La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2022 | FRANCE | N°21/00095

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 31 mai 2022, 21/00095


0







MINUTE N° 22/500

















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHA

MBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 31 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00095

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOWZ



Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A.R.L. MASTERCLEAN INTERVENTION

prise en la personne de s...

0

MINUTE N° 22/500

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 31 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00095

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOWZ

Décision déférée à la Cour : 05 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R.L. MASTERCLEAN INTERVENTION

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 538 340 530 00020

61, rue des Gaulois

68390 SAUSHEIM

Représentée par Me Antoine BON, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur [G] [Y]

6 rue de Cernay

68210 DANNEMARIE

Représenté par Me Nathalie LECOQ, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, et Mme PAÜS, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme PAÜS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 5 novembre 2011, régulièrement frappé d'appel, le 15 décembre 2020, par voie électronique, par la Sasu Masterclean ;

Vu les conclusions de la Sasu Masterclean, transmises par voie électronique le 26 août 2021;

Vu les conclusions de M. [G] [Y], transmises par voie électronique le 3 juin 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 12 octobre 2021 ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Il résulte des pièces et des conclusions des parties que M. [G] [Y], né le 12 février 1959, a été embauché, à compter du 1er mars 2016, par la Sasu Masterclean suivant un contrat à durée indéterminée, en qualité de chargé d'affaires.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Le 4 octobre 2018, M. [G] [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 octobre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, puis il a été licencié le 22 octobre 2018 pour faute grave.

Par acte introductif d'instance du 22 novembre 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse aux fins de contester son licenciement et d'obtenir diverses sommes à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 5 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la Sasu Masterclean à payer à M. [G] [Y] les sommes suivantes :

* 3.491,88 euros net au titre de l'indemnité de licenciement,

* 13.741,59 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.374,16 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 2.706,68 euros brut au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,

* 270,67 euros brut au titre des congés payés y afférents,

ces sommes étant majorées des intérêts légaux à compter du 29 novembre 2018, date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

* 16.761,01 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.700 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ces deux sommes étant majorées des intérêts légaux à compter du jugement,

- débouté la Sasu Masterclean de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Sasu Masterclean aux entiers frais et dépens.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied à titre conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations de travail.

L'employeur qui entend arguer d'une faute grave supporte exclusivement la charge de prouver celle-ci, dans les termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, et si un doute subsiste il profite au salarié.

La lettre de licenciement de M. [G] [Y] du 22 octobre 2018 est ainsi libellée :

'Depuis plusieurs mois maintenant, nous constatons que vous générez de graves dysfonctionnements au sein de l'entreprise et notamment sur les dossiers dont vous aviez la responsabilité.

Pour rappel, le plus marquant en 2017, le dossier Bar Tabac Le Marigny, où nous avons réalisé pour plus de 80.000 € de travaux, sans commande, sans acompte, sans facture intermédiaire, tout cela à votre initiative. Le client est aujourd'hui décédé, il nous reste plus de 40.000 € à percevoir, et les ayants droits nous ont fait remarquer que de nombreuses prestations facturées n'avaient pas été réalisées. Nous avons dû réaliser plus de 5.000 € d'avoirs. Vous nous avez expliqué alors que vous aviez facturé des prestations non réalisées pour que l'assuré puisse toucher des remboursements pour des travaux non réalisés ... En résumé, vous avez produit des fausses factures et nous avez rendus complices de fraude à l'assurance ... pour au final, n'avoir aucune certitude d'être payés pour les prestations que nous avons réellement réalisées.

Suite aux nombreux problèmes rencontrés chez Masterlean Intervention (qualité, rentabilité ...), nous avons provoqué une réunion avec l'ensemble du personnel, dont vous, le 13 juin.

Lors de cette réunion, nous souhaitions mettre les choses à plat et identifier les sources des dysfonctionnements régnant dans l'entreprise pour y remédier. Lors de cette réunion, vous avez désigné l'un des salariés comme seul bouc émissaire et avez refusé d'entrevoir toute autre source de problèmes. Nous avons appris très récemment par vos collègues qu'à l'issue de la réunion, immédiatement après notre départ, vous avez reconvoqué tout le monde en salle de réunion, et leur auriez tenu les propos suivants: 'le premier qui me plante, je le plante'. Ces mêmes salariés nous ont fait part des craintes qu'ils avaient à votre égard et que c'est pour cela qu'ils ne s'étaient pas exprimés lors de la réunion.

