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17/06/2022 | FRANCE | N°21/03492

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 17 juin 2022, 21/03492


MINUTE N° 268/2022





























Copie exécutoire à



- la SELARL LEXAVOUE COLMAR



- Me Laurence FRICK





Le 17 juin 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 17 Juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03492 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUSJ
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Décision déférée à la cour : 13 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE :



La S.A.R.L. BATIM, prise en la personne de son gérant

ayant son siège social : [Adresse 1]



représentée par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.



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MINUTE N° 268/2022

Copie exécutoire à

- la SELARL LEXAVOUE COLMAR

- Me Laurence FRICK

Le 17 juin 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03492 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUSJ

Décision déférée à la cour : 13 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

La S.A.R.L. BATIM, prise en la personne de son gérant

ayant son siège social : [Adresse 1]

représentée par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

INTIMÉES :

1/ Madame [P] [O]

demeurant [Adresse 2]

non représentée, assignée le 11 octobre 2021 à personne.

2/ L'Association CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT LOUIS REGIO Association coopérative inscrite à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal.

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Mme Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK , Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction.

ARRET réputé contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Après avoir émis, le 10 juin 2010, un chèque n°6867776 d'un montant de 144 506,81 euros tiré sur la CCM St-Louis Regio au bénéfice de la SARL Batim, Mme [P] [O] née [N], a fait opposition au paiement de ce chèque, le 12 juin 2020, au motif d'une utilisation frauduleuse.

Le 27 novembre 2020, la société Batim a déposé une plainte pénale à l'encontre de Mme [P] [O] au commissariat de [Localité 7] pour opposition non fondée au chèque.

Par assignation signifiée le 12 décembre 2020, la société Batim a attrait Mme [P] [O] devant la juridiction des référés civils du tribunal judiciaire de Mulhouse, sur le fondement de 1'article L.131-35 du code monétaire et financier, aux fins de voir ordonner la mainlevée de l'opposition.

Le 6 janvier 2021, Mme [P] [O] a déposé plainte contre la société Batim et son gérant, M. [L] [X], auprès de la brigade de gendarmerie de Hagenthal pour lui avoir fait signer le chèque litigieux sous la contrainte.

Par ordonnance du 13 juillet 2021, le juge des référés a :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur le fondement de l'article 4 du code de procédure pénale ;

- débouté la société Batim de sa demande en mainlevée d'opposition formée sur le fondement de l'article L.l31-35 du code monétaire et financier ;

- dit n'y avoir lieu à référé au profit de la société Batim sur le fondement de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- déclaré la décision opposable à la Caisse de Crédit Mutuel Saint-Louis Régio ;

- condamné la société Batim à payer à Mme [P] [O] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse de Crédit Mutuel Saint-Louis Régio;

- condamné la société Batim aux entiers dépens de cette instance ;

- constaté l'exécution provisoire de plein droit des dispositions de l'ordonnance.

Le juge a rejeté la demande de sursis à statuer au motif qu'un simple dépôt de plainte n'équivalait pas à la mise en mouvement de l'action publique, au sens de 1'article 4 du code de procédure pénale.

Sur la demande formée par la société Batim sur le fondement de l'article L.131-35 du code monétaire et financier, il a relevé que, bien que Mme [O] ait établi, le 10 juin 2020, un chèque au profit de la société Batim, en règlement d'une facture n°200407 du 30 avril 2020, portant sur le solde du coût de la viabilisation de trois terrains sis à [Localité 5], une contestation existait entre les parties sur le fait de savoir si Mme [O] était encore redevable d'une somme quelconque à ce titre au regard des mentions figurant en pages 9 et 10 de l'acte authentique de vente du 18 octobre 2017 portant sur les terrains en question et selon lesquelles la somme de 25 000 euros déjà versée à cette fin devait être considérée comme la contribution définitive des vendeurs, à savoir M. [E] [O], aujourd'hui décédé, et son épouse, à la viabilisation desdites parcelles ou comme un acompte sur le coût de celle-ci.

