MINUTE N° 281/2022
Copie exécutoire à
- Me Dominique HARNIST
- Me Valérie SPIESER
Le 24 juin 2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 Juin 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01553 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKYE
Décision déférée à la cour : 13 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTS :
Madame [Y] [C]
Monsieur [P] [E]
demeurant tous deux [Adresse 1]
représentés par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.
avocat plaidant : Me TORRO, avocat au barreau de Strasbourg
INTIMÉE :
S.A.S. AC ENVIRONNEMENT prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.
avocat plaidant : Me KRUGER, (cabinet MENEGHETTI) avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 février 2022 , en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre
Mme Myriam DENORT, conseiller
Mme Nathalie HERY, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction
ARRET contradictoire
- prononcé publiquement après prorogation du 1er avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
Par acte notarié du 8 février 2013, M. [P] [E] et Mme [Y] [C] ont acquis en indivision une maison d'habitation située à [Localité 4] (67). Un constat de repérage d'amiante réalisé le 26 mars 2012 par la SAS AC Environnement était joint à cet acte.
Par ordonnance du 14 août 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté la demande d'expertise des consorts [E]-[C], au motif qu'aucun point technique n'était à examiner et que la détermination d'une éventuelle responsabilité de la société alléguée par les demandeurs était une question de droit.
Par assignation délivrée le 1er octobre 2018, M. [E] et Mme [C] ont saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une action en responsabilité à l'encontre de la société AC Environnement, suite à la découverte d'amiante dans leur maison.
Par jugement daté du 13 mai 2020, ils ont été déboutés de l'intégralité de leurs demandes et condamnés aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement, à la société AC Environnement, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a rappelé les différentes dispositions relatives à l'exigence d'un repérage de matériaux ou produits contenant de l'amiante en matière immobilière et notamment celles de l'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation ainsi que des articles L 1334-13, R 1334-15, R 1334-20 à R 1334-22 du code de la santé publique dans le cas d'une vente.
Dans son rapport de diagnostic technique du 23 mars 2012 réalisé pour le compte des vendeurs du bien immobilier en cause, la société AC Environnement mentionnait l'absence de repérage de matériaux susceptibles de contenir de l'amiante. Cependant, un rapport établi le 3 avril 2018 par la société EPC Diagnostics Immobiliers faisait apparaître la présence de « plaques de bardage des murs extérieurs en fibres ciment ».
Observant que l'éventuelle responsabilité délictuelle de la société AC Environnement vis-à-vis des consorts [E]-[C], tiers acquéreurs, devait s'apprécier au regard de la mission que lui avaient confiée les vendeurs, le tribunal a relevé que cette mission, préalable à la vente, se limitait à l'examen des parties intérieures, conformément à l'annexe 13-9 du code de la santé publique et aux articles 1 et 3 de l'annexe de l'arrêté du 22 août 2002 alors applicables.
Ce cadre d'intervention était différent de celui de la société EPC Diagnostics Immobiliers, qui avait lieu « avant réalisation de travaux dans un immeuble bâti » et avait consisté en une analyse des « parois verticales extérieures et façades » qui n'entrait pas dans la mission dévolue à la société AC Environnement.
De plus, cette dernière était allée au-delà de la stricte mission qui lui avait été confiée, dans la mesure où elle avait émis dans son rapport des réserves à titre de commentaire sur la présence de plaques de fibrociment sur le haut des deux pignons non accessibles/non visibles le jour de la visite, précisant qu'une investigation complémentaire était à prévoir en cas de travaux.
Elle avait ainsi attiré l'attention de ses mandants sur cette présence et sur la nécessité d'effectuer des recherches, dans l'hypothèse de la réalisation de travaux. La mention de fibrociment plutôt que d'amiante était sans emport, dans la mesure où les acquéreurs profanes étaient en mesure d'interroger les vendeurs, mais aussi le notaire, tenu d'un devoir de conseil, sur cette présence et ses conséquences.