J'ai personnellement été amené à mettre le doigt sur les dysfonctionnements rencontrés dans vos dossiers, vous demandant des explications et de modifier vos manières de faire. De nombreux mails en attestent ... et ils sont souvent restés sans réponse. Nous avons également constaté depuis quelques mois que vous tentiez de mettre en place un bras de fer avec votre direction pour nous imposer votre manière de faire... échange de mails pour étouffer les erreurs de la personne en charge de la relance des dossiers impayés, qui elle-même couvrait votre inaction ... échange de mails dans lesquels vous avez impliqué [S] [F], le deuxième chargé d'affaires de l'entreprise, pour donner plus de poids à vos revendications.

Pour remédier aux problèmes dans l'entreprise, nous avons décidé d'embaucher un directeur d'agence en la personne de M. [A] [K], à compter du 10 septembre 2018. Rencontrant d'importants problèmes de communication avec vous, M. [K] a décidé de s'entretenir avec vous pour savoir à quoi étaient liées vos réticences à communiquer avec lui. Vous lui avez alors tenu les propos suivants: 'tu marches dans le jeu des deux autres de Strasbourg, moi je ne marcherai jamais dans votre jeu' ... Les 'deux autres de Strasbourg' nous désignant nous, [C] [O] et [X] [N].

Depuis ces faits, nous découvrons encore de nombreux dysfonctionnements dont vous êtes à l'origine :

- Vous avez mis en facturation des dossiers non achevés et facturé des prestations non réalisées, voire non réalisables. Dossier Wilhelm à Waltenheim, facturé le 31 mai, dossier Carnevale, facturé le 12 avril, dossier Lévy, facturé le 17 mai. Les meubles de ces trois dossiers sont entreposés à notre dépôt et n'ont même pas été décontaminés ... ce qui génère d'ailleurs des problèmes puisque pour certains ils ne sont pas sauvegardables, et il va probablement falloir faire des avoirs pour les prestations facturées à tort. Vous avez persisté dans la mise en production de dossiers sans bon de commande et sans acompte, nous exposant à de très grands risques d'impayés: dossier Fuchs, 14.509 € ht, AMS 1.096 € ht, Randon, 13.091€ ht, Marschal 10.622,54 € ht ... ( liste non exhaustive).

Vous facturez des prestations non réalisées, et de plus, vous validez le paiement de prestations à nos sous-traitants, de prestations qu'ils n'ont pas réalisé non plus. À titre d'exemple, dans le dossier Icardi, nous avons été amené à faire un avoir de près de 5.000 € pour des travaux non réalisés, et nous avons dû déduire 3.500 € à la facture du sous-traitant, pour laquelle vous aviez pourtant donné votre bon pour accord. À plusieurs reprises d'ailleurs j'ai été amené à attirer votre attention sur les marges insuffisantes que vous appliquiez sur vos sous-traitants, pour lesquels souvent nous travaillions à prix coûtant.

L'ensemble des faits que nous vous reprochons vous ont été exposés lors de l'entretien préalable qui s' est tenu le 12 octobre en nos locaux. Les réponses que vous avez pu nous fournir n'ont été d'aucune nature à nous convaincre du bien-fondé de votre démarche.

Vous désobéissez sciemment à nos consignes, vous refusez de collaborer avec le nouveau directeur en place, vous menacez certains de vos collègues pour obtenir leur silence, et vous tentez d'en lever d'autres contre nous pour tenter de nous impressionner. En parallèle de cela, la gestion des dossiers dont vous avez la responsabilité s'avère désastreuse.

Ces éléments nuisent gravement à l'image de l'entreprise auprès de nos clients et en perturbent le bon fonctionnement. Ils entachent la confiance que nous vous avions accordé et altèrent définitivement les relations de travail.

Votre maintien dans l'entreprise n'est pas envisageable et nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.'

