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27/05/2022 | FRANCE | N°20/00625

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 mai 2022, 20/00625


MINUTE N° 246/2022





























Copie exécutoire à





- Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA



- la SELARL ACVF ASSOCIES



- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le 27/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 27 mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A NÂ

° RG 20/00625 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJG7



Décision déférée à la cour : 19 Décembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR





APPELANTE :



Madame [P] [I] divorcée [V]

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la cour.





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MINUTE N° 246/2022

Copie exécutoire à

- Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA

- la SELARL ACVF ASSOCIES

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 27/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 27 mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00625 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJG7

Décision déférée à la cour : 19 Décembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame [P] [I] divorcée [V]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant incident :

1/ Le CENTRE HOSPITALIER DU CENTRE ALSACE pris en la personne de son représentant légal

ayant siège social : [Adresse 3]

représenté par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.

INTIMÉE :

2/ La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du HAUT-RHIN

ayant siège[Adresse 1]

représentée par Maître Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 18 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 26 novembre 2012, Mme [P] [I], divorcée [V], a subi une intervention chirurgicale aux fins de pose d'une prothèse totale de hanche pratiquée par le docteur [K] [E], chirurgien au sein de l'hôpital [4] à [Localité 8].

Au cours du suivi post-opératoire, la patiente s'est plainte de douleurs de la jambe gauche et d'une boiterie. Les examens médicaux réalisés alors ont notamment révélé une paralysie du muscle moyen fessier ainsi qu'une bascule du bassin.

Mme [I] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar aux fins d'expertise médicale et il a été fait droit à sa demande par décision du 7 avril 2014. Cette expertise a été confiée au docteur [X], lequel a dû être remplacé par le docteur [H], qui a sollicité l'avis technique d'un sapiteur, le professeur [D].

Par un jugement du 25 janvier 2018, le tribunal a prononcé la nullité du rapport d'expertise du docteur [H] pour violation du principe du contradictoire et, en conséquence, il l'a écarté des débats, de même que l'avis du professeur [D]. Il a ordonné une nouvelle expertise, confiée au professeur [G], lequel a déposé son rapport le 30 octobre 2018.

Suite à ce rapport d'expertise, Mme [I] a sollicité la condamnation du Groupement hospitalier du Centre Alsace ' Hôpital [4] (GHCA) à l'indemniser de préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux, la CPAM ayant été appelée en déclaration de jugement commun.

Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Colmar a :

- condamné le GHCA à payer :

* à Mme [I] la somme de 59 562,89 euros en deniers ou quittances, au titre des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale fautive réalisée le 23 juillet 2012 par le Dr [K] [E] sur sa personne, au sein de l'hôpital [4] à [Localité 8].

* à la CPAM du Haut-Rhin la somme de 15 079,88 euros en deniers ou quittances, au titre des prestations sociales prises en charge, consécutivement à la même intervention chirurgicale, ainsi que la somme de 1 080 euros en deniers ou quittances, en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Il a réservé les droits de la CPAM du Haut-Rhin concernant une éventuelle ré-intervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier (par exemple une reconstruction par allogreffe) de Mme [I] et condamné le GHCA à payer les frais et dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi que la somme de 2 000 euros à Mme [I] et la somme de 750 euros à la CPAM du Haut-Rhin au titre des frais irrépétibles.

Rejetant toutes autres prétentions, il a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Rappelant les dispositions de l'article L.1142-1, I du code de la santé publique relatives à la responsabilité des établissements de santé des conséquences dommageables d'actes de soins, en cas de faute, le tribunal a repris les conclusions de l'expertise médicale réalisée par le professeur [G]. D'après l'expert, l'intervention du 26 novembre 2012 a été grevée d'un défaut technique fautif : la résection du col fémoral a été trop basse, emportant le sommet du grand trochanter, et donc l'insertion distale du muscle moyen fessier, conduisant à une inefficacité fonctionnelle définitive de ce muscle, elle-même responsable de la bascule du bassin et d'une boiterie définitive.

Le préjudice subi par l'intéressée est une perte de chance d'obtenir une amélioration significative de son état antérieur grâce à l'intervention chirurgicale pratiquée.

Seule la réalisation technique de l'intervention a souffert d'un défaut, la résection du sommet du grand trochanter étant une erreur chirurgicale manifeste, secondaire à une résection trop distale et trop horizontale du col fémoral.

Le suivi postérieur à l'opération a été adapté. Une ré-intervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier aurait pu être proposée compte tenu de la gêne fonctionnelle importante, mais n'a visiblement pas été évoquée par les praticiens consultés.

Le tribunal a considéré que la teneur des conclusions de l'expert, qui n'avait pas été contestée par le GHCA lors de la transmission du projet de rapport, ne pouvait être valablement remise en cause par les critiques insuffisamment étayées et fondées, désormais formulées par le défendeur.

Retenant le principe d'une indemnisation totale des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale, le tribunal a rappelé qu'au vu du prononcé de la nullité du rapport d'expertise du docteur [H], la liquidation du préjudice de Mme [I] ne pouvait être valablement fondée sur son contenu.

Il a ensuite examiné poste par poste, les différents préjudices invoqués par la demanderesse.

Mme [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 30 janvier 2020.

Par ses conclusions récapitulatives déposées le 29 octobre 2020, elle sollicite l'infirmation partielle du jugement déféré et que la cour, statuant à nouveau :

- ordonne une contre-expertise médicale, et confie au médecin expert qu'il plaira à la cour la mission, notamment, de se prononcer sur l'origine du déficit moyen fessier de la bascule du bassin, sur le taux de déficit fonctionnel permanent, sur le préjudice d'agrément et sur l'obligation d'aménagement de son véhicule et de son domicile,

- statue ce que de droit quant aux frais,

- subsidiairement, condamne le GHCA à lui payer la somme de 221 750 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux,

- fixe le montant des dommages intérêts dus au titre des préjudices patrimoniaux à la somme de 111 210,30 euros,

- dise et juge que le montant des prestations dues à la CPAM s'élève à la somme de 16 116,88 euros,

- condamne le GHCA à lui payer un montant de 95 093,42 euros au titre des préjudices patrimoniaux,

- déclare l'appel incident du GHCA irrecevable et mal fondé et le rejette,

- en tout état de cause, déboute le GHCA de l'intégralité de ses demandes, et le condamne aux entiers frais et dépens, y compris aux frais d'expertise, ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] dénonce deux fautes commises par le docteur [E], la première consistant en l'ablation du grand trochanter, qualifiée d'erreur chirurgicale manifeste par le professeur [G], la seconde en une inégalité de longueur des deux membres inférieurs, relevée par le docteur [H] et son sapiteur, le docteur [D].

À l'appui de sa demande de contre-expertise, l'appelante fait valoir que le professeur [G] a omis de nombreux postes de préjudices, tels que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel. De plus, son rapport est totalement opposé, concernant le déficit fonctionnel permanent, à celui du précédent expert qui retenait un DFP de 25 %, le professeur [G] retenant 13 % seulement, sans motiver cette diminution.

Mme [I] demande la désignation d'un expert situé hors de l'Alsace, afin de garantir son indépendance.

