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03/06/2022 | FRANCE | N°20/01001

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 03 juin 2022, 20/01001


MINUTE N° 253/2022





























Copie exécutoire à



- Me Dominique HARNIST



- Me Noémie BRUNNER





Le 3 juin 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 03 Juin 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01001 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ3X



Décision déférée à la cour : 28 Janvier 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE et INTIMÉE sur incident :



Madame [L] [M]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.





INTIMÉE et APPELANTE sur incident :



L...

MINUTE N° 253/2022

Copie exécutoire à

- Me Dominique HARNIST

- Me Noémie BRUNNER

Le 3 juin 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 03 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01001 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ3X

Décision déférée à la cour : 28 Janvier 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE et INTIMÉE sur incident :

Madame [L] [M]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

INTIMÉE et APPELANTE sur incident :

La COMMUNE DE RUEDERBACH, prise en la personne de son maire

sise [Adresse 1]

représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonctoion de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 5 février 2008, Mme [L] [J] épouse [M] a fait une déclaration préalable de travaux exempts de permis de construire auprès de la commune de [Localité 4] en vue de réaliser un abri de jardin de 12 m² sur sa propriété cadastrée dans cette commune section 4 n°[Cadastre 3].

Le 4 mars 2008, le maire a pris un arrêté d'opposition à cette déclaration au motif de la non-conformité du projet avec des dispositions du règlement du PLU applicables aux zones NO (non constructibles).

Par acte d'huissier du 1er septembre 2017, la commune de Ruederbach a fait assigner Mme [L] [J] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse en démolition de l'abri et son support, sous astreinte, et aux fins d'indemnisation d'un préjudice moral.

Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse remplaçant le tribunal de grande instance a :

- condamné Mme [L] [M] à démolir l'abri de jardin installé sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 4] section 4 n°[Cadastre 3], et, ce, à compter du 31ème jour suivant la signification du présent jugement qui lui sera faite, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard ;

- rejeté le surplus de la demande de démolition ;

- rejeté la demande d'indemnisation pour préjudice moral ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [L] [M] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Sur la démolition de l'abri, le tribunal s'est fondé sur les dispositions des articles L.480-14 et R.421-3 du code de l'urbanisme, en leur version applicable à la date de l'édification de l'abri de jardin, pour retenir que ce dernier était soumis à la règle de la déclaration préalable de travaux, Mme [J] ne justifiant pas d'un accord du maire pour les travaux en cause ni de ce qu'elle avait formé un recours en annulation devant le tribunal administratif contre la décision expresse administrative d'opposition qui lui a été notifiée.

Il a précisé que la commune disposait d'une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d'un préjudice personnel et direct causé par une construction irrégulière.

Il a ainsi décidé qu'en ayant érigé une construction de type abri de jardin en structure fixe en violation de l'opposition à la déclaration de travaux, Mme [J] avait violé les règles d'urbanisme applicables matérialisées par la décision administrative d'opposition et devait être condamnée à démolir l'abri de jardin.

Considérant que la commune de Ruederbach ne rapportait pas la preuve d'un préjudice moral causé par la construction litigieuse qu'elle a laissé perdurer pendant plus de neuf ans, il a rejeté sa demande de dommages et intérêts.

Mme [J] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 3 mars 2020.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er février 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 1er octobre 2021, Mme [J] demande à la cour de :

statuant sur l'appel incident :

- déclarer l'appel incident de la commune de Ruederbach mal fondé et l'en débouter ;

statuant sur l'appel principal :

- déclarer son appel à l'encontre du jugement du 28 janvier 2020 du tribunal judiciaire de Mulhouse bien fondé ;

y faisant droit :

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

- débouter la commune de Ruederbach de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions, comme étant mal fondées et injustifiées ;

- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu'en tout état de cause la fixation d'une éventuelle astreinte ne commencera à courir que deux mois après la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la commune de Ruederbach à lui payer les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [J] soutient qu'il ne peut lui être opposé d'avoir érigé une construction en zone inconstructible, dès lors qu'elle a installé un abri de jardin démontable sur sa parcelle, la commune n'apportant aucune preuve du caractère pérenne de l'abri de jardin, lequel n'a pas été édifié sur une dalle, étant souligné que les agents de la Brigade Verte n'ont rien pu constater puisque qu'après avoir pénétré sur son terrain sans autorisation, ils ne se sont pas rendus dans l'abri en cause.

Elle précise que les dispositions de l'article L.480-14 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, autorisent la saisine du tribunal de grande instance pour faire ordonner la démolition d'un ouvrage réalisé en l'absence d'autorisation d'urbanisme uniquement si l'ouvrage est édifié dans un secteur soumis à des risques naturels prévisibles, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, de sorte que la commune n'avait aucune qualité pour saisir le tribunal d'une action en démolition.

