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23/06/2022 | FRANCE | N°20/00736

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 juin 2022, 20/00736


MINUTE N° 288/2022





























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- Me Christine BOUDET





Le 23 juin 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 23 Juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00736 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJNP


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APPELANTE et intimée sur incident :



Madame [I] [F] épouse [J]

demeurant [Adresse 4]



représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Plaidant Me Nicolas SIMOENS, ...

MINUTE N° 288/2022

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Christine BOUDET

Le 23 juin 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 23 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00736 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJNP

Décision déférée à la cour : 14 Février 2018 par le tribunal de grande instance de COLMAR

APPELANTE et intimée sur incident :

Madame [I] [F] épouse [J]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Plaidant Me Nicolas SIMOENS, avocat à Colmar

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [E] [F]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 28 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Mme [F], épouse [J], est propriétaire du bien immobilier situé [Adresse 4] cadastré section [Cadastre 2]. M. [E] [F] a reçu dans la succession de ses parents le bien immobilier contigu, situé [Adresse 1], cadastré section [Cadastre 3].

Par déclaration au greffe reçue le 20 avril 2015, Mme [F], épouse [J], a saisi le tribunal d'instance de Sélestat d'une action dirigée contre son neveu, M. [E] [F], sollicitant que celui-ci soit contraint à respecter la limite séparative de leurs propriétés contiguës, à enlever une dalle de béton ainsi qu'un mur, en respectant la servitude de vue dont elle bénéficiait, et à ne pas aggraver une servitude d'écoulement des eaux.

Par décision du 22 février 2016, le tribunal d'instance de Sélestat s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Colmar, devant lequel la procédure s'est poursuivie.

Par jugement du 14 février 2018, le tribunal de grande instance de Colmar a :

- déclaré recevables les prétentions de Mme [F], épouse [J], à l'encontre de M. [E] [F],

- condamné M. [E] [F] à procéder au retrait de la dalle de béton, des planches de rive et de la tôle empiétant sur la propriété de Mme [F], épouse [J], cette condamnation ayant été assortie d'une astreinte de 25 euros par jour, passé le délai de huit mois à compter de la signification du jugement,

- rejeté la prétention formée par Mme [F], épouse [J], à l'encontre de M. [E] [F] au titre du mur érigé sur la limite séparative des propriétés ainsi que sa prétention indemnitaire,

- condamné M. [E] [F] aux dépens et au paiement, à Mme [F], épouse [J], de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres prétentions et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Sur la demande de démolition de la dalle de béton, le tribunal a relevé que les parties s'entendaient sur le fait que cette dalle reposait bien sur leurs deux parcelles. Or, M. [E] [F] ne versait aux débats aucun élément de nature à établir que cet ouvrage avait été construit de manière concertée par Mme [F], épouse [J], et par son père, ou à démontrer l'existence d'un titre autorisant un tel empiètement ou un accord amiable de la demanderesse.

Sur la demande portant sur les planches de rive et la tôle situées sur le garage de M. [E] [F], le tribunal a relevé qu'il n'était pas sérieusement contesté par l'une et l'autre des parties à la présente instance que celles-ci débordaient sur la propriété de Mme [F], épouse [J]. Or, M. [E] [F] ne justifiait pas pouvoir se prévaloir de l'existence d'une servitude de surplomb acquise depuis au moins 30 ans, ce qui rendait inopérant son argument tiré de l'absence d'aggravation d'une telle certitude.

Sur la demande au titre de l'empiètement du mur érigé sur la limite séparative des propriétés, le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 678 du code civil relatives aux vues droites et relevé qu'il était établi que le mur érigé par le défendeur se situait en extrême limite de sa propriété. De plus, ce dernier ne contestait pas sérieusement, dans le cadre de l'instance, n'avoir ni effectué de déclaration préalable ni sollicité l'obtention d'un permis de construire, lors du réaménagement du garage construit par son père.

Cependant, Mme [F], épouse [J], ne justifiait d'aucun préjudice certain découlant de l'irrégularité de cette construction et elle ne démontrait pas non plus l'existence de la servitude de vue dont elle se prévalait, les déclarations formulées par M. [C] [J], dans une attestation établie le 11 septembre 2014, n'étant corroborées par aucun autre élément objectif, et notamment par la production d'aucun acte attestant de l'ancienneté des droits de propriété successifs du père et de sa fille et de la présence de la fenêtre sur la façade de son hangar.

Elle ne démontrait pas non plus suffisamment que le garage construit par le père du défendeur offrait à son hangar un ensoleillement significativement plus important que celui résultant de la nouvelle construction édifiée par M. [E] [F].

