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10/06/2022 | FRANCE | N°21/02997

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 10 juin 2022, 21/02997


MINUTE N° 267/2022





























Copie exécutoire à



- la SCP CAHN G./CAHN T./

[E]



- Me Céline RICHARD





Le 10 juin 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 Juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02997 - N° Portalis DBVW-V-B7F-H

TXN



Décision déférée à la cour : 02 Juin 2021 par le juge de la mise en etat de STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [J] [N]

demeurant [Adresse 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-68066-2022-00117 du 25/01/2022 accordée par le bureau d'ai...

MINUTE N° 267/2022

Copie exécutoire à

- la SCP CAHN G./CAHN T./

[E]

- Me Céline RICHARD

Le 10 juin 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02997 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTXN

Décision déférée à la cour : 02 Juin 2021 par le juge de la mise en etat de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [J] [N]

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-68066-2022-00117 du 25/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représenté par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [R]

demeurant [Adresse 3]

La S.C.I. FEHRAT prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

La S.C.I. FAMILLE [R] EPHESE prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1]

représentés par Me Céline RICHARD, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Février 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 8 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

M. [N] est propriétaire des lots n°8 et 9 (2ème et 3ème étage) dans l'immeuble en copropriété située [Adresse 2] (67), dont les autres lots, numérotés jusqu'à 10, appartiennent désormais à la SCI Famille [R] Ephèse, à laquelle ils ont été cédés respectivement par la SCI Fehrat pour les lots n°1, 2, 3, 4 et 10 et par M. [K] [R] pour les lots n°5, 6 et 7.

Le père de ce dernier, M. [Y] [R], gérant associé de la SCI Fehrat, exploitait un fonds de commerce de döner kebab au rez-de-chaussée du bâtiment. La SCI Fehrat a fait procéder, en 1993 et 1995, à des travaux conséquents de restructuration du rez-de-chaussée qui ont entraîné des désordres importants dans l'immeuble entier, des fissures étant apparues dans les murs du logement dont M. [N] était alors locataire, avant d'en devenir propriétaire le 31 décembre 1996.

En septembre 2011, M. [N] a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande tendant à la démolition et à la reconstruction de l'immeuble aux frais des défendeurs, ainsi que de dommages-intérêts.

Par jugement avant-dire droit du 18 mars 2014, le tribunal a ordonné une expertise confiée à Mme [B] [H], afin notamment de donner son avis sur la consistance et le coût des travaux de remise en état de l'immeuble nécessités par les travaux exécutés par la SCI Fehrat et/ou M. [Y] [R], et de relever tout élément technique et de fait utile à l'évaluation des préjudices subis.

Parallèlement, M. [N] a saisi la ville de Strasbourg qui a sollicité la désignation d'un expert auprès du tribunal administratif de Strasbourg, dans le cadre de la procédure de péril imminent.

Suite à l'expertise qui concluait à l'absence de péril imminent mais à la nécessité d'entreprendre des travaux de reprise en sous 'uvre pour pérenniser le bâti, le maire de Strasbourg a pris un arrêté de péril ordinaire le 6 juillet 2016, mettant en demeure les deux copropriétaires de l'immeuble à cette période, à savoir la SCI Famille [R] Ephèse et M. [N], de procéder :

- au calage de la poutre constituant la reprise en sous 'uvre,

- à la reprise des poutres situées au troisième étage et dans les combles,

- à la réfection des fissures traversantes au niveau de la façade arrière,

- à la reconstruction du conduit de fumée dont l'utilisation était interdite.

La SCI Fehrat, M. [K] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse, intervenante volontaire, ont saisi le juge de la mise en état d'une demande tendant à la condamnation de M. [N] à laisser libre accès à ses parties privatives pour leur permettre de faire réaliser les travaux décrits dans l'arrêté de péril pris par le maire le 6 juillet 2016, sous astreinte, avec contrôle éventuel de bonne fin par un expert désigné par le juge de la mise en état.

