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09/06/2022 | FRANCE | N°20/014301

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 09 juin 2022, 20/014301


MINUTE No 22/521

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 09 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01430 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKR3

Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUT-RHIN

APPELANT :

Monsieur [M] [I]
[Adress

e 9]
[Localité 6]

Représenté par Me Stéphane THOMANN, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[A...

MINUTE No 22/521

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 09 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01430 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKR3

Décision déférée à la Cour : 20 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUT-RHIN

APPELANT :

Monsieur [M] [I]
[Adresse 9]
[Localité 6]

Représenté par Me Stéphane THOMANN, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 3]
[Localité 4]

Dispensée de comparution

Société PEI [Localité 5]
[Adresse 10]
[Localité 5]

Représentée par Me Laurent JUNG, avocat au barreau de STRASBOURG

Société BMC TEC
[Adresse 8]
[Localité 7]

Représentée par Me Charlotte CRET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 27 mars 2017, M. [M] [I], salarié de la société de travail temporaire PEI - Sofitex, mis à la disposition de la société BMS TEC depuis le 26 janvier 2017, a été victime d'un accident déclaré le même jour par l'employeur comme étant survenu dans les circonstances suivantes « Selon les dires de la victime, celle-ci réglait la plieuse lorsqu'il a glissé et s'est coincé le poignet sous la plieuse », lequel a été pris en charge le 3 avril 2017 par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin au titre du risque professionnel.

Le certificat médical initial du 27 mars 2017 faisait état d'une « fracture articulaire radius droit et cubitus droit distal ».

Estimant que l'accident était dû à la faute inexcusable de son employeur, M. [M] [I], a saisi la caisse aux fins de conciliation, puis le 13 décembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin d'une demande dirigée contre les sociétés PEI et BMS TEC en reconnaissance de la faute inexcusable de la première, respectivement de la seconde.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin a :

- dit que l'accident de travail dont a été victime le 27 mars 2017 M. [M] [I] n'est pas dû à la faute inexcusable de la société BMS TEC,
- débouté M. [M] [I] de ses demandes contre la société BMS TEC et de ses demandes dirigées contre la société Sofitex - PEI [Localité 5],
- dit n'y avoir lieu à dépens,
- débouté M. [M] [I] de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 11 février 2019, M. [M] [I] a relevé appel par voie électronique du jugement notifié le 18 janvier 2019.

Après radiation, M. [I] a repris l'instance par acte transmis le 12 mai 2020.

Vu les conclusions datées du 28 juin 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles M. [M] [I] demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin du 20 décembre 2018, et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que la société PEI [Localité 5], respectivement la société BMS TEC, a manqué à l'obligation d'assurer sa sécurité,
- dire et juger que la société PEI [Localité 5], respectivement la société BMS TEC, a manqué à son obligation de formation renforcée,

- en conséquence,

- dire et juger que la présomption de faute inexcusable doit être retenue, subsidiairement que la faute commise par la société PEI [Localité 5], respectivement la société BMS TEC s'analyse en une faute inexcusable,
- fixer au maximum la majoration de la rente qui doit être servie à M. [I],
- condamner solidairement et indéfiniment les sociétés PEI [Localité 5] et BMS TEC à lui payer une provision de 8.000 euros,
- ordonner une expertise médicale afin de chiffrer le préjudice subi,
- condamner solidairement et indéfiniment les sociétés PEI [Localité 5] et BMS TEC à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement et indéfiniment les sociétés PEI [Localité 5] et BMS TEC aux frais et dépens de la procédure,
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM du Haut-Rhin,
- débouter les sociétés PEI [Localité 5] et BMS TEC de tous leurs moyens et prétentions ;

Vu les conclusions datées du 27 janvier 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la SARL PEI [Localité 5] exerçant sous l'enseigne Sofitex, demande à la cour de :

- à titre principal, constater, dire et juger qu'aucune faute inexcusable de la société PEI n'est constituée,
- en conséquence, confirmer le jugement déféré, condamner M. [I] aux dépens et à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement,
- sur les demandes de M. [I] :

