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07/06/2022 | FRANCE | N°21/01508

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 07 juin 2022, 21/01508


MINUTE N° 22/528





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION Ar>
ARRET DU 07 Juin 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01508

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRCE



Décision déférée à la Cour : 09 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU



APPELANT :



Monsieur [O] [U]

2B rue SAINT WENDELIN

67410 ROHRWILLER



Représenté...

MINUTE N° 22/528

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 07 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01508

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRCE

Décision déférée à la Cour : 09 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE HAGUENAU

APPELANT :

Monsieur [O] [U]

2B rue SAINT WENDELIN

67410 ROHRWILLER

Représenté par Me Jessy SAMUEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. [X] & ASSOCIES EN QUALITE DE LIQUIDATEUR DE LA SOCIETE EVOLUTION CLIM

prise en la personne de son représentant légal

Parc d'activités d'Eckbolsheim 5 rue des Frères Lumière

67087 STRASBOURG CÉDEX 2

non représentée

Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE NANCY Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,

96 rue Saint Georges - CS 50510

54008 NANCY CEDEX

Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [O] [U] a été embauché par la Société Nouvelle [A] le 03 mai 2011 en qualité de compagnon électricien, pour une durée de travail de 35 heures moyennant un salaire de base 1.971,61 €.

Cette société dirigée par Monsieur [A] a été placée en liquidation judiciaire le 26 mai 2019.

Monsieur [U], a démissionné de son emploi au sein de la Société Nouvelle [A], et a conclu le 27 mars 2019 un nouveau contrat de travail avec la SAS Evolution Clim également gérée par [A], et ce à effet au 1er avril 2019, avec reprise de l'ancienneté.

Monsieur [A] est brutalement décédé le 1er avril 2019, son épouse poursuivant la direction de la société.

Par courrier identique du 27 août 2019 Monsieur [U] et trois autres salariés ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant le non-paiement d'heures supplémentaires, des retenues injustifiées sur salaire, et l'absence de fourniture de travail depuis le mois de juillet 2019.

La SAS Evolution Clim a été placée en liquidation judiciaire le 30 septembre 2019, la date de cessation de paiement étant fixée au 1er avril 2019.

Le 30 décembre 2019 Monsieur [O] [U] (ainsi que ses trois collègues) a saisi le conseil des prud'hommes de Haguenau afin d'obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir paiement de différentes sommes.

Par jugement du 09 février 2021 le conseil des prud'hommes de Haguenau a jugé que la prise d'acte de rupture produit les effets d'une démission, a fixé le salaire mensuel de Monsieur [U] à 1.771,61 €, et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, ordonnant la remise des documents de fin de contrat sans astreinte. Un jugement identique a été rendu pour les trois autres salariés.

Le 08 mars 2021, Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, Monsieur [O] [U] demande à la cour :

- Avant dire droit ordonné la production des relevés d'heures de travail signés par les salariés au sein de la Société Evolution Clim pour l'ensemble de la période contractuelle,

- Sur le fond, infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- Statuant à nouveau :

- Constater que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Fixer le salaire mensuel moyen de 2.253,16 €,

- Fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire aux montants suivants :

* 758,54 € au titre des heures supplémentaires,

* 75,85 € pour les congés payés afférents,

* 364 € à titre de retenues injustifiées,

* 36,40 € au titre des congés payés afférents,

* 224,09 € au titre du salaire d'août 2019,

* 22,40 € au titre des congés payés afférents,

* 4.506,32 € pour l'indemnité de préavis,

* 450,63 € au titre des congés payés afférents,

* 4.646,82 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 18.025,28 € au titre à titre de dommages et intérêts,

* 421,60 € au titre du solde de congés payés,

* 720 € à titre de répétition de l'indu.

Il demande la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour, de réserver au conseil des prud'hommes la liquidation de l'astreinte, de dire que les montants figureront sur l'état de créances, de dire le jugement opposable aux CGEA, que les frais de procédure et l'indemnité de l'article 37 de la loi de 1991 seront versés en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, de condamner le liquidateur judiciaire à payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter les parties adverses de l'intégralité de leurs prétentions.

Selon conclusions transmises par voie électronique le 23 août 2021, l'Unedic délégation AGS/CGEA de Nancy demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner aux frais et dépens. Elle rappelle par ailleurs les limites de sa garantie et l'arrêt des intérêts légaux au jour d'ouverture de la procédure collective.

