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07/06/2022 | FRANCE | N°21/01572

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 07 juin 2022, 21/01572


MINUTE N° 22/389





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 07 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01572

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRFW



Décision déférée à la Cour : 23 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [K] [M] ép. [F]

14 allée des Millésimes

51530 PIERRY


...

MINUTE N° 22/389

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 07 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01572

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRFW

Décision déférée à la Cour : 23 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [K] [M] ép. [F]

14 allée des Millésimes

51530 PIERRY

Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. CTS

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : B 5 68 500 680

14 rue de la Gare aux Marchandises

CS 15002

67000 STRASBOURG CEDEX 2

Représentée par Me Luc STROHL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [K] [F] a été embauchée par la société Cts selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 avril 2012 à effet à compter du 18 juin 2012 en qualité de responsable d'unité de production avec reprise d'ancienneté au 1er décembre 1992.

Mme [F] a été nommée responsable de l'unité contrôle sûreté à compter du 1er septembre 2016 et percevait un salaire de base brut de 5 539,39 € par mois.

Mme [F] a été convoquée par courrier du 4 janvier 2018 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 15 janvier 2018.

Par lettre recommandée avec accusé réception reçue le 18 janvier 2018, Mme [F] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Mme [F] a contesté son licenciement par lettre en date du 30 janvier 2018 et a demandé à la société Cts de lui préciser l'ensemble des motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

La société Cts lui a répondu par courrier du 19 février 2018.

Mme [F], par demande introductive d'instance enregistrée au greffe le 12 novembre 2018, a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg d'une demande tendant à voir déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement pour licenciement irrégulier, pour licenciement brutal et vexatoire et d'un rappel de primes.

Par jugement en date du 23 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la partie défenderesse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [F] à tous les frais et dépens.

Mme [F] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 12 mars 2021.

Dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 15 octobre 2021, Mme [F] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien-fondé,

- infirmer le jugement,

et statuant à nouveau,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

à titre principal,

- condamner la société Cts à lui payer à la somme de 107 697,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

- condamner la société Cts à lui payer à la somme de 5 983,22 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

en tout état de cause,

- condamner la société Cts à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- condamner la société Cts à lui payer à la somme de 2 317,07 € bruts à titre de rappel de prime au titre de l'année 2017,

- condamner la société Cts à lui payer la somme de 1 386,42 € à titre de prime au titre de la période du 1er janvier 2018 au 19 avril 2018,

- débouter la société Cts de toutes conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la société Cts à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Cts aux entiers frais et dépens,

- dire que les montants auxquels sera condamnée la société Cts porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande prud'homale, soit le 12 novembre 2018,

- condamner la société Cts à lui délivrer le bulletin de paie correspondant aux sommes au paiement desquelles elle sera condamnée.

A l'appui de son appel, elle expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse la société Cts ayant violé l'article 17 de la convention collective des réseaux de transports publics de voyageurs applicable selon lequel sauf les cas visés à l'article 58 qui concerne les licenciements économiques, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.

Elle fait valoir que cette garantie est le corollaire de la durée particulièrement longue d'un an de la période d'essai avant titularisation.

Elle conteste que cet article de la convention collective dont les termes sont sans équivoques s'applique uniquement aux licenciements disciplinaires

Elle précise que la violation de l'article 17 ne constitue pas une irrégularité de procédure mais le non-respect d'un droit ayant pour conséquence que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Subsidiairement, elle souligne que la lettre de licenciement fixe les limites du litige de sorte que le conseil de prud'hommes ne pouvait pas retenir comme il l'a fait des griefs apparaissant dans des attestations produites par la société Cts mais non évoqués au cours de l'entretien préalable et ne figurant pas dans la lettre de licenciement.

Elle expose que la lettre de licenciement fait état de motifs imprécis déjà sanctionnés pour certains.

Elle fait valoir à ce titre que le 8 décembre 2017 à 18 heures, l'information circulait au sein de l'entreprise selon laquelle elle avait été évincée de son poste de responsable du service UCS, que cette décision constitue une sanction qui empêchait la société Cts de la licencier le 18 janvier 2018.

