MINUTE N° 237/2022
Copie exécutoire à
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
- Me Laurence FRICK
- Me Anne CROVISIER
Le 20 mai 2022
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 20 MAI 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00179 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HIOW
Décision déférée à la cour : 02 décembre 2019 par le tribunal de grande instance a compétence commerciale de MULHOUSE
APPELANTE et intimée sur incident :
S.N.C. FONCIER CONSEIL
ayant son siège social [Adresse 2]
représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.
plaidant : Me LEVY, avocat au barreau de Strasbourg
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [D] ET CHARLIER Prise en la personne de Maître [I] [D], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL COGEBA, COORDINATION ET GESTION DU BATIMENT, [Adresse 1], en liquidation judiciaire
ayant son siège social [Adresse 3]
représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour
INTIMEE et appelante incidente :
S.A.R.L. DSC [N] [L] CAZAUX exerçant sous le nom commercial DSC AGENCE RINCENT BTP EST
ayant son siège social [Adresse 4]
représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour
plaidant : Me BEKHEDDA substituant Me EL MAHI, avocat au barreau de Dijon
APPELEE en garantie et INTIMEE par provocation :
S.A.R.L. COMPETENCE GEOTECHNIQUE
[Adresse 7]
non représentée
assignée le 26 juin 2020 à la personne de sa gérante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller
Madame Myriam DENORT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction
ARRET réputé contradictoire
- prononcé publiquement après prorogation du 25 février 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES
La SNC Foncier conseil, qui appartient au groupe Nexity, a acquis, le 11 octobre 2004, de la commune d'[Localité 5], des terrains situés sur le versant Nord Est de la colline de l'Illberg, en vue de la réalisation d'un lotissement suivant arrêté portant autorisation de lotir du 27 avril 2004.
Préalablement à cette acquisition, la société Foncier conseil avait :
- le 25 novembre 2002 demandé à la SARL [N] [L] Cazaux exerçant sous le nom commercial DSC agence Rincent BTP Est (ci-après la société DSC Rincent BTP Est) d'analyser un rapport géotechnique établi par le cabinet Solen à la demande de la commune en 2001 et de prescrire éventuellement de nouveaux sondages ;
- régularisé avec la SA Jacquet-BEJ un contrat de maîtrise d'oeuvre pour l'étude et la réalisation des voiries et réseaux du lotissement ;
- confié le 20 mars 2003 à la société DSC Rincent BTP Est une mission d'étude géotechnique dont l'étendue exacte est discutée.
La société DSC Rincent BTP Est, qui avait sous-traité en partie cette mission à la société Compétence Géotechnique, a établi son rapport le 2 avril 2003.
Pendant la réalisation des travaux de voirie de la première tranche du lotissement une déformation du terrain a été constatée fin 2004 - début 2005. Des phénomènes de glissement de terrain se sont produits au cours de l'année 2006 causant notamment des dommages à l'immeuble des époux [N] qui était en cours de construction. La société DSC Rincent BTP Est a établi de nouveaux rapports d'études, à la demande de la société Foncier conseil, en mars, juin et octobre 2006.
Par ordonnance du 30 mai 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse a ordonné, à la requête des époux [N], une expertise confiée à M. [S] qui a déposé son rapport le 19 janvier 2017.
La commercialisation des lots s'est poursuivie, après réalisation de travaux de drainage, et la société Cogeba a acquis, le 2 avril 2009, les lots n° 50, 51 et 52, en vue de la construction de maisons jumelées. Elle a mené des opérations de terrassement en août 2009.
De nouveaux glissements de terrains sont survenus en décembre 2009, à la suite desquels la préfecture du [Localité 6] a fait procéder par la société BRGM à un diagnostic.
Par ordonnance du 2 février 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse saisi par les époux [P], acquéreurs d'un des lots, a ordonné une expertise confiée à M. [X], puis en ses lieu et place à M. [E]. Les opérations d'expertise ont été étendues à la société Compétence géotechnique. L'expert a déposé son rapport le 25 octobre 2010.
Le 2 novembre 2010, M. [U], acquéreur, a fait citer la société Foncier conseil devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Mulhouse en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Cette dernière a appelé en garantie la commune d'Altkirch, la société DSC Rincent BTP Est et l'EURL Cogeba. Les deux procédures ont été jointes.
Parallèlement, la société Foncier conseil a saisi la chambre commerciale du même tribunal d'une action en responsabilité dirigée contre l'EURL Cogeba et la société DSC Rincent BTP Est qui a appelé en garantie, son sous-traitant, la société Compétence géotechnique. Les deux procédures ont été jointes.
Par ordonnance du 26 avril 2012, le juge de la mise en état de la chambre civile a ordonné la disjonction de la procédure principale opposant M. [U] à la société DSC Rincent BTP Est de l'appel en garantie formé par cette dernière contre la société Compétence géotechnique et l'EURL Cogeba, et a renvoyé l'appel en garantie devant la chambre commerciale.
Suite à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'EURL Cogeba, Me [I] [D] a été appelée en cause en sa qualité de liquidateur.
Après jonction des procédures, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse, par jugement du 2 décembre 2019, a débouté la société DSC Rincent BTP Est de sa demande en nullité du rapport d'expertise de M. [E], débouté la société Foncier conseil de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée à payer respectivement, à la société DSC Rincent BTP Est, et à la société Cogeba représentée par son liquidateur, Me [D], la somme de 5 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté l'appel en garantie formé par la société DSC Rincent BTP Est contre la société Compétence géotechnique, et a condamné la société Foncier conseil aux entiers dépens, y inclus ceux de la procédure de référé expertise.
