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27/05/2022 | FRANCE | N°20/01887

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 mai 2022, 20/01887


MINUTE N° 243/2022





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Claus WIESEL





Le 27 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 27 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01887 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLJ7



Déci

sion déférée à la cour : 26 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [G] [E]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.



INTIMÉE :



Compagnie d'assurance GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES - GMF Pri...

MINUTE N° 243/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Claus WIESEL

Le 27 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 27 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01887 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLJ7

Décision déférée à la cour : 26 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [G] [E]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Compagnie d'assurance GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES - GMF Prise en la personne de son représentant légal,

[Localité 2]

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 12 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E], client de la GMF depuis le 31 août 2006, a signé électroniquement le 15 décembre 2017 un contrat d'assurance 'Auto Pass' souscrit par téléphone auprès de la GMF, prenant effet le même jour, pour garantir son véhicule BMW 120 XD 184 M Sport, désigné comme acquis en décembre 2017.

Il a déclaré un sinistre le 20 février 2018, ayant eu lieu la veille. Selon le constat amiable transmis à l'assureur, l'accident est survenu le 19 février 2018 à 18 h 10, à [Localité 4] [Localité 3] et a occasionné des dégâts à l' 'avant droit (aile), au capot/bas de caisse' à la suite d'une perte de contrôle à la sortie d'un rond point, le choc ayant eu lieu contre un arbre selon le croquis de l'accident.

Le véhicule endommagé a été vu par le cabinet [H] expertise le 22 février 2018, mandaté par la GMF le 20 février 2018 ; il a établi un rapport le 8 mars 2018, selon lequel le véhicule n'était pas économiquement réparable, les dommages apparents étant estimés à 24 872,68 euros TTC et la valeur de remplacement à 19 400 euros TTC (valeur résiduelle 2 677,20 euros).

L'expert a été chargé par la GMF d'une mission complémentaire pour déterminer la date d'apparition de l'éclatement des airbags ainsi que les défauts et les données enregistrées sur la clé transmise par l'assuré. Selon son rapport du 20 avril 2018, il a fixé la réunion au 10 avril 2018 mais la veille, le véhicule a été incendié par deux individus cagoulés sur le parking du garage JMS de Colmar, le véhicule étant totalement calciné. L'expert a seulement procédé à l'expertise de l'unique clé transmise par M. [E], en présence d'un huissier de justice, qui a établi un procès-verbal de constat ; il a été procédé à l'introduction de la clé dans le lecteur de clés se trouvant dans les locaux de la concession automobile et constaté que le dernier démarrage du véhicule avec cette clé remontait au 28 octobre 2017 à 21 h 14 avec un kilométrage de 67 172 (impression des données annexée au constat).

Le second jeu de clé a été réclamé à M. [E] ; il a répondu le 21 avril 2018, que l'expert lui avait déjà réclamé le second jeu de clés au moment de la cession du véhicule, mais qu'il n'avait pu le retrouver.

Le 7 mai 2018, la GMF lui a encore réclamé les justificatifs d'achat et de paiement effectif du véhicule et tous justificatifs de l'origine des fonds ayant servi à le financer.

M. [E] a répondu avoir transmis à l'expert les justificatifs d'achat et de paiement effectif et précisé que les fonds provenaient de son compte bancaire au Crédit mutuel à St Louis, où il percevait son salaire suisse tous les mois.

Faisant valoir que les réticences de la compagnie à l'indemniser n'étaient pas fondées, M. [E] a assigné la GMF devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, par acte introductif d'instance déposé le 11 janvier 2019, signifié par huissier le 4 février 2019 ; il a demandé la condamnation de la GMF à lui payer la somme de 19 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2018, celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus abusif d'indemnisation et une indemnité de jouissance, équivalente à 50 euros par jour, depuis le jour du sinistre jusqu'au jour de l'indemnisation. La GMF a opposé la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle.