Enfin, il ne pouvait être reproché à la société AC Environnement l'absence d'analyse plus poussée consécutive à ce constat ainsi que l'absence de mention de ce que les plaques concernaient l'ensemble des parois extérieures de la maison, dans la mesure où ces composantes n'entraient pas dans sa mission de repérage.
Les consorts [E]-[C] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 15 juin 2020.
Par leurs dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 4 janvier 2021, ils sollicitent :
- avant dire droit, que soit ordonnée une expertise judiciaire, avec une mission qu'ils précisent,
- en tout état de cause, l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et que la cour, statuant à nouveau, au visa des articles 1240 (anciennement 1382) et suivants du code civil, condamne la société AC Environnement à leur payer :
* la somme de 50 000 euros, réévaluée sur l'indice INSEE du coût de la construction du 13/11/2020 (date du dernier devis), jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, augmentée des intérêts au même taux jusqu'au complet règlement,
* la somme de 13 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens, dont ceux de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 14 août 2018 et ceux du jugement déféré, ainsi que les frais et dépens de la présente procédure.
Ils demandent en outre à la cour de constater que l'arrêt à intervenir est exécutoire de plein droit.
À l'appui de leur appel, les consorts [E]-[C] invoquent les dispositions de l'article 1240 du code civil, mais aussi celles de l'article 1241 sanctionnant la négligence et l'imprudence et de l'article 1242 relatif à la responsabilité pour les personnes dont on doit répondre.
Ils reprochent à la société AC Environnement, dès lors qu'elle a pris l'initiative de dépasser les contours de sa mission en mentionnant la présence de plaques de fibrociment sur le haut des deux pignons, de ne pas avoir apporté de précision complémentaire en exécution de son obligation d'information et de conseil, mais de s'être limitée à un commentaire très ambigu, pouvant laisser déduire que les autres panneaux de la façade étaient exempts du risque de présence d'amiante, alors que les plaques situées sur le haut des deux pignons leur étaient strictement identiques.
Ils ajoutent que la société AC Environnement n'a pas exécuté sa mission avec un minimum d'attention, que les plaques de fibrociment en haut des deux pignons étaient accessibles à partir des fenêtres du 1er étage et que toutes les plaques de la façade contenaient de l'amiante, que, par ailleurs, l'indication de la présence de fibrociment n'éveille pas obligatoirement l'attention de personnes profanes sur une éventuelle présence d'amiante et que l'indication d'investigations complémentaires à prévoir en cas de travaux ne laissait nullement présager que l'intégralité des panneaux de fibrociment de la façade contenait de l'amiante.
Ils invoquent une obligation de moyen renforcée du diagnostiqueur d'amiante qui doit mettre en 'uvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, reprochant à l'intimée un manque de rigueur dans l'accomplissement de celle-ci.
Ils ajoutent que la société AC Environnement n'a pas non plus satisfait à sa mission dans la mesure où, lors du second rapport de repérage de la société EPC Diagnostics Immobiliers, il a été trouvé de l'amiante à l'intérieur de la maison, au grenier, où les plaques d'amiante étaient parfaitement visibles, sans investigation destructrice. Ils précisent qu'aucune modification de la structure de l'immeuble n'a été réalisée depuis son acquisition et ils invoquent un arrêt de la cour du 11 mai 2012 qui a retenu la responsabilité du diagnostiqueur dans une situation qu'ils qualifient de similaire.
Enfin, la société AC Environnement ne peut se défausser de sa responsabilité en invoquant un manquement du notaire à son obligation d'information et de conseil.
Ils invoquent un préjudice causé par la faute de la société AC Environnement, estimant avoir été, de son fait, dans l'impossibilité de contracter en pleine connaissance de cause et devoir, préalablement aux travaux qu'ils envisagent, effectuer un désamiantage de l'immeuble qui a nécessairement perdu de la valeur par rapport à son prix d'achat.