Le juge a également fait état d'une attestation du 1er avril 2021, émanant de la fille de Mme [P] [O], à savoir Mme [U] [O], laquelle, présente au domicile de sa mère le jour de l'établissement du chèque litigieux, dit avoir entendu, d'une part, M. [X] évoquer ses problèmes d'argent et des travaux de viabilisation qui lui auraient coûté plus cher que prévu et, d'autre part, des éclats de voix, comme si ce dernier disputait sa mère, en lui reprochant de ne pas être assez reconnaissante pour tout ce qu'il avait fait, parlant très fort, sur un ton agressif jusqu'à lui demander expressément d'établir le chèque à l'ordre de la société Batim. Elle y ajoute qu'après le départ de M. [X], sa mère « avait l'air d'être sonnée » et lui a dit « qu'elle n'en pouvait plus de l'insistance » de l'intéressé.

Le juge s'est également fondé sur des attestations établies le 25 mars 2021 par deux personnes ayant été en contact avec Mme [P] [O] après le départ de M. [X] lesquelles ont constaté que Mme [P] [O] se trouvait « dans tous ses états », « en état de choc ».

Le juge en a déduit que les circonstances dans lesquelles le chèque litigieux avait été établi et signé par Mme [P] [O] étaient assimilables à des manoeuvres imputables à M. [X], visant à la contraindre à y procéder et a considéré que le motif invoqué pour former opposition au chèque en cause s'avérait fondé, de sorte que la société Batim devait être déboutée de sa demande fondée sur l'article L.131-35 du code monétaire et financier.

Sur la demande formée par la société Batim en vertu de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, compte tenu des développements précédents, le juge a considéré que l'obligation de paiement de Mme [P] [O] en lien avec la facture n°200407 du 30 avril 2020, portant sur le solde du coût de la viabilisation de trois terrains sis à [Localité 5] s'avérait sérieusement contestable et a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société Batim à l'encontre de Mme [P] [O], que ce soit au titre de la facture précitée ou au titre de pénalités de retard dont la preuve du fondement n'est d'ailleurs pas rapportée.

La société Batim a formé appel à l'encontre de cette ordonnance le 29 juillet 2021, par voie électronique.

Par ordonnance du 1er septembre 2021 de la présidente de la chambre, l'affaire a été fixée à l'audience du 1er avril 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 7 octobre 2021, la société Batim demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé l'appel qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance de référé civil du tribunal judiciaire de Mulhouse du 13 juillet 2021 ;

- y faire droit ;

en conséquence :

- infirmer l'ordonnance de référé civil du 13 juillet 2021 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en mainlevée d'opposition et dit n'y avoir lieu à référé, en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de cette instance ;

statuant à nouveau :

- ordonner la mainlevée de l'opposition formée par Mme [P] [O] au paiement du chèque 6867776 d'un montant de 144 506,81 euros tiré sur la CCM Saint-Louis Régio à son ordre ;

- déclarer l'ordonnance à intervenir commune à la CCM Saint-Louis Régio ;

- condamner Mme [P] [O] à lui payer, à titre de provision :

-la somme de 144 506,81 euros TTC correspondant au montant du chèque à l'encontre duquel il a été formé irrégulièrement opposition.

-la somme de 15 173,21 euros au titre des pénalités contractuelles de retard, pour la période du 30 avril 2020 au 30 novembre 2020 ;

en tout état de cause :

- débouter Mme [O] de toute demande au titre d'un appel incident ;

- la condamner aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Batim expose que les relations d'affaires qu'elle a entretenues, depuis 2012 jusqu'au décès de M. [O], par l'intermédiaire de M. [X], avec les époux [O], propriétaires de nombreux biens fonciers, se sont poursuivies ensuite avec Mme [P] [O], les époux [O] ayant acheté par le biais de l'agence de M. [X], la SARL Orim, une maison à [Localité 5] avant d'avoir recours à ses services pour faire réaliser un lotissement de huit terrains à bâtir sur la commune de [Localité 8].