* débouter M. [I] de sa demande de provision,
dire que la mission de l'expert ne portera que sur les postes de préjudice prévus à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV du même code,
* dire qu'il appartient à la CPAM du Bas-Rhin de faire l'avance des montants alloués à M. [I],

- sur le recours de la société PEI à l'encontre de la SARL BMS TEC :

* enjoindre à la SARL BMS TEC de communiquer les coordonnées de son assureur au titre de la faute inexcusable,

* condamner la SARL BMS TEC à garantir intégralement la société PEI de toutes condamnations au titre de la faute inexcusable et des cotisations supplémentaires en principal, intérêts, frais et accessoires pouvant intervenir à son encontre, y compris l'article 700 du code de procédure civile,
* statuer ce que de droit quant aux frais et dépens ;

Vu les conclusions, intitulées conclusions no2, visées le 10 mars 2022, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société BMS TEC demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré,
- à titre principal, juger que la faute inexcusable de l'employeur n'est pas présumée, juger que M. [I] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable, juger qu'aucune faute inexcusable n'a été commise à l'origine de l'accident du travail de M. [I],
- en conséquence, débouter M. [I] de toutes ses demandes à l'encontre de la société BMS TEC, débouter la société PEI [Localité 5] et la CPAM de leurs demandes à l'encontre de la société BMS TEC,

- à titre subsidiaire, si la faute inexcusable était retenue, fixer la mission d'expertise telle que proposée, débouter M. [I] de sa demande de provision, le débouter de sa demande de majoration de rente, le débouter de sa demande de condamnation de son employeur solidairement avec la société BMS TEC, juger que le remboursement de la majoration de rente sera calculé sur la base du taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur,

- en tout état de cause,
* juger irrecevables comme nouvelles les demandes de condamnation de la société PEI [Localité 5] à l'encontre de la société BMS TEC conformément à l'article 564 du code de procédure civile,
* débouter la société PEI [Localité 5], la CPAM et M. [I] de toutes leurs demandes dirigées contre la SARL BMS TEC,
* débouter M. [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

Vu les conclusions visées le 25 juin 2021 aux termes desquelles la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dispensée de comparaître à l'audience, demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour s'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société PEI,
- lui donner acte, si le jugement attaqué devait être infirmé, de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour s'agissant des réparations complémentaires visées aux articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale qui pourraient être attribuées à M. [I],
- condamner l'employeur fautif à rembourser à la CPAM du Haut-Rhin conformément aux dispositions des articles L452-2 et L452-3 précité, le paiement de la majoration de la rente ainsi que des préjudices personnels qui pourraient être alloués à la victime ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur l'existence d'une faute inexcusable

L'article L452-1 du code de la sécurité sociale énonce que lorsqu'un accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Par application des dispositions précitées combinées aux dispositions des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte de l'article L4154-2, alinéa 1er du code du travail, que les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité doivent bénéficier d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise dans laquelle ils sont employés.

Aux termes de l'article L4154-3 dudit code, la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie pour ces salariés, victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L4154-2 du même code.

En application de l'article L412-6 du code de la sécurité sociale, l'entreprise utilisatrice d'un travailleur intérimaire est regardée comme substituée dans le pouvoir de direction de l'entreprise de travail temporaire qui est l'employeur, l'article L1251-21 du code du travail précisant que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, notamment en matière de santé et de sécurité au travail, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail.

L'employeur demeure néanmoins seul tenu des obligations prévues aux articles L452-1 à L452-4 du code de la sécurité sociale sans préjudice de la demande de remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable au moyen d'une action récursoire, demande de remboursement qui peut toutefois être limitée en cas de partage de responsabilité dans la survenance de la faute.

A l'appui de son appel, M. [M] [I], salarié intérimaire, mis à disposition de la société BMS TEC, substituée dans la direction à l'employeur société PEI [Localité 5] revendique le bénéfice de la présomption de faute inexcusable.

