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19/05/2022 | FRANCE | N°20/001921

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 19 mai 2022, 20/001921


MINUTE No 22/457

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/00192 - No Portalis DBVW-V-B7E-HIPM

Décision déférée à la Cour : 28 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R.L. BUCHERT
[Adresse

1]
[Localité 5]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEES :

Madame [S] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représen...

MINUTE No 22/457

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/00192 - No Portalis DBVW-V-B7E-HIPM

Décision déférée à la Cour : 28 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R.L. BUCHERT
[Adresse 1]
[Localité 5]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEES :

Madame [S] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR, substituée par Me Laetitia RUMMLER, avocat au barreau de COLMAR

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 3]
[Localité 4]

Dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme Caroline WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 28 novembre 2004, Mme [S] [M] a établi, à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin au titre de la législation professionnelle, une déclaration de maladie « tendinopathie calcifiante ».
Le 10 mars 2005, la CPAM du Haut-Rhin lui a notifié sa décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie qu'elle lui a déclarée « épaule douloureuse » au titre du tableau no57 des maladies professionnelles.

Le 31 juillet 2014, la CPAM a accepté de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la rechute en date du 2 juillet 2014 de cette maladie.

Le certificat médical final a fixé la date de consolidation de la maladie avec séquelles au 21 juin 2016.

Par courrier réceptionné par la CPAM le 6 juin 2018, Mme [M] a demandé la mise en oeuvre de la procédure de faute inexcusable à l'encontre de la société Buchert.

Après échec de la tentative de conciliation, par courrier envoyé le 20 juin 2018, Mme [M] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la SARL Buchert dans la survenance de sa maladie professionnelle.

Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal de grande instance (TGI) de Mulhouse remplaçant le TASS a :

- déclaré recevable le recours introduit par Mme [S] [M] ;
- dit que la maladie professionnelle dont est victime Mme [S] [M] est imputable à une faute inexcusable de la SARL Buchert ;
- réservé à statuer sur la majoration de l'indemnité en capital ;

et avant dire droit :

- ordonné une expertise médicale de Mme [S] [M] et commis pour y procéder le docteur [Y] dont il a détaillé la mission ;

- dit que la CPAM du Haut-Rhin fera l'avance des frais d'expertise ;
- réservé les droits des parties pour le surplus ;
- dit que les dépens suivront le sort de ceux exposés au principal ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La société Buchert a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 3 janvier 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience du 10 mars 2022, la CPAM ayant été autorisée, sur sa demande, à ne pas y comparaître.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 février 2020, la société Buchert demande à la cour de dire et juger son appel bien fondé ; en conséquence de :

- infirmer le jugement du pôle Social du tribunal de grande instance de Mulhouse du 28 novembre 2019 ;

statuant à nouveau :

- dire et juger que l'action en reconnaissance de faute inexcusable de Mme [M] est prescrite et par conséquent, irrecevable ;
- dire et juger qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est caractérisé ;
- dire et juger qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue ;
- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 3 février 2022, Mme [M] demande à la cour de :

- déclarer la SARL Buchert mal fondée en son appel ;
- le rejeter ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- débouter la SARL Buchert de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter la CPAM du Haut-Rhin de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter la SARL Buchert et la CPAM du Haut-Rhin de leur demande visant à déclarer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée par la concluante irrecevable car nouvelle à hauteur de cour et en tout état de cause mal fondée ;
- condamner la SARL Buchert aux entiers dépens et à payer à la concluante la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions reçues le 2 septembre 2021, la CPAM demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué ;
- déclarer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée par Mme [S] [M] irrecevable ;
- débouter Mme [S] [M] de l'intégralité de ses prétentions.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 10 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le greffe du TGI de Mulhouse ayant envoyé le 3 décembre 2019 la notification aux parties du jugement en cause, l'appel est recevable.

Sur la faute inexcusable de l'employeur

La CPAM expose que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance d'une rechute n'est pas recevable et que seule la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie déclarée le 28 novembre 2004 peut être recherchée.

L'analyse de la saisine du TASS par Mme [M] permet de vérifier qu'elle a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de la maladie professionnelle dont elle souffre qui a été suivie d'une rechute et que le jugement entrepris a statué sur la demande de reconnaissance de cette faute dans la survenance de la maladie professionnelle de Mme [M] et non sur la faute inexcusable de l'employeur dans la rechute de l'assurée, de sorte que le moyen de la CPAM est rejeté.

