La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2022 | FRANCE | N°20/015111

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 16 juin 2022, 20/015111


MINUTE No 22/553

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 16 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01511 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKWD

Décision déférée à la Cour : 04 Décembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 6000

3
[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [R] [K], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Société COLAS France, venant aux droits de
COLAS NORD-EST (...

MINUTE No 22/553

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 16 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01511 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKWD

Décision déférée à la Cour : 04 Décembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [R] [K], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

Société COLAS France, venant aux droits de
COLAS NORD-EST (anciennement COLAS EST),
établissement d'[Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BEAUMONT, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La société Colas Est, devenue Colas Nord-Est aux droits de laquelle vient la société Colas France, a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires par l'Urssaf de Lorraine portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 pour quatre établissements dont l'établissement situé à [Localité 5] (no SIRET 329 198 337 00514), Bas-Rhin, dont il est résulté pour cet établissement un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS pour un montant de 61.196€ correspondant aux différents chefs de redressement qui lui ont été notifiés par lettre d'observations du 04 octobre 2013.

Après échanges d'observations entre la société Colas Est et l'Urssaf de Lorraine, l'Urssaf d'Alsace a, par une mise en demeure du 05 décembre 2013, réclamé le paiement d'une somme de 69.279€ correspondant à l'ensemble des cotisations et majorations de retard résultant du contrôle pour l'établissement d'[Localité 5].

Par courrier du 20 décembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace d'un recours en annulation de la mise en demeure du 05 décembre 2013 et en annulation des chefs de redressement s'y rapportant.

En l'absence de réponse de la commission de recours amiable dans le délai imparti d'un mois, la société Colas Est a formé le 19 mars 2014, à l'encontre de la décision implicite de rejet, un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin.

Par décision du 13 mars 2017, la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace a décidé du rejet explicite de la requête présentée par la société Colas Est. Cette dernière a contesté la décision du 13 mars 2017 en cours d'instance.

Vu l'appel interjeté par l'Urssaf d'Alsace le 02 juin 2020 à l'encontre du jugement rendu le 04 décembre 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg auquel a été intégré le tribunal saisi, jugement notifié à l'Urssaf d'Alsace le 05 mars 2020 lequel, dans l'instance opposant la société Colas Nord-Est à l'Urssaf d'Alsace, a déclaré le recours formé par la société Colas Nord-Est recevable, a dit n'y avoir lieu à la jonction des procédures enregistrées sous les no18/01193 et 18/01194, a annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace du 13 mars 2017, a annulé le contrôle effectué par l'Urssaf de

Lorraine auprès de l'établissement d'[Localité 5] au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que le redressement en ayant résulté en ce compris la mise en demeure du 05 décembre 2013, a condamné l'Urssaf d'Alsace à rembourser à la société Colas Nord-Est la somme de 6.750€ au titre du règlement partiel intervenu le 05 novembre 2013 avec intérêts au taux légal à compter du 05 novembre 2013, a ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné l'Urssaf d'Alsace aux dépens ;

Vu les conclusions visées le 27 août 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* annulé la décision de la commission de recours amiable,
* annulé les opérations de contrôle effectuées auprès de l'établissement d'[Localité 5] au titre des années 2010 à 2012 ainsi que le redressement en ayant résulté,
* l'a condamnée à rembourser à la société Colas Nord-Est la somme de 6.750€ au titre du règlement partiel avec intérêts au taux légal et ordonné la capitalisation des intérêts,
* l'a condamnée aux dépens,

– à titre principal, déclarer la procédure de contrôle valide,
– à titre subsidiaire, valider l'ensemble des redressements contestés, soit les points 9, 10, 12, 13, 14, 16, 17 de la lettre d'observations,
– en tout état de cause, entériner la décision de la commission de recours amiable du 13 mars 2017, valider la mise en demeure du 05 décembre 2013 pour son entier montant de 69.279€ (dont 61.196€ en cotisations et 8.083€ en majorations de retard, condamner reconventionnellement la société Colas France à lui payer le reliquat de 62.529€, condamner cette société à la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeter l'ensemble des demandes formulées par celle-ci ;

Vu les conclusions visées le 07 janvier 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord-Est demande à la cour de :