Il est reproché à M. [G] [Y] :

- des propos dénigrants à l'égard des salariés et des gérants de la société, contribuant ainsi à une mauvaise ambiance de travail,

- des faits d'insubordination, caractérisés par une pression et des menaces sur les autres salariés, ainsi que par un refus de communication avec la hiérarchie,

- des fautes de gestion, caractérisées par la réalisation de prestations sans bon de commande et/ou sans acompte, ainsi que par la facturation de travaux pour des prestations non réalisées.

M. [G] [Y] soulève la prescription des faits reprochés, puis conteste, à titre subsidiaire, tant leur réalité que leur caractère grave.

1. Sur les propos dénigrants à l'égard des salariés

L'article L.1332-4 du code du travail relatif au droit disciplinaire prévoit une prescription pour la sanction des fautes. Cette prescription est acquise deux mois après que l'employeur a eu connaissance de l'agissement fautif, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Une fois le délai expiré, l'employeur ne peut plus engager de procédure de licenciement pour faute.

Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il lui appartient d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, faute de quoi les faits sont considérés comme prescrits.

En l'espèce, il est reproché à M. [G] [Y] de n'avoir eu de cesse, à la réunion du 13 juin 2016, de critiquer l'un des salariés, en l'occurrence M. [B] [W], le désignant comme seul bouc émissaire et rejetant toute la responsabilité de la baisse du chiffre d'affaire sur sa personne.

Cette réunion a été organisée et dirigée par l'un des gérants de la société, M. [X] [N], de sorte que l'employeur avait eu connaissance des faits qu'il reproche à son salarié plus de deux mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire, la convocation à l'entretien préalable au licenciement étant du 4 octobre 2018.

La prescription concernant ce premier grief est donc acquise faute d'établir l'existence d'un grief de même nature non prescrit.

2. Sur les propos dénigrants à l'égard des gérants

Il est reproché à M. [G] [Y] d'avoir dénigré les gérants de société, M. [C] [O] et M. [X] [N], auprès du directeur d'agence, M. [A] [K], en tenant les propos suivants: 'Tu marches dans le jeu des deux autres de Strasbourg, moi je ne marcherai jamais dans votre jeu'.

D'abord, ces éventuels propos n'ont pu être tenus qu'après le 10 septembre 2018, date d'embauche de M. [A] [K].

La convocation à l'entretien préalable au licenciement étant du 4 octobre 2018, aucune prescription n'est donc encoure.

Ensuite, la Sasu Masterclean n'explique pas en quoi les propos cités seraient dénigrants, ce d'autant qu'elle ne situe pas le contexte dans lequel ils auraient été tenus et qu'elle ne produit même pas d'attestation de M. [A] [K], son directeur d'agence, alors que M. [G] [Y] soutient qu'il s'agissait d'une discussion privée et informelle avec son collègue de travail.

Enfin, aucun aveu du salarié ne peut être déduit de ses courriers des 10 juillet 2018 et 22 octobre 2018.

En effet, le premier courrier du 10 juillet 2018, rédigé aussi bien par M. [G] [Y] que son collègue de travail M. [S] [F], est une réponse au courrier de M. [X] [N] adressé le même jour à M. [G] [Y], avec en copie à l'ensemble du personnel administratif et technique de la société, et dans lequel il les tenait comme les principaux responsables des mauvais résultats de l'agence, à savoir une perte d'environ 30.000 euros depuis le début d'année, étant observé que cette perte avait été estimée initialement par erreur à 100.000 euros.

Dans cette réponse, M. [G] [Y] et M. [S] [F] se sont contentés d'exposer de manière courtoise leurs points de vue et leurs divergences avec les gérants, et ont suggéré à ces derniers de mettre en place une convention de rupture s'ils estimaient que leur manière de travailler ne leur convenait plus.

Dans son courrier du 22 octobre 2018, postérieur au licenciement, M. [G] [Y] indique juste avoir dit à M. [A] [K] que 'le fonctionnement des gérants' ne lui convenait pas, et ce en fournissant quelques exemples puisque c'est lui qui était responsable de l'agence avant l'embauche de ce dernier. Il n'est question d'aucun propos dénigrant, mais plutôt d'une divergence quant à la manière de diriger ladite agence.

