MINUTE N° 22/537
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 31 Mai 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01135
N° Portalis DBVW-V-B7F-HQPC
Décision déférée à la Cour : 06 Juin 2019 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur [D] [E]
5, rue de l'Eglise
67380 LINGOLSHEIM
Représenté par Me Laurence DELANCHY, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A.S. HERTA
prise en la personne de son représentant légal
ZONE INDUSTRIELLE HARDT
2 route Jean Pierre Clause
67401 ILLKIRCH CEDEX
Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [D] [E], né le 13 mai 1975 a été embauché par la SAS Herta le 02 août 1999 en qualité de conducteur de ligne de conditionnement jambon. En dernier lieu son salaire s'élevait à 3.335 € bruts par mois.
Le salarié a le 11 mars 2015 fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de trois jours suite à une non-conformité des pesées.
Convoquée par lettre du 09 février 2016 à un entretien préalable fixé le 17 février 16, Monsieur [E] a par courrier du 09 mars 2016 été licencié pour cause réelle et sérieuse pour non-respect avéré des procédures qualité incombant à son poste.
Contestant son licenciement il a le 17 octobre 2016 saisi le conseil des prud'hommes de Strasbourg afin d'obtenir paiement d'une somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts, 3.335 € au titre de l'indemnité de préavis, et les congés payés afférents, outre des frais irrépétibles.
La SAS Herta a, à l'issue de la procédure de conciliation payé l'indemnité de préavis, et les congés payés afférents.
Par jugement du 06 juin 2019 le conseil des prud'hommes de Strasbourg, statuant en formation de départage a dit et jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et a débouté Monsieur [D] [E] de l'intégralité de ses prétentions. Il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné le salarié aux entiers dépens.
Monsieur [D] [E] a le 25 juin 2019 interjeté appel à l'encontre de cette décision.
Par ordonnance du 18 juin 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [E] dans l'attente de l'issue de la plainte pénale déposée contre Madame [M] manager au sein de la SAS Herta.
Par ordonnance du 28 septembre 2020, le président de chambre a, à la demande des parties, ordonné le retrait du rôle de l'affaire. Suite au classement sans suite de la plainte pénale, Monsieur [E], a le 17 février 2021, repris l'instance d'appel.
Par conclusions transmises par voie électronique le 07 janvier 2021, Monsieur [D] [E] demande à la cour de':
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Débouter « la SAS [E] » de l'intégralité de ses demandes à titre principal et sur appel incident,
- Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la SAS Herta à lui payer 35.000 € à titre de dommages et intérêts,
- La condamner à lui payer 2.500 € au titre des dispositions de l'article l'article 700 du Code de procédure civile du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.
Par conclusions transmises par voie électronique le 02 juin 2020 la SAS HERTA demande à la cour de'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions ci-dessus visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Par lettre du 9 mars 2016, Monsieur [D] [E] a été licencié pour cause réelle et sérieuse pour les motifs résumés en page 3 de la lettre de la manière suivante :
« Non-respect avéré des procédures qualité incombant à votre poste malgré des actions de formation, de sensibilisation, et une précédente mesure disciplinaire entraînant le blocage de produits finis, la non livraison de ceux-ci chez nos clients, et la mise en dépotage de l'ensemble de la matière concernée (impact coût)».
La lettre comporte sur plus de trois pages les explications de cet incident de pesage survenu dans la nuit du 03 au 04 janvier 2016 sur la ligne 34 pilotée par Monsieur [E].
Il est précisé dans la lettre de licenciement que suite à des erreurs de pesée, 9516 barquettes ont été mises en dépotage en raison du risque de non-conformité majeure dans le cadre d'un audit de conformité, et du risque important vis-à-vis de la répression des fraudes avec amendes possibles, et conséquences néfastes sur l'image de marque de la société, et que finalement 5.136 barquettes déclarées à l'expédition n'ont pas été envoyées.
C'est par des motifs pertinents, à l'issue d'une analyse complète de la situation, et des arguments développés de part et d'autre, ainsi que des pièces produites, que les premiers juges ont conclu que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse. Ces motifs sont adoptés par la cour.
Il suffira de rajouter que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le témoignage de Madame [M]. Il résulte de la procédure que la plainte pénale déposée par Monsieur [E] à l'encontre de Madame [M] pour faux témoignage, a à l'issue de l'audition des parties, a été classée sans suite.
Monsieur [E] verse aux débats une attestation de Monsieur [C] [O] rédigé le 31 août 2019, postérieurement au jugement déféré, qui écrit : « depuis la mise en place de la ligne 34, le produit PAFU ((illisible) fumée) il n'a jamais été possible de régler correctement les poids sur l'ensemble des conducteurs d'équipe et (illisible). Problème signalé et de nombreuses fois rapporté à la direction'».