– prononcer la jonction des affaires no20/01511 et no20/01468 ;
– confirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à jonction des procédures, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– à titre principal, prononcer la nullité du contrôle et du redressement opérés par l'Urssaf de Lorraine et condamner l'Urssaf d'Alsace à lui rembourser le règlement partiel intervenu le 05 novembre 2013 d'un montant de 6.750€ avec les intérêts légaux à compter du règlement partiel du 05 novembre 2013 et en ordonner la capitalisation ;
– subsidiairement, constater le caractère infondé des différents chefs de redressement ;
– en tout état de cause, annuler les décisions implicite et explicite de rejet de la commission de recours amiable, la mise en demeure du 05 décembre 2013 ainsi que le redressement entrepris, condamner l'Urssaf d'Alsace à lui verser la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner l'Urssaf d'Alsace aux éventuels dépens, prendre acte du règlement partiel effectué le 05 novembre 2013 d'un montant de 6.750€ et débouter l'Urssaf d'Alsace de l'ensemble de ses demandes ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Vu la période juridiquement protégée instaurée par l'ordonnance no2020-306 en application de la loi no2020-290 ; interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur la demande de jonction d'instances

L'article 367 du code de procédure civile permet au juge, à la demande des parties ou d'office, d'ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Au cas d'espèce, l'Urssaf d'Alsace a interjeté appel des jugements rendus dans les dossiers noRG 18/01193 et 18/01194 par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg le 04 décembre 2019. Ces recours ont respectivement été enregistrés au répertoire général de la cour sous les numéros RG 20/01468 et 20/01511.

La société Colas France sollicite la jonction de ces deux instances au motif que les deux recours portent sur le même contrôle et reposent sur des faits et moyens identiques.

Ces procédures concernent toutefois deux établissements différents de la société Colas France, l'établissement de [Localité 4] (noRG 20/01468) et l'établissement d'[Localité 5] (noRG 20/01511), dont les redressements opérés sur des chefs identiques mais aussi distincts ont donné lieu à l'envoi de deux mises en demeure distinctes.

Il n'est, dès lors, pas dans l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction de ces deux instances.

SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE

La société Colas France conteste la régularité des opérations de contrôle.

Elle se prévaut en premier lieu de l'absence d'envoi d'un avis de contrôle par l'Urssaf d'Alsace et en second lieu d'un défaut de compétence de l'Urssaf de Lorraine ayant envoyé l'avis de contrôle puis effectué ce contrôle.

Sur l'envoi de l'avis de contrôle par l'Urssaf de Lorraine

Il est constant que l'Urssaf d'Alsace était l'organisme en charge du recouvrement des cotisations pour l'établissement d'[Localité 5] (Bas-Rhin) et que l'avis de contrôle de cet établissement a été envoyé par l'Urssaf de Lorraine.

En application des dispositions de l'article L243-7 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf compétente en matière de contrôle est en principe celle chargée du recouvrement des cotisations.

Aux termes de l'article R243-59, alinéa premier, du même code, dans sa version applicable au litige, tout contrôle effectué en application de l'article L243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L324-9 du code du travail.

En l'espèce, la société Colas France soutient que l'avis de contrôle visé par les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale devait être adressé au cotisant exclusivement par l'organisme en charge du recouvrement des cotisations, soit au cas d'espèce l'Urssaf d'Alsace.

Elle considère que l'avis de contrôle adressé à la société Colas Est par l'Urssaf de Lorraine, laquelle n'est pas l'organisme en charge du recouvrement des cotisations pour l'établissement d'[Localité 5], entache les opérations de contrôle d'une irrégularité conduisant à l'annulation du redressement opéré.

L'Urssaf fait cependant valoir à juste titre que les dispositions issues du décret no2016-941 du 8 juillet 2016 modifiant l'article R243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables de manière rétroactive, de sorte que le présent litige est effectivement analysé au regard des dispositions applicables à la date d'envoi de l'avis de contrôle.

A cette date, il est pertinemment soutenu par l'Urssaf d'Alsace que l'organisme chargé du recouvrement pouvait déléguer ses compétences par l'établissement d'une convention générale de réciprocité prévue par les articles L213-1 et D213-1-1 du code de la sécurité sociale -dont les termes ont été fidèlement reproduits par le tribunal auxquels il convient de se référer-.

L'intimée ne le conteste pas mais fait toutefois observer que l'Urssaf d'Alsace ne démontre pas qu'elle a délégué ses compétences en matière de recouvrement des cotisations à l'Urssaf de Lorraine.

L'Urssaf appelante verse aux débats (pièces no7 et 7A de l'appelante) cinq « convention(s) générale(s) de réciprocité portant délégation de compétences en matière de contrôle entre les organismes du recouvrement » signées en 2002 par les directeurs des Urssaf des Vosges, de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et de la Moselle, devenue l'Urssaf de Lorraine, et par le directeur de l'Urssaf du Bas-Rhin, devenue l'Urssaf d'Alsace.

La convention générale de réciprocité du 16 avril 2002, signée antérieurement à l'envoi de l'avis de contrôle litigieux daté du 18 mars 2013, prévoit l'adhésion de l'Urssaf du Bas-Rhin à la convention de réciprocité en ce qu'elle mentionne expressément que « l'organisme du recouvrement du Bas-Rhin (?) donne délégation de ses compétences à toutes les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, ainsi qu'aux caisses générales de sécurité sociale (?) en matière de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants (?) pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction » et prévoit que le champ de la délégation « s'applique à toutes les opérations de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants visées à l'article L243-7 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à l'article R243-59 ».