Pour écarter la demande de nullité du rapport d'expertise pour cause de partialité de l'expert, le tribunal a considéré que, si l'entreprise TP Géo, filiale du groupe Hydro Géotechnique dont M. [E] était salarié, était intervenue sur le chantier pour effectuer des relevés inclinométriques et topographiques, à la demande de la société Fondasol qui avait été mandatée par la société Foncier conseil pour la stabilisation du glissement de terrain, cette intervention était postérieure au dépôt du rapport d'expertise, et avait eu lieu à la demande de Fondasol et non de la société Foncier conseil, alors qu'il n'était nullement établi que ces relevés aient été réalisés par M. [E] ni même qu'à cette époque il ait été salarié de la société TP Géo.
Au fond, le tribunal après analyse des différents rapports d'expertise a considéré que l'origine exacte des glissements de terrain n'avait pas été clairement déterminée par les les experts désignés qui avaient évoqué différentes causes possibles ou aggravantes mais s'accordaient néanmoins pour considérer que la nature du sol expliquait ces phénomènes.
S'agissant de la responsabilité de la société DSC Rincent BTP Est, le tribunal a retenu que celle-ci était investie d'une mission de reconnaissance in situ avec sondages, de reconnaissance à ciel ouvert, et de conseil de type G0 + G12, ainsi que d'une mission G2 à G4, que cette mission avait été exécutée en 2003 alors que la zone n'était pas affectée par un glissement de terrain et que, selon l'expert, rien ne laissait supposer qu'il pouvait y avoir une zone d'instabilité majeure préexistante.
Il a considéré que la preuve d'une faute de cette société dans l'exécution de sa mission n'était pas caractérisée. Ainsi, si l'expert avait considéré que la société DSC Rincent BTP Est avait minimisé en 2006 l'importance du glissement de terrain et aurait dû inciter la société Foncier conseil à lancer une étude plus conséquente, il n'avait néanmoins pas caractérisé de faute précise, s'agissant des glissements de terrains survenus en 2006. S'agissant de ceux survenus en 2009, l'expert avait relevé que, dès 2007, la société Fondasol avait préconisé des dispositifs de drainage profonds avec drains sub-horizontaux ainsi que des investigations complémentaires, préconisations qui n'avaient pas été suivies puisqu'avaient été réalisés des drains superficiels, il n'avait toutefois pas relevé de manquements de la société DSC Rincent BTP Est lors de l'établissement de ses rapports de 2006.
S'agissant de la responsabilité de la société Cogeba, recherchée sur le fondement délictuel, le tribunal a considéré, au vu des conclusions de l'expert, qui avait considéré que les travaux avaient réactivé brutalement le phénomène de glissement mais ne l'avaient pas provoqué, qu'il n'était pas démontré que les travaux de terrassement qu'elle avait réalisés soient à l'origine du second phénomène de glissement de terrain, et qu'aucune faute qui lui soit imputable n'était établie.
*
La société Foncier conseil a interjeté appel de ce jugement le 6 janvier 2020, en toutes ses dispositions, intimant la société DSC Rincent BTP Est et la société Cogeba, représentée par son liquidateur.
Par conclusions transmises par voie électronique le 19 novembre 2020, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire les sociétés DSC Rincent BTP Est et Cogeba, cette dernière représentée par son liquidateur, responsables in solidum de l'ensemble des conséquences du sinistre affectant les terrains achetés et commercialisés par la société Foncier conseil sur la commune d'[Localité 5], et de les condamner in solidum au paiement des sommes de :
- 107 690,79 euros TTC au titre des frais de stabilisation du terrain tels qu'évalués par l'expert et autres frais divers, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- 695 228 euros au titre du coût d'acquisition des terrains, outre intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2004,
- 285 131 euros au titre de son préjudice commercial,
- 1 639 319,24 euros au titre de l'indemnisation des acquéreurs des terrains,
sauf à fixer à ces montants la créance de la société Foncier conseil au passif de la société Cogeba.
Elle sollicite en outre la condamnation in solidum de la société DSC Rincent BTP Est et de la société Cogeba, représentée par son liquidateur, au paiement d'une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens incluant les frais d'expertise judiciaire, et le rejet des demande et appels incidents adverses.
Elle considère que l'impartialité de l'expert judiciaire ne peut être remise en cause, la société TP géo ayant en effet été mandatée par la société Fondasol après appel d'offres, un an après le dépôt du rapport d'expertise.
Au fond, elle fait valoir que selon l'expert, le terrain bien que de mauvaise qualité n'était pas pour autant inconstructible, à condition de mettre en oeuvre des confortements, et qu'il a souligné que l'intervention de l'homme semblait avoir été maladroite ; que notamment, les travaux effectués suite aux glissements de terrain en 2004 et 2006 avaient été insuffisants pour traiter les glissements de terrains plus profonds, ce qui avait aggravé de manière irréversible un phénomène plus ou moins latent. Elle ajoute que l'expert ayant constaté que les glissements constatés en 2009 n'étaient pas stabilisés a préconisé de classer définitivement non aedificandi les lots de le seconde tranche du lotissement ainsi qu'un des lots de la première, et a prescrit des travaux de confortement, soit un préjudice de l'ordre de 2,5 millions d'euros selon l'expert.
S'agissant de la responsabilité de la société DSC Rincent BTP Est, bureau d'études spécialisé en matière géotechnique et géophysique, l'expert a relevé qu'elle s'était vu confier une mission goétechnique complète et qu'elle avait assuré une mission de conseil auprès du maître de l'ouvrage, et a retenu qu'elle aurait dû inciter la société Foncier conseil, après les premiers glissements de terrain de 2006, à lancer une étude plus conséquente en complément des contrôles insuffisants qu'elle avait réalisés, et que les travaux de drainage qu'elle avait préconisés étaient manifestement insuffisants, la société DSC Rincent BTP Est ayant minimisé l'ampleur des mouvements de terrain, et considéré qu'il s'agissait d'une succession de petits glissements alors qu'il s'agissait en réalité d'un glissement de fond tel que diagnostiqué ultérieurement par la société Fondasol.
