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16/06/2022 | FRANCE | N°20/036401

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 16 juin 2022, 20/036401


MINUTE No 22/539

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 16 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/03640 - No Portalis DBVW-V-B7E-HOH3

Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. TRILUX FRANCE
[Adresse 9

]
[Adresse 5]
[Localité 8]

Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

Monsieur [B] [G]
[Adresse 1]
[Localité 7...

MINUTE No 22/539

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 16 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/03640 - No Portalis DBVW-V-B7E-HOH3

Décision déférée à la Cour : 25 Novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. TRILUX FRANCE
[Adresse 9]
[Adresse 5]
[Localité 8]

Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

Monsieur [B] [G]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représenté par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN
Service contentieux
[Adresse 2]
[Localité 6]

Comparante en la personne de Mme [K] [Z], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

M. [B] [G], né le [Date naissance 3] 1982, a été engagé le 1er juillet 2011, sous contrat de travail à durée indéterminée, par la SAS Trilux France, en qualité d'ingénieur support technique.

Le 26 novembre 2015, M. [G] a effectué une déclaration de maladie professionnelle (état dépressif sévère) auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin à fin de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

La CPAM a saisi, pour avis, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 10] lequel, le 25 avril 2017, a indiqué que la pathologie de M. [G] est en relation directe et essentielle avec le contexte professionnel.

Le 3 mai 2017, la CPAM, au regard de l'avis du CRRMP qui s'impose à elle, a décidé de prendre en charge la maladie de M. [G] au titre de la législation professionnelle à compter du 26 novembre 2015.

L'état de santé de M. [G] a été déclaré consolidé au 25 novembre 2017 selon décision du médecin conseil de la CPAM notifiée le 10 janvier 2018, et le 11 mai 2018, la CPAM a notifié à M. [G] un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 25% avec attribution d'une rente à compter du 26 novembre 2017.

Le 28 août 2017, M. [G] a demandé à la CPAM de mettre en oeuvre la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

A défaut de conciliation, par requête expédiée le 20 juillet 2018, M. [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin en vue de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société Trilux France.

Par jugement du 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg remplaçant le TASS a :

- déclaré M. [B] [G] recevable en son action ;
- dit que la maladie professionnelle dont souffre M. [B] [G] est due à une faute inexcusable commise par la société Trilux France, son employeur ;

- dit que la rente servie par la CPAM du Bas-Rhin en application de l'article L.452–2 du code de la sécurité sociale sera majorée au montant maximum et que la majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité attribué ;
- avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par M. [B] [G], ordonné une expertise médicale dont il a détaillé la mission ;
- dit que la CPAM du Bas-Rhin fera l'avance des frais d'expertise ;
- accordé à M. [B] [G] une somme de 2000 euros à titre de provision ;
- dit que la CPAM du Bas-Rhin versera directement à M. [B] [G] les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et de l'indemnisation complémentaire ;
- dit que la CPAM du Bas-Rhin pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir, provision et majoration accordées à M. [B] [G] à l'encontre de la société Trilux France et a condamné cette dernière à ce titre ainsi qu'au remboursement du coût de l'expertise ;
- invité la société Trilux France à communiquer à la CPAM du Bas-Rhin les coordonnées de son assurance garantissant le risque faute inexcusable ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- réservé à statuer pour le surplus sur les demandes des parties ;
- renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour conclusions des parties après expertise.

La société Trilux France a formé appel à l'encontre de ce jugement par lettre envoyée le 16 décembre 2020.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2022, la société Trilux France demande à la cour de :

- recevoir son appel ;
- juger ses demandes recevables et bien fondées ;
- infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg le 25 novembre 2020 ;

statuant à nouveau :
au fond :

- juger que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G] lui est inopposable ;
- débouter M. [G] de l'ensemble de ses fins et prétentions ;

en tout état de cause :

- juger que l'affection de M. [G] n'a pas d'origine professionnelle ;
- débouter M. [G] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
- condamner M. [G] à payer une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens pour la procédure de première instance et la procédure d'appel.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2021, M. [G] demande à la cour de :

- rejeter l'appel entrepris par la société Trilux, et la débouter de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

en conséquence :

- confirmer que la maladie professionnelle dont il a été victime le 26 novembre 2015 est due à la faute inexcusable de son employeur, la société Trilux ;
- confirmer que la majoration de la rente maladie professionnelle est portée à son maximum ;
- confirmer que c'est à bon droit que le jugement contesté a ordonné une expertise médicale pour apprécier les préjudices qu'il a subis non couverts par la rente ;
- confirmer que c'est à bon droit que le premier juge lui a alloué une provision d'un montant de 2000 euros ;

y ajoutant :

- condamner la société Trilux à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux les frais et dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions reçues le 10 août 2021, la CPAM du Bas-Rhin demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les prétentions de la SAS Trilux France visant à solliciter l'inopposabilité de sa décision de prendre en charge la maladie professionnelle du 26 novembre 2015 de M. [G] ;
- statuer sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SAS Trilux France dans la survenance de la maladie professionnelle du 26 novembre 2015 de M. [G], la caisse s'en remettant à l'appréciation de la cour de céans sur ce point ;

Si la cour devait confirmer l'existence de la faute inexcusable de l'employeur :