Par ailleurs, elle soutient que l'indemnisation de ses préjudices retenus par le tribunal n'est pas conforme à ceux qu'elle a réellement subis. Elle conclut subsidiairement sur l'indemnisation de ses différents préjudices.

Par ses conclusions récapitulatives déposées le 9 août 2021, la CPAM du Bas-Rhin, agissant au nom et pour le compte de la CPAM du Haut-Rhin, sollicite, sur l'appel principal de Mme [I], qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour, que les autres parties en la cause soient déboutées de toutes conclusions contraires et de toutes prétentions dirigées contre la CPAM du Haut-Rhin, et que le GHCA ou l'appelante soit condamné aux entiers frais et dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ailleurs, elle demande que l'appel incident et provoqué du GHCA soit déclaré irrecevable, à tout le moins mal fondé en tant qu'il est dirigé à son encontre et que ce dernier soit débouté de toutes ses prétentions.

La CPAM soutient que la responsabilité du GHCA est établie par les conclusions du rapport d'expertise du professeur [G]. Elle se réfère à une attestation d'imputabilité établie le 31 juillet 2015 par le médecin conseil de la CPAM du Haut-Rhin et au décompte des montants qu'elle a pris en charge suite à l'acte fautif commis par le docteur [E], lors de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012.

Elle s'en remet à la souveraine appréciation de la cour sur les demandes de Mme [I].

Elle invite le GHCA à justifier de la recevabilité de son appel provoqué, en ce qu'il porte sur une disposition qui réserve ses droits concernant une éventuelle réintervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier de Mme [I], ajoutant que ces frais sont admis par l'expert qui estime qu'une telle opération pourrait être proposée à cette dernière.

Elle ajoute que le rapport d'expertise médicale permet d'indiquer la liste des soins, traitements et appareillages nécessaires à la victime, suite à la consolidation de son état, et que ce poste de préjudice ne peut être contesté, même en son principe, puisqu'il vise à rembourser des dépenses effectivement exposées. Elle souligne l'absence de sérieux, à tous égards, de la contestation du groupe hospitalier.

Par ses conclusions récapitulatives déposées le 23 juillet 2021, le GHCA sollicite que la demande de contre-expertise médicale formée par Mme [I] soit déclarée irrecevable, et en tout cas mal fondée, et que l'ensemble de ses demandes soit rejeté.

Formant appel incident, il sollicite que celui-ci soit déclaré recevable et bien fondé, que le jugement soit infirmé en toutes ses dispositions et que Mme [I] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement, il demande à la cour de :

- dire que le déficit permanent est fixé à 13 %, et de retenir une valeur du point de 1 730 euros, soit une indemnisation de (13 x 1730) soit 22 490 euros,

- dire que le préjudice esthétique de Mme [I] est de 2/7 et, en conséquence, qu'il sera réparé par un montant de 2 000 euros,

- débouter Mme [I] de toutes conclusions sur l'incidence professionnelle, le préjudice d'agrément et tout autre chef de demande, à l'exception du remboursement des frais divers constitués par un réhausseur de toilette et des appuis de douche et d'escaliers,

- dire que l'évaluation du préjudice de la douleur est de 2/7 et ouvre droit à une indemnisation de 2 500 euros,

- débouter la CPAM de sa demande de réserve de droits et de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement pour le surplus,

En tout état de cause, il sollicite la condamnation solidaire de Mme [I] et de la CPAM à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de Mme [I] et éventuellement, solidairement de la CPAM, aux entiers frais et dépens de la procédure et frais d'expertise.

En premier lieu, le GHCA conclut à l'irrecevabilité de la demande de désignation d'un nouvel expert au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui n'avait pas été formulée en première instance et qui n'est présentée qu'en réaction au jugement qui s'est fondé uniquement sur le rapport du professeur [G], Mme [I] s'appuyant sur le rapport du docteur [H] selon ses intérêts. De plus, elle pouvait constater dès la première instance que le rapport du professeur [G] avait omis des postes de préjudices et le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert. En outre, ses demandes sont identiques à celles formées en première instance.

Sur la responsabilité du docteur [E], le GHCA exclut d'abord toute mauvaise foi de ce dernier, rappelant les rapports d'expertise successifs.

Il reproche au professeur [G] des imprécisions dans son rapport :

- s'il y a section du sommet du grand trochanter, ce sommet reste attaché au moyen fessier ; or, il n'apparaît pas sur les radiographies post opératoires et aucune explication ne figure à ce titre dans le rapport d'expertise,

- d'un examen à l'autre, les mesures des membres inférieurs varient, ce qui est d'autant plus important que le dossier médical de Mme [I] révèle une inégalité des membres inférieurs avant toute intervention,

- les experts mettent en avant l'existence d'une scoliose qui peut être responsable d'une bascule du bassin et la mettent en rapport avec l'inégalité de longueur, alors que, cette inégalité ayant été notée en préopératoire, la scoliose peut être constitutionnelle, d'autant plus que la patiente avait souffert de problèmes en rapport avec une scoliose (hernie discale et problèmes vertébraux) avant le problème de la hanche.

Le GHCA en déduit que les conclusions du professeur [G] ne peuvent être retenues et que Mme [I] doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, l'intimé répond aux conclusions de l'appelante, pour chacun de ses préjudices.

Il s'oppose à la demande de réserve de droits de la CPAM concernant une éventuelle réintervention chirurgicale, au motif que Mme [I] ne conclut pas sur ce chef et, par ailleurs, que l'expert a conclu que le suivi postérieur à l'intervention chirurgicale était adapté.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS

I - Sur la demande de contre-expertise de Mme [I]

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il ressort du jugement déféré que Mme [I] n'a présenté aucune demande de nouvelle expertise en première instance et sollicite donc pour la première fois une telle mesure à hauteur de cour. Or, cette demande ne peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes soumises au premier juge, qui tendaient uniquement à l'indemnisation des préjudices dont elle soutenait qu'ils avaient été causés par la faute de M. [E], chirurgien, lors de l'intervention du 26 novembre 2012. Elle ne vise pas non plus à faire écarter les prétentions de l'intimé ou à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, n'invoquant aucun fait nouveau mais plutôt un rapport d'expertise antérieur, qui a fait l'objet d'une annulation.

En conséquence, il convient de déclarer cette demande d'une nouvelle expertise irrecevable.

II ' Sur la responsabilité du GHCA

En application de l'article L.1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie de ce code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute.

Il convient de souligner que, si chacune des parties critique certains aspects de l'analyse du professeur [G], expert, Mme [I] se limitant à ceux concernant les préjudices subis, alors que le GHCA évoque essentiellement la question de la responsabilité du docteur [E], dans le cadre de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012, aucune d'elles n'a émis de dire suite à la réception de son pré-rapport, ce qui n'a pas permis que soient discutés devant l'expert, dans le cadre d'une analyse médicale contradictoire, les points contestés.