La Selarl [X] et associés pris en la personne de Maître [X] es qualité de liquidateur de la société Evolution Clim régulièrement mise en cause dans la procédure n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents

Aux termes de l'article L 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et au vu de ces éléments le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d'instruction qu'il estime utile ;

Il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Monsieur [U] affirme que le contrat de travail est conclut sur une base de 35 heures hebdomadaires, mais qu'en réalité il effectuait 40 heures, soit du lundi au vendredi de 7 h à midi et de 13 h à 16 h. Il déclare avoir toujours travaillé de cette manière, y compris pour la nouvelle société, et ajoute qu'un certain nombre d'heures supplémentaires, qu'il déduit de son décompte, lui ont bien été payées.

Il soutient avoir effectué sur la période du 1er avril au 10 juillet 2019 des heures supplémentaires à hauteur de 1.185,43 €, et que compte tenu des versements intervenus, un solde de 758,54 € est du.

Au vu des éléments qu'il lui appartient de présenter au soutien de sa demande, le salarié verse aux débats :

- le contrat de travail mentionnant une prise de poste à 7 h le 1er avril 2019,

- le décompte des heures supplémentaires dans ses conclusions,

- des bulletins de paye,

- une attestation de témoin de sa compagne témoignant qu'il commençait ses journées à 7 h le matin,

- un SMS du 24 juin 2019 de Madame [A] précisant que les salariés devaient se présenter au bureau pour une réunion à 8 h, et non à 7 h.

Le CGEA réplique, qu'aucune réclamation au titre des heures supplémentaires n'a été formulée durant l'exécution du contrat de travail, ni aucune déclaration de créance n'a été formée à ce titre. Il conteste que les éléments produits établissent un début de travail quotidien à 7 h, et la répartition horaire indiquée, alors même que le contrat de travail mentionne 35 h.

Les décomptes horaires établis par le salarié aboutissant à une durée hebdomadaire de travail de 40 h selon la fréquence 7h à12 h puis 13h à16 h constituent des relevés d'heures suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'apporter ses propres éléments ce qu'il ne fait pas. L'employeur soumis à une obligation de contrôle des heures de travail ne peut réduire sa réponse à la seule critique des éléments apportés par le salarié.

Il convient de relever que malgré la mention de 35 h de travail hebdomadaire au contrat de travail, des heures supplémentaires ont conformément aux bulletins de paye été effectuées et rémunérées, ce qui suppose l'existence d'un système de contrôle des heures de travail, dont il n'est en l'espèce pas justifié. Il est en outre relevé que le contrat de travail mentionne expressément la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires.

Il est en relevé, qu'à ce stade de la procédure près de trois ans après la rupture du contrat de travail, le liquidateur ne produit pas de relevés. Il n'y a pas lieu d'ordonner, avant dire droit, la production de relevés d'heures dans un contexte de liquidation judiciaire de la société, de l'absence du liquidateur judiciaire à la procédure, et de la circonstance particulière de la faillite de l'entreprise suite au décès brutal du gérant.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de l'appelant à hauteur de la somme réclamée de 758,54 €, outre les congés payés afférents. Le jugement déféré est par conséquent infirmé sur ce point.

2. Sur les litiges relatifs aux congés

- Sur les jours de congés sans solde imposés

L'appelant soutient que l'employeur lui a en 2019 imposé quatre jours de congés sans solde jouxtant un jour férié compte tenu de la situation de l'entreprise, alors que lui-même n'a pas sollicité ces congés. Il réclame de ce chef 364 €, outre les congés payés afférents au titre d'une retenue de salaire injustifié.

Le CGEA réplique qu'aucune preuve n'est rapportée que l'employeur ait imposé des journées de congés sans solde. Il conclut particulièrement sur l'incohérence des jours cités au titre de l'année 2018.

Il convient d'emblée de relever qu'aucune demande est formulée au titre de l'année 2018.

Quatre jours d'absence non rémunérées sont en effet déduites au titre du 18 avril 2019, des 9 et 10 mai 2019, et du 31 mai 2019.

Cependant force est de constater que :

- ces journées n'ont pas été déduites sur les bulletins de salaire respectifs d'avril et mai 2019, mais globalement sur le seul bulletin de juillet 2019,

- les bulletins de paye utiles à la vérification de cette contestation ne comportent aucune mention du nombre de congés acquis, pris, et du solde,

- le bulletin de paye d'avril 2019 mentionne 20 indemnités de trajet correspondant aux 20 jours ouvrés du mois,

- le bulletin de paye de mai 2019 mentionne 19 indemnités de trajet pour 20 jours ouvrés, alors que trois jours de congés seront déduits.