Par jugement du 26 juin 2020, le tribunal a prononcé cette nullité aux visas des articles L.113-2, 2°), L.112-3 et L.113-8 du code des assurances, et rejeté les demandes de M. [E] ; sur demande reconventionnelle de la GMF, le tribunal a condamné M. [E] à lui payer la somme de 1 757,09 euros au titre des frais exposés par elle dans la gestion du sinistre (pour le transport du véhicule, le procès-verbal de constat, ainsi que les frais d'enquête et d'expertise), assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision. Il l'a également condamné aux dépens, sauf ceux de la demande reconventionnelle pour 1 102,20 euros (au titre des frais d'une expertise graphologique, demande rejetée comme inutile) et à payer à la GMF la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que, 'à la question relative à la date d'acquisition du véhicule', M. [E] avait répondu '12/2017" alors que :

- il résultait de la copie de la carte grise, nécessairement produite après la souscription par téléphone, confirmée par validation électronique, que le véhicule en cause avait été acquis antérieurement, la carte grise ayant été éditée le 26 juillet 2017,

- le véhicule avait été utilisé sur les voies publiques de circulation entre le 1er juillet 2017 et le 15 décembre 2017 sur plus de 7 000 km sans assurance, pourtant obligatoire, puisque le kilométrage selon la déclaration de cession produite par M. [E] était de 60 000 lors de son achat et de 67 172 au 28 octobre 2017, selon les informations de la seule clé du véhicule fournie par l'assuré.

Il en a déduit l'existence d'une réticence ou fausse déclaration ayant changé l'objet du risque ou en ayant diminué l'opinion pour l'assureur, du fait de l'absence d'assurance du véhicule entre le 1er juillet 2017 et le 15 décembre 2017, retenant qu'elle témoignait d'une prise de risques et de l'absence de respect de la législation routière de nature à modifier l'appréciation de l'assureur sur la fourniture de la garantie et le montant de la prime ; il a ajouté que cette réticence était 'd'autant plus prégnante' qu'il n'était pas établi que le sinistre avait eu lieu le 19 février 2018 dans les circonstances déclarées, la seconde clé, qui seule pouvait avoir été utilisée le jour du sinistre, n'ayant pas été 'retrouvée' et le dépannage du 19 février n'établissant pas que le sinistre avait eu lieu le même jour.

*

M. [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 juillet 2020.

Par conclusions du 15 juillet 2021, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de le 'décharger' des condamnations prononcées à son encontre et de condamner la GMF à lui payer les sommes suivantes :

- 19 400 euros, avec intérêts 'de droit' à compter du 5 mars 2018, jour de l'expertise,

- 50 euros par jour, depuis le 19 février 2018, jour du sinistre,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :

- il a acheté le véhicule en juillet 2017, selon le certificat de cession qu'il produit et qui avait été communiqué à la GMF lors de la souscription en ligne,

- il l'a acheté au prix de 23 000 euros,

- le véhicule n'était pas couvert par une assurance avant décembre 2017, sans qu'on puisse en déduire sa mauvaise foi ou sa fausse déclaration,

- la GMF a accepté de l'assurer en toute connaissance de cause en délivrant la 'carte verte' puisque la carte grise barrée, qui lui a été transmise, indiquait bien la date d'achat, de sorte qu'elle ne peut plus, après sinistre, faire état d'une fausse déclaration sur la date d'achat,

- la GMF ne démontre pas que son véhicule était sur la voie publique alors qu'il déclare qu'il était stocké dans un lieu privé,

- il est de bonne foi et a 'tout bonnement' égaré la seconde clé, laquelle a pu être égarée lors de l'accident ou détruite lors de l'incendie, peu importe que la clé remise au dépanneur soit la bonne ou non, son état de choc suite à l'accident pouvant l'expliquer,

- la GMF ne démontre pas que le sinistre ne s'est pas produit le 19 février 2018 et tente de faire remonter la date à une époque où il n'était pas assuré, ce qui est contesté,

- l'article L561-10-2 du code monétaire et financier, sur lequel s'appuie la GMF, concerne des opérations d'une particulière complexité, ce qui n'est pas le cas de l'achat d'un véhicule de 23 000 euros pour un client de la GMF comme lui, depuis 2006, dont elle a assuré des véhicules de valeur bien supérieure et qui travaille en Suisse en percevant plus de 112 000 euros de revenus annuels,

- la preuve de l'achat du véhicule et ses conditions de financement sont sans rapport avec le litige.

*

Par conclusions du 8 janvier 2021, la GMF sollicite la confirmation du jugement et, subsidiairement, le prononcé de la déchéance des garanties conformément à l'article 5.1.1 des conditions générales de la police d'assurance. Elle réclame la condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité de procédure de 2 500 euros.