Il en est ainsi du GHCA, qui soutient qu'en conséquence, les conclusions de ce rapport d'expertise ne peuvent être retenues et que les demandes de Mme [I] doivent être rejetées. Cependant, ses critiques du rapport d'expertise ne sont étayées par aucune pièce médicale et ses seules écritures ne peuvent bien évidemment suffire à remettre en cause l'analyse précise et motivée de l'expert, s'agissant de l'origine des séquelles de la patiente.

Or, cette expertise médicale a mis en évidence un défaut technique indéniablement fautif selon l'expert, dans la réalisation technique de l'intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [E] le 26 novembre 2012, précisément la résection du sommet du grand trochanter, site d'insertion distale du muscle moyen fessier, secondaire à une résection trop distale et trop horizontale du col fémoral. L'expert qualifie ce geste d'erreur chirurgicale manifeste et relève que, si le suivi ultérieur était adapté, cette complication était au-dessus de toute ressource thérapeutique conservatrice.

Ainsi, la résection du col fémoral ayant été trop basse et ayant emporté le sommet du grand trochanter, et donc l'insertion distale du muscle moyen fessier, elle a abouti à une inefficacité fonctionnelle définitive de ce muscle, elle-même responsable d'une boiterie définitive.

L'expert précise cependant qu'une réintervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier aurait pu être proposée, compte tenu de la gêne fonctionnelle importante, mais qu'elle n'a visiblement pas été évoquée par les différents praticiens consultés.

Contrairement aux allégations de l'intimé, aucun élément ne permet d'attribuer à une scoliose constitutionnelle la bascule du bassin de Mme [I], alors que les constatations de l'expert sont particulièrement claires, ce dernier s'appuyant sur la consultation et l'analyse précise du dossier médical de l'intéressée. Il reproduit notamment les clichés de la planification radiologique et virtuelle de l'intervention réalisée par le chirurgien et les clichés post-opératoires, qui permettent la comparaison du niveau de résection du col fémoral programmé, lequel préservait le sommet du grand trochanter, et de celui résultant de l'intervention, qui l'a emporté.

Il résulte des éléments ci-dessus que la faute médicale du chirurgien qui a pratiqué l'intervention chirurgicale sur la personne de Mme [I], relative à la mise en place d'une prothèse totale de hanche, est clairement caractérisée et qu'elle entraîne, en application des dispositions légales rappelées plus haut, la responsabilité de l'établissement, le GHCA et, par conséquent, l'obligation de ce dernier à assurer la réparation intégrale du préjudice subi par Mme [I], en conséquence de cette faute.

II ' Sur la réparation des différents préjudices subis par Mme [I]

Il convient de rappeler que le rapport de l'expertise précédemment réalisée par le docteur [H] ainsi que l'avis du professeur [D], intervenu en qualité de sapiteur dans le cadre de cette expertise, ont été annulés par le jugement du 25 janvier 2018, devenu définitif. Les parties ne peuvent donc en faire état à l'appui de leurs demandes et la cour ne peut s'y référer.

De plus, si Mme [I] critique désormais certains aspects de l'analyse de ses préjudices par le professeur [G], elle n'a émis aucun dire suite à la réception de son pré-rapport, ce qui n'a pas permis que soient discutés devant l'expert, dans le cadre d'une analyse médicale contradictoire, les points qu'elle conteste désormais.

Il y a donc lieu de se référer aux conclusions du rapport d'expertise du professeur [G] qui sont les suivantes.

L'expert évoque un préjudice consistant en la perte de chance d'obtenir une amélioration significative de son état antérieur grâce à l'intervention chirurgicale pratiquée.

Lors de l'examen de Mme [I], il constate en effet que la marche se fait sans canne, avec une nette boiterie gauche. La marche sur les pointes et les talons est impossible à gauche. L'accroupissement est allégué impossible. L'appui monopodal est instable à gauche.

Par ailleurs, il existe un allongement du membre inférieur gauche mesuré à 1 cm.

L'expert fixe la consolidation médico-légale au 1er avril 2014.

Sur les différents postes de préjudice, il conclut comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire :

* taux de 100 % du 25/11/2012 au 24/12/2012,

* taux de 50 % du 25/12/2012 au 14/04/2013,

* taux de 25 % du 15/04/2013 au 31/03/2014,

- souffrances endurées : 4/7,

- préjudice esthétique temporaire : 2,5/7,

- dépenses de santé actuelles : hospitalisation en service de chirurgie puis de rééducation et la rééducation jusqu'en mai 2014,

- pas de frais divers,

- sur le plan professionnel, il existe une dévalorisation indéniable de l'intéressée sur le marché du travail, bien que les séquelles fonctionnelles ne lui interdisent pas la reprise de son activité professionnelle antérieure,

- déficit fonctionnel permanent : 13 %,

- il n'existe pas de soins futurs à caractère certain et inéluctable ; une réintervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier (par exemple une reconstruction par allogreffe) pourrait être proposée,

- préjudice esthétique permanent : 2/7,

- pas de préjudice d'agrément mais perte de chance de reprendre des activités sportives ou de loisirs, telles que celle pratiquée antérieurement à l'affection en cause.

S'agissant de l'évaluation des préjudices subis, le professeur [G] conclut que la faute du chirurgien lors de l'intervention destinée à la pose d'une prothèse de hanche a causé à Mme [I] un préjudice consistant en la perte de chance d'obtenir une amélioration significative de son état antérieur. Cependant, les parties ne contestent pas l'appréciation du tribunal selon laquelle le préjudice subi par la patiente, du fait des séquelles consécutives à cette intervention, doit être réparé intégralement.

A- Préjudices patrimoniaux

1°) - Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

a) Dépenses de santé actuelles incluant les aides techniques

Le tribunal a retenu un montant de 529,52 euros de frais d'appareillage et d'aide technique, relevant que le montant de 70 euros mis en compte par Mme [I] au titre de la réparation de talonnettes devait être examiné dans le poste des frais divers. Il a observé qu'un montant de 81,80 euros avait été pris en charge par la CPAM et retenu des frais médicaux engagés par Mme [I] pour un montant cumulé de 255,68 euros, la CPAM ayant par ailleurs pris en charge des frais pharmaceutiques et de rééducation d'un montant total de 1 076,05 euros, outre des honoraires médicaux de 836,02 euros.

Le montant que le tribunal a alloué au titre des dépenses de santé actuelles s'élève donc à 2 697,27 euros dont 1 993,87 euros directement pris en charge par la CPAM.

Mme [I] sollicite la confirmation du jugement déféré concernant le montant de 599,52 euros, qui représente en réalité des frais de talonnettes de 420,44 euros, des frais de réhausseur de toilettes de 45 euros, des frais d'enfile-collant et d'enfile-bas de 34,30 euros, des frais de maintien orteils de 17,98 euros, ainsi que 81,80 euros de frais d'appareillage pris en charge par la CPAM.

Elle demande aussi un montant de 1 076,05 euros au titre des frais pharmaceutiques et de rééducation pris en charge intégralement par la CPAM, qui reprend elle-même son décompte initial, représentant la somme de 836,02 euros au titre d'honoraires médicaux et de 1 076,05 euros au titre de frais pharmaceutiques, d'appareillage et de rééducation.

Mme [I] sollicite également la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a alloué un montant de 295,72 euros au titre de frais de santé non remboursés (frais d'ambulances, d'orthèses plantaires, radiographie, consultations).