C'est à M. [I] qui l'invoque d'établir que les conditions de la présomption sont remplies, à défaut d'établir que l'employeur avait connaissance du danger et n'en a pas préservé son salarié.

Si la société BMS TEC observe que les circonstances de l'accident sont indéterminées comme reposant sur les seuls « dires de la victime » repris dans la déclaration d'accident du travail, selon lesquels « celle-ci réglait la plieuse lorsqu'il a glissé et s'est coincé le poignet sous la plieuse », il convient d'observer que la présomption s'applique même si les circonstances de l'accident restent indéterminées.

Par ailleurs, la présomption doit produire son effet quelle que soit l'expérience précédente du salarié victime, cette circonstance ne dispensant pas l'employeur de son obligation de formation renforcée.

L'obligation spécifique de formation à la sécurité dont le contenu est précisé par l'article L4154-2 du code du travail est applicable dans l'hypothèse où le salarié intérimaire est affecté à un poste inscrit sur la liste des postes à risques prévue par l'alinéa 2 de ce texte. La liste de ces postes de travail est établie par l'employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique s'il en existe, étant observé qu'il n'existe aucune liste officielle ou limitative des postes à risques au sens de ce texte.

En l'espèce, d'après le contrat de mission conclu le 26 janvier 2017 entre la société BMS TEC et M. [I], le salarié était affecté à des « travaux de soudure, pliage perçage tarodage divers travaux de manutention » ; le travailleur temporaire devait apporter ses chaussures de sécurité, des gants, lunettes de protection et tablier étant fournis par l'entreprise utilisatrice. Il est expressément indiqué sur le contrat de mission que le poste ne figurait pas sur la liste de l'article L4154-2.

Pour autant, l'accident est survenu alors que M. [I] était affecté à l'utilisation d'une presse-plieuse TRUMPF « TrumaBend V130 » dont la société BMS TEC produit des photos faisant ressortir pour l'utilisateur, au vu des pictogrammes apposés, le risque de blessures aux mains.

Par ailleurs M. [I] souligne que selon la fiche en annexe émanant de l'INRS -Institut National de Recherche et de Sécurité-, les presses plieuses hydrauliques pour lesquelles l'effort de pliage est produit par des vérins hydrauliques -ce qui est le cas en l'espèce- « restent ? celles pour lesquelles la fréquence et la gravité des accidents du travail restent préoccupantes parce que ces accidents sont, en général, gravement mutilants. Ils surviennent le plus souvent pendant le pliage, par avancée des doigts ou des mains dans la zone dangereuse », et qu'il est nécessaire selon l'INRS d'« assurer une formation renforcée des travailleurs intérimaires ou avec contrats à durée déterminée aux risques spécifiques des presses plieuses hydrauliques ».

De son côté la société BMS TEC prétend avoir fait bénéficier M. [X] chef d'atelier de M. [I] d'une formation par la société RECOS à l'utilisation et à la maintenance sur la presse-plieuse TRUMPF, type TrumaBend V130.

Il s'ensuit que M. [I] établit suffisamment qu'il était affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé et qu'il devait donc bénéficier d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil adapté dans l'entreprise BMS TEC.

La société BMS TEC ne saurait sérieusement soutenir que M. [I] était parfaitement formé sur la machine puisque le chef d'atelier avait été formé, ou parce qu'il travaillait depuis déjà deux mois sur la machine quand l'accident est survenu, ou encore qu'il revendique la compétence de technicien commande numérique-métallier soudeur.

En conséquence, la preuve n'étant pas rapportée, ni par l'employeur PEI [Localité 5], ni surtout par la société BMS TEC, responsable des conditions d'exécution du travail, notamment en matière de santé et de sécurité au travail, qu'une formation renforcée à la sécurité a été dispensée à M. [I] par l'entreprise utilisatrice alors qu'il était affecté à un poste à risques au sens de l'article L4154-2 du code du travail, M. [I] est fondé à se prévaloir de la présomption de faute inexcusable instituée par l'article L4154-3 du code du travail.

