SA/VD
MINUTE No 22/403
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 19 Mai 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01541 - No Portalis DBVW-V-B7E-HKXS
Décision déférée à la Cour : 18 Décembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG
APPELANTE :
URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 1]
Comparante en la personne de Mme [Y] [D], munie d'un pouvoir
INTIMEE :
S.A.R.L. [W]-M-CHRIS-ROLAND, prise en la personne de son représentant légal exerçant es qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me LEPINAY, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
La Sarl [W]-M-Chris-Roland, gérée par Mme [W] et M. [V], exploitant une brasserie restaurant sous l'enseigne « Au Fantassin » à [Localité 3] (Bas-Rhin), a fait l'objet d'un contrôle inopiné par les services de la DIRECCTE du Bas-Rhin le 24 juillet 2014 à l'issue duquel les agents de contrôle ont dressé un procès-verbal no14-115 pour constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.
Par lettre d'observations du 30 décembre 2015, l'Urssaf d'Alsace a notifié à la société [W]-M-Chris-Roland un rappel de cotisations sociales, d'assurance-chômage et d'AGS au titre de l'année 2014 d'un montant de 5.615 € hors majorations de retard et majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.
Par courrier du 25 janvier 2016, la société [W]-M-Chris-Roland a contesté les rappels de cotisations envisagés.
Par réponse du 26 février 2016, l'Urssaf d'Alsace indiquait maintenir l'intégralité du redressement.
Le 12 avril 2016, l'Urssaf d'Alsace a mis en demeure la Sarl [W]-M-Chris-Roland d'avoir à lui payer la somme totale de 7.283 € dont 5.615 € de cotisations, 617 € de majorations de retard et 1.051 € de majoration forfaitaire de redressement pour infraction de travail dissimulé.
La société [W]-M-Chris-Roland a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace laquelle rendait une décision de rejet le 10 octobre 2016 notifiée le 2 novembre 2016.
Par courrier du 23 décembre 2016, la société [W]-M-Chris-Roland a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin d'un recours contre la décision de rejet de la commission de recours amiable.
Vu l'appel interjeté par l'Urssaf d'Alsace le 10 juin 2020 à l'encontre du jugement du 18 décembre 2019 – notifié le 28 mai 2020 – du pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg, auquel le contentieux a été transféré, qui, dans l'instance opposant la société [W]-M-Chris-Roland à l'Urssaf d'Alsace, a annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace du 10 octobre 2016, a annulé la mise en demeure du 12 avril 2016 pour son entier montant, a condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à la société [W]-M-Chris-Roland la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné l'Urssaf d'Alsace aux dépens et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Vu les conclusions visées le 22 décembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– entériner la décision de la commission de recours amiable du 10 octobre 2016,
– valider la mise en demeure du 12 avril 2016 pour son entier montant,
– valider le redressement forfaitaire effectué ainsi que l'annulation des réductions Fillon,
– condamner à titre reconventionnel la Sarl [W]-M-Chris-Roland à lui régler la somme de 7.283 €,
– condamner la Sarl [W]-M-Chris-Roland à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,
– rejeter toutes autres demandes de la Sarl [W]-M-Chris-Roland comme mal fondées ;
Vu les conclusions du 30 août 2021, visées le 2 septembre 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la Sarl [W]-M-Chris-Roland demande à la cour de :
– dire et juger l'appel irrecevable et en tous cas mal fondé,
– confirmer la décision déférée dans sa totalité,
– débouter l'Urssaf d'Alsace de toutes ses fins, moyens et prétentions,
– condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
L'article L8271-6-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi no2011-672 du 16 juin 2011 applicable au litige, dispose que les agents de contrôle mentionnés à l'article L8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature.
De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.
Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.
Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse.
En l'espèce, la société [W]-M-Chris-Roland a fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé dressé par les services de la DIRECCTE du Bas-Rhin.
Il ressort de ce procès-verbal que l'inspecteur et le contrôleur du travail chargés du contrôle ont constaté la présence de quatre personnes en situation de travail qu'ils ont interrogées après avoir décliné leurs identités et qualités professionnelles.
Le procès-verbal a été établi suite à la constatation de l'absence de déclaration préalable à l'embauche concernant l'un des salariés.
Le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg a procédé à l'annulation du redressement subséquent au procès-verbal au motif que ces agents n'ont à aucun moment recueilli le consentement des personnes interrogées.
L'Urssaf sollicite la réformation du jugement au motif que les obligations de l'organisme seraient moindres lorsque le redressement repose sur l'exploitation d'un procès-verbal partenaire.
Elle soutient que les dispositions de l'article R133-8 du code de la sécurité sociale ne lui prescrivent nullement l'obligation de démontrer que la DIRECCTE a procédé au recueil du consentement des personnes interrogées.
Elle considère que si le procès-verbal du gérant devait être écarté, les constatations matérielles effectuées par l'inspecteur du recouvrement suffisent à caractériser le travail dissimulé.
La société rétorque que l'absence de recueil du consentement des personnes auditionnées lors des opérations de contrôle l'a privée d'une garantie de fond entraînant l'annulation du procès-verbal ainsi que du redressement subséquent.
Il s'évince en effet des articles L8271-1-2 et L8271-6-1 du code du travail que les inspecteurs et les contrôleurs du travail ne peuvent demander à une personne présente sur les lieux de justifier de son identité dans le cadre de cette procédure sans son consentement à être entendue.
Cette obligation ne saurait être allégée -sauf à réduire les droits des personnes contrôlées et à permettre aux agents de contrôle compétents d'user de prérogatives attentatoires à une liberté publique- lorsque le procès-verbal est transmis à l'Urssaf aux fins de mise en recouvrement des cotisations et contributions sociales, ni en l'absence du représentant de l'employeur lors des opérations de contrôle.
Alors qu'il ne résulte ni du procès-verbal dressé par la DIRECCTE du Bas-Rhin, ni de tout autre document, que les personnes en situation de travail interrogées par l'inspecteur et le contrôleur du travail ont préalablement consenti à leur audition, leurs déclarations ont été recueillies irrégulièrement et ne sauraient constituer le fondement d'un redressement pour travail illégal.
La société a donc été privée d'une garantie de fond viciant le procès-verbal des agents de contrôle et, par voie de conséquence, le redressement fondé sur leurs constatations.
Enfin, la cour constate que les vérifications opérées par les agents de contrôle sur la base de centralisation des déclarations préalables à l'embauche (DPAE) ont été effectuées, selon le procès-verbal no14-115, grâce aux déclarations des salariés rencontrés lors des opérations de contrôle.
Ainsi, ce sont les propos des personnes interrogées -l'indication par elles de leur identité- qui ont été utilisés à l'appui de la recherche des DPAE enregistrées dans la base de données CIRSO et à l'origine de la constatation de l'absence de DPAE concernant un salarié présent au soir du contrôle.
Le redressement litigieux est fondé sur ce seul constat.
C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont considéré le redressement litigieux nul et qu'ils ont annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace du 10 octobre 2016 ainsi que la mise en demeure du 12 avril 2016 pour son entier montant.
L'Urssaf d'Alsace succombant, elle supportera les dépens d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
La demande au titre des frais irrépétibles d'appel de l'Urssaf d'Alsace sera rejetée.
Enfin, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société [W]-M-Chris-Roland à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;
CONDAMNE l'Urssaf d'Alsace aux dépens d'appel.
Le Greffier,Le Président,