Par ordonnance du 2 juin 2021, le juge de la mise en état a fait droit à leurs demandes. Il a précisément :

- condamné M. [N] à laisser le libre accès aux parties privatives de son logement du [Adresse 2], pour permettre aux défendeurs de faire réaliser, sous la surveillance du bureau d'études structure Volumes & Images, les travaux décrits dans l'arrêté de péril pris par la mairie de [Localité 4] le 6 juillet 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision,

- commis M. [U] [C], expert inscrit près la cour d'appel de Colmar, aux fins, à l'issue desdits travaux, d'en décrire la bonne exécution et conformité au regard de l'arrêté de péril pris par la mairie de [Localité 4] le 6 juillet 2016, et plus généralement de faire toutes observations utiles quant à l'aspect technique du litige,

- mis la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert à la charge des défendeurs,

- radié l'instance et rappelé qu'elle reprendrait sur sollicitation de la partie la plus diligente à l'issue des opérations ordonnées.

Le juge de la mise en état a relevé que la situation connaissait un blocage depuis mars 2020, M. [N] se trouvant depuis cette date en Algérie et la situation sanitaire ne lui ayant pas permis de regagner le territoire français.

Or, toutes les parties s'accordaient sur la nécessité de réaliser les travaux correspondant à l'arrêté de péril pris par la mairie de [Localité 4], le litige ne portant que sur les modalités relatives à l'accès au logement de M. [N], ce dernier fixant comme conditions d'accès sa présence en son accord.

S'il a admis les difficultés de circulation avec l'Algérie, le juge de la mise en état a considéré que M. [N], depuis plus d'une année, n'avait pris aucune disposition utile pour déléguer la gestion de ses difficultés en donnant mandat à un proche pour avancer utilement dans une procédure qu'il avait lui-même initiée et qu'il ne pouvait poser des conditions qu'il n'était pas en mesure d'observer, alors que, même en l'absence d'urgence, il était nécessaire de remédier aux désordres.

M. [N] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 16 juin 2021.

Par ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 16 décembre 2021, il sollicite de la cour qu'elle reçoive son appel, qu'elle réforme l'ordonnance déférée et que, statuant à nouveau, elle juge sa demande recevable et bien-fondée et :

- condamne solidairement ou in solidum la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse à faire procéder aux travaux préconisés par Mme [H], sous le contrôle d'un architecte inscrit sur la liste des experts, d'un bureau structure et d'un bureau de contrôle, dûment qualifiés et assurés, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir, ceci sous le contrôle, la surveillance et la validation par un expert judiciaire aux frais des défendeurs,

- nomme un expert qu'il plaira à la cour avec mission de prendre en charge la maîtrise d''uvre de travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble ainsi que de contrôler la bonne exécution des travaux,

- condamne solidairement ou in solidum la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse à consigner telle somme qu'il plaira à la cour au titre des frais de cet expert judiciaire,

- réserve sa compétence pour liquider l'astreinte,

- juge qu'à défaut d'avoir procédé auxdits travaux dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir, la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse seront condamnés solidairement ou in solidum :

* à lui verser la somme de 1 022 000 euros TTC correspondant au coût des travaux à réaliser selon le rapport d'expertise de Mme [H], indexée sur l'indice BT 01 du jour du dépôt du rapport d'expertise au jour du jugement à intervenir et augmentée des délais légaux successifs à compter du jour du jugement à intervenir,

* à permettre aux entreprises mandatées par lui d'entreprendre les travaux préconisés par Mme [H] sur les parties privatives des défendeurs,

- condamne solidairement ou in solidum la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse à lui payer :

* ses frais de relogement (16 mois de travaux) à hauteur de 24 000 euros, de déménagement/réaménagement (4 971,76 euros) et de garde-meuble (2 580 euros) pendant la durée des travaux (cf pièce 22 à 24),

*ses frais de déménagement et de réaménagement,

* la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et de son trouble de jouissance,

- en tout état de cause, dise et juge l'arrêt à intervenir commun et opposable à la SCI Famille [R] Ephèse,

- condamne solidairement ou in solidum la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux des frais de procédure référé R.CIV 99/965 et R.CIV. 02/627, outre une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la SCI Fehrat, M. [Y] [R] et la SCI Famille [R] Ephèse de l'ensemble de leurs prétentions,

- déclare le jugement à intervenir exécutoire par provision, sans caution ou au besoin moyennant caution.