Le GHCA écrit que Mme [I] sollicite un montant de 10 000 euros au titre des dépenses de santé actuelles et futures, ce qui est inexact car elle ne met ce montant en compte qu'au titre des dépenses de santé futures. Il conclut au rejet de ses demandes, sauf celle relative au remboursement des frais divers constitués par un rehausseur de toilette et des appuis de douche et d'escalier.

En réalité, le GHCA conteste essentiellement les sommes mises en compte par Mme [I] au titre des dépenses de santé futures, mais il ne fournit aucune explication s'agissant de sa position relative aux dépenses de santé actuelles. Or, au vu des justificatifs produits par Mme [I] et du décompte de la CPAM, les demandes relatives à ce poste de préjudice sont fondées et il convient de retenir le montant de 2 807,31 euros au titre de ce poste de préjudice, dont 1 993,87 euros remboursés par l'organisme social, à verser à ce dernier, en réintégrant dans les dépenses de santé actuelles les frais de talonnettes de 70 euros que le tribunal a retenu au titre des frais divers.

b) Frais divers

Le premier juge a intégré au titre de ce poste de préjudice des frais de réparation de talons de 70 euros et des frais d'ambulance de 38,99 euros que Mme [I] avait mis en compte dans les dépenses de santé actuelles. Il lui a également alloué un montant de 1 153 euros représentant des frais exposés pour prendre part aux opérations d'expertise judiciaire, soit au total 1 261,99 euros au titre de ce poste de préjudice.

Mme [I] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu un montant de 1 153 euros au titre des frais de trajet, pour se rendre aux expertises judiciaires.

Le GHCA considère que les pièces produites par Mme [I] ne prouvent pas qu'elle s'est déplacée en taxi et qu'elle a exposé des frais d'hôtel pour se rendre à l'expertise.

Concernant les frais exposés pour les opérations d'expertise, Mme [I] produit des tickets de péage d'autoroute des 22-23 septembre 2014 (péages de [Localité 13], [Localité 6], [Localité 5]), du 15 octobre 2014 (péages de [Localité 9]-[Localité 10] ' [Localité 7], près de [Localité 12], aller/retour), du 21 novembre 2014 (péages de [Localité 13] ' [Localité 7], aller/retour) et des frais de taxi du 20 mars 2015 pour un trajet vers le Centre Hospitalier de [Localité 12].

Il est également produit un justificatif de frais d'hôtel pour la nuit du 22 au 23 septembre 2014, à [Localité 11], de petite restauration aux mêmes dates et quelques tickets de paiement de carburant.

Les justificatifs des trajets des 22-23 septembre 2014 et du 20 mars 2015 correspondent aux examens réalisés dans le cadre de la première expertise médicale, annulée par le jugement du 25 janvier 2018. Cette décision d'annulation ne change rien au fait que les frais nécessités par la réalisation de cette expertise ont été engagés par Mme [I], qui dès lors est fondée à les mettre en compte dans l'évaluation du préjudice relatif aux frais divers.

Les frais du 15 octobre 2014 et du 21 novembre 2014 ont manifestement trait à une IRM puis à une consultation auprès d'un chirurgien orthopédiste, toutes deux réalisées à [Localité 12], lesquelles ont donné lieu à des courriers et documents accompagnant un dire du conseil de Mme [I] au premier expert désigné, le docteur [H]. C'est à la suite de ce dire et de ces documents que cet expert a fait appel à un sapiteur. Ces démarches ont donc eu une utilité directe dans le cadre de cette expertise, dont l'annulation n'a aucun lien avec elles. Par ailleurs, les frais de carburant réclamés sont en cohérence avec les trajets en cause. Il est donc justifié d'allouer à Mme [I] la totalité des montants réclamés au titre de l'ensemble des trajets, ainsi que l'a retenu le tribunal, soit un montant total de 1 153 euros.

c) Perte de gains professionnels actuels

Le tribunal a alloué à Mme [I] un montant de 10 295,04 euros représentant des indemnités journalières sur une période de 448 jours écoulés entre le 28 décembre 2012 et le 20 mars 2014, soit avant la consolidation fixée le 1er avril 2014 par l'expert judiciaire, relevant que, si Mme [I] réclamait ce montant au titre de l'incidence professionnelle, ce qu'elle fait encore à hauteur de cour, il relevait d'une perte de gains professionnels actuels, laquelle avait été intégralement couverte par l'organisme social de la demanderesse.

Mme [I] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu ce montant, qui figure dans le décompte des prestations versées par la CPAM, le surplus de sa demande relevant effectivement de l'incidence professionnelle.

Le GHCA s'oppose à cette demande, sans explication particulière s'agissant de ce montant.

Si l'expert n'a pas mentionné de période d'arrêt de travail imputable à l'accident chirurgical du 26 novembre 2012, la période couverte par les indemnités journalières versées par la CPAM correspond à celle, antérieure à la consolidation, pour laquelle il a relevé un déficit fonctionnel partiel et lors de laquelle la capacité de Mme [I] à exercer son activité professionnelle n'apparaît pas établie. Au vu du décompte de l'organisme social, ce poste de préjudice doit être évalué, ainsi que l'a fait le premier juge, au montant de 10 295,04 euros qui est celui des indemnités journalières effectivement versées à Mme [I] avant la consolidation, du 28 décembre 2012 au 20 mars 2014.

2°) - Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

a) Dépenses de santé futures

Le tribunal a retenu un montant de 2 790,97 euros au titre des dépenses de santé futures mises en compte par la CPAM.

En revanche, il a rejeté la demande de Mme [I] au titre de frais futurs de piscine, kinésithérapie et cure thermale annuelle, au vu des conclusions du rapport d'expertise.

Mme [I] sollicite un montant forfaitaire de 10 000 euros, au titre de frais de cure thermale annuelle et de frais de kinésithérapie, destinées à entretenir le peu de mobilité de son corps et de frais de piscine mensuels afin de soulager ses douleurs, outre les frais restés à la charge de la CPAM, de 2 790,97 euros. Elle estime que son état de santé le justifie amplement.

Le GHCA s'oppose à cette demande et sollicite l'infirmation du jugement déféré sur ce point.

Ainsi que le tribunal l'a relevé, le professeur [G], expert judiciaire, a conclu qu'« il n'existe pas de soins futurs à caractère certain et inéluctable. Une réintervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier (par exemple une reconstruction par allogreffe) pourrait être proposée ».

Mme [I], qui n'indique pas avoir envisagé de recourir à une nouvelle intervention chirurgicale, telle que suggérée par l'expert, produit un certificat médical du Dr [T], médecin généraliste, du 31 août 2015, indiquant que son état de santé justifie d'une prise en charge en cure thermale annuelle, ainsi qu'un « bon pour kinésithérapie de rééducation des membres inférieurs » émis à la même date, aux fins de « réautonomisation à la marche », mentionnant « Séquelles fonctionnelles PTH Gauche, renforcement musculaire MID ».

