MINUTE N° 22/531
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 07 Juin 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01510
N° Portalis DBVW-V-B7F-HRCI
Décision déférée à la Cour : 09 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU
APPELANT :
Monsieur [X] [Y]
23 rue de la ferme Clauss
67500 HAGUENAU
Représenté par Me Jessy SAMUEL, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. [W] ET ASSOCIES
ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS EVOLUTION CLIM
5 rue des Frères Lumières
67087 STRASBOURG CEDEX 2
non représentée
Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE NANCY Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,
96 rue Saint Georges - CS 50510
54008 NANCY CEDEX
Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [X] [Y] a été embauché par la SAS Evolution Clim le 03 juillet 2017 en qualité de compagnon électricien, pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures moyennant un salaire de base 1.971,61 €.
Monsieur [L] gérant de la société est brutalement décédé le 1er avril 2019, son épouse poursuivant la direction de la société.
Par courrier identique du 27 août 2019 Monsieur [Y] et trois autres salariés ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant le non-paiement d'heures supplémentaires, des retenues injustifiées sur salaire, et l'absence de fourniture de travail depuis le mois de juillet 2019. Monsieur [Y] rajoutant la non transmission de certains bulletins de salaire,
La SAS Evolution Clim a été placée en liquidation judiciaire le 30 septembre 2019, la date de cessation de paiement étant fixée au 1er avril 2019.
Le 30 décembre 2019 Monsieur [X] [Y] (ainsi que ses trois collègues) a saisi le conseil des prud'hommes de Haguenau afin d'obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir paiement de différentes sommes.
Par jugement du 09 février 2021 le conseil des prud'hommes de Haguenau a jugé que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission, a fixé le salaire mensuel de Monsieur [X] [Y] à 1.771,61 €, et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, ordonnant la remise des documents de fin de contrat sans astreinte. Un jugement identique a été rendu pour les trois autres salariés.
Le 08 mars 2021, Monsieur [X] [Y] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, Monsieur [X] [Y] demande à la cour :
- Avant dire droit ordonné la production des relevés d'heures de travail signés par les salariés au sein de la Société Evolution Clim pour l'ensemble de la période contractuelle,
- Sur le fond, infirmé le jugement en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau :
- Constater que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Fixer le salaire mensuel moyen de 2.253,16 €,
- Fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire aux montants suivants :
*7.517,18 € au titre des heures supplémentaires,
*751,71 € pour les congés payés afférents,
*364 € à titre de retenues injustifiées en 2019,
*36,40 € au titre des congés payés afférents,
*390 € à titre de retenues injustifiées en 2018,
*39 € au titre des congés payés afférents,
*604,64 € au titre du salaire d'août 2019,
*60,46 € au titre des congés payés afférents,
*219,45 € au titre du salaire de juin 2019,
*21,94 € au titre des congés payés afférents,
*4.506,32 € pour l'indemnité de préavis,
*450,63 € au titre des congés payés afférents,
*1.314,34 € au titre de l'indemnité de licenciement,
*7.886,06 € au titre à titre de dommages et intérêts,
*1.200 € à titre de répétition de l'indu.
Il demande la remise des documents de fin de contrat, et de divers bulletins de paye, sous astreinte de 50 € par jour, de réserver au conseil des prud'hommes la liquidation de l'astreinte, de dire que les montants figureront sur l'état de créances, de dire le jugement opposable aux CGEA, que les frais de procédure et l'indemnité de l'article 37 de la loi de 1991 seront versés en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, de condamner le liquidateur judiciaire à payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter les parties adverses de l'intégralité de leurs prétentions.
Selon conclusions transmises par voie électronique le 23 août 2021, l'Unedic délégation AGS/CGEA de Nancy demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses disposition de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner aux frais et dépens. Elle rappelle par ailleurs les limites de sa garantie et l'arrêt des intérêts légaux au jour d'ouverture de la procédure collective.
La Selarl [W] et associés pris en la personne de Maître [W] es qualité de liquidateur de la société Evolution Clim régulièrement mise en cause dans la procédure n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents
Aux termes de l'article L 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et au vu de ces éléments le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile ;
Il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Monsieur [X] [Y] affirme que le contrat de travail est conclut sur une base de 35 heures hebdomadaires, mais qu'en réalité il effectuait 40 heures, soit du lundi au vendredi de 7 h à midi et de 13 h à 16 h. Il déclare avoir toujours travaillé de cette manière, et ajoute qu'un certain nombre d'heures supplémentaires, qu'il déduit de son décompte, lui ont bien été payées.