Elle souligne qu'elle a travaillé au sein de la société Cts pendant une période totale de 19 ans, qu'elle a été reprise avec maintien de son ancienneté après un passage dans une autre entreprise, ce qui démontre que sa manière de travailler était reconnue tant sur le plan du savoir-faire que du savoir-être et qu'elle était appréciée de la direction.

Elle déclare que les griefs invoqués par la société Cts ne sont pas fondés et explique son licenciement par la volonté de la société Cts de faire des économies en réduisant la masse salariale des cadres dans le contexte de la fin du contrat de concession entre la société Cts et l'agglomération de Strasbourg au 31 décembre 2020.

Elle conteste avoir été formée au management par son employeur.

Elle conteste également une tension de la situation en 2017 autour du contrat de performance, expliquant au contraire que les échanges se sont faits de façon ouverte sur le volet « contrôle intervention » du contrat performance dont elle avait la charge, conformément à des attestations qu'elle produit et que ce volet était quasiment clos en novembre 2017.

Sur la question de l'absence de réaction qu'elle aurait eue dans l'encadrement de son équipe, elle indique avoir pris en compte lors d'une réunion du 8 décembre 2017 qu'il y avait lieu d'améliorer les relations entre M. [H], responsable de groupe, et Mme [I], responsable d'équipe, qu'elle s'était entretenue avec eux et avait organisé un travail d'équipe de sorte qu'une nouvelle cohésion était en cours.

Elle nie avoir été brutale dans son management et conteste les attestations de M. [T], M. [A], M. [E] et Mme [Z].

Elle affirme qu'elle était une salariée appréciée de ses collègues et de la direction et dit produire des attestations en ce sens.

Elle dit ne pas comprendre l'absence totale d'écoute qui lui est reprochée alors que dans le cadre du projet plan de performance elle a organisé plus de 35 heures de réunions avec les représentants du personnel entre les mois de mars et septembre 2017, que le plan a été validé par le Chsct en octobre 2017 et le comité d'entreprise en septembre 2017.

Elle se réfère par ailleurs à des mails échangés avec M. [C] et M. [P] dans le cadre de ce projet montrant un réel travail collaboratif avec l'ensemble de son équipe et ses supérieurs hiérarchiques.

Sur les modalités d'un contrôle et de propos qu'elle aurait tenus, qualifiés par la société Cts dans la lettre de licenciement d'à la limite de la légalité, elle précise que la méthode utilisée l'était par d'autres réseaux de transport, était validée par la société et qu'elle a toujours été soucieuse du bien-être de ses agents et sensible à leur sécurité sur le terrain.

S'agissant du grief relatif à une intervention devant le Chsct en décembre 2017, elle rappelle qu'elle était en arrêt maladie et non présente à ce Chsct et précise avoir toujours préparé les réunions du Chsct, apportant des réponses les plus précises et circonstanciées possibles.

Elle relève que la procédure de licenciement est irrégulière dans la mesure où la décision de se séparer d'elle a été prise avant l'entretien préalable puisqu'une annonce a été faite le 8 décembre 2017 selon laquelle elle serait destituée de son poste alors que l'entretien préalable s'est tenu le 15 janvier 2018 et le licenciement le 18 janvier 2018.

Elle demande en conséquence subsidiairement des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier.

Elle déclare également avoir été licenciée dans des conditions particulièrement brutales, vexatoires et humiliantes et se dit avoir été particulièrement choquée.

Enfin, elle demande le solde d'une prime d'objectif pour l'année 2017 relevant avoir perçu 50 % de cette prime alors qu'elle avait réalisé un travail considérable et tenu les objectifs qui lui avaient été fixés, essentiellement le mise en 'uvre du plan performance, ainsi que la prime pour l'année 2018 au prorata du temps passé dans l'entreprise au cours de cette année.

La société Cts s'est constituée intimée devant la cour le 20 avril 2021 et dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 3 septembre 2021, demande à la cour de :

- rejeter l'appel interjeté par Mme [F], le dire irrecevable, en tout état de cause infondé,

- confirmer en son intégralité le jugement,

- condamner Mme [F] à lui verser une indemnité de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [F] aux entiers frais et dépens.