Ainsi l'absence de déduction des journées de congés sans solde sur les bulletins de paye concernés, l'absence de décompte des jours de congés, l'incohérence entre les jours dit non travaillés et les indemnités de trajet allouées, ainsi surtout l'absence de toute preuve d'une demande de congés sans solde de la part du salarié, conduisent la cour à faire droit à la demande de rappel de salaire, et des congés payés afférents. Le jugement est donc infirmé sur ce point.

- Sur le solde de congés payés

L'appelant réclame à ce titre 421,60 € en expliquant que le liquidateur judiciaire a indemnisé à hauteur de 7 jours les congés payés à partir de juin 2019, alors qu'il avait droit à 7,5 jours soit un solde de 38,33 €. Il souligne par ailleurs que sont également dus les congés payés d'avril et mai, soit 5 jours à hauteur de 383,27 €.

Le conseil des prud'hommes a rejeté cette demande, en exposant que la société employeur relevait de la caisse de congés intempéries BTP Grand Est, et invitait le salarié en prendre contact avec celle-ci.

Or force est de constater d'une part qu'aucune pièce ne justifie d'un échange quelconque avec la caisse de congés, malgré les motifs du jugement datant du 9 février 2021, et d'autre part et surtout, qu'il n'existe strictement aucun décompte des congés.

Dans ces conditions la cour ne peut que confirmer le jugement qui a rejeté ce chef de demande.

3. Sur l'absence de rémunération en aout 2019

Monsieur [U] expose qu'il n'a perçu aucune rémunération pour le mois d'août 2019 alors qu'il se tenait à la disposition de son employeur. Il poursuit qu'en novembre 2019 le liquidateur lui a versé 1.747,62 € sur un total de 1.971,71 € de sorte qu'il réclame un solde de 224,09 €, outre les congés payés afférents.

Or Monsieur [U] a pris acte de la rupture du contrat de travail " avec effet immédiat " par courrier du 27 août 2019, de sorte que c'est à juste titre que le liquidateur judiciaire lui a versé un salaire de brut de 1.747,62 € du 1er au 27 août 2018.

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de paiement d'un solde de salaire jusqu'au 31 août.

4. Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Par ailleurs, le manquement de l'employeur doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par courrier du 27 août 2019, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en rappelant son embauche par la société Nouvelle [A], puis la demande de l'employeur de démissionner et de signer un nouveau contrat de travail avec la société Evolution Clim qu'il a intégré le 1er avril 2019. Il explique que depuis lors les difficultés se sont multipliées et cite à titre d'exemples non limitatifs :

- " mes heures de travail entre 7 h et 8 h le matin ne sont plus payées,

- mes heures supplémentaires ne sont pas réglées,

- des retenues injustifiées sont effectuées sur mon salaire,

- mon salaire n'est pas intégralement réglé ".

Il écrit encore : " de plus, depuis le mois de juillet vous me demandez de rester chez moi au motif que nous n'avez pas de travail à me donner, et que n'avez plus de chantier en cours sans pour autant procéder au règlement de mon salaire. Je vous rappelle qu'un employeur a l'obligation de fournir du travail à ses employés, et surtout qu'il doit procéder à la rémunération de celui-ci. Lorsque je vous ai fait part de cette situation vous m'avez indiqué que je n'avais qu'à poser ma démission dans la mesure où vous n'entendiez me verser ni mon salaire, ni mes indemnités de fin de contrat. Vous comprendrez que je ne peux rester dans cette situation plus longtemps "

Il résulte de la procédure que des heures supplémentaires n'ont pas été réglées sur plusieurs mois à hauteur de 758,54 €, que quatre jours de congés sans solde ont été retenus à tort, que le salaire du mois d'août n'a finalement pas été payé, le liquidateur effectuant ce règlement trois mois après la prise d'acte.

Il est constant que la société Evolution Clim a dès le transfert du contrat de travail le 1er avril 2019 fait face à une situation particulièrement difficile qui a entraîné sa liquidation judiciaire quelques mois plus tard. S'il est louable que l'épouse du gérant, par ailleurs également salariée de la société, ait tout mis en 'uvre pour tenter de sauver l'entreprise, cette tentative ne peut se faire au détriment des salariés.