La société Foncier conseil reproche à la société DSC Rincent BTP Est, dont la mission s'étendait selon elle à la faisabilité globale du projet, et dont elle a scrupuleusement suivi les préconisations, d'avoir minimisé le phénomène alors qu'elle était expressément chargée d'effectuer les diagnostics nécessaires, et de l'avoir induite en erreur, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.
Elle soutient que la société DSC Rincent BTP Est étant son maître d'oeuvre elle lui faisait entière confiance, et que, n'étant pas compétente en la matière, il ne peut lui être reproché d'avoir fait confiance à un maître d'oeuvre spécialisé dans un domaine extrêmement technique, notoirement compétent, et d'avoir appliqué ses préconisations au lieu de celles de la société Fondasol.
La société Foncier conseil considère que la responsabilité délictuelle de la société Cogeba, représentée par son liquidateur, qui est un promoteur, est aussi engagée pour avoir entrepris de manière brutale et hâtive, sans études préalables, des travaux de terrassement importants en pleine masse et en pied des glissements enlevant ainsi la butée de pied maintenant le sol, alors qu'elle n'ignorait pas que ses parcelles étaient situées dans le périmètre du glissement de 2006 et avait conscience des risques. Elle considère être également fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle pour avoir engagé les travaux sans étude de sols préalable, nonobstant les termes de l'acte de vente.
Par voie de conséquence, elle demande la condamnation des sociétés DSC Rincent BTP Est et Cogeba, in solidum, à l'indemniser de son préjudice, à savoir :
- le coût des travaux de stabilisation réalisés et réglés : 1 107 690,70 euros
- les montants réglés aux acquéreurs dans le cadre de transactions ou de procédures : 1 639 319,24 euros
- un préjudice commercial qu'elle évalue à 695 228 euros, cette somme correspondant à la part du prix d'acquisition des terrains de la seconde tranche et à la perte du bénéfice escompté à hauteur de 185 131 euros, puisque le prix de vente des terrains a dû être revu à la baisse, et des frais supplémentaires engagés, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait été dûment et correctement informée par la société DSC Rincent BTP Est, car elle n'aurait pas pris le risque d'acheter les terrains, qui au surplus ont été rendus inexploitables par les fautes conjuguées de la société DSC Rincent BTP Est et de la société Cogeba, représentée par son liquidateur,
- 100 000 euros pour atteinte à son image et à sa réputation
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Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 avril 2021, la société DSC Rincent BTP Est, forme appel incident et demande à la cour, à titre principal de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation du rapport d'expertise qu'elle réitère, et à la confirmation pour le surplus en ce qu'il a débouté la société Foncier conseil de ses prétentions dirigées contre elle. A titre subsidiaire, elle conclut au débouté des demandes de la société Foncier conseil, pour absence de faute de sa part, plus subsidiairement, au regard du caractère imprévisible du dommage constituant un cas de force majeure, et demande sa mise hors de cause. A titre infiniment subsidiaire, elle demande que la cour fixe les parts de responsabilité respectives incombant, à la société Foncier conseil, à la SAS Jacquet-BEJ et à la société Cogeba, représentée par son liquidateur et dise que la responsabilité de la société DSC [N] [L] Cazeaux ne saurait excéder 1%.
En cas d'infirmation du jugement sur le principe de sa responsabilité, elle forme appel provoqué contre la SARL compétence géotechnique et demande sa condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, y compris aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En toutes hypothèses, elle sollicite la condamnation in solidum de toutes les parties aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris les frais de l'expertise qu'elle à dû commander auprès de M. [M].
Sur la nullité du rapport d'expertise, la société DSC Rincent BTP Est bien que ne remettant pas en cause certaines des constatations et appréciations de l'expert, émet par contre des doutes sur son objectivité. Elle se fonde sur un rapport d'expertise privée établi le 22 août 2013 par M. [M], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Dijon, lequel met en évidence des fautes du maître d'oeuvre qui a laissé réaliser des travaux de terrassement alors qu'il disposait d'éléments faisant apparaître une instabilité de sols, du terrassier qui a stocké des terres en amont sur le site dans des conditions non-conformes aux règles de l'art, soulignant que la responsabilité de ces constructeurs avait déjà été mise en exergue dans les rapports de M. [S] et de la société BRGM, ainsi que la responsabilité de la société Foncier conseil qui avait conscience de ces erreurs stratégiques et a néanmoins laissé se poursuivre les travaux sans intervention d'un géotechnicien, or l'expert judiciaire n'évoque pas les fautes du maître d'oeuvre et du terrassier et ne retient pas non plus la responsabilité de la société Foncier conseil qui avait pourtant le devoir de s'assurer de la faisabilité de l'opération.
Elle s'interroge aussi, comme M. [M], sur la déontologie et l'éthique de M. [E] au regard de ses relations avec les sociétés TP Géo et Nexity dont il a manifestement voulu préserver les intérêts.
Sur sa responsabilité, elle conteste avoir eu une mission géotechnique globale pour l'ensemble du site et avoir participé à la conception de l'ouvrage ou à la surveillance des travaux. Elle prétend que la société Foncier conseil ne lui a confié qu'une mission d'étude géotechnique complémentaire de faisabilité des voiries au stade des pourparlers ayant précédés l'acquisition des terrains, s'agissant des seules missions G0 et G11. Elle prétend que la société Foncier conseil opère une confusion entre les missions ponctuelles et très ciblées lui ayant été confiées, et celle du maître d'oeuvre dont elle a suivi les prescriptions. Elle conteste avoir été investie d'une mission G12 de faisabilité des ouvrages.
