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02/06/2022 | FRANCE | N°20/035151

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 02 juin 2022, 20/035151


MINUTE No 22/497

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 02 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/03515 - No Portalis DBVW-V-B7E-HOBD

Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

MAISON DEPARTEME

NTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DU HAUT-RHIN
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 4]

Comparante en la personne de M. [F] [C], muni d'un mandat

INTIMEE :

...

MINUTE No 22/497

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 02 Juin 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/03515 - No Portalis DBVW-V-B7E-HOBD

Décision déférée à la Cour : 14 Octobre 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES DU HAUT-RHIN
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 4]

Comparante en la personne de M. [F] [C], muni d'un mandat

INTIMEE :

Madame [N] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Comparante et accompagnée de sa fille [V] [Y]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme HERY, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 14 décembre 2017, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Haut-Rhin a reçu une demande d'allocation aux adultes handicapés (AAH) formée par Mme [N] [Y], née le [Date naissance 2] 1957 que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a rejeté par décision du 28 juin 2018 au motif que Mme [Y] présentait un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80% mais pas de restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE).

Contestant cette décision, Mme [Y] a introduit un recours gracieux auprès de la MDPH et par décision du 18 octobre 2018, la CDAPH a maintenu sa décision.

Mme [Y] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) pour obtenir le bénéfice de l'AAH.

Par décision du 20 janvier 2020, le tribunal a ordonné une consultation médicale et en a confié la réalisation au Docteur [E] lequel a conclu à ce que le taux d'incapacité permanente présentée par Mme [Y] était largement supérieur à 80%.

Par jugement du 14 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg remplaçant le TCI a :

- dit que Mme [N] [Y] justifie d'un taux d'incapacité supérieur à 80% ;
- annulé la décision de la CDAPH de la MDPH du Haut-Rhin en date du 28 juin 2018 refusant l'attribution de l'AAH ;
- accordé à Mme [N] [Y] le bénéfice de l'AAH à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de cinq ans ;
- renvoyé les parties devant la MDPH du Bas-Rhin pour la liquidation de ses droits ;
- condamné la MDPH du Haut-Rhin aux dépens, à l'exception des frais de consultation médicale qui resteront à la charge de la CNAM.

Par lettre recommandée envoyée le 18 novembre 2020, la MDPH a fait appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions reçues au greffe le 20 janvier 2021, la MDPH demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;
- confirmer en toutes leurs dispositions les décisions de la CDAPH du Haut-Rhin ;
- fixer entre 50 et 79% le taux d'incapacité globale de Mme [Y] le 14 décembre 2017, soit au jour de sa demande ;

subsidiairement :

- rejeter la demande d'AAH formée par Mme [Y] aux motifs que son taux d'incapacité est supérieur à 50% et inférieur à 80% et qu'il ne lui a pas été reconnu de restriction substantielle et durable de l'accès à l'emploi ;
- condamner Mme [Y] aux dépens.

Mme [Y] demande la confirmation du jugement entrepris.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 24 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le jugement entrepris a été envoyé à la MDPH par le greffe du tribunal judiciaire de Strasbourg le 16 octobre 2020 mais l'avis de réception du courrier de notification ne figurant pas au dossier, il n'apparaît pas possible de déterminer à quelle date la MDPH a accusé réception de cet envoi.

Dès lors, il y a lieu de déclarer la MDPH recevable en son appel, étant souligné que Mme [Y] ne conteste pas que cet appel soit recevable.

Sur l'AAH

La MDPH fait valoir que l'expertise médicale du Docteur [E] méconnaît en plusieurs points le guide-barème applicable.

Ainsi, elle précise que :

- s'agissant de l'AVC, en présence d'éléments uniquement déclaratifs et en l'absence d'explorations médicales sur les possibles troubles neurocognitifs, aucune déficience cognitive ne peut être reconnue et utilisée pour la fixation d'un taux d'incapacité de 30% en référence au guide-barème,

- s'agissant de la baisse de vision binoculaire, l'expert a fixé un taux d'incapacité sans réaliser la moyenne de l'acuité visuelle de près et de loin et a accordé un taux pour une pathologie, qui en l'absence d'éléments objectifs médicaux attestant de son existence et de ces déficiences reste éventuelle,

- s'agissant du syndrome anxio-dépressif réactionnel, si le médecin généraliste et le médecin de la MDPH ont relevé un état dépressif probable, aucune exploration médicale n'a permis de le confirmer, Mme [Y] n'ayant pas donné suite à l'incitation de consulter un spécialiste dans ce domaine, aucun traitement médicamenteux n'étant prescrit, sur ce plan, au jour de la décision contestée,

- l'expert a cumulé des taux d'incapacité, ce qui n'est pas possible.

La MDPH fait état de ce que Mme [Y] a travaillé de 1976 à 2010, soit encore neuf ans après son AVC comme conjointe collaboratrice de son mari exploitant agricole et qu'elle a cessé de travailler lorsque son mari a pris sa retraite, le 1er janvier 2010, sans chercher de travail.