Enfin, le tribunal a estimé que, Mme [F], épouse [J], ne prenant pas soin de détailler, dans sa demande en réparation de l'ensemble des préjudices subis, les faits générateurs et leur étendue respective, cette demande n'était pas suffisamment étayée.

Mme [F], épouse [J], a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 12 février 2020.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 1er juin 2021, elle sollicite l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a rejeté sa prétention au titre du mur érigé sur la limite séparative des propriétés et sa prétention indemnitaire, ainsi que sa confirmation pour le surplus.

Au visa des articles 1382 ancien, respectivement 1240 nouveau du code civil et de l'article 545 du code civil, elle sollicite que la cour, statuant à nouveau :

- juge que le mur érigé par M. [E] [F] sur la limite séparative des propriétés obstrue la vue de son immeuble et porte atteinte à la servitude de vue apparente, continue et trentenaire dont dispose son immeuble sur le fonds de son voisin,

- juge que le mur érigé par l'intimé se trouve être la cause de troubles de voisinage dépassant la normalité,

- condamne M. [E] [F] à démolir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois passée la signification de la décision à intervenir, le mur qu'il a érigé sur la limite séparative des propriétés des parties,

- condamne M. [E] [F] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et d'anxiété,

- rejette l'appel incident,

- déboute M. [E] [F] de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens, y compris ceux de son appel incident,

- condamne M. [E] [F] aux entiers frais et dépens des procédures d'appel et de première instance ainsi qu'à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de sa demande portant sur la démolition du mur du garage de M. [E] [F], Mme [F], épouse [J], expose que son neveu a décidé de reculer le garage bâti par son père partiellement sur sa propriété, en édifiant un nouveau mur et en supprimant « soi-disant » la partie de la toiture qui se trouvait au-dessus de la propriété voisine. Cependant, ce mur n'a pas été construit en léger retrait, comme l'affirme M. [E] [F], mais en extrême limite de propriété.

L'appelante, qui fonde sa demande sur la responsabilité civile délictuelle de l'intimé, soutient en premier lieu que l'édification de ce mur par son neveu, en contravention des règles d'urbanisme, sans dépôt d'aucune déclaration de travaux ou demande de permis de construire, entraîne pour elle un préjudice certain en relation directe avec la violation des règles d'urbanisme, en ce que :

- si une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux avait été soumise à l'autorité compétente, celle-ci aurait pu contrôler le projet et aurait constaté que les planches de rive et la tôle empiétaient sur la propriété voisine,

- la distance entre les murs des deux immeubles est de 36 cm au niveau de sa fenêtre, encore plus réduite en s'en éloignant, jusqu'à ne plus permettre aucun passage entre les deux murs, ce qui lui interdit de procéder à l'entretien de son mur,

- la construction de M. [E] [F] obstrue intégralement une fenêtre du rez-de-chaussée de son immeuble, précisément de son hangar, alors qu'elle bénéficie d'une servitude de vue,

- cette construction prive la pièce bénéficiant de cette fenêtre de tout ensoleillement, dans des proportions dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

Concernant cette servitude de vue, Mme [F], épouse [J], fait valoir que :

- son immeuble et la fenêtre concernée sont plus que trentenaires, ce que démontre une photographie prise à l'occasion de la Fête des conscrits de [Localité 6] en 1953, lorsque son père avait 20 ans, ce dernier attestant que le bien, qu'il a acquis par adjudication le 20 mai 1957, a toujours eu une fenêtre avec vue sur la propriété voisine,

- cette vue était apparente et n'a provoqué aucune contestation du père de M. [E] [F], propriétaire du bien voisin, pendant plus de 30 ans, ce dont il résulte que son immeuble dispose d'une servitude de vue acquise par prescription,

- le garage construit par le père de M. [E] [F], il y a 18 ans, l'a été en concertation avec elle, sans mur le long de la limite séparative des propriétés et avec un toit constitué de tôles translucides, ce qui préservait l'ensoleillement de sa fenêtre, contrairement au mur aveugle construit par M. [E] [F] à 36 cm de cette fenêtre,

- peu importe que sa fenêtre soit à moins de 190 cm de la limite séparative, dans la mesure où cette vue n'a jamais été contestée et n'a jamais non plus été obstruée, en l'absence de mur fermant le garage sur le côté gauche,

- la servitude de vue était acquise dès 1983, soit avant la construction du garage du père de M. [E] [F] dans les années 2000, et la tolérance dont elle a fait preuve a duré moins de 30 ans, aucune prescription contraire n'étant donc acquise par l'intimé.

