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19/05/2022 | FRANCE | N°21/03168

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 mai 2022, 21/03168


MINUTE N° 239/2022





























Copie exécutoire à



- Me Joseph WETZEL



- Me Christine BOUDET





Le 19/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 19 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03168 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBE



D

écision déférée à la cour : 29 Juin 2021 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE STRASBOURG





APPELANTE :



La S.A. SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]



représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cou...

MINUTE N° 239/2022

Copie exécutoire à

- Me Joseph WETZEL

- Me Christine BOUDET

Le 19/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03168 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUBE

Décision déférée à la cour : 29 Juin 2021 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A. SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [L] [E]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 12 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les héritiers de [C] [E], décédé le 14 août 2012, ont conclu, le 28 novembre 2012 auprès de la société Swiss life assurances de biens, un contrat d'assurance habitation à effet au 27 novembre 2012 pour une maison de 3 pièces principales à usage d'habitation constituant leur résidence secondaire, située [Adresse 2] (67).

Le 2 octobre 2017, un incendie est survenu, qui a été déclaré le même jour à la compagnie, laquelle a missionné un expert le 3 octobre 2017 ; un procès-verbal d'expertise contradictoire a été signé le 3 janvier 2018 par l'expert de la société Swiss Life (cabinet Polyexpert) et celui des assurés (cabinet Alex), indiquant que 'le risque est non conforme' et fixant le montant des dommages.

Par acte d'huissier du 23 novembre 2020, M. [L] [E], indiquant être le fils de [C] [E] et son héritier, avec [T] et [J] [E], a assigné devant le tribunal judiciaire de Strasbourg la société Swiss life assurances de biens ; il a sollicité sa condamnation à payer à 'M. [L] [E], représentant la succession', l'indemnité correspondant au dommage chiffré par l'expert suite au sinistre, précisant qu'une procédure de partage judiciaire était en cours.

La société Swiss life assurances de biens a saisi le juge de la mise en état d'une demande en nullité de l'assignation, pour défaut de capacité de la succession d'ester en justice, et, subsidiairement, de fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut de qualité à agir.

Par ordonnance du 29 juin 2021, le juge de la mise en état a rejeté les demandes de la société Swiss life assurances de biens et dit que les dépens suivraient le sort de ceux de l'instance au fond.

Il a rappelé que dans le dispositif de l'assignation, il était sollicité le paiement à M. [E], personne physique, et non à l'indivision, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à nullité de cet acte pour défaut de capacité d'ester en justice.

Sur la prescription, il a jugé que le délai de prescription biennale avait été interrompu le 3 octobre 2017 par la désignation de l'expert et que l'assureur avait accepté le principe de sa garantie avant l'expiration du délai, selon courrier de la SARL Alex du 17 septembre 2019, lequel rappelait que le procès-verbal avait constaté un accord sur le montant des dommages, que la compagnie avait décidé d'appliquer une pénalité de 32 % et qu'elle avait fait une offre d'indemnité de 208 000 euros en un versement.

Sur la qualité à agir, le juge de la mise en état a indiqué que le demandeur justifiait de cette qualité puisqu'il était héritier et que, selon l'article 724 du code civil, tout héritier est fondé, même sans le concours des autres indivisaires, à exercer toutes les actions de son auteur.

*

La société Swiss life assurances de biens (ci-après la société Swiss life) a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 7 juillet 2021.

Par conclusions du16 novembre 2021, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, et de :

- prononcer la nullité de l'assignation,

- subsidiairement, déclarer 'M. [E] irrecevable comme prescrit et/ou dépourvu de qualité',

- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- sur la nullité de l'assignation que : le demandeur ne prétend pas agir pour son compte personnel mais en qualité de représentant de la succession, alors que celle-ci n'a pas la personnalité juridique et qu'il s'agit d'une nullité de fond, laquelle ne nécessite pas de grief et ne peut être régularisée,

- sur la prescription que :

* le délai a été interrompu le 3 octobre 2017, sans être suspendu pendant l'expertise amiable,

* aucune reconnaissance par elle du droit de l'assuré au sens de l'article 2240 du code civil n'est intervenue, relevant que la lettre, d'où le premier juge l'a tirée, émane de l'expert de l'assuré et qu'elle relate des pourparlers transactionnels qui n'ont pas d'effet interruptif ou suspensif,

* la lettre recommandée de l'assuré du 25 septembre 2019 n'a pas non plus interrompu le délai, se bornant à demander la transmission de l'offre transactionnelle sans demander paiement de l'indemnité ;

*de surcroît, la lettre litigieuse a été expédiée pour le compte et dans l'intérêt exclusif de M. [E], de sorte qu'elle ne saurait bénéficier à la succession ;

- sur la qualité à agir que :

* l'article 724 du code civil ne s'applique pas, le sinistre étant intervenu après le décès de l'auteur de M. [E], de sorte que son auteur ne disposait d'aucun droit d'action à l'encontre de l'assureur et qu'il n'a pu le lui transmettre,

* l'immeuble est toujours en indivision, de sorte que l'indemnité d'assurance serait indivise et que tous les co-indivisaires doivent exercer l'action, qui n'est pas purement conservatoire alors que l'indemnité est discutée dans son principe et son montant, relevant que M. [E] ne justifie pas d'un mandat de représentation spécial et que la seule modalité de versement de l'indemnité serait entre les mains du notaire, mentionné sur la police comme domicile de l'indivision 'preneuse d'assurance.'