Il s'ensuit que le deuxième grief n'est pas caractérisé faute d'établir l'existence d'un grief de même nature non prescrit..

3. Sur la pression et les menaces exercés sur les autres salariés

Il est reproché à M. [G] [Y] d'avoir organisé, le 13 juin 2016, une deuxième réunion avec les salariés de l'agence, immédiatement après le départ de M. [X] [N], gérant, en leur disant : 'Le premier qui me plante, je le plante'.

L'employeur ajoute que ces mêmes salariés lui ont fait part des craintes qu'ils avaient à l'égard de M. [G] [Y], raison pour laquelle ils ne se seraient pas exprimés lors de la réunion.

Toutefois, la Sasu Masterclean ne justifie ni ne soutient n'avoir eu connaissance de ces faits que dans les deux mois ayant précédé la convocation à l'entretien préalable au licenciement du 4 octobre 2018.

La prescription concernant ce troisième grief est donc acquise.

4. Sur le refus de communication avec la hiérarchie

Il est reproché à M. [G] [Y] de n'avoir pas répondu à des courriels de son employeur qui lui demandait d'apporter des explications concernant les dysfonctionnements rencontrés dans certains de ses dossiers. Il lui est également reproché d'avoir refusé toute communication avec M. [A] [K], son nouveau supérieur hiérarchique.

Pour en justifier, il est fait état d'un courriel du 29 septembre 2017, d'un courriel du 10 juillet 2018, de courriels échangés entre les mois de février et mai 2018, des courriels échangés entre les 9 et 16 juillet 2018, ainsi que des courriels échangés entre les 29 et 30 août 2018, ayant comme objet 'Travaux MFPS - Illzach'.

Concernant cette dernière affaire 'Travaux MFPS - Illzach', M. [X] [N], gérant de la société, a demandé, par courriel du 29 août 2018 à 15h57, à M. [G] [Y] de 'lui dire où en était ce dossier'.

Force est de constater que M. [G] [Y] lui a répondu rapidement dès le lendemain, par courriel du 30 août 2018 à 8h00, en lui expliquant l'état d'avancement du chantier.

Les autres courriels ont été échangés plus de deux mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire, la convocation à l'entretien préalable au licenciement étant du 4 octobre 2018, de sorte que la prescription les concernant est acquise, d'autant qu'il n'est pas établi que l'éventuel comportement reproché ait été réitéré après le délai de prescription.

Il s'ensuit que le quatrième grief n'est pas caractérisé.

5. Sur la réalisation de prestations sans bon de commande et/ou sans acompte

Il est reproché à M. [G] [Y] d'avoir réalisé des prestations sans bon de commande et sans demande d'acompte dans les dossiers Bar Tabac Le Margny, Fuchs, AMS, Randon et Marschal.

Il convient d'abord de relever que la Sasu Masterclean ne produit aucun élément concernant ces trois derniers dossiers AMS, Randon et Marschal.

Concernant le dossier Fuchs, l'employeur ne s'explique pas dans ses écritures sur l'absence de bon de commande ou d'acompte. Cependant, il produit des factures qui indiquent que des travaux de décontamination après incendie ont bien été effectués selon un devis n° 4240d.

Le dossier Bar Tabac Le Margny concerne des travaux réalisés en 2017 et 2018, pour lesquels des factures ont été établies en 2017 et le 28 mai 2018, de sorte que la Sasu Masterclean en avait nécessairement connaissance plus de deux mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire, la convocation à l'entretien préalable au licenciement étant du 4 octobre 2018. La prescription est donc acquise à ce sujet, d'autant qu'il n'est pas établi que l'éventuel comportement reproché ait été réitéré après le délai de prescription.

Au surplus, force est de constater que les factures indiquent que les travaux de remise en état après incendie ont bien été effectués selon deux devis n° 2345d et n° 2346e, et qu'ils ont donné lieu au versement d'un acompte de 30.000 TTC.

Il s'ensuit que le cinquième grief n'est pas caractérisé.