Elle ajoute que M. [E] [F] n'utilise pas son garage, dont le mur a été construit dans le seul but de porter préjudice à sa tante.

Concernant la dalle de béton, Mme [F], épouse [J], reprend les motifs du jugement déféré et confirme qu'elle n'a jamais donné son accord à cet empiètement, n'ayant manifesté, durant un temps, qu'une simple tolérance qui ne la prive pas de son droit de demander la démolition, aux frais de l'intimé, dudit empiètement.

Si elle admet qu'une concertation est intervenue avec son frère, quand celui-ci a voulu réaliser un garage, il y a 18 ans, elle affirme n'avoir jamais donné son accord mais évoque une simple tolérance, durant un temps, qui ne la prive pas du droit de demander la démolition, aux frais de l'intimé, de l'empiètement causé par la dalle en béton. Celle-ci représente le reste d'un ancien mur démoli par l'intimé pour édifier le nouveau mur litigieux, contestant avoir été à l'origine de cette construction, comme le soutient ce dernier.

À l'appui de sa demande de dommages intérêts, Mme [F], épouse [J], dénonce une attitude de provocation adoptée par M. [E] [F], une fois devenu propriétaire du terrain voisin et une impossibilité de parvenir à tout arrangement avec lui, qui, après son appel, a tiré à la carabine sur son époux, faits pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel de Colmar le 9 avril 2020.

Elle fait valoir que la nécessité d'engager une procédure, puis de faire appel de la décision qui ne lui donnait pas totalement raison, ainsi que les relations de voisinages tendues générées par ce contentieux, ont eu un impact certain sur sa santé psychique.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 25 septembre 2020, M. [E] [F] sollicite le rejet de l'appel de Mme [F], épouse [J] et la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de démolition du mur et de sa demande indemnitaire.

Formant appel incident, il sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à procéder au retrait de la dalle en béton, des planches de rive et de la tôle dans un délai de huit mois et sous astreinte, ainsi qu'en ce qu'il l'a condamné à payer 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il sollicite la condamnation de Mme [F], épouse [J], à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [E] [F] expose que la maison se situant sur sa propriété et le hangar se trouvant sur celle de Mme [F], épouse [J], sont séparés par un espace de 3 à 4 m, et que son père y a posé une dalle s'étendant sur les deux propriétés avec l'accord de sa s'ur, il y a près de 28 ans, avant de couvrir cet espace d'une toiture pour en faire un garage, là encore avec l'accord de sa s'ur, qui le reconnaît expressément.

Son père étant décédé en 2007, puis sa mère en 2014, il affirme que Mme [F], épouse [J], lui a demandé, suite à ce dernier décès, de reculer son garage sur la limite de la propriété, revenant sur l'accord intervenu avec son frère des années plus tôt. C'est ce qui l'a contraint à édifier un mur en limite de propriété, seule solution pour supporter la toiture sans toucher au bâtiment de Mme [F], épouse [J], la toiture précédente se trouvant en partie au-dessus de la propriété voisine. Il ajoute avoir fait intervenir un géomètre en raison d'un litige existant au sujet de l'emplacement exact de la limite.

M. [E] [F] fait valoir, s'agissant des planches de rive et des tôles empiétant sur la propriété de sa tante, que celle-ci ayant donné son accord pour que les tôles dépassent chez elle jusqu'à rejoindre son mur, elle ne peut se plaindre de l'empiètement. De plus, lui-même ayant reculé les tôles, il n'a pas aggravé la servitude, mais il l'a au contraire réduite.

Sur la servitude de vue et la démolition du mur, M. [E] [F] soutient que le dépôt d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux ne vise qu'à vérifier le respect des règles d'urbanisme, qui est effectif, la construction étant édifiée sur la limite de propriété. L'absence de demande de permis de construire ou de déclaration de travaux, qui ne concerne pas Mme [F], épouse [J], ne constitue pas en elle-même la violation d'une règle d'urbanisme.

L'intimé conteste par ailleurs l'existence d'une servitude de vue, soulignant que l'ouverture est située à moins de 190 cm de la limite et qu'elle est donc irrégulière. De plus, Mme [F], épouse [J], ne démontre pas que cette vue irrégulière existe depuis 30 ans, ne prouvant pas que l'immeuble ait été acquis en 1957 et que l'ouverture existait lors de cette acquisition.