Dès lors que l'ensemble de ces conventions ont pris effet à leur date de signature, soit en 2002, l'Urssaf de Lorraine disposait de la compétence pour effectuer l'ensemble des opérations de contrôle en lieu et place de l'Urssaf d'Alsace.

L'avis de contrôle litigieux porte en outre à la connaissance du cotisant l'existence de cette délégation puisqu'il indique que « conformément aux dispositions des articles L213-1 et D213-1-1 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf Lorraine a adhéré à la convention générale de réciprocité portant délégation de compétences (?) ».

Dès lors que l'article L213-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'« en matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret », que les opérations de contrôle comprennent notamment la délivrance d'un avis de contrôle, et que les Urssaf du Bas-Rhin et de Lorraine ont adhéré à la convention générale de réciprocité, l'envoi de l'avis de contrôle par l'Urssaf de Lorraine pour le contrôle de l'établissement d'[Localité 5] est régulier.

Sur la compétence de l'Urssaf de Lorraine

La société Colas France estime que seule l'Urssaf d'Alsace était territorialement compétente pour assurer toute opération de contrôle ou de recouvrement concernant son établissement situé à [Localité 5].

Il est constant que la société contrôlée n'était pas partie à un protocole de versement en lieu unique.

L'intimée affirme qu'elle a fait l'objet d'un contrôle concerté coordonné par l'ACOSS, lequel requiert une convention spécifique de réciprocité.

Au soutien de sa démonstration, la société Colas France dresse une liste de sociétés affiliées à la société holding Colas SA ayant fait l'objet d'un contrôle en 2013. Elle invoque la simultanéité de ces contrôles au sein du groupe Colas et se prévaut de différentes correspondances de l'Urssaf mais aussi de témoignages de chefs de services de la société Colas Est qui attestent qu'il s'agissait d'un contrôle concerté.

L'Urssaf de Lorraine n'a cependant jamais utilisé dans les documents envoyés à la société le terme de « contrôle concerté » pour qualifier le contrôle de la société Colas Est.

Par ailleurs, l'article R243-59 du code de la sécurité sociale précité n'exige pas que l'avis de contrôle mentionne l'existence d'un contrôle concerté. Cet avis n'a pas davantage à faire état de la délégation générale de compétences consentie par une autre Urssaf.

Aussi, les droits des cotisants sont identiques dans le cadre d'un contrôle diligenté par l'Urssaf territorialement compétente ou l'Urssaf intervenant dans le cadre d'un contrôle sur délégation générale.

La société n'a donc pas été privée de la possibilité de se faire assister utilement et d'organiser sa défense.

En tous les cas, il importe à la cour de vérifier que l'organisme ayant procédé aux opérations de contrôle ait eu la qualité pour diligenter le contrôle auprès d'un cotisant situé en dehors de sa circonscription territoriale d'attribution.

Il est une nouvelle fois rappelé qu'il ressort des pièces versées aux débats que les Urssaf de Lorraine avaient, comme l'Urssaf d'Alsace -reprenant les droits et obligations des Urssaf départementales dissoutes par l'arrêté du 7 août 2012 portant création de l'Urssaf d'Alsace (pièce no9 de l'appelante)-, adhéré par la signature des directeurs de chacune des Urssaf concernées à la convention générale de réciprocité, dont publicité a été donnée par la diffusion de la lettre circulaire no2004-069 listant les organismes adhérents à ladite convention portant délégation de compétences en matière de contrôle.

La société intimée fait néanmoins valoir que les conventions générales de réciprocité signées par les directeurs des Urssaf sont des conventions locales particulières qui ne permettent pas de justifier de l'existence d'une convention générale de réciprocité préexistante, signée par le directeur de l'ACOSS.

Ce moyen, développé en première instance, a été retenu à tort par les premiers juges qui ont considéré que de telles conventions n'entrent pas dans les prévisions de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale au motif que seul le directeur de l'ACOSS tire de ce texte le pouvoir d'établir une convention générale de réciprocité entre toutes les Urssaf.

L'appelante fait très justement valoir que l'article D213-1-1 précité confie seulement au directeur de l'ACOSS la mission d'établir cette convention. Cet article ne prévoit pas que le directeur de l'ACOSS en soit signataire. Aucune condition de forme spécifique ne se trouve par ailleurs prescrite par les dispositions de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale et les conventions versées aux débats indiquent toutes qu'elles ont été établies par le Directeur de l'ACOSS.