M. [N] expose que les deux experts judiciaires désignés, le premier, M. [P], dans le cadre de procédures de référé, par des ordonnances du 12 octobre 1999 puis du 20 août 2002, et le second, Mme [H], par le tribunal, ont conclu à la démolition de l'immeuble et à sa reconstruction, le premier en 2004 pour un montant de 620 000 euros TTC et le second en 2016 pour un coût de 1 022 000 euros.

M. [P] a relevé que les multiples interventions sur l'ossature du bâtiment avaient généré des désordres majeurs sur le bâtiment déjà ancien. Pour des raisons d'agrandissement, M. [Y] [R] avait successivement supprimé la dalle haute du sous-sol, l'appui intermédiaire du rez-de-chaussée, la sous-poutre en bois ainsi qu'un trumeau en façade arrière.

Dans son rapport de 2004, l'expert a mentionné que, depuis son précédent rapport de novembre 2000, aucune mesure de renforcement de la structure n'avait été entreprise, de sorte que les phénomènes d'affaissement long avaient continué à se produire et la fissuration des cloisons intermédiaires et façades extérieures avait continué à s'aggraver.

Mme [H] a relevé quant à elle que les travaux réalisés par M. [Y] [R] et/ou la SCI Fehrat, entre 1993 et 1995, étaient directement à l'origine des désordres sur la structure de l'immeuble qui compromettaient la solidité et la stabilité de l'ouvrage, ces désordres étant importants et pouvant occasionner la ruine de l'immeuble. M. [C], désigné par le tribunal administratif, a effectué les mêmes constats.

M. [N] souligne que les experts sont ainsi unanimes sur la cause des désordres et que les défendeurs produisent des analyses qui ne sont ni contradictoires, ni impartiales, ni sérieuses et qui ne remettent pas en cause les conclusions des experts judiciaires.

Il invoque la responsabilité de la SCI Fehrat, en tant que maître de l'ouvrage des travaux litigieux, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, mais aussi, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel de cette société lui ayant causé un dommage en tant que tiers au contrat. Il invoque encore la responsabilité de cette dernière pour avoir exécuté ou laissé exécuter par M. [Y] [R] des travaux affectant la pérennité de l'immeuble, sans autorisation de l'assemblée générale de la copropriété et en violation du règlement de copropriété existant, la SCI Fehrat devant répondre des agissements de ce dernier vis à vis des autres co-propriétaires.

Il invoque également la responsabilité de M. [Y] [R] qui a commis de nombreuses fautes relevées par les experts judiciaires, à l'origine des désordres existants, et il souligne qu'aucune cause extérieure aux travaux litigieux n'est démontrée, exonératoire de responsabilité, par M. [Y] [R] ou par la SCI Fehrat, réfutant tout rôle possible des travaux de la ligne de tramway commencés en janvier 1999 au début de la rue. Il ajoute que M. [Y] [R] reconnaît dans ses écritures être à l'origine des désordres subis.

M. [N] se prévaut des dispositions de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 relatives au droit, pour tout copropriétaire, d'obtenir la cessation d'une atteinte aux parties communes de l'immeuble et la réparation de ses parties communes. Il invoque un préjudice très important du fait de la perte de valeur de l'immeuble, Mme [H] ayant chiffré les travaux de démolition et reconstruction de l'immeuble à 1 022 000 euros.

Il soutient qu'il y a lieu aujourd'hui de réaliser la seule solution pérenne pour l'immeuble, c'est-à-dire la démolition de la structure et sa reconstruction, évoquant la nécessité de désigner un architecte expert judiciaire pour prendre en charge la maîtrise d''uvre de ces travaux, et explicitant ses préjudices relatifs aux frais de relogement, de déménagement, de garde-meuble.

Il invoque également un préjudice moral et de jouissance important et ancien.