De plus, si la fenêtre en cause existait depuis plus de 30 ans, aucune servitude de vue n'a pu être acquise, dans la mesure où cette fenêtre donnait sur le garage de son frère, soit une pièce fermée et sans fenêtre. Il reprend les motifs du jugement déféré selon lesquels Mme [F], épouse [J], ne démontre pas que le garage construit par son frère offrait à son hangar un ensoleillement significativement plus important que celui résultant de la nouvelle construction. Il conteste que les tôles du toit aient été transparentes, ajoutant que l'espace existant désormais entre les deux bâtiments offre au contraire une clarté plus importante que précédemment.

De plus, la démolition du garage en entier sollicitée par Mme [F], épouse [J], ne pourrait aboutir à une situation plus favorable qu'avant la construction du mur, la fenêtre devant toujours donner dans le garage, si bien que, si la vue, au droit de la fenêtre, doit être dégagée, c'est en ordonnant la destruction de la seule partie du mur se trouvant au droit de la fenêtre.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [F], épouse [J], M. [E] [F] souligne qu'il a été sanctionné au pénal et que cela ne concerne pas ce dossier, qu'il n'a pas exécuté le jugement qui ne lui a jamais été signifié, que c'est l'appelante qui est à l'origine de la procédure et lui a imposé de reculer le hangar, et enfin que lui-même aurait volontiers laissé le garage en l'état, conduisant à l'édification du mur.

Il ajoute que sa santé est gravement atteinte par cette situation et qu'il souffre de dépression en raison du harcèlement de sa tante.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 05 octobre 2021.

Mme [F], épouse [J], a adressé à la juridiction une note en délibéré datée du 5 avril 2022 qui n'avait pas été autorisée à l'audience du 24 février 2022 et qui, dès lors, doit être écartée des débats, comme l'a sollicité M. [E] [F] dans une note du 9 avril 2022.

MOTIFS

I ' Sur les demandes de Mme [F], épouse [J],

A) Sur les demandes en démolition

Sur la demande relative à la dalle de béton, il résulte des écritures des parties que celle-ci a été posée au sol par le père de M. [E] [F] sur son terrain, tout en débordant sur celui de Mme [F], épouse [J]. Ainsi que le premier juge l'a relevé, l'existence d'une concertation avec cette dernière pour l'extension de cette dalle sur sa parcelle n'est pas établie, ni celle d'un accord amiable, même a posteriori, rien qui puisse excéder la simple tolérance admise par l'appelante. Par ailleurs, l'intimé ne justifie d'aucun titre pouvant ôter à l'empiètement de cette dalle son caractère illicite, par l'atteinte au droit de propriété qu'il représente.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a condamné M. [E] [F] à retirer ladite dalle à ses frais, en ce qu'elle empiète sur la propriété de Mme [F], épouse [J], et le jugement déféré doit être confirmé sur ce chef.

Sur la demande portant sur les rives de toit et la tôle en bordure du toit du garage édifié par M. [E] [F], ce dernier ne conteste pas avoir fait édifier le mur de ce garage en limite de propriété, entre les parcelles respectives des parties, ce dont il résulte que la tôle formant la couverture de

ce garage et les rives de cette toiture empiètent sur la parcelle de Mme [F], épouse [J], ce que confirme un constat produit par cette dernière, dressé le 5 novembre 2015 par Me [Y], huissier de justice à [Localité 5].

Or, comme l'a retenu le tribunal, M. [E] [F] ne justifie ni d'un accord exprès de Mme [F], épouse [J], à cet empiètement, ni d'une prescription trentenaire acquise le concernant, y compris en tenant compte de la durée de l'empiètement de la toiture du précédent garage édifié par son père. Aucune servitude de surplomb n'est donc constituée et, dès lors, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné l'intimé à retirer les planches de rives et tôles empiétant sur la propriété de Mme [F], épouse [J].

S'agissant du mur du garage, construit par M. [E] [F] en limite de sa propriété ainsi qu'il a été mentionné plus haut, il est admis par l'intimé qu'il a été édifié sans permis de construire et sans déclaration préalable et Mme [F], épouse [J], invoque un préjudice en résultant, dans la mesure notamment où cette situation porterait atteinte à la servitude de vue résultant d'une fenêtre du rez-de-chaussée de son hangar, laquelle aurait été acquise par prescription trentenaire. En effet, l'appelante ne conteste pas, ainsi que l'a relevé le premier juge, que cette fenêtre est située à une distance inférieure à celle autorisée par la loi pour constituer des vues droites sur la propriété voisine.