Le salarié justifie par la production de SMS de tout le soutien qu'il a apporté à l'épouse du gérant, par exemple en posant des journées de congés, ou encore en déposant des arrêts maladie. Mais que ces messages établissent également qu'il se tenait à la disposition de l'employeur qui ne lui fournissait plus de travail. Ainsi il écrivait :

- le 5 août 2019 " (') qu'est-ce que vous voulez faire avec moi du coup car je n'ai plus de jours de congés payés maintenant."

- Le 6 août: " bonjour [B] je ne pense pas pouvoir vous être d'une grande aide dans la situation où nous sommes et dans le cas contraire je vous aiderai volontiers. C'est difficile à dire et à entendre mais je pense que nous sommes arrivés à un point de non-retour on aura tout fait pour essayer de sauver l'entreprise. ".

- Et encore le 12 août 2019 : " je viens vers vous pour en savoir un peu plus sur la situation. Je suis censé travailler à l'heure qu'il est, mais je n'ai aucune nouvelle. Je suis dans une totale ignorance en ce qui concerne la situation. De plus nous sommes le 12 et je n'ai toujours pas reçu ma paye et quand j'appelle la CPAM ils disent n'avoir reçu aucun arrêt pour moi de votre part. Que se passe-t-il ' qu'est-ce qu'on doit faire ' "

L'AGS souligne à juste titre que le salarié était en arrêt maladie du 11 au 28 juillet, puis en congés du 29 au 31 juillet 2019. En revanche il n'est pas contesté qu'il se soit tenu à la disposition de l'employeur à compter du 1er août 2019, et qu'aucun travail ne lui a été fourni jusqu'à la prise d'acte du 27 août 2019. Or la fourniture de travail et la rémunération versée en contrepartie sur les deux obligations essentielles de l'employeur.

Ainsi au jour de la prise d'acte le 27 août 2019 des heures supplémentaires n'étaient plus rémunérées en leur intégralité depuis le transfert, des déductions injustifiées étaient imposées au salarié, et aucun travail ne lui était fourni depuis près d'un mois, et ce alors que la société Evolution Clim se trouvait dans une situation particulièrement difficile. Cette situation, parfaitement connue du salarié, faisait suite à la déconfiture de la première société, au décès brutal du gérant le 1er avril 2019, aux tentatives de l'épouse de ce dernier de maintenir l'entreprise. Monsieur [U] ne pouvait dans de telles conditions se maintenir plus longtemps à la disposition de l'employeur, et que c'est à juste titre qu'il a le 27 août 2019 pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ainsi la prise d'acte justifiée de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produit en l'espèce les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement ayant rejeté ce chef de demande est donc infirmé.

4. Sur les conséquences financières

Il convient tel que sollicité par l'appelant, d'inclure les heures supplémentaires aux montants du salaire de base, de sorte que le salaire mensuel moyen s'élève à 2.253,16 € bruts. La fixation du salaire par le conseil des prud'hommes à la somme de 1.771,61 €, indépendamment de la question des heures supplémentaires, résulte visiblement d'une erreur puisque le salaire visé au contrat de travail et 1.971,71 €.

- Sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents

En application de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, Monsieur [U] qui compte huit années d'ancienneté bénéficie d'un préavis de deux mois, soit la somme de 4.506,32 €, outre les congés payés afférents.

- Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des articles L 1234-9, et R 1234-1 et 2 du code du travail, compte tenu de l'ancienneté de 8 ans et 3 mois lors de la rupture, et du salaire mensuel moyen de 2.253,16 €, Monsieur [U] est bien-fondé à obtenir paiement d'une indemnité de licenciement s'élevant à 4.646,82 € nets.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de demandes.

- Sur les dommages et intérêts

L'appelant réclame une somme de 18.025,28 € représentants 8 mois de salaire à titre de dommages et intérêts. L'AGS s'oppose à cette demande en relevant une ancienneté de deux ans à compter du 03 juillet 2017, de sorte qu'en application des barèmes de l'article L 1235-3 du code du travail l'indemnité maximale est de 3,5 mois de salaire.

L'ancienneté retenue par l'AGS procède d'une erreur puisqu'il résulte du contrat de travail que l'ancienneté est reprise à compter du 03 mai 2011. Elle est donc bien de huit ans (3 mai 2011 - 27 août 2019).

La rupture du contrat de travail du 27 aout 2019 est soumise aux nouvelles dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail qui dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et que les parties refusent la réintégration, il est octroyé au salarié une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par les tableau annexes. Ces montants sont en l'espèce compris entre 2 et de 8 mois.