Par leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 11 janvier 2022, la SCI Famille [R] Ephèse, la SCI Fehrat et M. [Y] [R] sollicitent que soient déclarées irrecevables les demandes de M. [N] formulées aux termes des conclusions du 16 décembre 2021, pour ne pas avoir été soumises en première instance au juge de la mise en état.

En tout état de cause, les intimés sollicitent le rejet de l'appel de M. [N] et de l'intégralité de ses demandes ainsi que la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelant aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés soutiennent que les demandes formulées à hauteur de cour par M. [N] sont des demandes nouvelles, prohibées par les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, étant précisé qu'une demande non reprise dans les dernières écritures est réputée avoir été abandonnée devant le premier juge, cet abandon étant irrémédiable. Or, dans l'ordonnance déférée, le juge de la mise en état a relevé que M. [N], par ses dernières conclusions prises le 12 avril 2021, sollicitait le rejet des demandes mais précisait qu'il consentait à l'accès nécessaire aux travaux, en sa présence et avec son consentement.

Les intimés rappellent les termes de l'arrêté de péril ordinaire du maire de Strasbourg du 6 juillet 2016, qui n'a été contesté, ni par M. [N], ni par la SCI Famille [R] Ephèse. Or, faute de réalisation spontanée des travaux prescrits par le maire de [Localité 4], celui-ci pourrait y faire procéder d'office, par décision motivée et aux frais des copropriétaires défaillants, étant précisé qu'une nouvelle mise en demeure leur a été adressée le 20 février 2019.

Ils estiment préférable de faire procéder aux travaux mentionnés par l'arrêté municipal pour assurer la stabilité de l'immeuble, plutôt que de laisser l'autorité administrative réaliser les travaux dont la direction et la surveillance leur échapperaient, mais dont ils devraient payer le coût.

Ils précisent que, de bonne foi, ils ont fait procéder à des travaux de reprise des appuis de la structure métallique et du calage du solivage du plancher au rez-de-chaussée sur la poutre métallique, et que, pour achever les travaux, il

doit être procédé au renforcement des structures en bois, prévu au sous-sol, ce qui nécessite l'accès des entreprises à la partie privative de la cave de M. [N], qui l'a toujours refusé jusqu'à présent.

En dernier lieu, la SCI Famille [R] Ephèse précise avoir obtenu la désignation sur requête d'un administrateur provisoire de la copropriété et organisé une assemblée générale de copropriété, le 5 mars 2019, qui a conduit à la désignation d'un syndic.

Cependant, le refus persistant de M. [N] de permettre l'accès à ses parties privatives a empêché la réalisation des travaux prescrits par l'arrêté de péril. De plus, il n'autorise pas même son fils à pénétrer dans ses parties privatives hors sa présence et sans son consentement, et n'a pris aucune initiative pour revenir à [Localité 4] depuis plus de 18 mois ou mandater un tiers de confiance, ce qui justifie l'astreinte prononcée par le juge de la mise en état.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

L'affaire a été fixée d'office à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile, par ordonnance de la présidente de la chambre du 30 août 2021.

MOTIFS

- Sur la recevabilité des demandes de M. [N]

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En première instance, devant le juge de la mise en état, M. [N] a, dans ses dernières conclusions du 12 avril 2021, sollicité le rejet des demandes tendant à sa condamnation à laisser le libre accès aux parties privatives de son logement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, mais aussi qu'il soit dit qu'il n'y avait aucune opposition abusive de sa part à laisser accéder à ses parties privatives et qu'il soit fait droit à sa demande concernant cet accès, qui ne pourrait avoir lieu qu'en sa présence et avec son consentement. Il n'a pas présenté d'autre demande.

Si ces conclusions sont adressées au tribunal, il s'agit manifestement d'une erreur purement matérielle, le juge de la mise en état ayant bien pris en compte ces écritures prises dans le cadre de la « procédure sur incident », ainsi qu'elles le mentionnent en leur première page.