Il soutient avoir effectué sur la période du 03 juillet 2017 au 10 juillet 2019 des heures supplémentaires à hauteur de 8.508,44 €, et que compte tenu des versements intervenus, un solde de 7.517,18 € est du.
Au vu des éléments qu'il lui appartient de présenter au soutien de sa demande, le salarié verse aux débats :
- le contrat de travail mentionnant une prise de poste à 7 h le 03 juillet 2017,
- le décompte des heures supplémentaires dans ses conclusions,
- des bulletins de paye,
- un SMS du 24 juin 2019 de Madame [L] précisant que les salariés devaient se présenter au bureau pour une réunion à 8 h, et non à 7 h.
Le CGEA réplique, qu'aucune réclamation au titre des heures supplémentaires n'a été formulée durant l'exécution du contrat de travail, ni aucune déclaration de créance n'a été formée à ce titre. Il conteste que les éléments produits établissent un début de travail quotidien à 7 h, et la répartition horaire indiquée, alors même que le contrat de travail mentionne 35 h.
Les décomptes horaires établis par le salarié aboutissant à une durée hebdomadaire de travail de 40 h selon la fréquence 7h à12 h, puis 13h à16 h constituent des relevés d'heures suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'apporter ses propres éléments, ce qu'il ne fait pas. L'employeur soumis à une obligation de contrôle des heures de travail ne peut réduire sa réponse à la seule critique des éléments apportés par le salarié.
Il convient de relever que malgré la mention de 35 h de travail hebdomadaire au contrat de travail, des heures supplémentaires ont conformément aux bulletins de paye versés aux débat été effectuées et rémunérées, ce qui suppose l'existence d'un système de contrôle des heures de travail, dont il n'est en l'espèce pas justifié. Il est en outre relevé que le contrat de travail mentionne expressément la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires.
L'appelant réclame invariablement le même nombre d'heures supplémentaires durant 24 mois et 10 jours du 03 juillet 2017 au 10 juillet 2019 en affirmant avoir effectué 5 heures supplémentaires chaque semaine.
Pourtant l'examen des bulletins de paye produits établit qu'il a durant cette période régulièrement bénéficié de congés payés, de congés, ou encore d'arrêts maladie, périodes au cours desquelles il ne peut mettre en compte d'heures supplémentaires. Par ailleurs l'appelant s'abstient de produire l'intégralité des feuilles de paye en ne versant aux débats aucune des six fiches de paye de 2017 (il ne réclame que celle de décembre), 9/12 fiches de paye pour l'année 2018, et 3/7 pour l'année 2019 (il n'en réclame qu'une pour cette période) empêchant ainsi la cour de procéder à un contrôle efficace des heures mises en compte.
Il est en relevé, qu'à ce stade de la procédure près de trois ans après la rupture du contrat de travail, le liquidateur ne produit pas de relevés. Il n'y a pas lieu d'ordonner, avant dire droit, la production de relevés d'heures dans un contexte de liquidation judiciaire de la société, de l'absence du liquidateur judiciaire à la procédure, et de la circonstance particulière de la faillite de l'entreprise suite au décès brutal du gérant.
Par conséquent, au regard de l'ensemble des éléments précités, la cour dispose d'éléments suffisants pour arrêter à la somme de 3.000 € le montant alloué au titre des heures supplémentaires effectuées entre juillet 2017, et juillet 2019, outre les congés payés afférents.
Le jugement déféré est par conséquent infirmé sur ce point.
2. Sur les litiges relatifs aux congés
- Sur les jours de congés sans solde imposés en 2019
L'appelant soutient que l'employeur lui a en 2019 imposé quatre jours de congés sans solde jouxtant un jour férié compte tenu de la situation de l'entreprise, alors que lui-même n'a pas sollicité ces congés. Il réclame de ce chef 364 €, outre les congés payés afférents au titre d'une retenue de salaire injustifié.
Le CGEA réplique qu'aucune preuve n'est rapportée que l'employeur ait imposé des journées de congés sans solde.
Le salarié en effet ne justifie nullement de la déduction de quatre jours d'absence non rémunérées au titre du 18 avril 2019, des 9 et 10 mai 2019, et du 31 mai 2019. En effet aucun des bulletins de paye versés aux débats ne mentionne une telle déduction. Par conséquent ce chef de demande est rejeté, et le jugement est confirmé sur ce point.
- Sur les jours de congés sans solde imposés en 2018
L'appelant se contente de conclure que la situation en 2018 est identique à celle de 2019 sans même identifier les jours de congés sans solde qui auraient été imposés par l'employeur, et sans produire de pièce à l'appui de cette prétention. Dans ces conditions sa demande ne peut-être que rejetée, et le jugement déféré confirmé sur ce point.