Elle indique que les sondages qu'elle a effectués ont été aléatoires du fait de l'absence de remise de plans topographiques par la société Foncier conseil, et considère qu'aucune faute de sa part n'est caractérisée dans l'exécution de la seule mission voiries qui lui a été confiée.
Elle prétend que ce n'est qu'après le glissement de terrain de 2006 que la société Foncier conseil a mandaté la société Fondasol, en 2007, pour des missions G2 et G5, mais qu'elle n'a été informée ni de cette étude ni de ses résultats. Les notes qu'elle a établies en mars et juin 2006, mettaient en évidence les risques et la nécessité d'une étude globale, elle a par ailleurs alerté la société Foncier conseil, à plusieurs reprises, sur les risques mais ses préconisations, notamment pour l'implantation des voiries, n'ont pas été suivies par le maître de l'ouvrage, pas plus que celles du rapport Fondasol du 4 avril 2007, qui n'a pas été communiqué aux intervenants sur le chantier, ni aux acquéreurs des lots, lequel envisageait pourtant déjà de déclarer non aedificandi certains lots.
Elle considère que la société Foncier conseil, qui est un professionnel hautement qualifié, qui n'a pas tenu compte de ses recommandations et s'est abstenue de faire réaliser en temps utile une étude géotechnique complète, a pris un risque dont elle doit assumer les conséquences et que le second glissement de 2009 est la conséquence conjuguée de cette absence d'étude et de la réalisation de terrassements non conformes aux règles de l'art (suppression de la butée de pied).
Subsidiairement, la société DSC Rincent BTP Est invoque la force majeure considérant qu'au vu des différentes conclusions expertales le glissement litigieux pourrait constituer un aléa géologique non détectable.
Elle considère que la société Cogeba a également engagé sa responsabilité ainsi que le maître d'oeuvre et que seul une part de responsabilité minime pourrait être mise à sa charge. Elle discute enfin les montants sollicités et le lien de causalité et en toute hypothèse forme un appel en garantie contre son sous-traitant, la société Compétence géotechnique.
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Par conclusions transmises par voie électronique le 5 février 2021, la SELARL [D] et Charlier, en sa qualité de liquidateur de la société Cogeba, conclut au rejet de l'appel de la société Foncier conseil et des demandes dirigées contre elle, à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Foncier conseil aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conclut au rejet de l'appel incident subsidiaire de la société DSC Rincent BTP Est et sollicite également sa condamnation, à défaut celle de la société Foncier conseil, au paiement d'une indemnité de procédure de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique avoir acquis 3 lots du futur lotissement le 2 avril 2009 et avoir obtenu un permis de construire trois maisons jumelées, le 15 octobre 2009. Ce permis lui ayant été retiré le 11 janvier 2020, suite aux glissements de terrain, elle a sollicité la résolution judiciaire de la vente.
Elle fait siens les motifs du jugement et rappelle que l'expert a clairement indiqué que, si les travaux qu'elle a réalisés avaient réactivé brutalement le glissement de 2006, ils ne l'avaient pas provoqué. Elle reproche à la société Foncier conseil de lui avoir caché les informations dont elle disposait - rapport Fondasol de 2007 -, et soutient que ce n'est qu'en décembre 2009 qu'elle a
appris que ce rapport préconisait le classement des lots qu'elle avait acquis en terrains inconstructibles car ils se trouvaient dans un cône de glissement, ledit rapport n'étant pas joint à l'acte de vente.
Elle soutient que le fait qu'elle ait, de bonne foi, et en méconnaissance de ces éléments, débuté les terrassements avant même l'obtention du permis de construire est donc sans incidence sur la survenance du phénomène de glissement, n'ayant fait que réactiver involontairement un phénomène préexistant. Elle en veut pour preuve la survenance de nouveaux glissements de terrain en avril 2015 et avril 2016.
Elle réfute l'affirmation de la société Foncier conseil selon laquelle ses travaux de terrassement auraient été entrepris sans étude de sols préalable et reproche à celle-ci un dol par réticence.
En tant que de besoin elle conclut au rejet de l'appel incident subsidiaire de la société DSC Rincent BTP Est .
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La déclaration d'appel et les conclusions d'appel provoqué ont été signifiées à la SARL Compétence géotechnique par acte remis à la personne de sa gérante le 26 juin 2020.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.
MOTIFS
La société Compétence géotechnique, régulièrement citée à personne, n'ayant pas constitué avocat, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
Sur la nullité du rapport d'expertise
Au soutien de sa demande, la société DSC Rincent BTP Est met en cause l'impartialité objective de l'expert judiciaire, M. [E], du fait de ses liens avec les sociétés TP Géo et Nexity, et de lacunes manifestes de son rapport qui ne retient aucune faute imputable au maître d'oeuvre, au terrassier, ni aucune part de responsabilité à la charge du maître de l'ouvrage, à la différence des autres experts.
Sur les liens ayant pu exister entre l'expert judiciaire et les sociétés TP Géo et Nexity, le tribunal a très justement retenu que le fait que la société TP Géo, appartenant au groupe Hydro Géotechnique pour lequel travaille M. [E], ait été choisie en août 2011, suite à un appel d'offres lancé par la société Fondasol, pour effectuer des sondages sur le site en octobre et novembre 2012, soit un après le dépôt du rapport d'expertise, n'était pas de nature à influer sur l'impartialité de l'expert, dont il ne peut être soutenu qu'il aurait voulu
préserver les intérêts de sa cliente Nexity, en l'absence de preuve de relations d'affaires existant avec cette dernière avant cette intervention et avant les opérations d'expertise.