La demande de la SCI Famille [R] Ephèse, la SCI Fehrat et de M. [Y] [R] tendant à la condamnation de M. [N], sous astreinte, à laisser le libre accès aux parties privatives de son bien immobilier, était destinée à leur permettre de faire réaliser, sous la surveillance du bureau d'études structure Volumes&Images, les travaux décrits dans l'arrêté de péril pris par le maire de Strasbourg le 6 juillet 2016.

Dans le cadre de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état, M. [N] sollicite la condamnation solidaire ou in solidum de la SCI Fehrat, de M. [Y] [R] et de la SCI Famille [R] Ephèse à faire procéder aux travaux préconisés par Mme [H], expert judiciaire, sous le contrôle d'un architecte inscrit sur la liste des experts, d'un bureau structure et d'un bureau de contrôle, sous astreinte et sous le contrôle, la surveillance et la validation d'un expert judiciaire aux frais des défendeurs, mais aussi, la condamnation des intimés, solidaire ou in solidum, à défaut d'avoir procédé auxdits travaux dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir, à lui verser la somme de 1 022 000 euros TTC correspondant au coût des travaux à réaliser selon le rapport d'expertise de Mme [H].

Il présente également des demandes indemnitaires à l'encontre des intimés portant sur ses frais de relogement, de déménagement/réaménagement et de garde-meuble pendant la durée des travaux, mais aussi en réparation de son préjudice moral et de son trouble de jouissance.

Il est à noter que M. [N] n'émet aucune observation sur l'irrecevabilité de ses demandes présentées devant la cour, soulevée par les intimés. Or, celles-ci sont radicalement nouvelles au regard de celles présentées devant le premier juge dans ses conclusions du 12 avril 2021, et elles ne peuvent être considérées comme en étant l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Elles ne tendent pas non plus aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et n'ont pas comme objet de leur opposer compensation, de faire écarter les prétentions adverses ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il s'agit donc de prétentions nouvelles présentées devant la cour, irrecevables en application des dispositions de l'article 654 du code de procédure civile rappelées ci-dessus.

Au surplus, il s'agit de demandes tendant à ce que la cour, dans le cadre de l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge de la mise en état du 2 juin 2021, tranche en réalité le litige au fond, ne se limitant pas à de simples mesures provisoires, mêmes conservatoires. Elles excèdent donc très largement les pouvoirs du juge de la mise en état résultant de l'article 789 du même code.

- Sur les demandes des intimés

Force est de constater que M. [N] n'invoque aucun moyen au soutien de son appel, pour s'opposer aux mesures sollicitées par les intimés devant le juge de la mise en état, que ce dernier a ordonnées. Or, les conclusions de l'expert missionné dans le cadre de la procédure judiciaire n'ôtent pas leur utilité, aux travaux préconisés par l'expert intervenu dans le cadre de la procédure administrative de péril, et ce à titre conservatoire et provisoire, dans l'attente d'éventuels travaux définitifs sur lesquels il appartiendra en tout état de cause au tribunal de statuer au fond, si M. [N] maintient ses demandes dans ce cadre.

De plus, ces travaux conservatoires ont été ordonnés par le maire de [Localité 4] dans son arrêté du 6 juillet 2016, dont la validité n'est pas contestée et qui s'impose aux parties.

Dès lors, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.

- Sur les dépens et les frais exclus des dépens

La demande de M. [N] relative aux dépens excède elle aussi largement le cadre de l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état et il ne peut y être fait droit. Le premier juge n'a pas statué sur les dépens de l'incident qui, s'agissant des dépens de première instance, suivront le sort de ceux de l'instance au fond, ainsi qu'il sera ajouté à l'ordonnance déférée.

L'appel de M. [N] étant rejeté, ce dernier sera condamné aux dépens d'appel et au versement de la somme de 1 500 euros aux intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande présentée sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue entre les parties le 2 juin 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

DIT que les dépens de l'incident en première instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond,

CONDAMNE M. [N] aux dépens d'appel,

REJETTE la demande de M. [N] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés en appel,

CONDAMNE M. [N] à payer à la SCI Famille [R] Ephèse, la SCI Fehrat et à M. [Y] [R], ensemble, la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que ces derniers ont engagés en appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02997
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;21.02997 ?
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