3. Sur les rappels de salaire de juin et aout 2019
Monsieur [X] [Y] soutient que le bulletin de salaire de juin 2019 mentionne (suite au versement d'un acompte de 1.500 €) un montant à payer de 219,45 €, qu'il conteste avoir perçu.
Or le CGEA justifie par la production de sa pièce N°2 du paiement le 08 novembre 2019 des montants de 254,42 € au titre du salaire du 1er au 27 juin 2019, et de 28,27 € au titre du salaire 28 ou 30 juin 2019. Monsieur [Y] est par conséquent rempli de ses droits. Le jugement qui a rejeté cette demande est donc confirmé.
Il réclame par ailleurs paiement de 604,64 € au titre du salaire du mois d'août 2019, outre les congés payés afférents. Il affirme que hormis les congés payés versés par la caisse pro BTP à hauteur de 1.367,07 €, il n'a perçu aucun salaire de sorte qu'il réclame paiement du solde (1.971,71- 1.367,07).
Or Monsieur [X] [Y] a pris acte de la rupture du contrat de travail " avec effet immédiat " par courrier du 27 août 2019, de sorte qu'il ne peut prétendre au paiement du salaire complet de 1.971,71 € jusqu'au 31 août 2018, mais uniquement d'une somme de 1.747,62 €.
Suivant son calcul, et après déduction de la somme de 1.367,07 € par la caisse pro BTP, il reste dû un solde de 380,55 €. En effet selon l'attestation de paiement des indemnités journalières par la CPAM du 1er janvier au 23 septembre 2019, aucune indemnisation n'a été versée au titre du mois d'août 2019. Par conséquent l'appelant est bien fondé à réclamer un solde de 380,55 € outre les congés payés afférents (1.747,62 - 1.367,07).
Le jugement déféré est par conséquent infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement d'un solde de salaire d'août 2019.
4. Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Par ailleurs, le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Par courrier du 27 août 2019, Monsieur [X] [Y] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en rappelant que depuis son embauche les difficultés se sont multipliées et cite à titre d'exemples non limitatifs :
- " mes heures de travail entre 7 h et 8 h le matin ne sont plus payées,
- mes heures supplémentaires ne sont pas réglées,
- des retenues injustifiées sont effectuées sur mon salaire,
- mon salaire n'est pas intégralement réglé,
- vous ne m'avez pas transmis mes bulletins de salaire des mois de décembre 2017, juillet, octobre, novembre 2018 et février à mai 2019 ".
Il écrit encore : " de plus, depuis le mois de juillet vous me demandez de rester chez moi au motif que nous n'avez pas de travail à me donner, et que n'avez plus de chantier en cours sans pour autant procéder au règlement de mon salaire. Je vous rappelle qu'un employeur a l'obligation de fournir du travail à ses employés, et surtout qu'il doit procéder à la rémunération de celui-ci. Lorsque je vous ai fait part de cette situation vous m'avez indiqué que je n'avais qu'à poser ma démission dans la mesure où vous n'entendiez me verser ni mon salaire, ni mes indemnités de fin de contrat. Vous comprendrez que je ne peux rester dans cette situation plus longtemps "
Il résulte de la procédure que des heures supplémentaires n'ont pas été réglées sur plusieurs mois à hauteur de 3.000 €, et que le salaire du mois d'août n'a finalement pas été payé, le liquidateur effectuant ce règlement trois mois après la prise d'acte.
Il est surtout constant que la société Evolution Clim a à compter du 1er avril 2019 fait face à une situation particulièrement difficile qui a entraîné sa liquidation judiciaire quelques mois plus tard. S'il est louable que l'épouse du gérant, par ailleurs également salariée de la société, ait tout mis en 'uvre pour tenter de sauver l'entreprise, cette tentative ne peut se faire au détriment des salariés.
Monsieur [X] [Y] produit l'échange de messages avec son employeur le 24 juillet 2019 :
- " Et pour mon salaire, des nouvelles ' "
- " Non pas pour le moment c'est notre avocat qui gère "
- " Comment je fais, je n'ai pas eu le salaire complet, ni de fiches de payes à cette heure. Je paye 1250 € de crédit, j'ai reçu 1500 € d'acompte ' La seule réponse que vous me donnez c'est l'avocat qui gère. Donnez-moi le numéro de l'avocat je l'appelle pour des réponses concrètes et précises ".