Sur la prescription

La société Buchert soutient que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable est prescrite. Elle se prévaut des dispositions des articles L.431-2 et L.461-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale et précise que, pour leur application, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Elle invoque également l'alinéa 5 de l'article L.461-5 du même code, aux termes duquel le délai de prescription prévu à l'article L.431-2 susvisé court à compter de la cessation du travail, la victime d'une maladie professionnelle pouvant faire valoir ses droits à réparation pendant un délai de deux ans ayant pour point de départ soit la date de cessation du travail due à la maladie si l'intéressé a déjà été informé par certificat médical du lien possible entre son affection et une activité professionnelle, soit de la date de cette information si celle-ci est postérieure à la cessation du travail.

Elle précise qu'en l'espèce, la date de cessation du travail due à la maladie n'est pas connue puisque Mme [M] ne produit qu'un certificat médical final daté du 21 juin 2016, alors qu'elle était en arrêt maladie bien avant.

Elle en déduit qu'en saisissant le tribunal le 21 juin 2018, c'est-à-dire deux ans après la date du certificat médical final, Mme [M] est prescrite en son action ce qui rend sa demande irrecevable.

Mme [M] objecte que la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable étant sollicitée pour la première fois à hauteur de cour caractérise une demande nouvelle laquelle doit donc être déclarée irrecevable.

Elle considère que son recours est recevable puisque selon les dispositions de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription biennale court soit du jour de la première constatation médicale de la maladie, soit de la cessation du travail, soit du jour de la clôture de l'enquête, soit du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières, soit du jour de la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie, le point de départ le plus favorable à la victime devant être retenu et que la SARL Buchert lui a notifié son licenciement le 2 août 2016, de sorte que la cessation du travail se situe à cette date.

Elle ajoute qu'ayant sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur le 13 avril 2018, sa demande n'est pas prescrite, cette action étant, au demeurant, interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, étant souligné qu'elle a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Colmar et que, par arrêt du 8 septembre 2020, la cour d'appel a prononcé la nullité de son licenciement en considération de la situation de harcèlement moral subie de la part de la SARL Buchert.

La CPAM indique que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie déclarée le 28 novembre 2004 est prescrite puisque Mme [M] a été indemnisée jusqu'au 17 février 2006.

Elle souligne que même si Mme [M] a déclaré une rechute le 2 juillet 2014, laquelle a été indemnisée au titre de la législation professionnelle jusqu'au 21 juin 2016, la survenance de cette rechute n'a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue à l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement.

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Considération prise de ces dispositions et de ce que la prescription est une fin de non-recevoir dont l'objectif est de faire écarter les prétentions adverses, il y a lieu de déclarer recevable la fin de non-recevoir soulevée.

Par application des dispositions de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Ainsi l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale n'ouvrant droit à une indemnisation complémentaire pour la victime que lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur, il convient d'apprécier si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie professionnelle initiale est acquise, la rechute intervenue ne constituant pas une nouvelle maladie professionnelle susceptible de faire courir à nouveau le délai de prescription biennale prévu par l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale lequel, en sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que les droits de la victime aux prestations et indemnités prévues au livre IV sur les maladies professionnelles se prescrivent par deux ans à dater notamment :

1o) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;

2o) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L.443-1 et à l'article L.443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute.

Ces prescriptions prévues aux alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.

Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L.452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

L'article L.461-1 du code de la sécurité sociale précise que pour ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident, pour l'application des règles de prescription de l'article L.431-2 du code de la sécurité sociale, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.

Dès lors, Mme [M] est malvenue de se prévaloir de ce que la date de son licenciement est le point de départ du délai de prescription, de même de ce que l'action qu'elle a diligentée devant les instances prud'homales a interrompu le délai de prescription.

Considérant que, dans le cadre de sa maladie professionnelle que la CPAM a acceptée de prendre en charge le 10 mars 2005, Mme [M] a bénéficié d'indemnités journalières jusqu'au 17 février 2006, l'assurée avait donc jusqu'au 17 février 2008 pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Force est de constater que pour l'avoir fait le 6 juin 2018 (par saisine de la CPAM pour conciliation), soit tardivement, elle est prescrite en son action, ce qui la rend irrecevable en sa demande.

Le jugement entrepris est donc infirmé.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs. Ainsi, Mme [M] est condamnée aux dépens de la procédure de première instance exposés à compter du 1er janvier 2019.

A hauteur d'appel, Mme [M] est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Buchert la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de procédure exposés et elle est déboutée de sa demande formulée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

DECLARE l'appel recevable ;

DECLARE recevable la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Buchert ;

INFIRME le jugement du pôle social de tribunal de grande instance de Mulhouse du du 28 novembre 2019 en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau et y ajoutant :

DECLARE Mme [S] [M] irrecevable en sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL Buchert ;

CONDAMNE Mme [S] [M] aux dépens de la procédure de première instance exposés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel ;

CONDAMNE Mme [S] [M] à payer à la SARL Buchert la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [S] [M] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/001921
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 28 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-19;20.001921 ?
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