Elle expose que l'article 17 de la convention collective des réseaux de transports publics de voyageurs n'a vocation à s'appliquer qu'au seul cas où le licenciement est fondé sur un caractère disciplinaire, qu'il ne vise donc pas les cas où le licenciement repose sur une insuffisance professionnelle comme en l'espèce de sorte qu'elle pouvait engager une procédure de licenciement à l'encontre de Mme [F].

Elle conteste que Mme [F] ait été sanctionnée avant son licenciement, précisant qu'aucune décision d'éviction à son encontre n'a été prise et qu'aucune lettre de sanction qui aurait motivé cette prétendue éviction ne lui a été notifiée.

Elle fait valoir que la lettre de licenciement fait l'objet d'éléments détaillés sur cinq pages avec à chaque fois des griefs clairement précisés comme notamment une « position réfractaire et entêtée », un « manque d'écoute et manque de remise en cause », une « brutalité managériale, une absence de tact et des relations en permanence conflictuelles », une « remise en cause des équipes de terrain et un rabaissement de ces mêmes équipes de terrain » et enfin le fait d'avoir « cautionné des procédés de verbalisation à a limite de la légalité » et que l'ensemble de ces éléments correspondent très exactement à la notion de griefs matériellement vérifiables définis par la jurisprudence.

Elle précise que l'intégralité des griefs sont tous étayés par les témoignages précis et circonstanciés de M. [E], M. [T] et M. [A], contrôleurs et Mme [Z], assistante de Mme [F] de juin 2013 à décembre 2016.

Elle indique que Mme [F] a suivi des formations en vue d'améliorer ses pratiques en termes de management et participé à des « rendez-vous du manager », réunions au cours desquelles le service des ressources humaines évoquait avec les différents managers les principales problématiques pouvant se poser en matière de gestion du personnel de sorte que la persistance de son comportement apparait d'autant plus injustifiée.

Sur la prime 2017, elle relève que le versement de 50 % de celle-ci correspond à l'appréciation de ses objectifs remplis à hauteur de 50 % et sur la prime 2018 rappelle que la prime d'objectif, liée à l'atteinte de résultats ne peut lui être versée, ayant été en arrêt maladie à compter du 5 janvier 2018 puis suite à son licenciement, dispensé d'effectuer son préavis.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 25 mars 2022.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 8 avril 2022, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.

MOTIFS

- A titre liminaire, sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Si la société Cts demande dans le dispositif de ses dernières conclusions que l'appel de Mme [F] soit déclaré irrecevable, il sera constaté qu'elle n'articule cependant aucune critique pour développer cette fin de non-recevoir dans les motifs de ses conclusions, de sorte que cette demande ne sera pas examinée, étant observé en outre que conformément à l'article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent depuis sa désignation jusqu'à la clôture de l'instruction pour déclarer l'appel irrecevable.

- Sur le licenciement :

Sur l'article 17 de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs :

Selon l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables.

Il est constant que si le contrat de travail et les dispositions conventionnelles ne peuvent déroger à la loi dans un sens défavorable au salarié, ils peuvent en revanche limiter les causes de rupture dans un sens plus favorable, les accords collectifs pouvant notamment limiter les possibilités de licenciement aux causes et conditions qu'ils déterminent s'ils ne rendent pas impossible toute rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, le licenciement prononcé pour un motif autre que les motifs conventionnellement prévus est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de dispositions conventionnelles prévoyant expressément la nullité dans une telle hypothèse.

En l'espèce, conformément au contrat de travail de Mme [F], la convention applicable aux relations de travail est la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

L'article 17 du chapitre I intitulé « embauchage » du titre II « conditions générales du travail » de la convention collective précise en son dernier alinéa que : « sauf les cas visés à l'article 58 ci-après [licenciement collectif], les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave sur avis motivé du conseil de discipline ».

Cet article, dans son premier alinéa, indique qu'un agent devient titulaire après avoir accompli « dans les conditions satisfaisantes le stage réglementaire de douze mois et subi avec succès la visite médicale pour vérification d'aptitude physique à l'emploi sollicité ».