C'est à juste titre que la société Herta s'étonne que cette attestation soit produite trois ans et demi après les faits reprochés. Il apparaît en outre qu'elle ne comporte aucune précision quant aux dates des difficultés rencontrées, des rapports effectués, ni même n'identifie les problèmes allégués. Enfin la société Herta verse aux débats la lettre de licenciement pour faute grave de ce salarié le 25 mai 2018 pour falsification des contrôles de poids, et absence de contrôle d'étanchéité occasionnant une perte de 40'000 €.
Cette attestation, imprécise, tardive, et émanant d'un salarié licencié pour faute grave par le même employeur ne permet pas d'accréditer la thèse de Monsieur [E].
L'appelant tout comme en première instance conteste le taux de tolérance, et se prévaut de l'attestation du technicien de maintenance Monsieur [B] qui explique que les programmes les tolérances de poids sont préprogrammées, et qu'en cas de surpoids, ou de sous poids des éjections se font automatiquement sans intervention externe, ce qui selon lui confirme le dysfonctionnement de la machine.
C'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que la tolérance de 4,5 % n'est admise que lorsque la moyenne du lot est supérieure ou égale au poids affiché, et non comme en l'espèce quand la moyenne du lot est de 130,874 grammes, au lieu de 133, Monsieur [E] ne justifiant pas d'une tolérance différente.
Par ailleurs l'éjection automatique alléguée par Monsieur [B] est contredite par le message d'alerte de Madame [M] qui a 1h39 signale que « le PAFU belge 4tr est non libérable' on arrive toujours pas à le libérer avec la QSTAT'», ce qui contredit l'éjection automatique en cas de sous poids, et prouve bien qu'une intervention manuelle a été nécessaire.
En dernier lieu Monsieur [B] est en litige prud'homal avec la société Herta conformément à la convocation du 24 avril 2014 devant le conseil des prud'hommes de Strasbourg, ce qui rend son attestation sujette à caution, et qu'en outre le témoin ayant quitté la société en 2014 ne peut utilement témoigner sur l'état de la machine deux ans plus tard.
Il est enfin relevé qu'il existe une certaine incohérence entre sa contestation de fond tendant à soutenir qu'il n'est pas l'auteur des erreurs de pesée pour avoir été remplacé par une collègue, tout en invoquant l'absence de fiabilité de la machine. À cet égard il n'explique pas, alors qu'il est responsable du contrôle, l'absence de saisine de son responsable s'il avait relevé un dysfonctionnement de l'appareil
En dernier lieu la société Herta verse aux débats les contrôles des balances effectués entre le 16 et le 23 décembre 2015, contrôles qui n'ont révélé aucune défectuosité, alors que l'incident reproché à Monsieur [E] a eu lieu peu de temps après, la nuit du 3 au 4 janvier 2016.
Il est enfin relevé que la mise à pied disciplinaire de trois jours visée dans la lettre de licenciement est versée aux débats. Cette sanction du 11 mars 2015 énonce qu'après une sensibilisation le 20 janvier 2015 sur l'importance de la conformité des pesées et l'intransigeance de la législation : «' vous avez incrémenté manuellement et volontairement les poids de vos pesées de la ligue 34 sur votre fichier. Force est de constater que non seulement vous n'avez pas effectué le quota de pesées requis, mais que vous avez consciemment falsifié les poids de ces dernières. Malgré les alertes émises par votre hiérarchie vous avez perduré dans votre démarche.'». Il s'agit donc en l'espèce d'une réitération des mêmes faits moins d'un an plus tard.
Il résulte de la procédure que des erreurs de pesées, en ce que le poids était inférieur au poids minimum, ont bien eu lieu la nuit du 3 au 4 janvier 2016 sur la ligne 34 dont Monsieur [E] avait la responsabilité, et que par ailleurs il n'a informé son responsable d'aucune difficulté. Comme le soulignent à juste titre les premiers juges, Monsieur [E] ne pouvait prendre sa propre pause sans se dispenser de l'obligation essentielle de vérification les pesées, étant souligné qu'il a à cet égard suivi des formations spécifiques, a fait l'objet d'un rappel lors de son entretien d'évaluation en juin 2015, et a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire pour les mêmes faits le 11 mars 2015.
Le jugement déféré est par conséquent confirmé en toutes ses dispositions, y compris s'agissant des frais et dépens, et des frais irrépétibles ;
L'appelant qui succombe est condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel, et que par voie de conséquence la demande de frais irrépétibles doit être rejetée. Enfin l'équité commande de ne pas faire application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au bénéfice de la société intimée';
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement rendu le 06 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg statuant en formation de départage, en toutes ses dispositions';
Y ajoutant
CONDAMNE Monsieur [D] [E] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel';
DEBOUTE les deux parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022 et signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Madame Martine THOMAS, Greffier.
Le Greffier, Le Président,