Elle indique encore que Mme [Y] ne présente pas de RSDAE, soulignant qu'elle n'est pas dans une démarche d'insertion professionnelle et que le peu de démarches médicales ne permet pas de préciser les freins à l'emploi liés au handicap, la RSDAE trouvant son explication dans des raisons sans lien avec le handicap à savoir, notamment, un faible niveau scolaire et une absence de démarches vers l'emploi depuis 2009.

Mme [Y] fait état de problèmes de dos et d'yeux, son mari étant contraint de tout faire chez eux.

Selon l'article L.114 du code de l'action sociale et des familles, constitue un handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant.

L'AAH est accordée à la personne qui justifie en application des articles L.821-1, L.821-2, D.821-1 et D.821-1-2 du code de la sécurité sociale, soit d'un taux d'incapacité d'au moins 80%, soit d'un taux d'incapacité égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80%, lorsqu'en outre, elle subit, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE).

C'est la date du dépôt de la demande complète auprès des services de la MDPH qui fixe le point de départ du versement de l'AAH en fonction de l'état de santé de la requérante à la date de la réception de la demande, soit en l'espèce le 14 décembre 2017.

Le taux d'incapacité permanente est déterminé par référence au guide-barème figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.

Il ressort du guide-barème que :

- un taux de 50% correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut, soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne,

- un taux de 80% correspond à une atteinte de l'autonomie pour la réalisation des actes essentiels ou élémentaires de la vie quotidienne tels que se comporter de façon logique et censée, se repérer dans le temps et dans les lieux, assurer son hygiène corporelle, s'habiller et se déshabiller de façon adaptée, manger des aliments préparés, assumer l'hygiène de l'élimination urinaire et fécale, effectuer les mouvements (se lever, s'asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l'intérieur du logement).

Il convient de s'attacher aux documents médicaux contemporains à la demande d'AAH faite par Mme [Y].

L'analyse du certificat médical joint à cette demande indique que la pathologie principale dont souffre Mme [Y] est un AVC subi en 2001 avec récupération motrice et des troubles cognitifs et une asthénie séquellaire, une stabilité ayant été signalée quant aux perspectives d'évolution.

Le médecin, s'agissant du retentissement fonctionnel et/ou relationnel de cette pathologie, n'a fait état, sur l'ensemble des postes appréciés, d'aucune difficulté grave ou absolue, la majorité des postes évalués tels que la marche, la préhension, la motricité fine l'orientation, l'entretien personnel étant relevés comme étant « sans difficultés ».

Le médecin a, cependant, souligné l'existence de troubles cognitifs, d'une fatigabilité perturbant les tâches ménagères mais n'a relevé aucun retentissement sur l'emploi.

En plus de ce certificat médical dressé par son médecin traitant, Mme [Y] a également produit un certificat médical d'un ophtalmologue daté du 16 novembre 2017, lequel décrit une acuité visuelle corrigée de 2,5/10 à droite et de 3,2/10 à gauche, une myopie forte, Mme [Y] ayant été opérée de la cataracte aux deux yeux, des taies cornéennes bilatérales, cette acuité visuelle étant inaméliorable avec les données actuelles de la science.

Alors même que le médecin traitant de Mme [Y] n'en avait pas fait état, le médecin de la MDPH lors de son examen du 7 juin 2018 a évoqué l'existence très probable d'un état dépressif et s'il est vrai qu'il a indiqué qu'il n'y avait pas d'avis d'un spécialiste en psychiatrie, dans la synthèse de la visite médicale, il tient pour acquis qu'il existe un état dépressif. Ce même médecin a souligné que s'agissant des troubles cognitifs, aucune exploration n'avait été engagée depuis 2001.

Au regard du certificat médical joint à la demande d'AAH, du certificat médical de l'ophtalmologue du 16 novembre 2017 et du rapport de l'examen médical, il apparaît qu'à la date de 14 décembre 2017, Mme [Y] souffrait de problèmes de vision sans amélioration possible, avait des séquelles stabilisées d'un AVC de 2001 et présentait un état dépressif.

Considération prise de cette absence d'amélioration, de cette stabilisation et du diagnostic posé quant à la dépression, le rapport du médecin consultant, même si ce dernier ne s'est pas placé à la date du 14 décembre 2017 pour donner son avis mais à la date à laquelle il a examiné Mme [Y], fournit nécessairement des éléments déterminants.

De surcroît, Mme [Y] produit un compte-rendu d'examen neuropsychologique suite à une évaluation faite en juin 2021 qu'il convient de prendre en compte au regard de la stabilisation décrite par le médecin traitant dans le certificat médical joint à la demande d'AAH quant aux séquelles de l'AVC de Mme [Y].

Le médecin consultant a donné un avis circonstancié en prenant en compte l'état de santé avéré de Mme [Y] suite à son AVC (les constatations étant confortées par le compte-rendu neuropsychologique), ses problèmes de vue et de syndrome dépressif.

Considérant qu'il a estimé que l'incapacité permanente de Mme [Y] était au-delà de 80% par référence au barème applicable en la matière, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, Mme [Y] étant en droit de bénéficier de l'AAH.

Sur les dépens

Le jugement entrepris est confirmé.

A hauteur d'appel, la MDPH est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 14 octobre 2020 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la MDPH du Haut-Rhin aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/035151
Date de la décision : 02/06/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-06-02;20.035151 ?
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