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31/05/2022 | FRANCE | N°21/01281

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 31 mai 2022, 21/01281


MINUTE N° 22/516





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 31 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01281

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQWU



Décision déférée à la Cour : 15 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE



APPELANTE :



S.A. SETIM SERVICES SA

à conseil d'administration représentée par ...

MINUTE N° 22/516

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 31 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01281

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQWU

Décision déférée à la Cour : 15 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE

APPELANTE :

S.A. SETIM SERVICES SA

à conseil d'administration représentée par son représentant légal,

15, Grand Rue

67260 SARRE-UNION

Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

INTIMEE :

Madame [O] [F] épouse [C]

3, Lotissement les Sources

67320 BERG

Représentée par Me Alain MARTZEL, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [O] [C], née le 13 juillet 1990 a été embauchée le 17 août 2015 par la SA Setim Services, société de travail temporaire, en qualité d'assistante d'agence, moyennant un salaire mensuel moyen de base de 1.592,54 € bruts.

Par courrier du 23 février 2018 la salariée a démissionné de son poste à effet au 23 février 2018 avec demande de dispense de préavis, acceptée par l'employeur.

Le contrat de travail comporte une clause de non concurrence prévoyant une contrepartie financière correspondant à 20 % du salaire mensuel brut durant une période d'un an.

La société n'a pas libéré la salariée de la clause de non-concurrence.

Par courrier d'avocat du 09 juillet 2019 Madame [C] réclamait le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et des dommages et intérêts pour la nullité de celle-ci au regard du droit local.

Suite au refus de la SA Setim Services, elle a, le 19 décembre 2019, saisi le conseil des prud'hommes de Saverne afin d'obtenir paiement de 4.202,20 € au titre de la contrepartie financière, et 6.306,45 € à titre de dommages et intérêts, des frais irrépétibles, et la remise sous astreinte de fiches de paye.

Par jugement du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes a'condamné la société Setim Services à payer à Madame [O] [C] les sommes de :

- 4.204,20 € nets à titre de rappels de salaire en respect de la clause de non concurrence, avec intérêts à compter de chaque contrepartie mensuelle,

- 6.306,45 € à titre de dommages et intérêts,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des prud'hommes a en outre condamné la société à remettre les bulletins de salaire d'octobre à décembre 2017, et de février 2018 à février 2019 sous astreinte de 15 € par jour, l'a condamnée aux entiers frais et dépens, et a donné l'exécution provisoire.

'

La SA Setim Services a interjeté appel de ce jugement le 02 mars 2021.

Par dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 28 mai 2021, la SA Setim Services demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Madame [O] [C] de ses fins et conclusions, de la condamner outre aux entiers dépens, à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 25 juin 2021, Madame [O] [C] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de condamner la société, outre aux entiers frais et dépens, à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

Les deux parties concluent sur la nullité de la clause de non-concurrence qui ne prévoit qu'une contrepartie financière de 20 % contrairement à l'article 74 alinéas 2 du code de commerce local en vigueur en Alsace Moselle qui prévoit une contrepartie financière s'élevant à 50 % de la rémunération perçue.

Néanmoins il est relevé que la salariée, qui seule peut soulever la nullité de la clause, ne le fait pas. Au contraire elle sollicite l'application de la clause contractuelle prévoyant une indemnité contractuelle de 20 % des salaires des 12 derniers mois.

L'article IX du contrat de travail prévoit en effet une contrepartie financière d'un montant égal à 20 % de la moyenne des rémunérations au cours des trois derniers mois, et ce durant un an.

Madame [C] a perçu 19.115,28 € (1.592,94 € x 12) au cours des 12 derniers mois de sorte qu'elle est bien-fondée à réclamer au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, qu'elle a en effet respectée, la somme de 4.204,20 €, congés payés compris.

Le jugement est par conséquent confirmé sur ce point.

2. Sur les dommages et intérêts

Madame [C] réclame une somme de 6.306,45 € à titre de dommages et intérêts représentant la différence entre l'indemnité de non-concurrence de 20 % qu'elle a perçue, et celle de 50 % qu'elle aurait dû percevoir en application de l'article 74 du code de commerce local. Elle affirme avoir subi un préjudice matériel et moral résultant du fait que le respect d'une clause nulle lui a été imposé en violation du droit local. Elle conteste néanmoins l'imputation des gains prévue par l'article 74 c qui selon elle serait devenue caduque

La société appelante s'oppose à cette demande au motif qu'aucun préjudice n'est établit. Elle explique qu'en application du droit local aucune contrepartie financière ne serait due compte tenu de l'imputation des gains.

***

Le raisonnement de Madame [C] est le suivant :

- Elle accepte l'application d'une clause contractuelle nulle (20 %),

- Elle ne sollicite pas la nullité de cette clause en application de l'article 74 alinéa 2 du code de commerce local (50 %),

- Elle invoque la violation de ce même texte pour caractériser son préjudice,

- Enfin elle estime que l'article 74 c relatif à l'imputation est devenu caduc.