Le rapport du professeur [G] mentionne, parmi les pièces portées à sa connaissance, un certificat du docteur [T] du 31 août 2015. C'est donc après examen de ce certificat médical qu'il a évalué le préjudice de Mme [I] relatif aux dépenses de santé futures. Or, il n'a évoqué nulle nécessité de cures ou de séances de kinésithérapie sur une longue période. De plus, il n'est démontré, ni que la cure thermale annuelle prescrite en 2015 se renouvelle effectivement chaque année, ni que les séances de kinésithérapie se soient poursuivies.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal n'a retenu qu'un montant de 2 790,97 euros au titre des dépenses de santé futures, revenant intégralement à la CPAM, ce montant représentant annuellement deux consultations chez un médecin généraliste, 6 boîtes d'un anti-douleurs adapté et une paire d'orthèses plantaires.

b) Frais de logement et de véhicule adapté

Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de Mme [I] au titre de ce poste de préjudice, relevant que le professeur [G] avait conclu que les autres chefs de préjudice invoqués par la demanderesse étaient « sans objet » et que Mme [I] ne versait au débat aucun autre élément de nature à établir que l'aménagement de son véhicule et de son logement était rendu nécessaire par les séquelles consécutives à l'intervention chirurgicale litigieuse du 26 novembre 2012.

Mme [I] sollicite un montant de 25 000 euros afin de pouvoir acheter un véhicule adapté, relevant que l'expert préconise l'acquisition d'une voiture automatique à assise plus haute, même s'il n'en relève pas le caractère obligatoire. Elle évoque la nécessité d'un tel véhicule afin de réduire ses douleurs à la conduite.

De plus, elle indique avoir dû changer de domicile, ne pouvant rester dans un appartement comportant des escaliers, et qu'elle devra à nouveau déménager car son logement actuel n'est pas tout à fait conforme à ses besoins. Elle devra équiper son domicile d'une douche accessible, accessible sans marche, et trouver un logement dépourvu d'escalier, sollicitant à ce titre un montant de 10 000 euros.

Le GHCA sollicite la confirmation du jugement qui a rejeté ces demandes, au motif que Mme [I] ne verse aucun justificatif aux débats.

Effectivement, l'appelante ne verse aux débats aucun justificatif de la nécessité des frais de relogement et de la nécessité, au vu de la configuration de son logement actuel, de frais d'aménagement de la douche, étant observé que, dans l'hypothèse du choix d'un nouveau logement, il est fort possible que celui-ci soit déjà équipé d'une douche accessible sans marche. Par ailleurs, elle ne démontre pas en quoi son éventuel futur logement serait plus coûteux et à quelles dépenses précises correspond le montant qu'elle réclame à ce titre. Il en est de même s'agissant d'un changement éventuel de véhicule. Enfin et surtout, alors que seul le rapport d'expertise du professeur [G] doit être pris en considération, il n'a pas retenu la nécessité de ces frais, qui n'a nullement été invoquée par Mme [I] lors de l'expertise, y compris par voie de dire suite à la réception du pré-rapport. Or, si ce poste de préjudice n'était pas inclus explicitement dans la mission de l'expert, ce dernier devait « donner son avis sur tous les autres chefs de préjudice qui seraient invoqués par la susnommée ».

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal n'a pas retenu ce poste de préjudice.

c) Perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle

Pour fixer le préjudice subi par Mme [I] au titre de l'incidence professionnelle au montant de 8 000 euros, le tribunal a relevé qu'au vu des conclusions du rapport d'expertise du professeur [G], il ne pouvait être sérieusement contesté que le préjudice invoqué par la demanderesse au titre de son incidence professionnelle était fondé en son principe, et ce quand bien même son licenciement était intervenu, selon une lettre datée du 29 janvier 2014, pour un motif étranger à sa situation de handicap.

Par ailleurs, si le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg avait jugé, dans sa décision du 26 avril 2016, que la requérante présentait un état d'invalidité réduisant au moins des deux tiers sa capacité de travail ou de gain, lui permettant de prétendre à l'attribution d'une pension d'invalidité de première catégorie, après avoir notamment adopté les conclusions de l'expert désigné par cette juridiction selon lesquelles les séquelles liées à l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012 conduisaient à une limitation de ses possibilités de gain, Mme [I] ne versait aucune pièce aux débats, de nature à préciser le chiffrage de l'incidence professionnelle dont elle se prévalait dans le cadre de ses dernières écritures, notamment pour ce qui concernait ses droits à la retraite à venir.

Mme [I], qui sollicite 50 000 euros au titre de ce poste de préjudice (s'ajoutant aux 10 295,04 euros pris en compte au titre de la perte de gains professionnels actuels), précise qu'elle doit encore travailler 18 ans avant de pouvoir faire valoir ses droits à la retraite. Elle invoque la nécessité d'allonger la durée de son activité professionnelle pour bénéficier de droits à la retraite à taux plein mais aussi une situation catastrophique sur le plan professionnel. Elle souligne en effet que, si son âge est un frein à la possibilité de retrouver un emploi, son handicap l'est encore davantage, d'autant plus qu'elle ne peut reprendre son activité de voyageur représentant placier (VRP) commercial antérieure et qu'une reconversion professionnelle s'impose. Elle souligne qu'elle présentait des produits d'entretien à usage industriel qui nécessitaient des manipulations et qu'elle devait se baisser régulièrement, transportant des charges lourdes.

Elle estime que l'expert n'a pas appréhendé la nature réelle de ses fonctions et que l'absence de pré-rapport ne lui a pas permis d'apporter des précisions.

Le GHCA s'oppose à toute indemnisation à ce titre, aux motifs que l'expert a constaté que la reprise de l'activité antérieure était possible et que, de plus, Mme [I] ne verse aucune pièce de nature à justifier le chiffrage de l'incidence professionnelle dont elle se prévaut.

En premier lieu, il convient de rappeler que, contrairement aux allégations de Mme [I], il résulte des termes du rapport d'expertise du professeur [G] du 23 octobre 2018 que celui-ci a adressé aux parties (précisément à leurs conseils respectifs) un « projet de rapport » le 5 septembre 2018 et qu'en l'absence de dire déposé le 15 octobre 2018, il a repris les conclusions de ce projet.

L'expert a indiqué précisément que, sur le plan professionnel, il existait une dévalorisation indéniable de l'intéressée sur le marché du travail, tout en relevant que les séquelles fonctionnelles ne lui interdisaient pas la reprise de son activité professionnelle antérieure.

Il résulte des écritures des parties et des pièces produites que Mme [I] a été licenciée de son emploi pour des motifs économiques selon une lettre de son employeur du 29 janvier 2014, quand bien même ce licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par un arrêt infirmatif de la cour du 14 décembre 2018. Il n'est pas contesté qu'elle occupait un emploi de VRP pour une société de vente de produits industriels et ses propos relatifs aux difficultés entraînées par des montées et descentes de son véhicule répétées au cours de la journée, ainsi que par le port et la manipulation de charges, sont parfaitement crédibles. Il est regrettable que ces difficultés n'aient pas été soumises précisément à l'appréciation de l'expert.