De même, si en cours d'expertise M. [E] a demandé à différentes entreprises, dont la société TP Géo, d'établir des devis pour le chiffrage du coût des travaux de confortement et de drainage à réaliser, aucune des parties n'a émis la moindre protestation, et notamment pas la société DSC Rincent BTP Est.
Pour le même motif, le fait que M. [E] n'ait pas estimé devoir retenir la responsabilité de la société Foncier conseil ne peut être considéré comme attestant d'un manquement à son devoir d'impartialité, contrairement à l'opinion de M. [M], expert privé.
Le fait que l'expert judiciaire n'ait pas retenu de faute à la charge de la société Jacquet-BEJ n'est pas non plus de nature à mettre en évidence un défaut d'objectivité de sa part, étant observé à cet égard que, contrairement à ce qui est soutenu, ni le rapport de M. [S], ayant eu pour mission de déterminer les causes du dommage ayant affecté la construction des époux [N] en mars 2006, ni la société BRGM qui, suite à un nouveau glissement de terrain survenu le 17 décembre 2009, avait été chargée par le Service interministériel de défense et de protection civile de la préfecture du [Localité 6] d'établir un diagnostic du phénomène et de fournir au maire de la commune d'[Localité 5] les recommandations nécessaires pour garantir la sécurité publique, n'ont expressément mis en cause la maîtrise d'oeuvre. En effet, M. [S] considère que « la cause du glissement est la nature même du sol », et que « le facteur déclenchant est, sans conteste, le dépassement de la teneur-limite en eau des marnes, à la suite des précipitations du 9 mars, qui ont entraîné la fonte des neiges tombées le 4 mars ». La société BRGM indique quant à elle qu'il apparaît que la zone située entre la [Adresse 9] et la [Adresse 8] se situe dans un contexte naturel favorable à l'apparition d'instabilités de type glissement de terrain, et que « les terrassements effectués en pied de versant (parcelles 285 et 287) semblent avoir réactivé un phénomène existant. Réactivation renforcée par des interventions sur le secteur qui ont pu également concourir à la manifestation des instabilités, notamment la mise en place de remblais en amont, surchargeant des terrains naturellement instables, ainsi que les modifications des écoulements naturels souterrains apportées par l'aménagement du site. », sans spécifiquement incriminer non plus la maîtrise d'oeuvre.
Il ne peut enfin être fait grief à M. [E] de ne pas avoir retenu la responsabilité de l'entreprise ayant effectué le terrassement des voiries, la société Colas, qui n'était pas partie aux opérations d'expertise, alors qu'aucune des parties n'a demandé à ce qu'elle soit attraite à la procédure, et que dans ses dires des 2, 6 et 21 septembre 2010, la société DSC Rincent BTP Est n'a formulé aucune remarque quant à la responsabilité éventuelle d'autres intervenants.
Il sera au surplus observé que tant M. [S] que la société BRGM évoquent seulement une possibilité que ces terrassements aient concouru à la survenance du dommage, M. [S] répertoriant 'la construction des voiries du lotissement qui a dû entraîner des contraintes dans le sol (léger surpoids, compaction)' comme un des « facteurs préalables pouvant avoir joué également un rôle dans ce glissement, sans qu'il soit possible de les hiérarchiser, ni même parfois de préciser s'il s'agit de facteurs aggravants ou minorants », et estimant que le stockage de terres à l'amont est notoirement insuffisant pour déclencher un glissement de terrain de cette ampleur, de sorte que contrairement à ce que soutient l'intimée, il ne ressort pas, avec évidence, de ces rapports d'expertise, l'existence de fautes commises par l'entreprise ayant effectué le terrassement des voiries, ou la maîtrise d'oeuvre.
Par voie de conséquence, le fait que l'expert n'ait pas retenu de manquements du maître d'oeuvre ou de l'entreprise en charge des terrassements qui relève purement d'une appréciation des responsabilités respectives, n'est pas de nature à caractériser un quelconque manquement de celui-ci à son obligation d'objectivité.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise.
Sur la responsabilité de la société DSC Rincent BTP Est
La société Foncier conseil recherche la responsabilité contractuelle du géotechnicien, lui reprochant une absence de mise en garde contre certains risques et de lui avoir donné des conseils inadaptés pour la conception ou la réalisation des ouvrages.
Les parties divergent quant à l'étendue de la mission confiée à l'intimée, la société Foncier conseil soutient en effet qu'elle était investie d'une mission géotechnique complète et qu'elle a assuré une mission de conseil auprès du maître de l'ouvrage, la qualifiant même de maître d'oeuvre, alors que la société DSC Rincent BTP Est prétend n'avoir pas été investie d'une mission G12 mais seulement d'une mission G11, de surcroît limitée aux voiries.
Le 20 mars 2003, la société Foncier conseil a accepté une proposition de complément d'étude géotechnique présentée par la société DSC Rincent BTP Est intitulée 'proposition d'étude géotechnique avec prédimensionnement G0 + G12', cette indication étant reprise dans le devis estimatif annexé qui vise également des missions G2 à G4. Toutefois, la rubrique n°2 intitulée 'mission proposée par DSC' indique qu'il s'agit d'une mission G0 et G11.
Le rapport d'intervention déposé par la société DSC Rincent BTP Est, le 2 avril 2003, intitulé 'étude complémentaire de voiries', précise qu'il correspond à la première partie de la mission et concerne la réalisation des voiries, ainsi que les problèmes liés aux sources et aux possibilités d'injecter les eaux superficielles dans le sol. Il précise que la société DSC Rincent BTP Est était chargée d'une mission G0 'exécution de forages et essais' suivie d'une étude de faisabilité géotechnique de type G12.