Elle ajoute qu'il ne peut sérieusement être soutenu que l'abri de jardin en cause contreviendrait à l'environnement naturel de la commune, alors qu'il s'agit d'un box à chevaux transformé en abri, qui contient de l'outillage de jardin pour entretenir le verger adjacent, la commune ne semblant pas gênée par les ouvrages réalisés sur les parcelles voisines, également classées NO, qu'il s'agisse de cabanes en bois surélevées, de granges ou de poulaillers alors que son abri de jardin se fond parfaitement dans le paysage rural de la commune, l'utilité de la présente action près de dix ans après l'édification étant incompréhensible, cette procédure n'étant que le reflet de la vindicte que nourrit le premier adjoint de la commune à son égard.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2021, la commune de Ruederbach demande à la cour de :

sur l'appel principal de Mme [L] [J] :

- le déclarer mal fondé ;

- le rejeter ;

- confirmer le jugement entrepris dans la limite de l'appel incident ;

sur son appel incident :

- le déclarer recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris seulement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

et statuant à nouveau dans cette limite :

- condamner Mme [L] [J] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

en tout état de cause :

- condamner Mme [L] [J] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [L] [J] aux entiers frais et dépens de l'instance.

La commune de Ruederbach soutient qu'elle agit pour défendre l'intérêt général et obtenir la démolition d'une construction érigée en toute illégalité dans un secteur inconstructible, sur le fondement des dispositions des articles R.421-9 et L.480-14 du code de l'urbanisme, ce dernier ne conditionnant plus la démolition d'un ouvrage édifié sans l'autorisation d'urbanisme idoine à son emplacement en zone soumise à des risques naturels prévisibles, depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

Elle ajoute que l'abri de jardin n'est pas démontable puisque les poteaux qui supportent la structure sont coulés dans des fondations en béton, ce qui a été constaté par les agents assermentés de la Brigade Verte et que le règlement du PLU applicable au terrain d'assiette de l'abri de jardin litigieux classe ce terrain en zone NO lequel est inconstructible.

Elle se prévaut d'un préjudice moral puisque l'édification s'est faite dans un environnement naturel à protéger et préserver.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de démolition de l'abri de jardin

L'arrêté pris par le maire de la commune de Ruedrbach s'opposant à la déclaration préalable de Mme [J] portant sur un abri de jardin indique que le terrain sur lequel doit être installé l'abri est situé en zone NO du PLU qui est une zone d'espace naturel où l'inconstructibilité est essentielle pour préserver l'inscription du village dans son site.

Mme [J] n'ayant pas formé de recours à l'encontre de cet arrêté, celui-ci est définitif et l'irrégularité de l'abri de jardin est donc acquise.

Aux termes des dispositions de l'article L.480-14 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au 1er septembre 2017, date de l'assignation de Mme [J] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, la commune peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L.421-8, le renvoi à l'existence de risques naturels prévisibles ayant disparu suite à la modification de cet article par l'article 34 de la loi du no 2010-788 du 12 juillet 2010.

L'abri de jardin en cause étant implanté dans une zone NO laquelle comprend les espaces naturels jouxtant [Localité 4] et est inconstructible, sa destruction apparaît incontournable puisque cette inconstructibilité ne permet pas d'envisager une mise en conformité de l'ouvrage.

Dès lors, Mme [J] est condamnée, sous astreinte, à démolir l'abri de jardin en cause.

Considération prise de ce qu'il apparaît nécessaire de laisser un délai d'exécution à Mme [J] et de fixer de nouvelles modalités d'astreinte, le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a condamné Mme [L] [M] à démolir ledit abri de jardin et, ce, à compter du 31ème jour suivant la signification du présent jugement qui lui sera faite, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard.

Mme [J] est ainsi condamnée à démolir cet abri de jardin dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 40 euros par jour de retard passé ce délai, et pendant une durée maximale de trois mois au terme de laquelle il appartiendra aux parties, le cas échéant, de saisir le juge de l'exécution.

Sur la demande de dommages et intérêts

Considération prise de la pertinence de la motivation du jugement entrepris sur ce point, il y a lieu de le confirmer.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, Mme [J] est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 28 janvier 2020 en ce qu'il a :

condamné Mme [L] [M] à démolir l'abri de jardin installé sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 4] section 4 n°[Cadastre 3], et, ce, à compter du 31ème jour suivant la signification du présent jugement qui lui sera faite, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard ;

Statuant sur ce seul point :

CONDAMNE Mme [L] [J] épouse [M] à démolir l'abri de jardin installé sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 4] section 4 n°[Cadastre 3] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 40 euros par jour de retard passé ce délai, et pendant une durée maximale de trois mois au terme de laquelle il appartiendra aux parties, le cas échéant, de saisir le juge de l'exécution.

CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 28 janvier 2020 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [L] [J] épouse [M] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE Mme [L] [J] épouse [M] à payer à la commune de Ruederbach la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE Mme [L] [J] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01001
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;20.01001 ?
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