- statuer sur la majoration de rente et l'allocation d'une provision ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 novembre 2020 quant au fait que la caisse fera l'avance de toutes les sommes fixées par les juges et en récupérera le montant auprès de la SAS Trilux France ;
- renvoyer le dossier par devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'expertise pour l'évaluation des préjudices ;
- statuer sur la demande d'article 700 du code de procédure civile sans avance de la caisse à ce titre, et condamner M. [G] ou la SAS Trilux France aux entiers frais et dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 7 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur la demande de la société Trilux France tendant à ce que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G] lui soit déclarée inopposable

La société Trilux France soutient que le caractère professionnel de la maladie de M. [G] n'est pas établi puisque la plainte pénale a été classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée », que les premiers juges n'ont pas tenu compte des éléments pourtant essentiels de l'enquête pénale et que si les faits ne sont pas établis, le lien entre l'affection dont se plaint M. [B] [G] et la société Trilux ne l'est pas plus.

Elle considère qu'il n'est pas normal que le CRRMP n'ait pas été mis au courant de l'existence de la plainte pénale et qu'en l'absence de tout acte pouvant être constitutif d'un harcèlement moral ou syndical, le caractère professionnel de la maladie n'est pas établi, étant souligné que le conseil de prud'hommes a constaté l'absence d'un tel harcèlement et d'une discrimination syndicale à l'égard de M. [G].

M. [G] réplique que la plainte pénale est sans incidence sur le présent litige.

La CPAM fait valoir que la société Trilux France ne peut demander l'inopposabilité de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [G] puisque cette demande n'a pas été faite en première instance, étant souligné qu'une procédure parallèle est toujours en cours sur ce point devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg.

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Considérant que devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, la société Trilux France n'a pas formulé de demande tendant à lui voir déclarer inopposable la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [G], cette demande formulée à hauteur d'appel doit être déclarée irrecevable pour être nouvelle.

Au surplus, l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret no2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, régit exclusivement la procédure applicable à la prise en charge au titre du risque professionnel d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'un rechute.

Il en résulte que si l'employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime que la maladie n'a pas d'origine professionnelle, il n'est pas recevable à contester la décision de prise en charge de la maladie par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle.

Sur la faute inexcusable

Au soutien de cette demande, la société Trilux France formule les mêmes moyens que pour la demande d'inopposabilité faite précédemment.

Elle conteste point par point les allégations de M. [G] selon lesquelles il aurait été victime de harcèlement moral en son sein qui aurait entraîné sa maladie professionnelle.

M. [G] fait valoir que la plainte pénale n'a pas d'incidence sur la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et que le litige prud'homal est sans lien avec la présente procédure.

Il soutient que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie à savoir un état dépressif sévère auquel ont conduit les faits de harcèlement discriminatoire qu'il décrit et qui imputables à la société Trilux France.

Il est de principe qu'un employeur peut soutenir, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par la victime que la maladie n'a pas d'origine professionnelle.

Il a également été posé en principe que lorsque la maladie professionnelle ne remplit pas les conditions de la présomption d'imputabilité au travail et que la CPAM a été amenée à saisir un CRRMP pour avis avant de rendre sa décision, le juge doit saisir un second CRRMP pour avis avant de statuer sur la demande du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, lorsque le caractère professionnel de la maladie est contesté par l'employeur, en défense à cette action.
La maladie déclarée par M. [G] n'est désignée dans aucun tableau des maladies professionnelles et la caisse l'a prise en charge au titre de la législation professionnelle sur le fondement de l'article L.461-1, alinéa 7 du code de la sécurité sociale.

Or, il apparaît que le tribunal judiciaire de Strasbourg n'a pas saisi un second CRRMP avant de se prononcer sur le caractère professionnel de la pathologie de M. [G], de sorte qu'avant de statuer, il y a lieu de procéder à cette désignation et de réserver les demandes des parties, les frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DECLARE l'appel de la SAS Trilux France recevable ;

DECLARE irrecevable la demande de la SAS Trilux France tendant à ce que la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection de M. [B] [G] lui soit déclarée inopposable ;

statuant de nouveau, avant dire droit :

DESIGNE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Bourgogne Franche Comté, [Adresse 4] afin de déterminer si la pathologie déclarée par M. [B] [G] le 26 novembre 2015 « état dépressif sévère » a directement et essentiellement été causée par le travail habituel de M. [B] [G] ;

DIT que la CPAM du Bas-Rhin devra transmettre au CRRMP désigné le dossier de M. [B] [G] conformément aux dispositions de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale ;

RAPPELLE au CRRMP désigné qu'il dispose, conformément à l'article D.461-35 du même code, d'un délai de quatre mois pour adresser son avis motivé au greffe de la chambre sociale, section 4SB ;

DIT que le greffier de la chambre devra transmettre au plus tard dans les quarante huit heures suivant la réception, copie dudit avis aux parties et à leurs représentants ;

RESERVE les demandes des parties, les dépens et les frais ;

RENVOIE l'affaire à l'audience d'instruction des affaires de sécurité sociale du :

Jeudi 2 Mars 2023 à 14h00 - salle 32

DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation pour l'audience de renvoi.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/036401
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Renvoi à la mise en état

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-06-16;20.036401 ?
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