Elle précise qu'après que M. [X] soit parvenu à rendre constructibles les vergers derrière les trois maisons des époux [O] sises [Localité 5], ces derniers, en 2015, lui ont promis devant notaire, de vendre quarante ares à sa société la Foncière des Trois Lys avant de ramener la surface vendue à vingt-trois ares tel que cela résulte de l'acte authentique produit qui prévoit que les époux [O] se réservent des terrains à bâtir et que la vente des six autres terrains à bâtir dont seulement cinq sont vendus à la société Foncière des Trois Lys a pour condition que le coût de la viabilisation de la voie d'accès soit supporté à concurrence d'un sixième par les époux [O], la somme de 25 000 euros mentionnée en page 10 de l'acte ne constituant, à l'évidence, qu'un acompte sur le coût de la viabilité des six parcelles.

La société soutient qu'elle a pris à sa charge le coût de l'ensemble de la viabilisation des parcelles tel que cela résulte du plan de situation de l'aménagement de la zone et qu'elle s'est occupée de la conception, des études juridiques et techniques, des plans, des appels d'offres, de la passation des marchés, du suivi et de la réception de l'ensemble des travaux, tous les autres travaux ayant été réalisés par des entreprises sous-traitantes, qui les lui ont facturés, la société d'expertise comptable E&R Consultants intervenant pour son compte certifiant le montant du coût total de cette viabilisation, qu'elle a ensuite facturé à Mme [P] [O], soit 169 506,81 euros TTC dont à déduire un acompte de 25 000 euros, soit un solde du de 144 506,81 euros TTC.

Elle soutient que, dès que les sommes à engager ont été connues, M. [X] en a fait part aux époux [O] qui ont accepté de prendre en charge non pas 1/6ème du coût des viabilités, mais bien 3/8ème correspondant aux terrains rendus constructibles par les travaux, payables au moment de la vente de chaque terrain.

La société Batim ajoute que le 25 mai 2020, soit deux semaines avant la remise du chèque en cause, Mme [P] [O] et sa fille [U] [O] avaient donné rendez-vous à M. [X] et M. [R], gérant de la société Batim, pour faire les comptes des opérations en cours et se faire communiquer le prix d'une construction neuve que Mme [P] [O] souhaitait réaliser ; qu'ayant sollicité un délai de réflexion, un nouveau rendez-vous a été fixé chez Mme [O], avec sa fille et M. [X] pour le 10 juin 2020, date à laquelle, le chèque querellé a été établi, sans ruse ni man'uvre, sans contrainte ni violence.

S'agissant de l'opposition au chèque, la société Batim indique que l'article L.131-35 du code monétaire et financier en prévoit les cas et que la charge de la preuve de la véracité du motif de l'opposition pèse sur Mme [P] [O] laquelle, en l'occurrence, ne justifie pas d'une utilisation frauduleuse du chèque.

Arguant de ce que la durée de l'instance, la demande tardive de renvoi de la caisse de crédit mutuel à laquelle il a été fait droit et l'appel formé auraient dans tous les cas entraîné la délivrance d'une décision de M. le président, et d'un arrêt de la cour, au-delà du délai de prescription de l'article L.131-59 du code monétaire et financier, s'agissant d'un chèque portant la date du 10 juin 2020, elle s'estime fondée à demander, outre la mainlevée de l'opposition frauduleuse, la condamnation de Mme [O] à lui payer à titre de provision la somme de 144 506,81 euros TTC et les pénalités de retard contractuelles.

La société Batim explique que, lors de l'entretien au cours duquel Mme [P] [O] lui a remis le chèque litigieux, cette dernière lui a indiqué qu'elle entendait renoncer à ses projets immobiliers. Elle considère que Mme [O] doit néanmoins régler le coût de la viabilisation des trois terrains qu'elle a conservés pour elle-même, aucun doute n'existant sur le fait que le prix de la viabilisation de ces trois terrains soit dû nonobstant les stipulations de l'acte de vente qui ne concerne que cinq terrains sur les huit viabilisés.

Elle se prévaut d'une attestation de maître [D], notaire ayant rédigé la promesse de vente du 23 décembre 2015 et l'acte de vente des terrains du 18 octobre 2017 aux termes de laquelle il est dû par les vendeurs un sixième du total des viabilisations, la somme de 25 000 euros mentionnée étant un acompte à valoir sur ce prix et le prix entièrement payé mentionné dans l'acte étant le prix des terrains et non celui des viabilités ce qui induit que les vendeurs doivent payer la différence entre l'acompte de 25 000 euros et le montant réel des factures, ce montant correspondant à celui qu'elle a demandé et qui a été réglé par le chèque litigieux, ce qui n'est pas contestable.