L'expert judiciaire a considéré que la société DSC Rincent BTP Est était investie en 2003 d'une mission G12 concernant les voiries, ainsi que d'une mission G4 de suivi pendant la réalisation des voiries et aménagements, dans le cadre de laquelle elle a donné ponctuellement des conseils au maître de l'ouvrage au fur et à mesure de l'avancement des travaux, soulignant que sa présence ne fut que ponctuelle pour aborder des problèmes géotechniques spécifiques. Dans sa réponse au dire n°4, l'expert précise que les données 2006/076 - expertise géotechnique du 24 mars 2006 révisée au 4 mai 2006 - et 2006/151 - rapport complémentaire du 2 octobre 2006 - correspondent à des missions G12.
La norme NFP 94/500 version juin 2000 définit la mission G0 comme 'l'exécution de sondages, essais et mesures géotechniques', la mission G11 comme une 'étude préliminaire de faisabilité' et la mission G12 comme une 'étude de faisabilité des ouvrages géotechniques (après une mission G11)'.
Nonobstant les indications contradictoires figurant dans les documents contractuels, il s'évince de ce qui précède que la société DSC Rincent BTP Est, qui l'admettait elle-même dans son rapport d'études complémentaires du 2 avril 2003, était investie d'une mission G12 concernant seulement les voiries, comme l'a retenu l'expert judiciaire, qui précise en outre que les contrats de vente avec les acquéreurs mettaient à leur charge la réalisation d'une nouvelle étude de sol, et que pour la construction des pavillons situés à l'amont (lot n°33 - époux [P] - et n°43 - époux [N] -) les bureaux d'études techniques chargés du dimensionnement des fondations ont respecté les prescriptions du rapport G11 du cabinet Solen.
Il ressort en effet des actes de vente versés aux débats, notamment celui par lequel la société Cogeba a acquis les lots 50, 51 et 52, le 2 avril 2009, que la société Foncier conseil déclarait que 'l'étude complémentaire de voiries' annexée à l'acte avait été effectuée en vue de la réalisation des travaux de viabilisation de l'opération, qu'elle permettait d'appréhender les caractéristiques dominantes du sol de l'opération mais qu'elle ne préjugeait en rien de l'adéquation du projet de construction à la nature du sol et du sous-sol, et qu'il appartenait à l'acquéreur de faire réaliser, à ses frais, une étude de sols spécifique à son projet, permettant d'en déterminer les conditions techniques et financières.
Si le courrier de la société DSC Rincent BTP Est du 17 juillet 2006 (pièce n°85 de l'appelante) évoque des préconisations concernant le remblayage, il se situe toutefois dans le cadre de la gestion des suites du sinistre de mars 2006, ayant donné lieu à l'expertise géotechnique du 24 mars 2006 révisée le 4 mai, ainsi qu'à une note de la société DSC Rincent BTP Est sur l'instabilité du terrain du 6 juin 2006 proposant une mission complémentaire, et à un courrier électronique de sa part du 5 mai 2006 évoquant la nécessité de procéder à des investigations complémentaires afin d'éviter un glissement de l'ensemble de la zone et des ruptures de canalisations, et non pas dans le cadre d'une mission globale de faisabilité du lotissement, ce courrier renvoyant d'ailleurs à une nouvelle mission pour laquelle un devis devait être soumis à l'acceptation du maître de l'ouvrage. Le message de la société Foncier conseil du 3 avril 2006 transmettant à des intervenants des recommandations de M. [L], dont la teneur n'est pas au demeurant précisée (pièce n°86 de l'appelante), se situe dans le même cadre d'intervention puisqu'il a pour objet 'sinistre [Localité 5]'.
Il apparaît ainsi que la mission initiale de la société DSC Rincent BTP Est se limitait à la seule faisabilité des voiries, et qu'elle a été complétée en 2006 par une mission d'expertise du sinistre survenu début mars 2006 (déformation de terrain, faïençage de la route et glissement de terrains au droit des lots 52/53 et 33/45), de sorte qu'il ne peut être soutenu, comme l'affirme la société Foncier conseil, que l'intimée aurait été investie d'une mission géotechnique 'complète' et d'une mission de conseil auprès du maître de l'ouvrage au fur et à mesure de l'avancement des travaux, voire d'une mission de maîtrise d'oeuvre qui aurait inclus tous les aspects géotechniques relatifs à la conception ou la réalisation des ouvrages.
L'expert n'a relevé aucun manquement de la société DSC Rincent BTP Est au stade de sa mission initiale, indiquant que, à cette époque, rien ne pouvait laisser supposer à cette dernière ou à son sous-traitant, Compétence géotechnique, qu'il pouvait y avoir une zone d'instabilité majeure préexistante, soulignant également que les points de sondage de son étude, comme ceux du cabinet Solen, n'avaient pas permis de faire d'investigations dans la totalité de la zone concernée par le futur lotissement puisqu'une partie des terrains était privée et n'avait pas encore été acquise par la société Foncier conseil.
L'expert considère également, sans être contredit, que l'épisode de 'glissement' qui s'est produit fin 2004-début 2005 à l'arrière du garage Peugeot, pendant l'aménagement des voiries, est sans rapport avec les phénomènes constatés.
La responsabilité de la société DSC Rincent BTP Est ne peut dès lors être, le cas échéant, recherchée que pour le glissement de terrain de 2009 et ses conséquences.
