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19/05/2022 | FRANCE | N°21/02872

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 mai 2022, 21/02872


MINUTE N° 234/2022





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Joseph WETZEL





Le 19 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 19 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02872 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTP2



Décision déférée à la cour : 21 Mai 2021 par le président du Tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS :



1/ Madame [Z] [X]

demeurant [Adresse 5]



2/ Monsieur [T] [I]

demeurant [Adresse 2]



3/ Madame [K] [O]

demeurant [Adresse 4]



représentés par Me Guilla...

MINUTE N° 234/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Joseph WETZEL

Le 19 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02872 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTP2

Décision déférée à la cour : 21 Mai 2021 par le président du Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

1/ Madame [Z] [X]

demeurant [Adresse 5]

2/ Monsieur [T] [I]

demeurant [Adresse 2]

3/ Madame [K] [O]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La S.A.S. MAISONS EDEN, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 12 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les appelants, domiciliés rue [...] à [Localité 6], sont propriétaires riverains d'un terrain sur lequel un ensemble immobilier est en cours de construction par la société Maisons Eden, composé de trois bâtiments, rue du [...] à [Localité 6].

Faisant valoir que ladite construction leur causera des troubles anormaux de voisinage - perte d'ensoleillement et vue directe chez eux - et que les travaux sont à l'origine de désordres sur leurs maisons respectives, ils ont assigné la société Maisons Eden le 14 janvier 2021, en référé, devant le président du tribunal judiciaire de Mulhouse, pour obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; ils demandaient notamment que l'expert se prononce sur la conformité de la construction aux lois et normes en vigueur, dont les règles d'urbanisme, le PLU de la commune, le permis de construire et les règles de prospect, et qu'il décrive la nature et l'importance des préjudices ainsi que les troubles anormaux de voisinage susceptibles d'être causés à leurs propriétés.

Par ordonnance du 21 mai 2021, le juge des référés a ordonné une expertise concernant les biens de Mmes [O] et [X], mais limité la mission de l'expert aux fissures affectant les maisons de ces dernières afin de rechercher si elles étaient en lien avec les travaux litigieux et, dans l'affirmative, de chiffrer le coût des remèdes à y apporter. Il a rejeté la demande de M. [I].

Il a considéré qu'il ne saurait être demandé à l'expert de se prononcer sur l'existence d'un trouble anormal, notion juridique relevant de l'appréciation des tribunaux, de sorte qu'il n'existait pas de motif légitime pour obtenir une expertise sur le surplus.

*

Mmes [O] et [X] ainsi que M. [I] ont interjeté appel de l'ordonnance le 1er juin 2021.

Par conclusions du 31 août 2021, les appelants sollicitent l'infirmation de l'ordonnance déférée et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

1) étendre la mesure à M. [I],

2) étendre la mission de l'expert à l'étude du projet de construction et de la construction en cours afin de :

- dire si elle est conforme aux lois et normes en vigueur, dont les règles d'urbanisme, le PLU de la commune, et les règles de prospect,

- dire si elle est conforme au permis de construire,

- décrire la nature et l'importance des préjudices susceptibles d'être causés par la construction litigieuse,

- dire notamment si elle provoque une diminution de l'ensoleillement de leurs propriétés et procéder au calcul de la perte d'ensoleillement,

- dire si les vues directes et plongeantes sur leurs terrains sont conformes aux normes en vigueur,

- dire si la diminution d'ensoleillement et les vues sont susceptibles de provoquer une baisse de la valeur de leurs immeubles et, dans l'affirmative, proposer une évaluation de cette baisse,

- donner son avis sur le préjudice de jouissance susceptible de résulter de la construction litigieuse à proximité immédiate de leurs propriétés,

- chiffrer le préjudice causé et susceptible de l'être encore,

- décrire les modifications nécessaires pour remédier ou prévenir les non-conformités et préjudices.

Ils font valoir que :

- le permis de construire indique que les constructions doivent être situées à 4 mètres de la limite conformément au PLU, or cette distance ne semble pas respectée selon les photographies,

- les rapports d'expertise privée indiquent qu'il y a une multiplicité de balcons et terrasses ayant vue directe sur le jardin et la maison, de sorte qu'il faut 'vérifier si les vues sont conformes à la législation en vigueur s'agissant des distances à respecter',

- ces rapports mettent également en évidence des troubles de voisinage qui doivent être décrits par un expert judiciaire précisément.