Elle remet en cause l'attestation de Mme [U] [O], fille de Mme [P] [O], nue-propriétaire des terrains litigieux dont sa mère est usufruitière et partie à la promesse de vente et à l'acte de vente, tenue au paiement de la facture de la SARL Batim au même titre que sa mère pour avoir bénéficié des travaux de viabilisation, le paiement de ces derniers ayant été demandé à la mère et à la fille.

Elle ajoute que l'attestation de Mme [U] [N] est, d'une part, peu crédible puisqu'elle y indique qu'elle aurait entendu des éclats de voix, de M. [X], en train de disputer sa mère sans pour autant intervenir et, d'autre part, contradictoire avec les déclarations de Mme [P] [O] au soutien de sa plainte pénale faite uniquement pour les besoins de la cause.

Elle critique également les autres attestations, pour avoir été établies près d'un an après les faits, par des personnes n'ayant pas été des témoins directs des échanges entre M. [X] et Mme [P] [O] et ne permettant pas d'établir l'existence d'une contrainte morale de nature à caractériser une utilisation frauduleuse du chèque.

Elle entend donner sa version des faits du 10 juin 2020 : M. [X] s'est rendu chez Mme [P] [O] à sa demande pour s'entendre annoncer qu'elle n'entendait pas poursuivre les opérations en cours (la vente d'une des parcelles, construction de sa maison et autres opérations projetées) et qu'elle souhaitait mettre fin à leurs relations ; M. [X] lui a alors indiqué qu'elle devait régler les frais engagés par la SARL Batim pour la viabilisation des trois terrains dont elle était encore propriétaire, cette discussion ayant eu lieu en présence de sa fille et de son chien d'attaque, un dogue allemand.

La société Batim souligne qu'elle a mis plus de deux jours pour présenter le chèque, ce qui contredit la thèse de l'extorsion du chèque à Mme [O] et rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation dont se prévaut cette dernière aux termes de laquelle l'utilisation frauduleuse peut aussi être caractérisée lorsque le chèque a été obtenu et utilisé à la suite de man'uvres frauduleuses est isolée et est intervenue dans le cadre d'une situation différente.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2021, la CCM Saint-Louis Régio demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour ;

statuer ce que de droit :

- condamner toute partie succombante aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

- condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse de crédit mutuel souligne qu'il n'est pris aucune conclusion directe à son encontre mais qu'il est seulement demandé que la décision à intervenir lui soit déclarée commune. Elle indique ne pas vouloir prendre parti dans le litige auquel elle est totalement étrangère.

Mme [P] [O] s'est vue signifier la déclaration d'appel à sa personne le 6 septembre 2021 ainsi que les conclusions de la société Batim mais n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens de la société Batim et de la CCM, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

Le 24 mai 2022, la société Batim, a transmis une note en délibéré par voie électronique.

Le président n'ayant pas demandé à la société Batim de produire une note en délibéré, tel que prévu par l'article 445 du code de procédure civile, il y a lieu d'écarter ladite note.

MOTIFS DE LA DECISION

Mme [O], intimée, s'étant vue signifier la déclaration d'appel à sa personne et n'ayant pas constitué avocat, il est statué par arrêt réputé contradictoire.

Il est rappelé que, dans l'hypothèse d'une absence de constitution d'avocat, aux termes des dispositions de l'article 921 du code de procédure civile, Mme [O] est réputée s'en tenir à ses moyens de première instance.

Sur la demande de mainlevée de l'opposition au chèque

Aux termes des dispositions de l'article L.131-35 du code monétaire et financier, il n'est admis d'opposition au paiement par chèque qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur. Si le tireur fait une opposition pour d'autres causes, le juge des référés, même dans le cas où une instance au principal est engagée, doit, sur la demande du porteur, ordonner la mainlevée de l'opposition.

En première instance, Mme [O] a indiqué que le chèque en cause avait été établi contre sa volonté, sous la pression de la société Batim et sans réelle contrepartie.