Suite à un échange concernant un véhicule endommagé le salarié répond encore
- " Cela n'a rien à voir avec le salaire "
- " la CPAM paye Evolution Clim et vous devez payer les ouvriers j'attends une réponse "
L'appelant verse également aux débats des SMS échangés entre l'épouse du gérant et deux autres salariés justifiant leurs interrogations dès début août quant à la fourniture d'un travail. Ainsi Monsieur [I] écrivait dès le 5 août 2019 " (') qu'est-ce que vous voulez faire avec moi du coup car je n'ai plus de jours de congés payés maintenant.", ou encore le 12 août 2019 : " je viens vers vous pour en savoir un peu plus sur la situation. Je suis censé travailler à l'heure qu'il est, mais je n'ai aucune nouvelle. Je suis dans une totale ignorance en ce qui concerne la situation. De plus nous sommes le 12 et je n'ai toujours pas reçu ma paye et quand j'appelle la CPAM ils disent n'avoir reçu aucun arrêt pour moi de votre part. Que se passe-t-il ' qu'est-ce qu'on doit faire ' "
Monsieur [F] écrivait à son employeur : " je voulais savoir ce qui se passe avec la boîte, car mon arrêt de maladie s'arrête le 10 donc je suis censé travailler lundi de nouveau ".
Ces messages établissent qu'en posant des journées de congé, ou encore en déposant des arrêts maladie les salariés tentaient d'apporter leur soutien à l'épouse du gérant face à la situation désespérée de l'entreprise qui visiblement n'était plus en mesure de fournir de travail.
L'arrêt maladie de Monsieur [X] [Y] du 11 juillet, finalement jusqu'au 31 août 2019, ne modifie pas cette situation.
Ainsi au jour de la prise d'acte le 27 août 2019 des heures supplémentaires n'étaient plus rémunérées en leur intégralité, et aucun travail ne lui était fourni, et ce alors que la société Evolution Clim se trouvait dans une situation particulièrement difficile. Cette situation, parfaitement connue des salariés, faisait suite au décès brutal du gérant le 1er avril 2019, aux tentatives de l'épouse de ce dernier de maintenir l'entreprise.
Monsieur [X] [Y] ne pouvait dans de telles conditions se maintenir plus longtemps à la disposition de l'employeur, et que c'est à juste titre qu'il a le 27 août 2019 pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ainsi la prise d'acte justifiée de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produit en l'espèce les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement ayant rejeté ce chef de demande est donc infirmé.
4. Sur les conséquences financières
Il convient tel que sollicité par l'appelant, d'inclure les heures supplémentaires aux montants du salaire de base (3.000 /24 = 125) , de sorte que le salaire mensuel moyen s'élève à 2.096,61 € bruts (1.971,71+ 125) . La fixation du salaire par le conseil des prud'hommes à la somme de 1.771,61 €, indépendamment de la question des heures supplémentaires, résulte visiblement d'une erreur puisque le salaire visé au contrat de travail est de 1.971,71 €.
- Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents
En application de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, Monsieur [X] [Y] qui compte 2 années d'ancienneté bénéficie d'un préavis de deux mois, soit la somme de 4. 193,22 €, outre les congés payés afférents.
- Sur l'indemnité légale de licenciement
En application des articles L 1234-9, et R 1234-1 et 2 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté de 2 ans et 1 mois lors de la rupture, et du salaire mensuel moyen de 2.096,61 €, Monsieur [X] [Y] est bien-fondé à obtenir paiement d'une indemnité de licenciement s'élevant à 1.091,97 € nets.
Le calcul de l'appelant est erroné en ce qu'il est fondé sur un salaire de base erronée et surtout sur une ancienneté de deux ans et trois mois alors que l'ancienneté n'est que de 2 ans et 1 mois (3 juillet 2017 - 27 août 2019)
Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de demandes.
- Sur les dommages et intérêts
L'appelant réclame une somme de 7.886,06 € représentants 3,5 mois de salaire à titre de dommages et intérêts. L'AGS s'oppose à cette demande en relevant une ancienneté de deux ans à compter du 03 juillet 2017, de sorte qu'en application des barèmes de l'article L 1235-3 du code du travail l'indemnité maximale est de 3,5 mois de salaire alors qu'il réclame selon lui plus de quatre mois de salaire.
Les parties sont en réalité opposée sur le salaire moyen servant de base au calcul de l'indemnité. Cependant la cour a réintégré les heures supplémentaires dans le salaire.
La rupture du contrat de travail du 27 aout 2019 est soumise aux nouvelles dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail qui dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et que les parties refusent la réintégration, il est octroyé au salarié une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par les tableau annexes. Ces montants sont en l'espèce compris entre 0,5 et 3,5 mois.