En tout état de cause, Mme [I] ayant perdu son emploi pour des raisons dont le lien avec les séquelles de l'intervention du 26 novembre 2012 n'est pas établi, elle se trouve inévitablement en difficulté pour retrouver un emploi stable, au vu de son âge mais aussi de la « dévalorisation indéniable » sur le marché du travail reconnue par le professeur [G]. Ce dernier a relevé qu'elle avait travaillé comme conseillère de vente pendant 8 mois, de fin 2016 à juin 2017, puis comme hôtesse d'accueil durant deux semaines en juillet et août 2017. Toutefois, Mme [I] ne produit aucun élément relatif à ces emplois et à ses recherches ultérieures.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et surtout des séquelles de l'intervention du 26 novembre 2012, notamment en termes de boiterie importante, d'équilibre sur le pied gauche, d'impossibilité de s'accroupir, Mme [I], dont il doit être relevé qu'elle était âgée de 54 ans lors de la consolidation, ayant désormais atteint l'âge de 62 ans, le préjudice relatif à l'incidence professionnelle résultant des séquelles de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012 a été justement évalué par le tribunal à 8 000 euros, et il convient donc de retenir ce montant.

B - Préjudices extra-patrimoniaux

1°) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

a) Déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Le tribunal lui ayant alloué à ce titre un montant de 5 197,50 euros, sur une base de 30 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire (DFT) de 100 %, Mme [I] sollicite un montant de 19 250 euros, soit 2 000 euros au titre du DFT de 100 %, 5 250 euros au titre du DFT de 50 %, et 12 000 euros au titre du DFT de 25 %.

Mme [I] fait notamment valoir, s'agissant de ce poste de préjudice, qu'elle n'a jamais été en mesure de reprendre son activité professionnelle, alors qu'elle était VRP commerciale et que, si elle a fait l'objet d'un licenciement économique, le choix de la licencier était en réalité motivé par son arrêt maladie de plusieurs mois, postérieurement à l'intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [E]. Si plusieurs postes de travail ont été proposés, ses contraintes physiques, l'impossibilité de porter des charges, de monter ou descendre de voiture 20 à 25 fois par jour, ont obéré sa situation professionnelle et ses chances de retrouver un emploi.

Elle indique n'avoir pu se rendre à l'inhumation de son père, dans le nord de la France, le 6 janvier 2013.

Le GHCA sollicite la confirmation du jugement déféré sur le montant alloué de 5 197,50 euros.

Les montants sollicités par Mme [I] ont pour base un montant journalier de 66,66 euros, qui apparaît largement excessif, le montant journalier de retenu par le tribunal étant conforme à la réalité du préjudice subi.

C'est pourquoi il convient de retenir l'évaluation du DFT effectuée par le tribunal, qui conduit, en distinguant selon les différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire, à allouer à l'appelante un montant total de 5 197,50 euros au titre de ce poste de préjudice.

b) Souffrances endurées

Le tribunal lui ayant alloué un montant de 14 000 euros en se fondant sur le taux retenu par l'expert de 4/7, Mme [I] sollicite une somme de 20 000 euros, indiquant devoir prendre 1 à 2 anti-inflammatoires par jour, voire plus lorsque la douleur est trop intense. Elle évoque notamment des douleurs permanentes dans le dos, comme des brûlures, le corps vrillant sur lui-même. Chaque geste mobilisant sa hanche est source de souffrance. De plus, les anti-inflammatoires entraînent des effets indésirables et des risques supplémentaires d'accidents vasculaires ou cardiaques.

Le GHCA offre de verser un montant de 2 500 euros.

Le professeur [G], expert, évaluant les souffrances endurées à 4/7, précise qu'elles recouvrent les douleurs liées à l'intervention chirurgicale et à la rééducation prolongée. Cependant, la réparation du préjudice relatif aux souffrances endurées inclut également celle des souffrances morales.

Il doit être précisé que les souffrances chroniques subies après la consolidation, qui sont celles que Mme [I] invoque principalement à l'appui de son appel, relèvent du déficit fonctionnel permanent.

Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a alloué à Mme [I] un montant de 14 000 euros au titre de ce poste de préjudice et il convient de confirmer le jugement déféré sur ce chef.

2°)- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

a) Déficit fonctionnel permanent

Se référant aux conclusions de l'expert évaluant le taux d'incapacité permanente à 13 % et au vu de l'âge de Mme [I], 54 ans, à la date de la consolidation, le tribunal, retenant une valeur du point de 1 800, a fixé ce poste de préjudice au montant de 23 400 euros.

Mme [I] rappelle que le docteur [H] avait retenu un DFP de 25 %, en indiquant avoir pris en compte la boiterie, la limitation du périmètre de marche, les difficultés à monter et descendre les escaliers, l'impossibilité de courir ou de s'accroupir normalement, mais aussi des douleurs résiduelles et leur retentissement psychologique. Or, le professeur [G] a réduit le taux de DFP à 13 %, sans motiver cette évaluation, aucun dire n'ayant pu lui être présenté en l'absence de pré-rapport.

L'appelante ne conteste pas que le rapport du docteur [H] a été annulé, mais elle rappelle que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert et elle évoque de nombreuses conséquences subies depuis la consolidation de son état. Si elle était, au jour de l'opération, en pleine force de l'âge, âgée de 52 ans, dynamique et sportive, elle s'est trouvée confrontée brutalement à un handicap irréversible, son état de santé ne pouvant de plus que se dégrader au fil du temps. L'usage d'une canne sera bientôt inévitable, quand bien même le professeur [G] ne s'est pas prononcé sur cette nécessité. Elle évoque également un bruit mécanique apparu récemment lorsqu'elle mobilise sa hanche ce qui l'inquiète très fortement. De plus, elle devra procéder au changement de sa prothèse, ce qui provoque un stress important.

Elle évoque également de grandes difficultés à se baisser, même pour ramasser un objet tombé au sol. Marcher sur un terrain plat plus de 30 minutes sans canne lui est très difficile et elle ne peut marcher sur un terrain irrégulier qu'avec des bâtons de marche pour une durée maximale de 30 minutes. Il lui est très difficile de mettre des collants ou des bas, de se couper les ongles des orteils, de s'habiller normalement. Elle a dû acheter des rehausseurs de toilette et doit dormir avec un coussin entre les jambes pour éviter toute luxation de la hanche.

Elle a dû déménager, ne pouvant plus vivre dans son appartement duplex qui comprenait deux escaliers et un total de 27 marches.

Elle évoque également des difficultés sur un plan professionnel.

Elle demande que soit retenue une valeur du point de 4 500 euros et un taux d'IPP de 25 %.

Le GHCA offre de verser un montant de 22 490 euros, en retenant une valeur du point de 1 730 et le taux de 13 % résultant de l'expertise du Pr [G].

Les mêmes observations que précédemment pouvant être formulées, s'agissant d'une part de l'impossibilité de se référer aux conclusions d'un rapport d'expertise annulé et d'autre part de la transmission d'un pré-rapport par le professeur [G], force est de constater qu'en tout état de cause, Mme [I] ne produit aucun élément postérieur au rapport définitif de cet expert, susceptible de remettre en cause ses conclusions relatives au déficit fonctionnel permanent.