En outre, il découle de l'article D213-1-1 du code de la sécurité sociale précité, lu en combinaison des articles L213-1 et D213-1-2 du même code, dans leur rédaction respective applicable au litige, que la signature de la convention générale de réciprocité par le directeur d'une Urssaf, organisme délégant, emporte par elle-même délégation de compétence au profit des autres unions qui y ont adhéré puisque le directeur de l'ACOSS n'était en charge que de son établissement, de sa réception et de la transmission aux autres unions de recouvrement et aux caisses générales de sécurité sociale.

A admettre l'existence d'un contrôle concerté, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a jugé par arrêt du 30 mars 2017 (pourvoi no16–12.851) qu'une délégation spécifique de compétence du directeur de l'ACOSS n'est pas nécessaire lorsque les organismes chargés de procéder à un contrôle concerté bénéficient déjà d'une délégation de compétence prenant la forme d'une convention générale de réciprocité consentie en application de l'article L213-1 du code de la sécurité sociale.

La société Colas France n'est pas fondée à soutenir que le principe de sécurité juridique fait obstacle à l'application de cette jurisprudence aux contrôles antérieurs à la décision.

En premier lieu, la société intimée ne justifie pas de l'existence d'un revirement de jurisprudence sur la base des textes applicables.

En deuxième lieu, la sécurité juridique invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable et plus généralement par référence aux dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme pour contester l'application de l'interprétation d'une disposition normative résultant d'une évolution de jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit.

La Cour européenne des droits de l'homme a par ailleurs validé le caractère rétroactif de la jurisprudence de la Cour de cassation.

En dernier lieu, les évolutions des modalités de contrôle déterminées par le gouvernement et portant ultérieurement au contrôle litigieux modification de l'article D213-1-2 du code de la sécurité sociale ne sont pas d'application rétroactives et ne concernent pas le présent litige.

Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que l'Urssaf de Lorraine avait compétence pour procéder au contrôle de l'établissement d'[Localité 5] au titre des années 2010 à 2012, peu importe l'absence de convention spécifique de réciprocité.

Le contrôle litigieux étant régulier, l e jugement qui a procédé à l'annulation des opérations de contrôle effectué par l'Urssaf de Lorraine auprès de l'établissement d'[Localité 5] de la société Colas Nord-Est au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi qu'à l'annulation du redressement en ayant résulté doit être infirmé en toutes ses dispositions.

SUR LES DIFFÉRENTS CHEFS DE REDRESSEMENT CONTESTES

Sur la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels en matière de CSG / CRDS (point no9 de la lettre d'observations) et les frais professionnels engagés pour la restauration hors des locaux et hors restaurant (point no10 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 31.424€

En application des articles L136-1, L136-2 et L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance no96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations et contributions sociales, à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, et ce dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

Les conditions d'exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002.

L'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que les allocations sont réputées utilisées conformément à leur objet dans les limites des montants fixés par l'arrêté.

Aux termes de l'article 3, 3o de l'arrêté du 20 décembre 2002 précité relatif aux indemnités de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 8,20€ à compter du 1er janvier 2010, 8,30€ à compter du 1er janvier 2011 et 8,40€ à compter du 1er janvier 2012.

L'article 3, 1o de ce même arrêté qui concerne les indemnités de repas dispose toutefois que lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas la somme de 16,80€ pour 2010, la somme de 17,10€ pour 2011 et la somme de 17,40€ pour 2012.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'indemnité forfaitaire allouée au travailleur salarié en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, lorsque ses conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas, prévue par le 3o, est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas le montant fixé au 1o, s'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant.

Le dépassement des limites d'exonération doit être intégré dans l'assiette des cotisations, à moins que l'employeur ne justifie que l'allocation a été utilisée conformément à son objet.

En l'espèce, lors des opérations de contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société Colas Est versait à ses salariés des primes de paniers de chantiers pour un montant de 9,80€ en 2010, 13,80€ en 2011, 14,30€ en 2012 et qu'elle excluait la totalité desdites indemnités des cotisations de sécurité sociale et de CSG /CRDS.

Considérant que ces primes de paniers forfaitaires étaient supérieures aux limites d'exonération des indemnités de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à la réintégration de la part des indemnités excédant ces limites dans la base des cotisations (23.155€) et contributions sociales (8.269€).

La société Colas France justifie néanmoins, par la production d'échantillons de cartographies pour les années concernées par le contrôle des lieux d'exécution des chantiers et par la production d'attestations de salariés et de restaurateurs, qu'il est d'usage depuis les années 1980 pour les salariés relevant du secteur d'activité de la construction routière -et non du secteur de la construction de bâtiment- de prendre leurs repas au restaurant et non sur les chantiers, ce qui démontre sa constance, sa fixité basée sur les limites de l'arrêté en vigueur et sa généralité en l'absence de toute dénonciation de l'usage rapportée par l'appelante.