Le juge des référés a débouté la société Batim de sa demande fondée sur l'article L.131-35 du code monétaire et financier, considérant que les circonstances dans lesquelles le chèque litigieux avait été établi et signé par Mme [P] [O] étaient assimilables à des manoeuvres imputables à M. [L] [X] et visant à la contraindre à y procéder.

Après avoir relevé l'existence d'une contestation sur la dette de Mme [P] [O], pour aboutir à cette considération, l'ordonnance entreprise s'est appuyée, en premier lieu, sur l'attestation du 1er avril 2021 dressée par Mme [U] [O], la fille de Mme [P] [O] dans des termes non contestés en leur libellé par la société Batim.

Toutefois, cette attestation que Mme [P] [O] ne produit pas à hauteur d'appel, n'est pas de nature à démontrer que le chèque en cause a été établi sous la pression de la société Batim et contre la volonté de Mme [P]

[O] puisque Mme [U] [O], en sa qualité de nue-propriétaire apparaît être directement intéressée à la solution du litige.

L'ordonnance entreprise s'est également référée aux attestations établies par Mme [F] [I] et M. [T] [Z], en en reprenant les termes non contestés en leur libellé par la société Batim lesquelles, non produites par Mme [P] [O], non constituée, ne sont pas plus de nature à démontrer

l'existence d'une pression de la société Batim ayant amenée Mme [P] [O] à signer le chèque en cause contre sa volonté puisqu'il n'y est fait mention que de l'état de cette dernière après la visite de M. [X] à son domicile, ce qui n'est pas suffisamment probant.

S'agissant de l'existence d'une contestation relevée par le juge des référés, si elle est réelle, elle n'est cependant pas un motif de nature à justifier l'opposition de Mme [P] [O] au chèque en cause.

Dès lors, il y a lieu d'ordonner la mainlevée de l'opposition formée par Mme [P] [O] au paiement du chèque 6867776 d'un montant de 144 506,81 euros tiré sur la CCM Saint-Louis Régio à son ordre.

Sur la demande de provision de la société Batim

Aux termes des dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse, Mme [O] a soutenu que son obligation de paiement était sérieusement contestable.

Considérant la pertinence des motifs retenus par l'ordonnance entreprise, il y a lieu de la confirmer de ce chef, étant souligné que, d'une part, la facture n°200407 du 30 avril 2020 pour un lotissement [Adresse 6] dont se prévaut la société Batim au soutien de sa demande laquelle ne vaut pas preuve de l'obligation de Mme [O] [P] [O] a un objet qui ne correspond pas au devis n°2012/62 du 18 décembre 2012 lequel concerne l'aménagement d'un lotissement au lieu-dit [Localité 4] à [Localité 8] et que, d'autre part, la société Batim, contrairement à ce qu'elle indique, ne produit pas l'acte authentique qui la lierait à Mme [P] [O] et qui serait de nature à expliquer la dette de cette dernière.

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est infirmée sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en ce que la société Batim a été condamnée à payer la somme de 1500 euros à Mme [P] [O] sur ce fondement.

Il y a lieu de décider que chaque partie doit supporter la charge de ses dépens exposés tant en premier ressort qu'à hauteur d'appel.

Il a lieu de rejeter les demandes d'indemnité formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant Mme [P] [O] pour ses frais de procédure exposés devant le juge des référés et concernant la société Batim et de CCM pour leurs frais de procédure exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME l'ordonnance rendue le 13 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'il a :

débouté la SARL Batim de sa demande en mainlevée d'opposition formée sur le fondement de l'article L.l31-35 du code monétaire et financier ;

condamné la SARL Batim à payer à Mme [P] [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL Batim aux entiers dépens de l'instance ;

CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue le 13 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse ;

Statuant sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

ORDONNE la mainlevée de l'opposition formée par Mme [P] [O] au paiement du chèque 6867776 d'un montant de 144 506,81 euros tiré sur la CCM Saint-Louis Régio à l'ordre de la SARL Batim ;

DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens exposés tant en premier ressort qu'à hauteur d'appel ;

REJETTE les demandes d'indemnités formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par Mme [P] [O] pour ses frais de procédure exposés devant le juge des référés et concernant la société Batim et de la CCM Saint-Louis Régio pour leurs frais de procédure exposés à hauteur d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03492
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;21.03492 ?
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