*

Par conclusions du 30 septembre 2021, la société Maisons Eden demande à la cour de rejeter l'appel et de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'en l'absence de démonstration d'une irrégularité de construction, c'est à bon droit que le premier juge n'a pas retenu le chef de mission concernant la conformité de la construction aux normes en vigueur, ajoutant que les appelants n'ont pas contesté le permis de construire et que l'expert n'a pas à vérifier s'il est conforme aux règles d'urbanisme puisqu'il s'impose au juge judiciaire. Elle ajoute que l'appréciation des troubles anormaux du voisinage relève de la compétence du juge du fond et que la demande tendant à évaluer le préjudice est dès lors prématurée.

*

Par ordonnance du 30 août 2021, l'affaire a été fixée d'office par la présidente de chambre, à l'audience du 10 mars 2022, en application d le'article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la mission d'expertise et son extension à M. [I]

L'article 145 du code de procédure civile permet au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction dès lors qu'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont dépend la solution du litige.

En l'espèce, aucun élément ne justifie de confier à l'expert la mission de déterminer si les bâtiments en cours de construction par la société Maisons Eden sont conformes aux lois et normes en vigueur ainsi qu'au permis de construire. L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle n'a pas inclus cette mission dans l'expertise.

En revanche, s'il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, le juge des référés peut lui donner mission d'évaluer la perte d'ensoleillement des propriétés des appelants du fait de la construction litigieuse.

Le pré-rapport d'expertise privée du 2 décembre 2020 produit par M. [I], s'il ne signalait pas de fissures comme l'a relevé le premier juge, fait état d'une perte d'ensoleillement sur sa propriété et de l'incidence de celle-ci sur la rentabilité des panneaux photovoltaïques placés sur le versant ouest du toit de sa maison.

En conséquence, M. [I] a un motif légitime d'établir, avant tout procès, la preuve de cette perte d'ensoleillement pouvant constituer un trouble anormal de voisinage, de sorte que l'expertise doit lui être étendue afin que l'expert évalue la perte d'ensoleillement ainsi que les conséquences en résultant, notamment concernant l'installation des panneaux photovoltaïques.

Un chef de mission supplémentaire, concernant la perte d'ensoleillement, sera également confié à l'expert concernant les deux autres appelants, au vu des expertises privées du 2 décembre 2020 qu'ils produisent, en faisant également état.

En revanche, il serait prématuré de demander à l'expert commis d'évaluer, avec l'aide d'un expert immobilier, la perte de valeur résultant de cette perte d'ensoleillement ; cette demande sera rejetée, de même que le surplus de la demande concernant le préjudice de jouissance, le chiffrage des préjudices et les remèdes à y apporter, qui ne relève pas de l'appréciation de l'expert.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [I] et limité la mission de l'expert aux fissures des maisons des deux autres appelants, pour l'étendre seulement à l'évaluation de la perte d'ensoleillement et de ses conséquences pour les trois appelants.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance déférée n'est pas critiquée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de ce qu'il est fait partiellement droit à l'appel, mais de ce que l'expertise est ordonnée dans l'intérêt des appelants, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel et de débouter l'intimée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a débouté M. [I] de sa demande d'expertise et en ce qu'elle a limité la mission de l'expert aux fissures affectant les maisons d'habitation de Mmes [O] et [X],

Statuant à nouveau dans cette limite,

ETEND les opérations d'expertise à M. [T] [I], avec mission pour l'expert commis de :

- le convoquer,

- prendre connaissance de tous documents et pièces utiles, même détenus par un tiers,

- se rendre sur les lieux suivants : [Adresse 3],

- rechercher s'il existe une perte d'ensoleillement sur sa propriété du fait de la construction litigieuse de la société Maisons Eden et déterminer les conséquences en résultant, notamment concernant le fonctionnement des panneaux photovoltaïques installés sur le toit de la maison de M. [I],

ETEND la mission de l'expert, concernant Mmes [K] [O] et [Z] [X], à la perte d'ensoleillement sur leurs propriétés du fait de la construction litigieuse et les conséquences en résultant,

REJETTE le surplus de l'appel,

Ajoutant à l'ordonnance déférée,

DÉBOUTE la société Maisons Eden de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,

DIT que chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02872
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.02872 ?
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