Dès lors qu'il est établi par constatations des inspecteurs de l'Urssaf que l'indemnité de panier versée est inférieure, au titre des trois années contrôlées, au barème actualisé fixé par l'article 3, 1o de l'arrêté du 20 décembre 2002 précité, dont les dispositions sont applicables lorsqu'il est démontré que les circonstances ou les usages de la profession obligent les travailleurs à prendre leurs repas au restaurant, le redressement doit être annulé au titre des points no9 et 10 pour le montant de 31.424€. En effet, si les primes de panier litigieuses ne doivent pas être soumises aux cotisations de sécurité sociale, les contributions sociales CSG et CRDS ne sont pas dues.

Sur les primes versées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail (point no12 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 277€

En application des articles L136-1, L136-2 et L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance no96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, sauf exceptions, toute somme versée en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumise à cotisations et contributions sociales.

Il est cependant admis par la lettre circulaire ACOSS no2000-103 du 22 novembre 2000 relative aux nouvelles conditions d'attribution de la médaille d'honneur du travail que les gratifications versées à l'occasion de la remise de la médaille d'honneur du travail sont exonérées de charges sociales dans la limite d'un montant correspondant à celui du salaire mensuel de base du bénéficiaire, le surplus constituant un complément de salaire soumis à charges sociales.

En l'espèce, le redressement opéré par les inspecteurs du recouvrement se fonde sur la part de la prime qui excède le salaire de base du récipiendaire de la médaille d'honneur du travail.

La société Colas France soutient pour l'essentiel que le montant de la prime versée aux salariés non-cadres correspond à leur rémunération de base constituée, en dépit de leur intitulé en paie, du « salaire de base » et de la « prime d'ancienneté » du dernier bulletin de paie des intéressés.

Les conditions d'exonération, qui doivent s'interpréter strictement, ne sont toutefois pas remplies.

En effet, il est constant que la lettre circulaire no2000-103 du 22 novembre 2000 précitée n'admet l'exonération des gratifications allouées pour la remise de la médaille d'honneur du travail que dans la limite du salaire mensuel de base du salarié concerné qui « s'entend de la rémunération brute habituelle de l'intéressé, à l'exclusion des diverses primes ou indemnités qui peuvent s'y ajouter, qu'elles présentent ou non le caractère de compléments de salaire, telle que la prime d'ancienneté ».

Ainsi, contrairement aux motifs soutenus par la société Colas France, la prime d'ancienneté versée aux salariés concernés ne peut pas être considérée comme faisant partie du salaire mensuel de base.

Il est sans incidence que cette prime soit prise en compte par l'employeur pour calculer et valoriser les congés payés, calculer les remboursements pour intempéries ou le treizième mois ou déterminer la nouvelle rémunération allouée en cas de promotion aux fonctions de cadre.

Il en résulte que le redressement opéré par l'Urssaf d'Alsace sur ce point est validé en ce qu'il a procédé à la réintégration de la partie de la prime versée excédant le salaire mensuel de base dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

Sur les participations de l'employeur aux colonies de vacances (point no13 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 10.533€

En application des articles L136-1, L136-2 et L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance no96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, hors secours tous les avantages en nature et en espèces versés aux salariés par l'intermédiaire d'un comité d'entreprise sont considérés comme avantages accordés à l'occasion du travail et doivent être soumis à cotisations et contributions sociales.

La lettre-circulaire no1986-17 du 14 février 1986 qui précise la portée de l'instruction du 17 avril 1985 relative à la définition des prestations servies par les comités d'entreprise et susceptibles d'être comprises dans l'assiette des cotisations sociales, dont l'opposabilité n'est pas discutée, prévoit que sauf disposition législative ou réglementaire contraire, ne donnent pas lieu à cotisations les prestations en espèces ou en nature servies aux salariés ou anciens salariés, lorsqu'elles se rattachent directement aux activités sociales et culturelles des comités d'entreprise.

Entrent notamment dans ces activités les activités sociales et culturelles tendant à l'amélioration des conditions de bien-être, telles que les colonies de vacances.

La mission du comité d'entreprise visant à améliorer la qualité de la vie des salariés de l'entreprise et non à distribuer des compléments de rémunération, les avantages servis dans le cadre exact de cette mission sont a priori exclus de l'assiette des cotisations tandis que par application de l'article L241-2 du code de la sécurité sociale, le caractère automatique et non personnalisé des versements attribués aux salariés conduit à leur intégration dans l'assiette des cotisations.

La loi dispose qu'il appartient au comité d'entreprise d'assurer ou de contrôler la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l'entreprise.