Sur le quantum des dommages intérêts, les appelants contestent que seuls les travaux de désamiantage doivent être pris en compte et non pas ceux d'une réfection complète des façades de la maison, soutenant que la Cour de cassation considère que doivent être pris en compte également le préjudice matériel et de jouissance subis du fait d'un diagnostic erroné.
De plus, les panneaux font office de contreventement et participent à la solidité de la structure en ossature bois de l'immeuble, de sorte que leur retrait nécessite la pose d'un revêtement de substitution. Ils indiquent ne pas s'opposer à une expertise judiciaire, en cas de doute.
Ils évoquent des devis actualisés relatifs au désamiantage et à la suppression des panneaux en fibrociment (23 952 euros et 22 371,25 euros) mais aussi au remplacement des panneaux en fibrociment (22 762,39 euros et 24 975,21 euros). Ils évaluent leur préjudice au montant de 50 000 euros TTC, précisant que cette somme peut inclure leur préjudice moral et matériel ainsi que leur trouble de jouissance.
Subsidiairement, si la cour l'estime nécessaire, les appelants indiquent ne pas être opposés à la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire.
Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 21 septembre 2021, la société AC Environnement sollicite le rejet de l'appel des consorts [E]-[C] et notamment, à titre principal, la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation totale ou partielle du jugement déféré, la société AC Environnement sollicite le rejet de la demande d'indemnisation des consorts [E]-[C], pour absence de preuve de l'existence du préjudice qu'ils allèguent.
A titre plus subsidiaire, elle sollicite que la demande de dommages-intérêts des consorts [E]-[C] soit limitée à la somme de 8 028 euros et, à titre encore plus subsidiaire, à la somme de 27 437,14 euros.
Elle sollicite également le rejet de la demande d'expertise des consorts [E]-[C] et, à titre subsidiaire, qu'il soit pris acte de ce qu'elle entend formuler toutes protestations et réserves d'usage à l'encontre de cette demande d'expertise judiciaire, mais aussi de ce qu'elle se réserve le droit de mettre en cause tout intervenant à la procédure, et que soit mise à la charge exclusive des consorts [E]-[C] la provision à valoir sur les frais d'expertise.
En tout état de cause, elle demande la condamnation des consorts [E]-[C] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AC Environnement reprend les motifs retenus par le tribunal en ce qu'il a considéré :
- qu'elle n'avait pas commis de faute dans l'exécution de sa mission, dont le périmètre excluait les parties extérieures du bâtiment, et qu'elle n'était donc pas tenue d'analyser et de faire état, dans son rapport, des plaques de fibrociment litigieuses,
- qu'elle était allée au-delà de sa mission de repérage amiante avant vente en émettant dans son rapport des réserves claires et en suggérant des investigations complémentaires avant tous travaux, ayant ainsi exécuté son devoir de conseil,
- que les plaques de fibrociment étaient inaccessibles et non visibles le jour de la visite, alors que sa mission n'exigeait qu'un examen des parties de l'immeuble visibles et accessibles sans travaux destructifs.
Concernant le constat d'amiante dans le grenier, la société AC Environnement fait valoir que les consorts [E]-[C] ne rapportent pas la preuve de ce que les plaques litigieuses étaient visibles et accessibles sans travaux destructifs depuis le grenier, lors de son intervention en 2012, et qu'elles entraient dans le périmètre de sa mission, alors que la société EPC Diagnostics Immobiliers, chargée d'un repérage avant travaux, ne les avait pas repérés lors de sa première intervention en 2018.
Sur la visibilité et l'accessibilité des plaques de fibrociment, elle fait valoir qu'elles ne sont caractérisées que si les moyens mis à disposition du diagnostiqueur par le maître de l'ouvrage permettent d'assurer une sécurité optimale, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
De plus, elle soutient que le notaire a manqué à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention des consorts [E]-[C] sur le fait que des plaques de fibrociment peuvent contenir de l'amiante.
Par ailleurs, les consorts [E]-[C] ayant acquis la maison en parfaite connaissance de cause, sans faire procéder au préalable à des investigations complémentaires, ils ne sont pas en droit d'invoquer aujourd'hui un préjudice indemnisable.