Cependant, l'attestation de M. [C] [F], père de l'appelante, datée du 11 septembre 2014, n'a qu'une force probante très limitée, son objectivité étant susceptible d'être remise en cause puisqu'elle est rédigée à son profit. Il évoque en effet « une fenêtre au niveau de (son) hangar avec vue sur la propriété voisine », creusée dans le mur de son propre hangar, qui aurait pré-existé à son acquisition du bien immobilier en cause intervenue en 1957. De plus, cette attestation est très imprécise, ne mentionnant pas les dimensions de cette fenêtre.

Pour démontrer l'ancienneté de cette fenêtre, Mme [F], épouse [J], produit également une photographie prise devant l'emplacement du garage actuel de M. [E] [F], à l'occasion de la fête des conscrits de la commune de l'année 1953.

En réalité, cette photographie, à supposer qu'elle a bien été prise à l'endroit invoqué, ne fait apparaître qu'une ouverture très étroite, d'une hauteur très réduite, tout juste constitutive d'une meurtrière qui n'a pu créer une servitude de vue sur le fonds voisin, aucune vue effective ne pouvant être exercée par cette petite ouverture. Or, la date à laquelle a été mise en place la fenêtre actuelle de ce bien n'est pas démontrée par les pièces versées aux débats et il n'est donc pas établi qu'elle l'ait été il y a plus de trente ans, les seules allégations de l'appelante à ce titre ne pouvant tenir lieu de preuve et l'attestation de son père n'apportant aucune précision sur ce point.

A défaut d'autre élément de preuve, Mme [F], épouse [J], ne démontre donc nullement que la servitude de vue invoquée ait été acquise par prescription, ce dont il résulte que l'obstruction de toute vue par la construction du mur du garage édifié par M. [E] [F] ne peut lui causer un préjudice à ce titre. En outre, les photographies versées aux débats, qui ne permettent de s'assurer, ni du lieu ni de la date à laquelle elles ont été prises, sont insuffisantes à démontrer que le toit du garage, tel qu'il était construit précédemment, ait apporté à son hangar une luminosité supérieure à celle permise par la construction du mur litigieux. Mais, précisément, il s'agit d'un hangar et non pas d'une pièce de vie, si bien que l'éventuelle perte de luminosité invoquée ne peut constituer un trouble anormal de voisinage.

Enfin, Mme [F], épouse [J], ne démontre nul dommage lié à des difficultés d'entretien du mur de son hangar, qui aurait été causé par la construction du mur du garage de M. [E] [F], d'autant plus que, la dalle de béton située au pied de ce mur devant être retirée, il ne demeurera aucun obstacle à l'écoulement des eaux de pluie dans le sous-sol.

Au vu de tous ces éléments, le jugement déféré doit donc être également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [F], épouse [J], tendant à la démolition de ce mur.

B) Sur la demande de dommages et intérêts

Sur les fautes de M. [E] [F] invoquées par Mme [F], épouse [J], à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, il convient tout d'abord de préciser que l'appelante ne démontre nullement que son neveu ait construit le mur du garage litigieux dans le seul but de lui nuire, comme elle le soutient, ne produisant aucun élément de preuve sur ce point.

De plus, si l'intimé a effectivement été condamné pénalement pour des violences avec menace d'une arme commises sur son oncle, alors qu'il était en état d'ivresse manifeste, il a également été condamné par la juridiction pénale à verser à ce dernier des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Or, Mme [F], épouse [J], qui n'a pas été victime de ces violences, ne justifie pas de nouveaux débordements de la part de l'intimé, la seule tension entre les parties liée à la présente procédure ne pouvant constituer une faute imputable à l'intimé, d'autant plus qu'une partie seulement des demandes de l'appelante se trouve fondée. En outre, l'intimé produit lui-même une attestation de sa tante maternelle évoquant des provocations incessantes de l'époux de Mme [F], épouse [J], à l'égard de son neveu, alors que ce dernier avait été fort éprouvé par la maladie de sa mère dont il s'occupait quotidiennement. Enfin, chacune des deux parties verse aux débats un document médical évoquant un état de santé détérioré par l'anxiété due au conflit de voisinage existant entre elles.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

De plus, si l'appel principal de Mme [F], épouse [J], est rejeté, l'appel incident de M. [E] [F] l'est également, ce qui justifie, dans le contexte familial de cette affaire, que chaque partie conserve à sa charge ses dépens mais aussi les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en appel.

En conséquence, les demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés en appel, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

ECARTE des débats la note en délibéré datée du 5 avril 2022 adressée à la juridiction par Mme [F], épouse [J],

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Colmar le 14 février 2018,

Y ajoutant,

CONDAMNE chaque partie à conserver à sa charge ses dépens d'appel,

REJETTE les demandes réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00736
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.00736 ?
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