M. [E] attribue l'origine de ce glissement de terrain à une réactivation du glissement qui s'était produit en 2006 suite à des terrassements en pied de colline, compliquée par la rupture d'une canalisation d'eau en mars 2006, et indique que la réactivation du glissement est sans équivoque liée à la suppression de la butée de pied lors des travaux d'excavation des parcelles 50 à 52 en situation météorologique défavorable.
Il considère que « en 2006, la société DSC Rincent BTP Est, a priori, semble avoir minimisé l'importance du glissement de terrain et aurait dû inciter NEXITY FONCIER CONSEIL à lancer une étude plus conséquente en complément des contrôles au pénétromètre et de la géophysique réalisés. ». L'expert ajoute cependant que « la définition des travaux de drainage était au regard de l'ampleur du glissement insuffisante, mais conforme à l'analyse faite par DSC RINCENT BTP puisque le géotechnicien considérait qu'il s'agissait d'une succession de petits glissements de peau, mais il soulignait également le 05/05/2006, que si rien n'était effectué, il y avait un risque de glissement d'ensemble de la zone. FONDASOL par contre préconisait des drainages profonds et des sondages complémentaires ainsi que le classement de la zone en non constructible. Les préconisations de ce dernier auraient dû être suivies. »
L'expert observe également, en page 46 de son rapport, qu'après les premiers épisodes de glissements de terrain de 2006, la société Foncier conseil aurait dû faire réaliser une étude géologique complète telle que celle confiée à Fondasol en 2009.
La société BRGM évoquait quant à elle, s'agissant de l'origine du glissement de terrain de 2009, la réactivation d'un phénomène naturel préexistant favorisée par des interventions sur le secteur qui avaient pu également concourir à la manifestation des instabilités, notamment la mise en place de remblais en amont, surchargeant des terrains naturellement instables, ainsi que les modifications des écoulements naturels souterrains apportées par l'aménagement du site.
Aux termes de son rapport du 2 octobre 2006, la société DSC Rincent BTP Est relevait que les terrains étaient médiocres en tête, qu'une loupe de glissement relativement superficielle s'était produite dans la zone comprenant les lots 33, 42, 43, 45 à 48 et 50 à 53 et indiquait que tous les travaux dans cette zone devraient respecter les règles de l'art, et préalablement faire l'objet d'une étude géotechnique.
Elle préconisait le captage des eaux de ruissellement et le déchargement des zones dont les écoulements de subsurfaces ont été perturbés lors des travaux par un système de drains verticaux. Elle demandait enfin à être associées aux travaux de confortation et aux décisions prises, et précisait que, si des éléments nouveaux devaient apparaître, il était impératif de lui en rendre compte sans tarder pour avis.
Par courrier électronique du 1er décembre 2006, le gérant de la société DSC Rincent BTP Est indiquait avoir été appelé, suite à un démarrage de glissement lié à des travaux de terrassement de voiries, avoir appris que la zone avait fait l'objet de travaux de déboisement et de démolition d'un bunker, et découvert la nature des travaux de voirie qui ont engendré une modification des profils d'équilibre du terrain, indiquant qu'il serait nécessaire de faire réaliser une étude complémentaire pour vérifier la stabilité du site, en fonction des travaux réellement effectués.
Le 5 mars 2007, la société Foncier conseil, après dépôt par M. [S] de son rapport d'expertise concernant les dommages affectant la maison des époux [N], commandait à la société Fondasol une mission de diagnostic géotechnique de type G5 concernant l'impact des glissements de terrain affectant le lotissement sur le bâti déjà en place ou à venir et les solutions éventuelles de confortation pour y remédier. Aux termes de son rapport daté du 4 avril 2007, la société Fondasol préconisait, notamment, un drainage profond par drains agricoles disposés en arrêtes de poissons ainsi qu'un drainage sub-horizontal et considérait que la réalisation de drains superficiels ou trop espacés ne solutionnerait pas le problème. A titre de recommandation préventive, elle préconisait, notamment, de déclarer momentanément non aedificandi les parcelles 33, 42, 43 et 45 à 52 et la réalisation d'études de sols pour chacun des différents lots.
Il est constant que la société DSC Rincent BTP Est n'a eu connaissance des termes de ce rapport qu'au cours des opérations d'expertise judiciaire. Ce rapport n'a pas davantage été annexé par la société Foncier conseil aux actes de vente du lot n° 33 aux époux [P] le 23 mai 2008, et des lots n° 50, 51 et 52 à la société Cogeba, le 2 avril 2009.
Il s'évince de l'ensemble de ces constatations que, si il peut être reproché à la société DSC Rincent BTP Est, qui n'était pas investie d'une mission géologique et géotechnique globale de l'ensemble du projet, d'avoir, dans le cadre de sa mission de diagnostic faisant suite aux glissements de terrain de 2006, minimisé l'ampleur du phénomène et préconisé des mesures insuffisantes, cette faute n'est toutefois pas en lien de causalité direct avec la survenance du dommage de 2009, puisqu'ayant été informée d'un nouvel épisode de glissement elle avait attiré l'attention du maître de l'ouvrage, dès le 1er décembre 2006, sur la nécessité de faire réaliser une étude complémentaire pour vérifier la stabilité du site, que la société Foncier conseil s'abstenait toutefois de faire réaliser une étude géologique complète comme l'a relevé l'expert, et qu'après avoir confié la réalisation d'un diagnostic à un autre géotechnicien, elle omettait délibérément non seulement d'informer la société DSC Rincent BTP Est des conclusions de ce rapport, mais faisait surtout le choix de les ignorer et de réaliser les travaux de drainage tels que préconisés en octobre 2006 par l'intimée, en parfaite connaissance du risque qu'ils soient insuffisants pour remédier à tout nouveau glissement de terrain.