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, l'expert a motivé le taux d'incapacité permanente retenu en évoquant un état antérieur dû à une coxarthrose gauche douloureuse et invalidante présentée par Mme [I] avant l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012, qui se caractérisait par des douleurs permanentes, une gêne à l'habillage, et un périmètre de marche limité à 10 minutes.

Le professeur [G] a relevé, s'agissant des plaintes de Mme [I], une gêne fonctionnelle permanente de la hanche gauche avec boiterie, douleur et raideur, une gêne notamment à l'habillage, au port de charges et dans les escaliers. Ses constatations lors de l'examen de l'intéressée ont été rappelées précédemment.

Au vu de l'âge de la victime lors de la consolidation de ses blessures, soit 54 ans, il y a effectivement lieu, comme l'a fait le tribunal, d'appliquer une valeur du point de 1 800 au taux de 13 % évalué par l'expert, ce qui conduit au montant de 23 400 euros qui apparaît satisfactoire, étant observé qu'aucun motif ne justifie non plus, comme le sollicite le GHCA, de le réduire à 22 490 euros.

b) Préjudice d'agrément

Après avoir rappelé que le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, dont il doit être justifié et qui doit être évoquée auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer la perte de la possibilité de cette pratique, le tribunal a retenu que Mme [I] ne contestait pas sérieusement l'absence d'activité sportive ou de loisirs à l'époque de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012 et qu'elle ne justifiait pas de la réalité de l'exercice antérieur et régulier d'une telle activité. Il a donc rejeté sa demande présentée à ce titre.

Mme [I] conteste le fait que l'expert n'ait retenu aucun préjudice d'agrément, alors qu'il relève que, si l'intervention chirurgicale avait réussi, elle aurait pu reprendre la marche à pied et la danse de salon, tout en soutenant que ses loisirs ne représenteraient pas des activités d'agrément caractérisées.

Elle indique justifier avoir toujours été une femme sportive, pratiquant régulièrement des randonnées pédestres, la danse, le patin à glace et le fitness.

Elle reprend également les constatations du docteur [H] et rappelle ne pouvoir se tenir sans soutien sur sa seule jambe gauche, tous sports lui étant désormais impossibles, même le vélo d'appartement.

Le GHCA s'oppose à toute indemnisation à ce titre, au motif que l'expert ne retient pas de préjudice d'agrément et que Mme [I] ne produit aucun justificatif démontrant la réalité d'une activité sportive ou de loisirs avant l'intervention, sauf des attestations de ses fils, qui ne sont nullement objectives.

Le professeur [G] n'a pas relevé de préjudice d'agrément au motif que Mme [I] ne pratiquait plus d'activité sportive ou de loisir à la période des faits litigieux, tout en observant qu'elle avait perdu, du fait du défaut technique constaté lors de l'intervention du 26 novembre 2012, une chance de reprendre des activités sportives ou de loisirs telles que celles qu'elle pratiquait antérieurement à l'affection en cause (marche, vélo, danse, raquettes, ski).

Il est certain que l'intervention chirurgicale litigieuse a eu lieu en raison d'une coxarthrose gauche invalidante et douloureuse, qui ne permettait plus à Mme [I] de se livrer à des activités sportives telles que celles mentionnées par l'expert. Or, à l'appui de sa demande portant sur ce poste de préjudice, l'appelante produit des attestations de ses fils. Si les auteurs de ces deux attestations ont un lien de famille étroit avec Mme [I], qui est leur mère, ces témoignages apparaissent suffisamment précis pour pouvoir cependant être pris en compte sans remise en cause de leur objectivité.

Ainsi, [J] [V] indique qu'elle allait danser, faisait du sport, notamment du vélo, du footing, beaucoup de randonnées longues et sinueuses, mais aussi qu'elle entretenait la maison toute seule (tonte de la pelouse, taille d'arbres et de haies, peintures intérieures et extérieures) et [L] [V] fait également état des tâches relatives à l'entretien de la maison évoquées par son frère, mais aussi de la pratique habituelle d'au moins une activité sportive pendant les trois quarts des week-ends de l'année, à savoir, footing, vélo et longues randonnées, ajoutant que sa mère avait l'habitude d'aller danser.

Ils mettent en évidence la pratique, par Mme [I], d'activités sportives d'une manière habituelle dont la privation excède celle qui est réparée dans le cadre de la réparation du préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent qui inclut notamment la perte de qualité de vie.

De plus, l'expert a bien relevé une perte de chance de Mme [I] de pouvoir reprendre les activités sportives pratiquées avant l'affection en cause.

Dès lors, cette perte de chance justifie la réparation du préjudice subi à ce titre et, contrairement au jugement déféré, il convient de retenir, au titre de ce poste de préjudice, un montant de 1 500 euros.

c) Préjudice esthétique permanent

Le tribunal, constatant que les prétentions formulées par Mme [I] portaient seulement sur le préjudice esthétique permanent et non temporaire, bien que l'expert ait aussi retenu un tel préjudice, lui a alloué à ce titre un montant de 4 000 euros, se référant au rapport d'expertise judiciaire qui a notamment retenu un préjudice esthétique permanent de 2/7.

Mme [I] soutient que le taux de 3/7 retenu par l'expert initial est sous-évalué, de même que celui de 2/7 retenu par le professeur [G]. Elle invoque un taux de 4/7, du fait d'une cicatrice de 13 cm à plusieurs couleurs, d'orteils déformés, d'une épaule plus basse, d'une prise de poids avec accumulation de graisse, d'une jambe plus grande que l'autre, d'une boiterie, des fesses, mollets et cuisses qui ne sont plus identiques et de l'obligation de port de semelles orthopédiques ou de talonnettes l'empêchant de porter autre chose que des chaussures plates.

Elle évoque de grandes difficultés à accepter cette nouvelle image d'elle-même.

Le GHCA offre de verser 2 000 euros, au vu du préjudice esthétique en lien avec l'intervention chirurgicale.

L'expert judiciaire, qui évalue le préjudice esthétique permanent à 2/7 indique que celui-ci recouvre la cicatrice chirurgicale et la boiterie. La cicatrice de la face latérale de la hanche gauche mesure 14 cm de long et l'expert mentionne qu'elle est de bonne qualité. Il existe également une amyotrophie de la fesse gauche et la boiterie gauche est importante. À ce titre, Mme [I] apparaît parfaitement crédible lorsqu'elle évoque dans un futur plus ou moins proche, la nécessité de s'aider d'une canne pour marcher.

Au vu de ces éléments, la fixation du préjudice esthétique permanent subi par Mme [I] au montant de 4 000 euros apparaît justifiée.

d) Préjudice sexuel et d'établissement

Le tribunal a retenu un montant de 3 000 euros, s'agissant des préjudices sexuels et d'établissement. Observant que l'expert n'avait pas retenu un tel chef de préjudice et que Mme [I] ne justifiait ni d'une atteinte à ses organes sexuels, ni d'une quelconque infertilité consécutive au fait dommageable, il a cependant considéré qu'alors que, lors de l'intervention chirurgicale litigieuse, elle était âgée de 52 ans révolus et déjà mère de deux enfants majeurs, le handicap physique dont elle souffrait désormais était de nature à rendre plus difficile la reconstruction d'une vie conjugale, notamment dans sa vie intime.