Au présent cas, la lettre d'observations indique que la société Colas Est gère les inscriptions des enfants du personnel âgés de 6 à 17 ans à des séjours proposés par un organisme prestataire, à la place des comités d'établissement dépossédés de la gestion de cette activité sociale.

La société Colas France conteste la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales des participations de l'employeur aux colonies de vacances.

Elle indique que le comité d'entreprise règle auprès de l'organisme prestataire les sommes destinées à permettre le départ des enfants des salariés en colonie de vacances et prétend que le transfert du budget correspondant par l'employeur ne prive pas d'exonération de charges sociales.

Il ressort des explications fournies par les parties que les modalités d'inscription et de prise en charge des frais de voyage et de séjour ont été fixées dans une convention passée entre la société Colas Est et un organisme prestataire qui prévoit notamment l'inscription directe auprès de la société Colas Est et un barème de participation financière des familles.

De plus, l'employeur enregistre mensuellement dans ses comptes une provision financière à ce titre et la participation des salariés concernés est prélevée sur les bulletins de salaire des mois d'octobre, novembre et décembre.

En outre, les échanges entre les parties ont fait apparaître qu'à la suite d'observations faites par l'Urssaf à l'occasion d'un précédent contrôle, il a été décidé par la société Colas Est que le comité d'entreprise dont elle est dotée devait régler directement les factures aux prestataires et que des subventions supplémentaires seraient accordées pour financer cette dépense afin que ce transfert de charge soit neutre pour le comité d'entreprise.

Bien que les factures soient désormais réglées directement par le comité d'entreprise au prestataire, il n'est justifié d'aucune nouvelle convention intervenue entre ce dernier et le comité d'entreprise.

Aussi, le montant des prestations en cause demeure régi par l'accord liant l'employeur et l'organisme prestataire, l'inscription des enfants concernés reste gérée par la société et non le comité d'entreprise et la participation financière des salariés est toujours perçue par l'employeur qui la reverse au comité d'entreprise avec sa propre part.

Dans ces conditions, le transfert au comité d'entreprise de la seule fonction de paiement des prestataires ne permet pas de considérer que ce comité assure ou contrôle la gestion de l'activité sociale en cause.

C'est au contraire l'entreprise qui a conservé l'essentiel de cette fonction.

Il y a donc lieu de confirmer le redressement opéré sur ce point.

Sur les indemnités de fractionnement des congés payés (point no14 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 7.514€

En cas de prise du congé annuel par fractions, la convention collective des entreprises de travaux publics fait bénéficier le salarié notamment d'une indemnité forfaitaire de 8/100e des appointements mensuels.

Cette indemnité constitue, selon la jurisprudence, une charge spéciale inhérente à l'emploi, recouvrant ainsi la nature de frais professionnels.

En tant que telle, elle peut être exclue de l'assiette des cotisations sous réserve de respecter les prescriptions de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

Selon la lettre d'observations litigieuse, la société Colas Est a versé à certains de ses salariés des indemnités de fractionnement de congés payés en franchise de cotisations sociales.

Estimant que les éléments produits lors du contrôle ne permettaient pas de considérer que les salariés aient engagé des frais supplémentaires du fait du fractionnement, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à la réintégration des indemnités versées non justifiées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

A l'appui de sa demande d'annulation du redressement sur ce point, la société Colas France soutient que le fractionnement des congés payés, ouvrant droit à une indemnité forfaitaire conventionnelle de 8 % du salaire de base, entraîne de facto un accroissement des coûts lié au départ en congés et se prévaut d'un échantillon de notes de frais de salariés relatives aux frais supplémentaires engendrés par le fractionnement.

Les attestations versées aux débats par l'employeur, bien qu'elles fassent état de frais supplémentaires engendrés par le fractionnement des congés payés, ne permettent pas de justifier que les salariés concernés ont utilisé l'indemnité versée pour régler des frais consécutifs à ce fractionnement, de tels frais n'étant même pas identifiés.

En effet, la déduction des allocations forfaitaires pour frais professionnels de l'assiette des cotisations de sécurité sociale est subordonnée à la preuve, par la cotisante, d'une utilisation de ces derniers conforme à leur objet, qu'elle ne parvient pas à rapporter en l'espèce.

Ni l'objet de l'indemnité, ni sa nature conventionnelle, ni la nature de l'activité de travaux publics routiers de la société ne permettent de présumer l'existence de frais supplémentaires engagés par les salariés.

Ce chef de redressement sera donc maintenu à hauteur de 7.514 € hors majorations de retard.

Sur l'avantage en nature logement (point no16 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 1.655€

Il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale que sous réserve des dispositions de l'article 5, pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l'employeur fournit le logement, l'estimation de l'avantage en nature est évaluée forfaitairement, selon un barème déterminé d'après la rémunération de l'intéressé et le nombre de pièces principales.