Compte tenu de son âge de 34 ans au moment de la rupture, de son ancienneté de 8 ans, du montant de son salaire de 2.253,16 € bruts, des circonstances de la rupture, mais également de l'absence de toute justification de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail, l'allocation d'une somme de 10.000 € indemnisera justement le préjudice subi par le salarié.

Le jugement qui a rejeté ce chef de demande est infirmé.

5. Sur la répétition de l'indu

Monsieur [O] [U] réclame le remboursement d'une somme de 720 € représentant selon lui le versement à son employeur, en espèces, d'un montant mensuel de 30 € durant deux années afin de pouvoir ramener le véhicule de la société a domicile. A l'appui de cette demande, il verse aux débats une attestation de sa compagne selon laquelle son employeur lui demandait une participation à hauteur de 30 € par mois, afin de pouvoir rentrer à son domicile avec le véhicule de fonction.

Cette attestation, peu circonstanciée, et émanant du conjoint du salarié, ne précisant au demeurant pas que le versement se fait en espèces, n'est pas un élément suffisant pour étayer cette demande formulée la première fois après la liquidation judiciaire de la société. Il n'est d'ailleurs fait nulle mention d'une telle réclamation dans la lettre de prise d'acte.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

6. Sur les demandes annexes

L'AGS doit en l'espèce sa garantie, qui n'est que subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans la limite des plafonds, et qui ne s'applique pas aux frais irrépétibles.

Il est rappelé qu'en application de l'article L 122-28 du code de commerce le cours des intérêts légaux est arrêté au jour de l'ouverture de la procédure collective de la SAS Evolution Clim.

Le liquidateur judiciaire devra par ailleurs adresser à Monsieur [U] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit justifié.

L'équité commande de condamner le liquidateur judiciaire es qualité à payer à Monsieur [U] une somme de 1.500 € au titre de l'article au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La liquidation judiciaire est condamnée aux frais et dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés à titre de frais privilégiés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

CONFIRME le jugement rendu le 09 février 2021 par le conseil des prud'hommes de Haguenau en ce qu'il rejette les demandes suivantes :

- 224,09 € (deux cent vingt quatre euros et neuf centimes) au titre du salaire d'août 2019,

- 22,40 € (vingt deux euros et quarante centimes) pour les congés payés afférents,

- 421,60 € (quatre cent vingt et un euros et soixante centimes) au titre du solde de congés payés,

- 720 € (sept cent vingt euros) à titre de répétition de l'indu

- 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions

STATUANT A NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant

REJETTE la demande avant-dire droit de production de pièces ;

DIT et JUGE que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 27 août 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT et JUGE que le salaire mensuel moyen s'élève à 2.253,16 € bruts ;

FIXE les créances de Monsieur [O] [U] à la liquidation judiciaire de la société SAS Evolution Clim aux sommes suivantes :

-758,54 € bruts (sept cent cinquante huit euros et cinquante quatre centimes) au titre des heures supplémentaires d'avril à juillet 2019,

-75,85 € bruts (soixante quinze euros et quatre vingt cinq centimes) au titre des congés payés afférents,

-364 € (trois cent soixante quatre euros) au titre des retenues injustifiées pour congés sans solde,

-36,40 € bruts (trente six euros et quarante centimes) au titre des congés payés afférents,

-4.506,32 € bruts (quatre mille cinq cents six euros et trente deux centimes) au titre de l'indemnité de préavis,

-450,63 € bruts (quatre cent cinquante euros et soixante trois centimes) au titre des congés payés afférents,

-4.646,82 € nets (quatre mille six cent quarante six euros et quatre vingt deux centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,

-10.000 € bruts (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que l'AGS CGEA de Nancy doit sa garantie à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, et dans la limite des articles L 3253 - 8 du code du travail, et de l'un des trois plafonds résultant des articles L 3253 -17 et D 3253 -5 du code du travail ;

DIT que l'AGS CGEA de Nancy n'a pas à garantir les sommes due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que le cours des intérêts légaux est arrêté au jour de l'ouverture de la procédure collective de la SAS Evolution Clim ;

CONDAMNE la Selarl [X] et associés pris en la personne de Maître [X] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim à adresser à Monsieur [O] [U] les documents de fin de conformes au présent arrêt, et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt ;

CONDAMNE la Selarl [X] et associés pris en la personne de Maître [X] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim à payer à Monsieur [O] [U] une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la Selarl [X] et associés pris en la personne de Maître [X] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Evolution Clim aux frais et dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés à titre de frais privilégiés.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et Madame Martine THOMAS Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01508
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;21.01508 ?
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