Le professeur [G] ne se prononçant pas sur le préjudice sexuel, Mme [I] se réfère aux motifs du jugement déféré sur ce poste de préjudice, mais elle conteste son évaluation par le premier juge, sollicitant un montant de 20 000 euros.

Elle souligne que l'expert judiciaire n'a pas évoqué le sujet durant l'entretien et qu'elle ne savait pas même qu'elle pouvait prétendre à l'indemnisation d'un tel préjudice.

Elle indique qu'elle ne se voit plus que comme une femme handicapée, qu'elle a perdu toute confiance en elle, pensant qu'elle ne pourrait plus plaire à personne, compte tenu de sa boiterie, des cicatrices et des douleurs qu'elle subit au quotidien, ce handicap physique entravant la reconstruction d'une vie conjugale.

Le GHCA s'oppose à toute indemnisation à ce titre, indiquant se référer au rapport d'expertise qui mentionne, à la rubrique « donner son avis sur tous autres chefs de préjudice invoqué par la susnommée », que ce chef de préjudice est sans objet.

A la lecture du rapport du professeur [G], il n'apparaît pas qu'un tel poste de préjudice ait été évoqué au cours des opérations d'expertise. Aucune atteinte morphologique relevée par l'expert n'étant susceptible d'avoir un retentissement à ce titre, il convient de souligner que Mme [I] évoque surtout une perte de confiance en sa capacité de plaire à un homme et à reconstruire une vie de couple, notamment sur le plan intime, et qu'au vu des conséquences psychologiques des séquelles physiques résultant de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012, il n'y a pas lieu de remettre en cause la véracité de ses propos sur ce point.

Au vu de ces éléments, le montant retenu par le tribunal apparaît adapté à la situation de Mme [I]. Il convient donc de le retenir.

C- Sur le montant récapitulatif des dommages et intérêts alloués

En considération des éléments ci-dessus, le préjudice de la victime sera liquidé comme suit :

Evaluations

Sommes revenant à la victime

Sommes revenant à la CPAM du Bas-Rhin

I-Préjudices patrimoniaux

A- Préjudices patrimoniaux temporaires

1) Dépenses de santé actuelles

2807,31

813,44

1993,87

2) Frais divers

1153

1153

0

3) Perte de gains professionnels actuels

10295,04

0

10295,04

B- Préjudices patrimoniaux permanents

1) Dépenses de santé futures

2790,97

0

2790,97

2) Frais de logement et de véhicule adaptés

0

0

0

5) Incidence professionnelle

8000

8000

0

II- Préjudices extra-patrimoniaux

A- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1) Déficit fonctionnel temporaire

5197,5

5197,5

0

2) Souffrances endurées

14000

14000

0

B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

1) Déficit fonctionnel permanent

23400

23400

0

2) Préjudice d'agrément

1500

1500

0

3) Préjudice esthétique permanent

4000

4000

0

4) Préjudice sexuel et d'établissement

3000

3000

0

TOTAL:

76143,82

61063,94

15079,88

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé quant au montant des sommes allouées à Mme [I], divorcée [V], en réparation de ses divers préjudices, en conséquence de la faute médicale commise lors de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012, et le GHCA sera condamné à verser à l'appelante la somme de 61 063,94 euros.

Ce jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné le GHCA à verser le montant de 15 079,88 euros à la CPAM, au titre des prestations sociales prises en charge dans le même cadre, sauf à rectifier l'erreur matérielle contenue dans le jugement quant à la date de l'intervention chirurgicale, qui a eu lieu le 26 novembre 2012 et non le 23 juillet 2012.

III ' Sur les demandes complémentaires de la CPAM du Bas-Rhin

Le GHCA s'opposant à la demande de réserve de droits de la CPAM concernant une éventuelle réintervention chirurgicale, aux motifs que Mme [I] ne conclut pas sur ce chef et que, par ailleurs, l'expert a conclu que le suivi postérieur à l'intervention chirurgicale était adapté, il doit être souligné tout d'abord que les observations de l'expert sur le caractère adapté du suivi postérieur à l'intervention du 26 novembre 2012 n'a aucun lien avec l'évocation d'une éventuelle nouvelle intervention envisageable à l'avenir. Il n'évoquait ce suivi que pour exclure tout lien de causalité éventuel avec les séquelles subies par Mme [I], divorcée [V].

L'expert évoque en effet la possibilité de pratiquer une « réintervention chirurgicale avec plastie tendineuse du moyen fessier (par exemple une reconstruction par allogreffe) », tout en observant qu'elle n'a visiblement pas été évoquée par les différents praticiens consultés.

Dès lors, peu importe que l'appelante n'ait pas encore pris position sur une telle nouvelle intervention, susceptible d'être envisagée ultérieurement. Si elle devait être pratiquée, elle serait en lien avec les séquelles causées par la faute technique du docteur [E] lors de l'intervention chirurgicale du 26 novembre 2012 et, dès lors, la demande de réserve de droits de l'organisme social est fondée. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il y a fait droit.

Par ailleurs, il convient également de confirmer ce jugement en ce qu'il a accueilli à hauteur de 1 080 euros la demande de la CPAM du Bas-Rhin relative à l'indemnité forfaitaire, qui est due en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

IV - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant partiellement confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

L'appel de Mme [I] étant partiellement accueilli et l'appel incident du CGCA étant rejeté, ce dernier assumera les dépens de l'appel et réglera à l'appelante un montant de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens engagés par cette dernière à hauteur de cour, ainsi que 1 000,00 à la CPAM du Bas-Rhin. Lui-même sera débouté de ses propres demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE irrecevable la demande de Mme [P] [I], divorcée [V], tendant à l'organisation d'une nouvelle expertise médicale,

RECTIFIE l'erreur matérielle contenue en page 8 et en page 20 du jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Colmar le 19 décembre 2019, en ce que la date de l'intervention chirurgicale réalisée par le docteur [E] sur la personne de Mme [P] [I], divorcée [V], est celle du 26 novembre 2012 et non pas celle du 23 juillet 2012,

CONFIRME le dit jugement, à l'exception des dispositions relatives au montant de l'indemnisation allouée à Mme [P] [I], divorcée [V],, au titre des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale fautive réalisée le 26 novembre 2012,

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,

CONDAMNE le Groupement Hospitalier du Centre Alsace - Hôpital [4] à verser à Mme [P] [I], divorcée [V], la somme de 61 063,94 euros (soixante et un mille soixante-trois euros et quatre-vingt-quatorze centimes) à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE le Groupement Hospitalier du Centre Alsace - Hôpital [4] aux dépens d'appel,

CONDAMNE le Groupement Hospitalier du Centre Alsace - Hôpital [4] à verser à Mme [P] [I], divorcée [V], la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Groupement Hospitalier du Centre Alsace - Hôpital [4] à verser à la CPAM du Bas-Rhin la somme de 1 000,00 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes du Groupement Hospitalier du Centre Alsace - Hôpital [4] présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'il a engagés en appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00625
Date de la décision : 27/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-27;20.00625 ?
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