Elle peut également être calculée, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues aux articles 1496 et 1516 du code général des impôts et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires.

Lorsque par exception la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation n'est pas évaluée, l'estimation de l'avantage en nature doit être calculée d'après la valeur locative réelle du logement et d'après la valeur réelle des avantages accessoires.

Lorsque ni la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation ni la valeur locative réelle du logement ne peuvent être évaluées, l'estimation de l'avantage en nature doit être calculée forfaitairement.

En l'espèce, il a été constaté par les inspecteurs du recouvrement que la société Colas Est a signé des baux de location et pris en charge les loyers des salariés mutés contraints de se loger à proximité de leur nouveau lieu de travail, à hauteur de 50 % du montant de ces loyers, dans la limite de 10 % du salaire mensuel brut des salariés concernés.

Après avoir relevé que la participation du salarié ne tient compte ni de sa rémunération, ni de la valeur réelle du logement, ces inspecteurs ont, en application de l'arrêté du 10 décembre 2002 précité, calculé l'avantage en nature de manière forfaitaire avant de réintégrer dans l'assiette des cotisations et contributions sociales la différence entre le montant de ce forfait et le loyer payé par le salarié lorsque ce dernier était inférieur au forfait.

Lorsque la valeur locative brute relevée sur la taxe d'habitation présentée par l'employeur était inférieure à l'évaluation forfaitaire, les valeurs locatives brutes ont été retenues par l'Urssaf en ce qu'elles sont plus favorables aux salariés.

La société Colas France ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne comprend pas le mode de calcul de l'avantage en nature logement contesté alors que l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 précise les modalités de calcul de l'évaluation forfaitaire.

Aussi, les inspecteurs chargés du contrôle ont expressément visé dans la lettre d'observations les différents textes applicables au chef de redressement litigieux et ont rappelé les hypothèses de calcul de l'avantage en nature sur la base du forfait ou de l'option pour la valeur locative.

L'intimée entend, en outre, comme en première instance, se prévaloir du droit d'option du calcul de l'avantage en nature logement d'après la valeur locative servant de base à la taxe d'habitation et demande qu'il soit procédé à un nouveau chiffrage de ce chef de redressement.

Or, d'une part, lors de l'établissement de la DADS, l'employeur a opté pour le calcul de l'avantage en nature de manière forfaitaire.

D'autre part, l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 prévoit que l'estimation de l'avantage en nature peut être calculée d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues aux articles 1496 et 1516 du code général des impôts et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires ou, lorsque la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation n'est pas évaluée, d'après la valeur locative réelle du logement et d'après la valeur réelle des avantages accessoires.

Sur la loi TEPA (point no17 de la lettre d'observations)

Montant du redressement concerné : 143€

Il résulte des constatations des inspecteurs du recouvrement que les salariés de la société Colas Est relevant de la catégorie ETAM bénéficient soit d'une convention en forfait heures fixée à 162,50 heures par mois, soit d'une convention fixée à 166,67 heures. Il a été relevé qu'en cas d'absence d'un salarié appartenant à cette catégorie de personnel, laquelle est prise en charge par la caisse de congés payés, l'employeur n'applique aucun prorata aux heures supplémentaires structurelles pour déterminer le montant de la réduction de cotisations salariales et de la déduction patronale régies par les articles L241-17 et D241-21 et suivants du code de la sécurité sociale.

Sur ce point, la cour rappelle que la loi no2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (loi TEPA) a prévu d'appliquer une déduction forfaitaire de cotisations patronales aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007.

Les heures supplémentaires sont déterminées par les dispositions de l'article L3121-22 du code du travail dans sa version antérieure à la loi no2016-1088 du 8 août 2016.

L'article 3 de la loi de finances rectificative pour 2012 no2012-958 du 16 août 2012 a supprimé la réduction de cotisations salariales au titre de la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires effectuées depuis le 1er septembre 2012 pour tous les salariés, du privé comme pour les agents publics, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise.

Au soutien de sa demande d'annulation du redressement sur ce point, la société Colas France allègue qu'en cas d'absence des salariés pour congés payés, rémunérée par la caisse des congés payés des entreprises de travaux publics, les salariés se trouvent en situation de maintien de salaire de sorte que cette situation ne doit pas donner lieu à l'application d'un prorata au titre de la déduction forfaitaire instaurée par la loi TEPA.

La société Colas France se réfère aux termes de la circulaire DSS/5B no2007-422 du 27 novembre 2007 portant complément d'information sur la mise en oeuvre de l'article 1er de la loi no2007-1223 du 21 août 2007 qui précisait notamment que « Les heures supplémentaires structurelles résultant soit d'une durée collective de travail supérieure à la durée légale, soit d'une convention de forfait qui intégrerait déjà un certain nombre d'heures supplémentaires, sont payées, majorées et exonérées fiscalement et socialement, y compris en cas d'absence du salarié donnant lieu à maintien de salaire (congés payés, maladie?) ».