Le jugement sera donc infirmé, et il sera dit que l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, sauf le recours en garantie examiné ci-après, de la société PEI [Localité 5] contre la société BMS TEC.

Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable, l'article L452-2 du code de la sécurité sociale prévoit que la victime reçoit une majoration du capital ou de la rente qui lui a été attribuée et l'article L452-3 qu'elle a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Par ailleurs, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, la victime peut demander la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Sur la majoration de la rente

Il convient de réserver à statuer sur ce point, M. [I] ne justifiant ni de l'octroi d'une rente accident du travail ni de l'octroi d'un capital quand la CPAM du Haut-Rhin indique qu'il a bénéficié d'un arrêt de travail indemnisé au titre de la législation professionnelle du 27 mars 2017 au 14 janvier 2019, date de consolidation avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 4%.

Sur la demande d'expertise et la demande de provision

Consécutivement à l'accident dont il a été victime le 27 mars 2017, M. [I] a présenté, selon certificat médical initial du même jour, une « fracture articulaire radius droit et cubitus droit distal », et a présenté, dans les suites de cet accident, selon certificat du docteur [G] du 16 janvier 2019, une rupture partielle du ligament scapho-lunaire du poignet droit.

Il a par ailleurs déclaré une rechute suivant certificat médical de rechute du 2 avril 2019, qui a été prise en charge par la CPAM du Haut-Rhin au titre du risque professionnel.

Ces éléments justifient la prescription d'une expertise médicale pour chiffrer les préjudices indemnisables au sens des textes susvisés, ce aux frais avancés de la CPAM du Haut-Rhin, rappel étant fait que l'expertise ne peut porter, conformément à l'article R434-32 du code de la sécurité sociale, ni sur la date de consolidation fixée par la caisse, ni sur la détermination du taux d'incapacité permanente.

Ces éléments justifient aussi l'allocation à M. [I] d'une provision de 3.000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Il y a lieu en outre de dire que conformément aux dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, le montant des préjudices personnels qui seront alloués à la victime, en ce compris la provision, seront avancés par la caisse qui en récupérera directement le montant, ainsi que le montant des frais d'expertise, auprès de l'employeur, la société PEI [Localité 5], en tant que de besoin de condamner la société PEI [Localité 5] à rembourser la caisse.

Les droits de M. [I] seront réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Sur le recours en garantie de la société PEI [Localité 5] contre la société BMS TEC

Au motif que la société PEI [Localité 5] ne s'est ni présentée, ni fait représenter en première instance, la société BMS TEC soutient que les demandes de la société PEI [Localité 5] à son encontre sont irrecevables car nouvelles.

Si l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, il résulte de l'article 566 du même code que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Etant rappelé que l'article L241-5-1 du code de la sécurité sociale prévoit que dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable vis à vis de l'entreprise utilisatrice, la demande de garantie formulée en appel par l'employeur juridique PEI [Localité 5] contre l'entreprise utilisatrice BMS TEC, qui n'est que la conséquence de l'action de M. [I], est bien recevable.

Aucune faute ayant concouru à la réalisation de l'accident litigieux n'est établie, ni alléguée à l'égard de la société PEI [Localité 5] par la société BMS TEC.

Il y a donc lieu d'accueillir l'action récursoire de la société PEI [Localité 5] contre la société BMS TEC, seule responsable des manquements ayant conduit à retenir la faute inexcusable de l'employeur et de condamner la société BMS TEC à garantir la société PEI [Localité 5] des conséquences financières de la faute inexcusable tant en principal qu'en intérêts et frais.

L'article L452-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable (ou de la faute de ceux qu'il s'est substitués dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement).