Il est constant que l'article 74 alinéa 2 dispose que la clause de non-concurrence doit comporter une contrepartie financière au moins égale annuellement à la moitié des rémunérations dues en dernier lieu, et que la clause contractuelle ne prévoyant que 20 % n'est pas conforme à ce texte. Il est rappelé que seule la salariée peut réclamer la nullité de la clause contractuelle. La clause contractuelle imposée à la salariée et donc nulle, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

L'article 74 c du code de commerce local autorise l'imputation sur la contrepartie financière d'une partie des gains perçus par le salarié dans sa nouvelle activité dès lors qu'il a respecté l'interdiction de non-concurrence, ce qui est le cas en l'espèce.

Ainsi lorsque la somme des nouveaux gains, et la contrepartie financière, représente plus de 110 % de l'ancienne rémunération, l'employeur est en droit d'imputer sur l'indemnité de non-concurrence la part excédant ces 110 %.

En l'espèce':

- la contrepartie financière de 50 % s'élève à 9.557,64 €.

- les nouveaux gains s'élèvent à 23'102.08 €,

- soit un total de 32'159,72 €,

- les anciens revenus s'élèvent à 19'015,28 €,

- leur dépassement de 10 % est de 21.026,80 €

Par conséquent l'employeur est, selon l'article 74 c du code de commerce local, bien-fondé à déduire de la contrepartie financière le montant dépassant ces 110 % soit 11.632,92 € (32.159,72 - 21'026,80).

La contrepartie financière elle-même s'élève à 9.557,64 €, de sorte que l'application de l'article 74c priverait en l'espèce la salariée de toute contrepartie financière, alors qu'elle a respecté la clause de non-concurrence.

Le pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels du 16 décembre 1966 est directement applicable en droit interne. L'article 6-1 de ce pacte garantit le droit à toute personne de gagner sa vie par un travail librement choisi accepté, et s'oppose par conséquent à ce qu'un salarié tenu au respect d'une obligation de non-concurrence soit privé de toute contrepartie financière.

Et ce même en cas de licenciement pour faute grave (Cass soc 16 décembre 2008 N° 05-40876) donc a fortiori en l'espèce, en cas de démission acceptée par l'employeur.

Ainsi c'est à juste titre que Madame [C] demande d'écarter la règle d'imputation prévue par l'article 74 c relatif à l'imputation.

***

Finalement, si elle avait poursuivi la nullité de l'article 9 du contrat de travail, avec application de l'article 74 alinéa 2 du code de commerce local (50 %), et la non-application de l'article 74 c relatif à l'imputation, elle aurait obtenu une indemnité totale représentant 50 % de ses anciens gains annuels, sans déduction possible.

En réclamant la différence au titre de la non-application du droit local, elle se soumet aux règles de la responsabilité civile nécessitant, comme le souligne l'employeur, notamment la preuve de l'existence d'un préjudice.

En l'espèce le respect par la salariée d'une clause de non-concurrence nulle lui a causé un préjudice en ce qu'elle s'est interdit, comme elle en justifie, de travailler dans le secteur initial d'activité du travail temporaire, pour occuper un poste d'ouvrière. Même si elle perçoit, dans son nouvel emploi un salaire supérieur, il n'en demeure pas moins qu'en application du droit local, dans les conditions ci-dessus retenues, elle aurait perçu contrepartie représentant 50 % de ses anciens gains annuels. Elle subit donc bien un préjudice matériel de 6.306,45 € dont elle réclame à juste titre l'indemnisation.

Le jugement déféré qui lui a alloué ce montant à titre de dommages et intérêts est par conséquent confirmé également sur ce point.

3. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est confirmé s'agissant de la remise de différents bulletins de paye, sans cependant que le prononcé d'une astreinte ne soit justifié. Il sera rajouté que ces documents doivent être délivrés dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.

Le jugement doit également être confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des frais et dépens, sauf en ce qu'il indique que les frais et dépens comportent ceux liés à une éventuelle exécution par voie huissier, dans la mesure où la juridiction ne peut statuer que sur les dépens de la procédure.

En effet, il convient de préciser que la charge des frais d'exécution forcée est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution et qu'il n'appartient pas au juge du fond de statuer par avance sur le sort de ces frais.

L'appelante qui succombe en toutes ses prétentions est condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel, et par voie de conséquence sa demande de frais irrépétibles ne peut-être que rejetée.

L'équité commande de la condamner à payer à Madame [O] [C] une somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

CONFIRME le jugement rendu le 15 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Saverne en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il prononce une astreinte pour la délivrance des bulletins de paye, se réserve le droit de la liquider, et a inclus dans les frais et dépens, les frais liés à une éventuelle exécution par voie d'huissier';

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et Y ajoutant

DEBOUTE Madame [O] [C] de sa demande d'astreinte';

DIT que les bulletins de salaire d'octobre, novembre, et décembre 2017, ainsi que ceux de février 2018 à février 2019 conformes au présent arrêt devront être adressés par la SA Setim Services à Madame [O] [C] dans un délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt';

CONDAMNE la SA Setim Services à payer à Madame [O] [C] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

DEBOUTE la SA Setim Services de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA Setim Services aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel';

RAPPELLE que le sort des frais d'exécution forcée est fixé par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022, et signé par Mme Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Mme Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01281
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;21.01281 ?
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