La cour relève que l'article 49 du chapitre VI « discipline générale » liste les sanctions pouvant être prononcées, les divisant en sanctions de premier grade et sanctions de second grade, les sanctions de second grade devant être prises après avis motivé du conseil de discipline.

Par ailleurs, l'article 62 du chapitre VII « conditions de rupture du contrat de travail » prévoit le paiement d'une indemnité au profit notamment du salarié quittant l'entreprise par suite de réforme (régime CAMR), d'invalidité reconnue par la sécurité sociale ou d'inaptitude à la conduite reconnue.

La cour observe qu'aucun élément, tiré de la convention en son ensemble et de l'article 17 en particulier, disposition rédigée en des termes clairs et précis, ne permet d'interpréter cette disposition en ce qu'elle s'appliquerait uniquement aux licenciements fondés sur un motif disciplinaire.

Il résulte de la convention collective, qui constitue en faveur des agents titulaires une limitation du droit de licencier, qu'il n'est pas envisagé de rupture du contrat de travail pour un autre motif que disciplinaire, économique (licenciement collectif) ou pour inaptitude, cette situation étant la contrepartie d'une longue période de stage, ou période d'essai, de douze mois avant toute titularisation.

Mme [F], licenciée pour insuffisance professionnelle, l'a en conséquence été en violation des termes de l'article 17 de la convention collective.

Ainsi, le licenciement de Mme [F] est sans cause réelle et sérieuse, ce sans qu'il soit besoin plus avant d'examiner les causes du licenciement.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

- Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Selon les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux qui sont fixés par un tableau, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Pour une ancienneté de 25 ans, l'article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 3 et 18 mois de salaire brut, pour les entreprises ayant un effectif de plus de onze salariés, ce qui est le cas en l'espèce.

Mme [F] demande une indemnisation d'un montant de 107 697,96 €.

Mme [F] était âgée de 53 ans à la date de la rupture du contrat de travail et percevait un salaire moyen de 5 983,22 € bruts. Elle expose occuper un poste de directrice de filiale à Epernay pour une durée de trois ans, ce qui l'a contrainte à déménager d'Alsace et l'obligera à rechercher un emploi au terme de ce délai, voire à déménager de nouveau, la cour observant qu'elle ne justifie pas de la période travaillée dans le cadre de son nouvel emploi, ni du montant de son salaire actuel.

Au vu de ces éléments, il sera alloué à Mme [F] la somme de 47 865,76 € bruts à titre de dommages et intérêts.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

Mme [F] sollicite la condamnation de la société Cts à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, déclarant avoir été, d'une part, particulièrement choquée de la manière brutale dont son employeur a mis fin à la relation contractuelle alors qu'elle s'était énormément investie dans son travail et, d'autre part, affectée par le mépris de la société Cts, ce qui a eu des conséquences très néfastes sur sa vie personnelle et sur sa santé.

Il n'est cependant pas caractérisé que les circonstances du licenciement ont été vexatoires et Mme [F] n'apporte aucun élément justificatif du préjudice qu'elle invoque.

Il s'ensuit que cette demande sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

- Sur les primes d'objectif 2017 et 2018 :

Conformément à l'article 2 du contrat de travail de Mme [F], celle-ci perçoit une rémunération de base ainsi qu'une prime d'objectif « calculée chaque année en fonction du niveau d'atteinte d'objectifs individuels assignés ['] et sera versée chaque année en février. Elle s'applique au prorata temporis. Le montant de cette prime, est fixé à 10% de la rémunération annuelle forfaitaire. Celui-ci est déterminé en fonction du niveau d'attente des objectifs fixés ; 100% des objectifs atteints correspondant à une prime d'un montant de 7% de la rémunération forfaitaire annuelle ».

Mme [F] demande la condamnation de la société Cts à lui payer la prime d'objectif contractuellement prévue au taux de 100% pour l'année 2017 ainsi que pour l'année 2018, au prorata du temps passé dans l'entreprise.