La société Foncier conseil, qui a estimé devoir confier un diagnostic à un géotechnicien dont les conclusions étaient divergentes de celles de la société DSC Rincent BTP Est et de nature à l'alerter, puisque la société Fondasol estimait qu'un certain nombre de lots devaient être, à tout le moins provisoirement, considérés comme inconstructibles, ne peut sérieusement soutenir s'en être légitimement remise aux préconisations du prestataire qu'elle avait initialement consulté en qui elle avait entière confiance, alors qu'elle ne l'avait pas même informé des conclusions dudit rapport.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation dirigée contre la société DSC Rincent BTP Est, l'appel en garantie formé par cette dernière contre son sous-traitant la société Compétence géotechnique, étant par voie de conséquence sans objet.
Sur la responsabilité de la la société Cogeba représentée par son liquidateur
La société Foncier conseil recherche sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382, ancien du code civil pour avoir entrepris, avant même d'avoir obtenu un permis de construire, des travaux de terrassement importants en pleine masse ayant consisté à supprimer la butée de pied maintenant le sol, sans précaution et sans étude préalable. L'appelante considère que la responsabilité de la société Cogeba, dont elle souligne la qualité de professionnel de la construction, peut également être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour avoir effectué les travaux sans étude sérieuse préalable alors que l'acte de vente lui imposait de le faire.
La SELARL [D] et Charlier, ès qualités, approuve les motifs du jugement et conteste toute faute de la société Cogeba quel que soit le fondement retenu, arguant de ce qu'elle a été tenue dans l'ignorance des conclusions du rapport Fondasol et de l'inconstructibilité préconisée des terrains qu'elle a acquis.
L'expert judiciaire indique que la société Cogeba a réalisé des terrassements conséquents en pleine masse, en pied de glissement et a de fait enlevé la butée de pied maintenant ce glissement « fossile », et ajoute que « la réactivation du glissement de terrain est nécessairement déclenchée par ces terrassements » dont il souligne qu'ils ont été effectués sans dispositifs préliminaires de soutènement alors que les déblais étaient de l'ordre de 4 à 5 m, et que la société Cogeba n'ignorait pas que les parcelles étaient situées dans la zone du glissement observé en 2006. L'expert précise toutefois, comme l'a relevé le tribunal, « il est clair que le terrassement simultané des trois lots a massivement supprimé la butée de pied, cependant il n'est pas évident qu'avec un terrassement par plots sans confortements importants, la réactivation du glissement n'aurait pas été aussi intense. Sur un terrain normal ce type de terrassement aurait peut-être déterminé de petites déformations à l'amont. Ici c'est la préexistence d'un glissement important qui fut le facteur aggravant, déclenché par l'excavation. Les travaux ont donc réactivé brutalement le glissement mais ne l'ont pas provoqué, comme le soulignent les cicatrices à l'amont du glissement positionnées exactement aux mêmes endroits que celles observées lors de l'épisode de 2006. »
Comme l'a relevé l'expert, la circonstance que la société Cogeba ait débuté les travaux de terrassement avant l'obtention d'un permis de construire est sans incidence, dès lors que ce permis a été obtenu, et que les mêmes travaux engagés après obtention de cette autorisation administrative, auraient eu inévitablement les mêmes conséquences.
S'il résulte des conclusions expertables, qui sur ce point sont conformes à l'analyse de la société BRGM, que les travaux de terrassement de la société Cogeba ont réactivé un phénomène naturel préexistant, et si ces travaux ont manifestement été entrepris sans étude de sol préalable, nonobstant l'affirmation de la société Cogeba qui n'est corroborée par aucune pièce, cette dernière est toutefois fondée à invoquer, pour s'exonérer de sa responsabilité, la faute de la société Foncier conseil ayant consisté à lui avoir cédé les parcelles en cause sans l'informer des conclusions de l'étude de sols réalisée deux ans plus tôt par la société Fondasol qui évoquaient un glissement profond et recommandait notamment de déclarer les parcelles en question non constructibles, et sans avoir a minima fait réaliser les travaux confortatifs préconisés dans cette étude.
Par voie de conséquence, en vendant comme terrains à bâtir des parcelles dont elle savait qu'elles présentaient un risque sérieux de glissement de terrain au point de les rendre inconstructibles, sans en avertir l'acquéreur, fût-il un professionnel de la construction, et sans avoir fait procéder aux travaux de confortement nécessaires, la société Foncier conseil a pris le risque que se produise un nouveau glissement de terrain, l'expert judiciaire n'excluant pas ce risque même en cas de travaux de terrassement réalisés par plots conformément aux règles de l'art, les parcelles acquises par la société Cogeba se situant dans le cône de glissement, cette attitude fautive, qualifiée de 'turpitude', par la société Cogeba, exonérant cette dernière de sa responsabilité.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé en tant qu'il a rejeté la demande de la société Foncier conseil dirigée contre la société Cogeba, quel qu'en soit le fondement.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Foncier conseil, qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens d'appel, et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera par contre alloué, sur ce fondement, à la société DSC Rincent BTP Est d'une part, une somme de 5 000 euros incluant les honoraires de l'expertise privée à laquelle elle a fait procéder, et à la SELARL [D] et Charlier en sa qualité de liquidateur de la société Cogeba d'autre part, une somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse, chambre commerciale, du 2 décembre 2019, en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE la SNC Foncier conseil de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la société Foncier conseil aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SARL [N] [L] Cazaux exerçant sous le nom commercial DSC agence Rincent BTP Est d'une part, la somme de 5 000 € (cinq mille euros), et à la SELARL [D] et Charlier, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Cogeba d'autre part, une somme de 3 000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont exposés en appel.
Le greffier,La présidente,