Elle ne peut toutefois utilement se prévaloir des termes précités de la circulaire DSS/5B/2007/422 du 27 novembre 2007 alors que, d'une part ceux-ci, qui doivent recevoir une interprétation stricte, ne s'appliquent qu'aux cas de maintien de salaire par l'employeur et non aux situations d'absences pour congés rémunérés par une caisse de congés payés et, d'autre part, cette circulaire est dépourvue de toute portée normative.

Aussi, il est constant que la Caisse nationale des entrepreneurs de travaux publics (CNETP) satisfait, pour le compte de l'employeur moyennant cotisations, au paiement de l'indemnité de congés payés acquise du fait du travail accompli au sein de l'entreprise employeur.

Dès lors, le salaire brut soumis à cotisations dans les déclarations sociales de l'entreprise est minoré de cette absence. Il en résulte que les périodes de congés payés constituent bien des absences non rémunérées par l'employeur.

Surtout, il est jugé que les indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles, qui ne rémunèrent pas des heures de travail accomplies par les salariés, n'ouvrent pas droit à la déduction forfaitaire litigieuse, qu'elles soient versées directement par l'employeur ou par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés.

Ainsi, il appartenait à la société Colas Est, en cas de maintien de salaire intégrant des heures supplémentaires structurelles lors de périodes qui ne sont pas assimilées à du travail effectif et qui ne sont pas prises en compte pour le décompte des heures supplémentaires, de proratiser le montant les heures supplémentaires habituellement rémunérées pour tenir compte des heures supplémentaires qui ne sont pas éligibles à la déduction forfaitaire.

Ainsi, la validation de ce chef de redressement sera également confirmée.

En conclusion, les chefs de redressement contestés concernant l'établissement d'[Localité 5], tels que résultant de la lettre d'observations du 04 octobre 2013, à l'exception des chefs de redressement no9 et 10 qui doivent être annulés pour cet établissement, sont validés.

La mise en demeure du 05 décembre 2013 concernant l'établissement d'[Localité 5] doit en conséquence être validée pour un montant de 29.772€, hors majorations de retard qu'il appartiendra à l'Urssaf de recalculer conformément à la présente décision.

La cour prend acte du règlement partiel effectué par la société Colas France à l'Urssaf d'Alsace le 05 novembre 2013 d'un montant de 6.750€ pour l'établissement d'[Localité 5].

Le redressement étant validé au titre des points no 12, 13, 14, 16 et 17 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement d'[Localité 5], l'Urssaf d'Alsace est fondée à réclamer à titre reconventionnel la condamnation de la société Colas France à lui payer la somme de 23.022€ représentant le solde de la mise en demeure du 05 décembre 2013, sous réserve des majorations de retard complémentaires y afférentes qu'il appartiendra à l'Urssaf d'Alsace de recalculer conformément à la présente décision.

L'équité impose que chaque partie supporte les frais irrépétibles exposés par elle pour la défense de ses intérêts de sorte que les demandes formulées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société Colas France, qui succombe, supportera les dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DÉCLARE l'appel recevable ;

DIT n'y avoir lieu à la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20/01468 et 20/01511 ;

INFIRME le jugement du 04 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE la procédure de contrôle régulière pour l'établissement d'[Localité 5] de la société Colas Est au titre des années 2010, 2011 et 2012 ;

VALIDE les redressements notifiés par l'Urssaf d'Alsace au titre des points no12, 13, 14, 16 et 17 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement d'[Localité 5] ;

ANNULE les redressements notifiés par l'Urssaf d'Alsace au titre des points no9 et 10 de la lettre d'observations du 04 octobre 2013 pour l'établissement d'[Localité 5] ;

VALIDE la mise en demeure du 05 décembre 2013 concernant l'établissement d'[Localité 5] pour un montant de 29.772 euros (vingt-neuf mille sept cent soixante-douze euros) en cotisations, hors majorations de retard qu'il appartiendra à l'Urssaf de recalculer conformément à la présente décision ;

PREND ACTE du règlement partiel effectué par la société Colas France à l'Urssaf d'Alsace le 05 novembre 2013 d'un montant de 6.750 euros (six mille sept cent cinquante euros) pour l'établissement d'[Localité 5] ;

CONDAMNE la société Colas France à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme restante de 23.022 euros (vingt-trois mille vingt-deux euros) représentant le solde de cotisations de la mise en demeure du 05 décembre 2013, sous réserve des majorations de retard restant à décompter ;

DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Colas France aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/015111
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 04 décembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-06-16;20.015111 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award