Compte tenu de son âge de 27 ans au moment de la rupture, de son ancienneté de 2 ans, du montant de son salaire de 2096,61 € bruts, des circonstances de la rupture, mais également de l'absence de toute justification de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail, l'allocation d'une somme de 3.000 € indemnisera justement le préjudice subi par le salarié.
Le jugement qui a rejeté ce chef de demande est infirmé.
5. Sur la répétition de l'indu
Monsieur [X] [Y] réclame le remboursement d'une somme de 1.200 € représentant selon lui le versement à son employeur, en espèces, d'un montant mensuel de 50 € durant deux années afin de pouvoir ramener le véhicule de la société à son domicile. A l'appui de cette demande, à laquelle le CGEA s'oppose, il ne verse aucune pièce.
Par conséquent cette demande formulée la première fois après la liquidation judiciaire, dont il n'est fait nul mention dans la lettre de prise d'acte, et qui surtout n'est étayée par strictement aucune offre de preuve ne peut-être que rejetée.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
6. Sur les demandes annexes
L'AGS doit en l'espèce sa garantie, qui n'est que subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans la limite des plafonds, et qui ne s'applique pas aux frais irrépétibles.
Il est rappelé qu'en application de l'article L 122-28 du code de commerce le cours des intérêts légaux est arrêté au jour de l'ouverture de la procédure collective de la SAS Evolution Clim.
Le liquidateur judiciaire devra par ailleurs adresser à Monsieur [X] [Y] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, ainsi que les bulletins de paye sollicités sans que le prononcé d'une astreinte ne soit justifié.
L'équité commande de condamner le liquidateur judiciaire es qualité à payer à Monsieur [X] [Y] une somme de 1.500 € au titre de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La liquidation judiciaire est condamnée aux frais et dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés à titre de frais privilégiés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré
CONFIRME le jugement rendu le 09 février 2021 par le conseil des prud'hommes de Haguenau en ce qu'il rejette les demandes suivantes :
- 390 € (trois cent quatre vingt dix euros) au titre des retenues salariales de l'année 2018,
- 39 € (trente neuf euros) pour les congés payés afférents,
- 364 € (trois cent soixante quatre euros) au titre des retenues salariales de l'année 2019,
- 36 € (trente six euros) pour les congés payés afférents,
- 219,45 € (deux cent dix neuf euros et quarante cinq centimes) au titre du solde de salaire,
- 21,94 € (vingt et un euros et quatre vingt quatorze centimes) pour les congés payés afférents,
- 1.200 € (mille deux cents euros) à titre de répétition de l'indu
- 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions
STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant
REJETTE la demande avant-dire droit de production de pièces ;
DIT et JUGE que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 27 août 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DIT et JUGE que le salaire mensuel moyen s'élève à 2.253,16 € bruts ;
FIXE les créances de Monsieur [X] [Y] à la liquidation judiciaire de la société SAS Evolution Clim aux sommes suivantes :
- 3.000 € bruts (trois mille euros) au titre des heures supplémentaires,
- 300 € bruts (trois cents euros) au titre des congés payés afférents,
- 380,55 € (trois cent quatre vingt euros et cinquante cinq centimes) au titre du solde de salaire d'août 2019,
- 38,05 € bruts (trente huit euros et cinq centimes) au titre des congés payés afférents,
- 4.193,22 € bruts (quatre mille cent quatre vingt treize euros et vingt deux centimes) au titre de l'indemnité de préavis,
- 419,32 € bruts (quatre cent dix neuf euros et trente deux centimes) au titre des congés payés afférents,
- 1.091,97 € nets (mille quatre vingt onze euros et quatre vingt dix sept centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,
- 3.000 € bruts (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que l'AGS CGEA de Nancy doit sa garantie à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, et dans la limite des articles L 3253 - 8 du code du travail, et de l'un des trois plafonds résultant des articles L 3253 -17 et D 3253 -5 du code du travail ;
DIT que l'AGS CGEA de Nancy n'a pas à garantir les sommes due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que le cours des intérêts légaux est arrêté au jour de l'ouverture de la procédure collective de la SAS Evolution Clim ;
CONDAMNE la Selarl [W] et associés pris en la personne de Maître [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim à adresser à Monsieur [X] [Y] les documents de fin de conformes au présent arrêt, et les bulletins de paye de décembre 2017, juillet, octobre, et novembre 2018, et mai et août 2019 l'ensemble dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt ;
CONDAMNE la Selarl [W] et associés pris en la personne de Maître [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim à payer à Monsieur [X] [Y] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la Selarl [W] et associés pris en la personne de Maître [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim aux frais et dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés à titre de frais privilégiés.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et Madame Martine THOMAS Greffier.
Le Greffier, Le Président,