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27/05/2022 | FRANCE | N°21/00272

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 mai 2022, 21/00272


MINUTE N° 242/2022





























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- Me Valérie SPIESER





Le 27 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 27 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00272 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPAH



D

écision déférée à la cour : 26 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANT :



Monsieur [I] [Y]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 3]



représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.





INTIMÉE :



Compagnie d'assurance MAIF prise en sa dél...

MINUTE N° 242/2022

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- Me Valérie SPIESER

Le 27 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 27 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00272 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPAH

Décision déférée à la cour : 26 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [I] [Y]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 3]

représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Compagnie d'assurance MAIF prise en sa délégation de [Localité 3] FILIA-MAIF, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 3]

représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 13 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [Y] a souscrit le 19 juin 2018 auprès de la MAIF un contrat d'assurance tous risques pour son véhicule BMW 320 n°WWW-350-WS, prenant effet le 18 juin 2018.

Il a déclaré un sinistre en adressant à l'assureur un constat amiable rempli par lui seul pour un accident survenu le 11 décembre 2018, à 2 heures 30, à [Localité 3], route de Rohrschollen, mentionnant un point de choc au côté avant droit de son véhicule et des dégâts au côté droit ; il a attesté ensuite qu'un véhicule venait en face, sans avoir allumé ses feux de croisement et de position, et que, quand il était arrivé à son niveau, il avait tourné à droite pour l'éviter, ce véhicule ne s'étant pas arrêté.

Selon rapport du 23 janvier 2019, le véhicule endommagé a été évalué par l'expert de la MAIF à 13 000 euros TTC, valeur de remplacement, le coût des réparations étant estimé à 14 504 euros TTC, vétusté déduite, le véhicule n'étant donc pas économiquement réparable.

M. [Y] a cédé le véhicule le 17 février 2019 à DG Autos motos comme épave pour 5 111 euros, prix résultant de l'expertise.

La MAIF lui a réclamé les justificatifs d'achat et de la carte grise à son nom, puis, dans le cadre de la réglementation relative à la prévention du blanchiment d'argent, notamment un justificatif de paiement du prix d'achat du véhicule.

M. [Y] a justifié du contrat de vente allemand, établi le 14 juin 2018 sur un modèle ADAC (automobile club allemand), par lequel M. [O] [E] lui avait cédé le véhicule au prix de 14 500 euros, qu'il a indiqué avoir été payé en espèces, et d'un relevé de compte de son fils, M. [S] [Y].

Par courrier du 25 février 2019, la MAIF a refusé sa garantie au motif qu'il n'était pas propriétaire du véhicule et que les fonds ayant servi à l'acquisition provenaient de M. [S] [Y], non assuré par ses soins.

Son avocat a répondu à la MAIF le 29 avril 2019 que, son client ne disposant pas de revenus suffisants, c'était son fils qui avait financé l'acquisition et lui avait donné le véhicule, lequel ne revendiquait aucune propriété sur celui-ci ; il lui transmettait copie d'une attestation de M. [S] [Y], selon laquelle il avait 'acheté' le véhicule à son père, [I] [Y], le 14 juin 2018. Il réclamait paiement de la différence entre la valeur résiduelle (13 000 euros) et celle de l'épave, soit 7 889 euros.

Par acte d'huissier du 15 juillet 2019, M. [Y] a assigné la MAIF devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, en paiement de la somme de 9 466,80 euros, majorée de 20 %, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 avril 2019 ; il sollicitait en outre la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d'indemnisation et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal a rejeté ses demandes et l'a condamné aux dépens et à payer à la MAIF la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal s'est fondé sur les dispositions des articles L561-2 et D561-32-1 et L561-15, II du code monétaire et financier - instaurant l'obligation pour les entreprises d'assurance de collecter des informations concernant leurs assurés et, en cas de refus ou de défaillance 'du client' dans la production de pièces justificatives 'quant à la provenance des fonds reçus ou quant aux motifs avancés des paiements', prévoyant la possibilité pour l'assureur de refuser d'exécuter une opération d'indemnisation - pour juger légitime le refus d'indemnisation de la MAIF compte tenu du doute sérieux sur le financement de l'achat du véhicule. Il a estimé que, si, dans le cadre d'un précédent sinistre, la MACIF avait versé 14 000 euros au profit de M. [Y] sur un compte ouvert au nom de son fils, il ne démontrait pas le remploi de cette indemnité dans le financement du véhicule assuré par la MAIF, alors qu''il aurait été pourtant simple pour M. [I] [Y] de produire une copie de l'extrait bancaire de son fils permettant de démontrer d'une part l'arrivée de cette somme de 14 000 euros en juin 2018, l'origine des fonds, puis le retrait de liquidités importantes avant l'acquisition de la BMW' ; il en a déduit qu'il ne rapportait pas la preuve de l'origine des fonds ayant servi à l'acquisition, voire du paiement effectif du prix.

*

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 décembre 2020.

Par conclusions du 29 janvier 2021, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la MAIF à lui payer :

- la somme de 10 378 euros, correspondant à la différence de valeur entre la valeur résiduelle à dire d'expert majorée de 20 % (13 000 + 20 % = 15 600) et la valeur de l'épave (5 111), déduction faite de la franchise contractuelle de 111 euros,

- les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 29 avril 2019, subsidiairement de l'assignation,

- la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d'indemnisation,

- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :

- le contrat de vente produit fait foi de l'achat du véhicule par ses soins, à défaut de preuve de sa fausseté par la compagnie, observant que ce contrat n'a pas posé de difficultés à la préfecture pour son immatriculation en France et l'établissement de la carte grise,

- le véhicule a été financé par son fils pour une simple question de trésorerie,

- il a en effet acheté un nouveau véhicule à la suite de l'accident subi par son précédent véhicule et de l'indemnité de 14 000 euros qu'il avait reçue de la MACIF, ce sur le compte de son fils car, à cette époque, il n'avait pas lui-même de compte courant, son fils ayant ensuite retiré le 12 juin 2018 la somme de 13 000 euros, et non de 14 000 euros pour éviter un découvert, à laquelle il a ajouté 1 000 euros qu'il avait chez lui,

- il établit donc l'absence de blanchiment d'une somme occulte,

- la garantie lui est donc due selon le contrat d'assurance.