A titre subsidiaire, sur le quantum des dommages intérêts, la société AC Environnement invoque une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle le préjudice réparable, en présence d'amiante non détectée par le diagnostiqueur, consiste en une prise en charge des seuls travaux de désamiantage, et elle souligne que les consorts [E]-[C] ne versent aux débats aucun élément de preuve attestant de ce que de tels travaux vont être réalisés ou de ce qu'un état de dégradation des plaques de fibrociment nécessite un retrait impératif.
Ils ne démontrent pas non plus que le remplacement des panneaux de fibrociment sera nécessaire pour garantir la rigidité de la structure de l'immeuble.
Elle ajoute qu'au regard des pièces produites par les consorts [E]-[C], les travaux de désamiantage peuvent être réalisés pour la somme de 8 028 euros et, qu'en tout état de cause, l'ensemble des prestations peut être réalisé pour 27 437,14 euros.
Sur la demande d'expertise, l'intimé souligne que celle-ci ne peut être destinée à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve qui leur incombe.
*
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 octobre 2021.
MOTIFS
I ' Sur la responsabilité de la société AC Environnement
Le tribunal a rappelé les différentes dispositions relatives à l'exigence d'un repérage de matériaux ou produits contenant de l'amiante en matière immobilière et notamment celles, dans leur version applicable à la date du diagnostic en cause, de l'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation ainsi que des articles L 1334-13, R 1334-15, R 1334-20 à R 1334-21 du code de la santé publique dans le cas d'une vente.
1°) Sur la présence d'amiante en façade
Dans son rapport de diagnostic technique du 23 mars 2012 réalisé pour le compte des vendeurs du bien immobilier acquis le 8 février 2013 par les consorts [E]-[C], la société AC Environnement a conclu à l'absence de repérage de matériaux susceptibles de contenir de l'amiante, tout en mentionnant la présence de plaques de fibrociment sur le haut des deux pignons, mais non accessibles/non visibles le jour de la visite, une investigation complémentaire étant cependant à prévoir en cas de travaux.
Or, un diagnostic préalable à des travaux de façade effectué par la société EPC Diagnostics immobiliers a donné lieu à un rapport du 03 avril 2018 qui a mis en évidence la présence d'amiante dans les panneaux de la façade de la maison.
Il résulte des textes réglementaires régissant, à la date du 23 mars 2012, les diagnostics relatifs à l'amiante exigés préalablement à la vente d'un bien immobilier, ainsi que l'a rappelé le tribunal, que le périmètre de ces diagnostics incluait uniquement les parois verticales intérieures et enduits, les planchers, plafonds et faux-plafonds, poutres et charpentes, conduits, canalisations et équipements.
En conséquence, en émettant des recommandations concernant les plaques de fibrociment des pignons de la maison, la société AC Environnement a pleinement rempli son devoir d'information et de conseil, qui ne pouvait exiger d'elle qu'elle effectue des investigations relatives à ces éléments extérieurs, qui n'entraient pas dans le périmètre du diagnostic pour lequel elle avait été missionnée.
Il ne pouvait non plus être tiré une obligation supplémentaire de cette démarche purement volontaire de sa part. Ce n'est en effet que dans le cadre du diagnostic préalable à des travaux que le repérage devait porter également sur les bardages et autres éléments extérieurs constituant les façades, comme cela a été le cas en 2018.
Aucune faute ne peut donc être retenue à son encontre à ce titre.
2°) Sur la présence d'amiante dans les combles
Un diagnostic complémentaire préalable à des travaux a été sollicité par les consorts [E]-[C] en 2020, lequel a donné lieu à un nouveau rapport de la société EPC Diagnostics immobiliers du 08 août 2020. Il a été réalisé uniquement dans les greniers, le reste de l'habitation n'étant pas concerné par ces travaux, et a révélé la présence d'amiante sur des revêtements durs de plaques de menuiserie des murs et cloisons intérieurs de ces greniers.