*

Par conclusions du 25 novembre 2021, M. [E] sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet des demandes de l'appelante, outre sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

- sur la nullité de l'assignation que : il est bien fondé à agir seul en tant qu'indivisaire et non de représentant de la succession, s'appropriant les motifs du premier juge,

- sur la prescription que :

* le délai a été interrompu par la mise en demeure adressée par lettre recommandée du 25 septembre 2019 qui concerne le règlement de l'indemnité, ce qui suffit, selon l'article L114-2 du code des assurances, même si elle ne contient pas de demande en paiement, puisqu'il est demandé de transmettre l'offre d'indemnité en vue de son paiement et que tout indivisaire peut interrompre la prescription au profit de l'ensemble de l'indivision,

* la société Swiss life a accepté le principe de sa garantie selon courrier du 17 septembre 2019 comme retenu par le premier juge ;

- sur la qualité à agir que : tout indivisaire peut agir seul sans mandat spécial (article 724 du code civil) et prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis (article 815-2 alinéa 1).

*

Par ordonnance du 30 août 2021, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 10 mars 2022 par la présidente de chambre.

MOTIFS

Sur l'exception de nullité de l'assignation

M. [E] a engagé seul une action en paiement de l'indemnité d'assurance à la suite d'un sinistre subi par un immeuble appartenant à l'indivision successorale, même s'il a indiqué demander que cette indemnité lui soit allouée comme 'représentant la succession'.

Conformément à l'article 815-2 du code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.

L'action engagée est un acte conservatoire, de sorte que M. [E], en qualité d'indivisaire, pouvait assigner seul la société Swiss life en agissant pour le compte de l'indivision successorale.

L'assignation n'est donc pas entachée de nullité pour défaut de capacité de son auteur du fait du défaut de personnalité juridique de l'indivision.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée, en ce qu'elle a rejeté cette exception.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l'article L.114-1, alinéa 1, du code des assurances, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

En application de l'article L.114-2 du même code, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre ; l'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

Parmi les causes ordinaires d'interruption, figure la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, prévue par l'article 2240 du code civil ; cette reconnaissance formulée par l'assureur doit être dépourvue d'équivoque pour avoir un effet interruptif de la prescription.

Il en résulte, en l'espèce, que la prescription a été interrompue une première fois le 3 octobre 2017, date du courrier de la société Swiss life désignant l'expert, sans être suspendue pendant l'expertise amiable, ni interrompu ensuite par le procès-verbal d'expertise, lequel ne contient aucune reconnaissance d'indemnité par l'assureur.

Si le premier juge a considéré que la société Swiss life avait accepté le principe de sa garantie, selon courrier du 17 septembre 2019, il s'agit d'un courrier émanant de la SARL Alex, qui est le propre expert de M. [E], de sorte que la référence qu'y fait cet expert à l'offre d'indemnité de 208 000 euros qu'il a obtenue de l'assureur, ne saurait emporter une reconnaissance de la part de ce dernier du droit de l'assuré, au sens de l'article 2240 du code civil, à bénéficier de celle-ci.

M. [E] se prévaut également de la lettre recommandée avec accusé réception du 25 septembre 2019, adressée par son avocat à la société Swiss life.

Il s'agit d'une lettre par laquelle son avocat demande à l'assureur de bien vouloir lui transmettre son offre, laquelle aurait été négociée par l'expert de M. [E] pour un montant de 208 000 euros (tenant compte d'une non-conformité du contrat d'assurance et de la non réalisation des travaux de reconstruction dans les délais) et dont il n'est pas en possession, si bien qu'il ne peut 'conseiller utilement' son client.

Il suffit, pour que la lettre recommandée soit interruptive de prescription, qu'elle manifeste la volonté de l'assuré d'obtenir de l'assureur l'exécution de son obligation d'indemnisation du sinistre.

Or, en demandant, par l'intermédiaire de son avocat, la transmission de l'offre négociée par son expert avec l'assureur, M. [E] avait nécessairement la volonté d'obtenir une indemnisation de ce dernier.

En conséquence, sa lettre recommandée a interrompu la prescription avant l'expiration du délai de deux ans.

Le fait que la lettre ait été expédiée au nom de M. [E], et non de l'ensemble des indivisaires, suffit à interrompre la prescription de la demande dont le tribunal a été saisi.

Il en résulte qu'à la date de l'assignation du 23 novembre 2020, la demande d'indemnité formée par M. [E] n'était pas prescrite.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée par substitution de motifs, en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

M. [E], agissant en qualité d'indivisaire et à titre conservatoire comme il a été dit supra, n'avait pas besoin d'un mandat spécial de ses co-indivisaires pour engager la présente action.

Le jugement déféré sera donc également confirmé par substitution de motif en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'instance au fond se poursuivant devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit que les dépens suivaient le sort de l'instance au fond.

Compte tenu de l'issue de l'appel, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a débouté la société Swiss life de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La société Swiss life, succombant en son appel, sera enfin condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, elle-même étant déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Swiss life assurances de biens à payer à M. [L] [E] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la société Swiss life assurances de biens aux dépens d'appel et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03168
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.03168 ?
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