*

Par conclusions du 22 mai 2021, la MAIF sollicite la confirmation du jugement et, subsidiairement, la limitation de l'indemnisation à 10 359 euros ainsi que la condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Elle fait valoir que les explications de l'appelant sur la question de trésorerie qui expliquerait le paiement par son fils sont en contradiction avec le courrier de son avocat du 29 avril 2019 et que son absence de compte courant est surprenante, alors qu'il payait selon lui les primes à la MACIF ; elle en déduit qu'il pourrait s'agir d'une 'assurance pour compte', dont les primes étaient payées par son fils, puisque dans son courrier l'informant du versement des 14 000 euros, la MACIF ne précise pas que l'indemnité est versée sur un autre compte que le sien. Elle maintient son refus d'indemnisation en l'absence de preuve de la propriété du véhicule par l'appelant, le certificat d'immatriculation français ne constituant pas un titre de propriété.

Elle ajoute que, si la somme de 13 500 euros a été retirée par le fils de l'appelant, il ne justifie pas de la provenance des 1 000 euros en espèces supplémentaires, de sorte que tout le paiement du prix n'a pas été justifié et qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions du code monétaire et financier pour refuser toute indemnisation.

Sur le montant, elle fait valoir que la franchise est de 130 euros et non de 111 euros, soit 19 euros de moins, et une indemnité dûe de 10 359 euros.

*

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2021.

MOTIFS

1) Sur le principe de l'indemnisation

La MAIF oppose deux moyens à la demande d'indemnisation de l'appelant : l'absence de preuve de la propriété du véhicule, seul le propriétaire pouvant être indemnisé selon le contrat, et l'absence de justification de la provenance de la somme de 1 000 euros sur la somme de 14 500 euros versée au titre du prix d'achat du véhicule.

La preuve de la propriété du véhicule accidenté

Si le certificat d'immatriculation du véhicule (carte grise) n'est pas un titre de propriété, il est bien au nom de M. [Y] et vaut donc présomption de propriété. M. [Y] rapporte par ailleurs la preuve de sa qualité de propriétaire du véhicule accidenté par le contrat de vente allemand qu'il produit, étant relevé qu'il n'est pas contesté que M. [E] [O], mentionné comme vendeur sur le contrat, était le précédent propriétaire du véhicule.

Le moyen sera donc rejeté.

Sur la provenance des fonds ayant servi au paiement du prix

A la suite des pièces justificatives produites par M. [Y], la provenance des fonds ayant servi à payer la somme de 13 500 euros n'est plus contestée par la MAIF, qui a admis que ces fonds provenaient d'une indemnité d'assurance due à M. [Y] par une autre société d'assurance ; elle n'a fait qu'émettre l'hypothèse qu'il pourrait s'agir d'une assurance pour compte, sans d'ailleurs préciser quelle conséquence elle en tirait, alors que même si ces sommes appartenaient au fils de M. [Y] pour le compte duquel ce dernier aurait été assuré, leur provenance n'en serait pas pour autant douteuse.

Elle ne reproche donc plus désormais à M. [Y] que de ne pas justifier de la provenance de la somme de 1 000 euros.

Or ce montant ne représente que 0,69 % du prix d'achat du véhicule et une somme relativement modique, dont il pouvait disposer en espèces à son domicile, sans être en mesure d'en justifier ; l'absence de justification de la seule provenance de cette somme est insuffisante pour soupçonner qu'elle provient d'une fraude fiscale, de sorte qu'elle serait soumise à l'obligation de déclaration prévue par l'article L561-15, II du code monétaire et financier, alors qu'il a produit des pièces justificatives pour le surplus, soit la quasi-totalité du prix.

Ce moyen sera donc également rejeté.

2) Sur le montant dû

Il ressort des conditions particulières du contrat d'assurance en page 1 que la franchise dommages au véhicule est de 130 euros et non de 111 euros, soit un montant dû réduit de 19 euros.

Pour le surplus, l'indemnisation réclamée n'est pas contestée.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé et la MAIF condamnée à payer à l'appelant la somme de 10 359 euros.

S'agissant d'une indemnité due en vertu du contrat d'assurance, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit du 15 juillet 2019, conformément à l'article 1231-6 du code civil, le courriel adressé le 29 avril 2019 par le conseil de M. [Y] à la gestionnaire du sinistre ne valant pas mise en demeure.

3) Sur les dommages et intérêts

La résistance abusive de la MAIF n'est pas caractérisée compte tenu des premières explications données par M. [Y] et des obligations auxquelles elle était tenue en vertu de code monétaire et financier.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

4) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement déféré étant infirmé, il le sera également sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La MAIF, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée en outre à payer à M. [Y] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [I] [Y] en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

CONDAMNE la société MAIF à payer à M. [I] [Y] la somme de 10 359 euros (dix mille trois cent cinquante neuf euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2019 ;

CONDAMNE la société MAIF à payer à M. [I] [Y] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens ;

CONDAMNE la société MAIF aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00272
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;21.00272 ?
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