Il sera donc enjoint à la société BMS TEC de communiquer à la société PEI [Localité 5] les coordonnées de l'assureur la garantissant contre le risque faute inexcusable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il convient de réserver à statuer sur ces points.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement entrepris ;

statuant à nouveau,

DIT que l'accident du travail dont M. [M] [I] a été victime le 27 mars 2017 est dû à la faute inexcusable de la société BMS TEC substituée à la SARL PEI [Localité 5], employeur juridique, dans la direction du travail ;

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices,
ORDONNE l'expertise médicale de M. [M] [I] ;

DESIGNE pour y procéder le Dr [Y] [V], [Adresse 2] (tel : [XXXXXXXX01]) avec pour mission de :

- convoquer les parties ;

- se faire remettre par la victime tous les documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier, le certificat médical initial, les comptes-rendus d'hospitalisation, le dossier d'imagerie ;

- fournir tout renseignement utile sur la situation personnelle et professionnelle de M. [M] [I] ;

- décrire les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution ;

- décrire en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (humaine ou matérielle) en préciser la nature et la durée ;

- dans le respect du code de déontologie, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s'ils constituent un état antérieur susceptible d'avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentes ;

- procéder à un examen clinique détaillé et retranscrire les constatations dans le rapport ;

- analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité à l'accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment les doléances de la victime et les données de l'examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l'incidence éventuelle d'un état antérieur ;

- prendre en considération toutes les gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire subi par la victime dans ses activités habituelles à la suite de l'accident ; en préciser la nature et la durée (hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la vie courante), étant précisé que ni la date de consolidation ni le taux de l'incapacité permanente partielle qui ont été fixés ne peuvent plus être discutés ;

- en cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise ;

- indiquer s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles ;

- décrire les souffrances morales et physiques endurées et les évaluer dans une échelle de 1 à 7 ;

- décrire et évaluer l'importance du préjudice esthétique imputable à l'accident dans une échelle de 1 à 7 ;

- préciser si la victime subit un préjudice d'agrément résultant des suites de l'accident (en cas d'activité sportive ou de loisir pratiquée régulièrement avant l'accident) ;

- donner son avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice sexuel ;

- se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, para-médicaux, d'appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l'état séquellaire ;

- faire toutes observations utiles à la solution du litige ;

FIXE à 700 € (HT) les frais d'expertise et DIT que l'avance de cette somme devra être faite par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin qui pourra en récupérer le montant sur l'employeur la SARL PEI [Localité 5] ;

FIXE à quatre mois à compter de sa saisine, le délai dans lequel l'expert devra avoir déposé son rapport ;

DESIGNE la présidente de la section SB -chambre sociale- pour suivre les opérations d'expertise ;

ALLOUE à M. [M] [I] la somme de 3.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et DIT que l'avance de cette somme devra être faite par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin qui pourra en récupérer le montant sur l'employeur la SARL PEI [Localité 5] ;

En tant que de besoin, CONDAMNE la SARL PEI [Localité 5] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin les sommes qu'elle sera amenée à avancer à M. [M] [I] au titre de ses préjudices personnels en application de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, y compris la provision allouée et les frais d'expertise ;

CONDAMNE la société BMS TEC à garantir la SARL PEI [Localité 5] des conséquences financières de la faute inexcusable tant en principal qu'en intérêts et frais, et en conséquence à rembourser à la SARL PEI [Localité 5] le paiement des indemnités complémentaires qui seront versées à M. [M] [I] ainsi que les sommes mises à sa charge et relatives au coût de l'accident du travail ;

INVITE la société BMS TEC à communiquer à la SARL PEI [Localité 5] les coordonnées de la compagnie d'assurances la garantissant contre le risque faute inexcusable ;

DECLARE le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ;

RESERVE les droits de M. [M] [I] quant à l'indemnisation complémentaire visée aux articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale ;

RESERVE les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE l'examen de l'affaire à l'audience d'instruction du :

Jeudi 2 Février 2023 à 14h00 - Salle 32

DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation pour l'audience de renvoi ;

et DIT que les parties devront avoir déposé leurs conclusions et pièces quinze jours avant ladite audience.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/014301
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Autre décision avant dire droit

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-06-09;20.014301 ?
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