Elle fait valoir que le contrat est nul en vertu de l'article L.113-8 du code des assurances en se fondant sur l'aveu judiciaire fait par M. [E], qui reconnaît dans ses conclusions d'appel qu'il a acheté son véhicule en juillet 2017 et non en décembre 2017, et sur le fait qu'elle-même n'a pas eu connaissance de la date d'acquisition réelle lors de la souscription par téléphone. Elle approuve l'ensemble de la motivation du premier juge. Elle conteste que M. [E] n'ait pas eu l'obligation de s'assurer avant décembre 2017, outre qu'il ne démontre pas le stockage du véhicule dans un lieu privé et que le véhicule a parcouru plus de 7 000 km.

Elle ajoute que le sinistre dont il est demandé la garantie est contredit par des éléments factuels (expertise de la clé et configuration des lieux).

Elle invoque la déchéance des garanties, à défaut de nullité prononcée par la cour, ce pour fausse déclaration de sinistre et fausse attestation de vente.

Elle se prévaut enfin de l'absence de preuve du paiement du prix d'achat du véhicule.

Elle conteste subsidiairement le préjudice de jouissance sollicité, non couvert par le contrat, et fait valoir que la franchise est de 194 euros pour la location d'un véhicule de remplacement.

*

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2021. Par ordonnance du 16 mars 2022, la requête de M. [E] en révocation de cette ordonnance pour production d'une procédure pénale concernant les circonstances du sinistre et l'incendie survenu le 9 avril 2018, a été rejetée.

MOTIFS

1) Sur la demande d'indemnisation

La GMF oppose, à titre principal, à cette demande, la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle.

En application de l'article L. 113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

En l'espèce, M. [E] reconnaît avoir indiqué à l'assureur la date de décembre 2017 pour l'achat du véhicule, mais prétend que ce dernier aurait renoncé à se prévaloir de la nullité pour fausse déclaration intentionnelle, puisqu'il a été destinataire, après la souscription, de la carte grise du véhicule mentionnant la date réelle d'acquisition et qu'il n'a pas émis 'la moindre réserve ou à tout le moins demander des explications'.

Cependant, toute renonciation doit manifester sans équivoque la volonté de l'assureur de renoncer. De plus, le caractère d'ordre public des dispositions précitées exclut que l'assureur puisse renoncer de façon anticipée à se prévaloir de la nullité. Dès lors, il importe peu que la GMF n'ait pas fait de réserve ou demandé d'explications à M. [E] à la réception du certificat d'immatriculation. Aucune renonciation à demander la nullité ne peut donc être retenue.

Par ailleurs, la fausse déclaration de M. [E] sur la date d'acquisition, en réponse à une question claire et précise de l'assureur, était nécessairement faite de mauvaise foi et de façon intentionnelle pour cacher l'absence d'assurance du véhicule depuis le 1er juillet 2017, d'autant qu'au vu de l'expertise de la seule clé qu'il a remise et du kilométrage mentionné sur la déclaration de cession du véhicule, celui-ci avait roulé plus de 7 000 km entre le 1er juillet 2017 et le 28 octobre 2017, ce qui l'exposait au risque d'un accident, risque qu'il n'a pas voulu révéler à la GMF.

Cette fausse déclaration a changé l'objet du risque ou en a diminué l'opinion pour l'assureur. En effet, la GMF n'a pas pu prendre en compte l'existence possible d'un sinistre entre la date réelle d'acquisition et la demande de souscription du contrat auprès de ses services, soit pendant plus de cinq mois, étant relevé qu'il ressort des conditions particulières du contrat souscrit, qu'elle a également posé la question à M. [E], conducteur principal, du nombre de mois d'assurance effective sur les 36 derniers mois, ce qui montre l'importance de cette question.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat d'assurance et débouté M. [E] de ses demandes d'indemnisation concernant le sinistre, la résistance abusive et le préjudice de jouissance.

2) Sur la demande reconventionnelle

Si M. [E] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation du jugement et la 'décharge' des condamnations prononcées à son encontre, il n'a pas évoqué la demande reconventionnelle dans la discussion, au cas où le jugement déféré serait confirmé sur le rejet de ses propres demandes. Il en résulte qu'elle n'est pas contestée.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à la GMF la somme de 1 757,09 euros à ce titre.

3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement déféré étant confirmé sur le fond, il le sera également sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [E], succombant en son appel, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en outre condamné à régler à la GMF la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, par arrêt contradictoire, rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [E] à payer à la société GMF la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [G] [E] aux dépens d'appel et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01887
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;20.01887 ?
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