'est pas applicable en l'espèce.

Si M. [T] peut solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, il lui appartient de rapporter la preuve d'une faute de M. [G].

Or il se contente d'invoquer sa qualité de professionnel, sans soutenir qu'il l'aurait sciemment trompé ou qu'il aurait eu connaissance du vol du véhicule - il n'a d'ailleurs pas invoqué le dol - ni même qu'il n'aurait pas procédé aux vérifications nécessaires.

Dès lors, ses demandes, autres que celle en restitution du prix, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'intimé, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient en l'espèce de condamner l'intimé à payer à l'appelant une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés à l'occasion du présent procès.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré ;

Et, statuant à nouveau,

PRONONCE la nullité de la vente conclue entre les parties le 18 avril 2018 portant sur un véhicule d'occasion de marque BMW X5, immatriculé [Immatriculation 5] ;

CONDAMNE M. [N] [G], exerçant sous l'enseigne SIM Automobiles, à restituer à M. [H] [T] la somme de 19 700 euros (dix neuf mille sept cents euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2019 ;

DÉBOUTE M. [H] [T] du surplus de sa demande,

CONDAMNE M. [N] [G], exerçant sous l'enseigne SIM Automobiles, aux dépens de première instance d'appel ainsi qu'à payer à M. [H] [T] une indemnité de 3 000 euros (trois mille euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03032
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;20.03032 ?
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