L'amiante a ainsi été découverte sur des éléments figurant parmi ceux (parois verticales intérieures) de la liste B mentionnée à l'article R 1334-21 du code de la santé publique comme devant être vérifiés dans le cadre des diagnostics préalables à la vente d'un immeuble d'habitation ne comportant qu'un seul logement, conformément aux dispositions de l'article R 1334-15 applicable en mars 2012.
Or, il apparaît que les greniers de l'habitation, dont le rapport du 08 août 2020 mentionne qu'ils étaient accessibles par des trappes vissées, n'avaient pas été contrôlés par la société AC Environnement lors du diagnostic effectué en mars 2012. Cette dernière s'était alors limitée au sous-sol, rez-de-chaussée et, au 1er étage, aux chambres, salle de bain et dégagement, sans examiner les combles, et ce tout en mentionnant toutefois dans son rapport l'absence de locaux ou de parties de locaux non visités.
Or, le repérage qui lui incombait dans le cadre de son diagnostic devait porter sur la structure intérieure de l'immeuble, précisément ses parties visibles et accessibles sans travaux destructifs, ce qui était le cas des murs et cloisons du grenier, quand bien même celui-ci était accessible par des trappes vissées, étant observé que la société EPC Diagnostics Immobiliers mentionne dans son rapport avoir repéré la présence d'amiante sur ces plaques de menuiserie après sondage visuel et sonore.
Dès lors, force est de constater que la société AC Environnement n'a pas accompli avec toute la rigueur nécessaire la mission qui lui avait été confiée par les propriétaires de l'immeuble ultérieurement acquis par les consorts [E]-[C], étant de plus souligné qu'en s'abstenant de visiter les greniers, elle s'est aussi dispensée d'examiner les charpentes, qui faisaient intégralement partie des éléments qu'il lui appartenait de vérifier, et qu'il lui appartenait à tout le moins de mentionner qu'elle n'avait pas visité cette partie de la maison et d'en indiquer le motif.
L'intimée a donc commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité délictuelle vis à vis des acquéreurs de l'immeuble, tiers au contrat qui l'avait missionnée pour réaliser le diagnostic en cause.
Cependant, concernant l'évaluation du préjudice des consorts [E]-[C], ces derniers ne produisent, s'agissant de leur préjudice matériel, aucun devis relatif aux travaux de désamiantage de ces plaques de menuiserie, les seuls devis versés aux débats portant exclusivement sur les travaux extérieurs relatifs à la façade de la maison.
Or, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise pour évaluer ce préjudice, étant observé qu'une telle mesure d'instruction n'a pas pour but de combler la carence des parties dans la charge de la preuve qui leur incombe et que les consorts étaient parfaitement en mesure de produire des devis relatifs aux travaux nécessités par la présence d'amiante dans les murs et cloisons du grenier, comme ils l'ont fait pour la façade de la maison.
De plus, s'ils mentionnent que le montant qu'ils réclament inclut non seulement leur préjudice matériel mais aussi leur préjudice moral et le trouble de jouissance subi, les consorts [E]-[C] ne fournissent aucune explication sur ces deux derniers postes de préjudice et ne produisent aucune pièce de nature à justifier leur demande à ce titre. C'est pourquoi leur demande en réparation des préjudices causés par cette faute de l'intimée n'apparaît pas non plus fondée.
Dès lors, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes des consorts [E]-[C] et leur demande d'expertise doit également être rejetée.
II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.
De plus, si l'appel principal des consorts [E]-[C] est rejeté, une faute a été retenue à l'encontre de la société AC Environnement, ce qui justifie que chaque partie conserve à sa charge ses dépens mais aussi les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en appel. En conséquence, les demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés en appel, seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 13mai 2020,
Y ajoutant,
REJETTE la demande d'expertise présentée par M. [P] [E] et Mme [Y] [C],
CONDAMNE chaque partie à conserver à sa charge ses dépens d'appel,
REJETTE les demandes réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.
Le greffier, La présidente de chambre,