Au titre de l'année 2017, la société Cts a retenu, le 22 janvier 2018, que Mme [F] avait rempli 50% des objectifs qui lui avaient été fixés, soit 15/30 pour l'objectif 1 « évolution de l'encadrement Ucs recentrage c'ur métier », 25/50 s'agissant de l'objectif 2 « mise en 'uvre du contrat perf » et 10/20 en ce qui concerne l'objectif 3 « optimisation des activités sécurité/sûreté » et lui a versé une prime de 50%.

La cour constate que chacun des objectifs est détaillé en sous-thèmes et sous-rubriques et que les entretiens annuels portent notamment sur l'appréciation des résultats de l'année écoulée, le compte rendu d'entretien reprenant les explications données au salarié sur les écarts entre la pondération prévue objectif par objectif et l'atteinte pondérée desdits objectifs ainsi que les commentaires qui ont été apportés.

Or, pour la prime due au titre de l'année 2017, Mme [F] n'a pas eu d'entretien d'appréciation et n'a pas eu connaissance de la méthode retenue pour évaluer les pondérations retenues, le document daté du 22 janvier 2018 par la société Cts ne motivant pas les pondérations, ne mentionnant aucun commentaire explicatif.

La société Cts n'apporte pas plus d'élément objectif devant la cour de nature à justifier les pondérations retenues.

Or, il résulte des comptes rendus d'entretiens d'appréciation et professionnel de Mme [F] qu'elle a rempli 100% des objectifs pour les années 2012, 2013, 2014, 95% en 2015 et 110% en 2016 et du document en date du 22 janvier 2018 produit par la société Cts que Mme [F] est la seule salariée du pôle Ucs à obtenir une pondération de 50%, sept salariés ayant une pondération globale de 100%, trois salariés de 110% et un salarié de 125%.

Mme [F] justifie avoir rédigé le plan de performance contrôle intervention, un volet organisationnel et un livret méthode et consigne contrôle.

Le plan de performance contrôle, dont la mise en 'uvre constituait son objectif 2 pour 50% de pondération a par ailleurs été validé par le Chsct et le comité d'entreprise et mis en application, M. [R] [N] attestant des résultats positifs de ce plan dans son attestation.

Mme [F] produit également des échanges de mails au cours de l'année 2017 montrant que la qualité de son travail était reconnue par sa hiérarchie.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que c'est à tort que la société Cts a versé 50% de la prime de base de 7% à Mme [F].

Mme [F] ayant perçu la somme de 2 299 € au titre de la prime d'objectif alors qu'elle aurait dû percevoir 7% de sa rémunération annuelle, soit la somme de 4 616,07 € (5 495,32 x 12 x 7%), la société Cts sera condamnée à lui payer la somme de 2 317,07 € bruts.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce sens.

Sa demande au titre de l'année 2018, sera rejetée, Mme [F] ayant été placée en arrêt maladie à compter du 5 janvier 2018 outre qu'ayant été licenciée par lettre en date du 18 janvier 2018 et dispensée d'effectuer son préavis de trois mois, aucun objectif ne lui a été fixé.

- Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Cts, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile outre infirmation du jugement déféré sur cette question, avec mise à sa charge des dépens de première instance.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de la Société Cts une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3 000 € au profit de Mme [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 23 février 2021 sauf en ce que Mme [F] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et de sa demande de rappel de prime au titre de l'année 2018,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [K] [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la Saem Compagnie des transports strasbourgeois à payer à Mme [K] [F] la somme de 47 865,76 € bruts (quarante-sept mille huit cent soixante-cinq euros et soixante-seize centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Condamne la Saem Compagnie des transports strasbourgeois à payer à Mme [K] [F] la somme de 2 317,07 € bruts (deux mille trois cent dix-sept euros et sept centimes) à titre de rappel de prime pour l'année 2017, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2018,

Ordonne la remise par la Saem Compagnie des transports strasbourgeois à Mme [K] [F] d'un bulletin de salaire conforme aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d'un mois à compter de sa signification,

Condamne la Saem Compagnie des transports strasbourgeois aux dépens,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la Saem Compagnie des transports strasbourgeois aux dépens d'appel,

Condamne la Saem Compagnie des transports strasbourgeois à payer à Mme [K] [F] la somme de 3 000 € (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Saem Compagnie des transports strasbourgeois.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01572
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;21.01572 ?
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