6. Sur la facturation de travaux pour des prestations non réalisées

Il est reproché à M. [G] [Y] d'avoir facturé des prestations non réalisées dans les dossiers Bar Tabac Le Margny, Wilhelm, Carnevale, Lévy et Icardi.

M. [G] [Y] reconnaît que des factures ont bien pu être établies pour des travaux à venir, c'est-à-dire non encore réalisés. Il explique, sans être contesté, qu'il s'agit d'une pratique 'normale' en matière de sinistre en précisant :

- que si les travaux sont effectués bien après l'établissement des factures, c'est parce qu'il faut attendre le passage de l'expert,

- que pour que le client puisse se faire rembourser par son assurance, des factures devaient être établies suite au devis validé par l'expert,

- qu'en fonction des besoins, le client demande que des prestations soient effectuées en sus ou en moins, ce qui donne lieu à des devis complémentaires mentionnant des plus-values ou des moins-values,

- qu'une fois la facture acquittée par le client ou l'assurance, des factures complémentaires sont établies ou à l'inverse des avoirs sont émis.

La Sasu Masterclean ne conteste pas cette pratique, et en tout cas, elle ne pouvait l'ignorer dans la mesure où elle procédait à des audits réguliers et approfondis par M. [T] [J], son chargé de recouvrement, comme ceux qui ont donné lieu aux courriels des 29 septembre 2017 et 30 mai 2018.

D'ailleurs, dans ce dernier courriel adressé aux deux gérants de la société, plus de quatre mois avant la convocation à l'entretien préalable du 4 octobre 2018, M. [T] [J] écrit entre autre : 'Pour aborder ce mail, assurez-vous d'être assis sur un support stable, d'avoir une boîte d'aspirine ou d'ibuprofène à proximité, de tenir éloigné tout objet tranchant ou muni d'un canon ... la facture nouvellement émise pour 33 k€ HT correspond à une facture de travaux réels, déduction faite de l'acompte ... Cette facture avait été émise pour que le client perçoive son indemnisation de l'assurance (quand bien même elle mentionne les travaux privatifs). Cette facture devra à terme faire l'objet d'un avoir ...'.

Ainsi, il s'agit d'une pratique ancienne et la Sasu Masterclean ne justifie pas être intervenue pour y mettre un terme.

Il s'ensuit que le dernier grief n'est pas suffisamment caractérisé.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [G] [Y] ne reposait pas sur une cause réelle sérieuse.

Eu égard à l'ancienneté du salarié (2 ans et 10 mois), à son âge au jour du licenciement (59 ans), à son salaire mensuel brut moyen (4.580,53 euros), aux conditions de la rupture et à l'effectif de l'entreprise qui dépasse 11 employés, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la situation en allouant à M. [G] [Y] les sommes de 2.706,68 euros brut au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire, 270,67 euros brut au titre des congés payés y afférents, 3.491,88 euros net au titre de l'indemnité de licenciement, 13.741,59 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 1.374,16 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ces points.

En revanche, au regard de la situation précitée, il y a lieu d'allouer à M. [G] [Y] une somme de 16.000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt, ce en quoi le jugement entrepris sera infirmé.

Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1152-4, L. 1235-3, et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce.

Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées à M. [G] [Y] dans la limite de trois mois.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu''il a condamné la Sasu Masterclean aux dépens de la première instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 1.700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de ce même article.

À hauteur d''appel, la Sasu Masterclean, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de la Sasu Masterclean au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Mulhouse, sauf en ce qu'il a condamné la Sasu Masterclean à payer à M. [G] [Y] la somme de 16.761,01 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la Sasu Masterclean à payer M. [G] [Y] la somme de 16.000 € brut (seize mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre les intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt ;

CONDAMNE la Sasu Masterclean à rembourser à Pôle-Emploi les indemnités de chômage versées effectivement à M. [G] [Y] dans la limite de trois mois d'indemnités ;

CONDAMNE la Sasu Masterclean à payer à M. [G] [Y] une somme de 1.700 € (mille sept cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la Sasu Masterclean au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sasu Masterclean aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 31 mai 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de chambre, et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/00095
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;21.00095 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award