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19/05/2022 | FRANCE | N°19/052731

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 19 mai 2022, 19/052731


NH/VD

MINUTE No 22/447

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05273 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHXW

Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :
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[Adresse 1]
[Localité 7]

Représentée par Me Amel DERDAK, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A.S. CRIT
[Adresse 4]
[Localité 8]

Rep...

NH/VD

MINUTE No 22/447

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05273 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHXW

Décision déférée à la Cour : 04 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. GPV FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représentée par Me Amel DERDAK, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A.S. CRIT
[Adresse 4]
[Localité 8]

Représentée par Me Valérie DAVIDSON, avocat au barreau de METZ, substituée par Me Claus WIESEL, avocat à la Cour

Madame [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Représentée par Me André CHAMY, avocat au barreau de MULHOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 3]
[Localité 5]

Dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, et Mme HERY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 10 mars 2016, la SAS CRIT a établi, à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin au titre de la législation professionnelle, une déclaration d'accident du travail dont a été victime, sa salariée, Mme [U] [L] le 9 mars 2016, mise à disposition de la SAS GPV France.

Le 5 avril 2016, la CPAM a accepté de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 6 octobre 2016, Mme [L] a demandé à la CPAM de mettre en oeuvre une conciliation dans le cadre de la procédure de faute inexcusable, laquelle n'a pas abouti.

Par courrier expédié le 3 novembre 2016, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin afin de voir reconnaître la faute inexcusable de la SAS CRIT.

Sur demande de la SAS CRIT, la SAS GPV a été appelée dans la cause le 2 février 2017.

Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse remplaçant le TASS a :

- déclaré recevable le recours de Mme [L] ;

- dit que l'accident du travail survenu à Mme [U] [L] le 9 mars 2016 est imputable à la faute inexcusable de la société CRIT, en sa qualité d'employeur juridique ;
- condamné la société GPV FRANCE, en sa qualité d'entreprise d'utilisatrice à relever et garantir la société CRIT des conséquences financières résultant des demandes de Mme [U] [L] ;
- rejeté la demande de mise hors de cause de la société GPV FRANCE ;
- ordonné la majoration de la rente à son maximum ;
- alloué à Mme [U] [L] la somme de 2.000 euros au titre de la provision sur l'indemnisation du préjudice et dit que cette somme sera avancée par la CPAM du Haut-Rhin à charge de recours pour elle à l'encontre de la société CRIT ;
- avant-dire-droit sur l'indemnisation des préjudices, ordonné une expertise judiciaire pour déterminer les préjudices subis par Mme [U] [L] dont il a détaillé la mission ;
- dit que la CPAM du Haut-Rhin fera l'avance des frais d'expertise ;
- débouté la CPAM de sa demande de mise en cause de l'assureur de l'employeur ;
- réservé les droits des parties pour le surplus.

Par lettre expédiée le 10 décembre 2019, la société GPV France a formé appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été appelée à l'audience du 24 février 2022, la CPAM du Haut-Rhin ayant été autorisée, sur sa demande, à ne pas y comparaître.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions reçues le 26 mai 2021, la SAS GPV France demande à la cour de :

- dire recevable bien-fondé son appel ;

en conséquence :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Mulhouse en ce qu'il a rejeté sa mise hors de cause et admis l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident de Mme [L] ;

- subsidiairement, en cas de confirmation du jugement :

* dire et juger que la CPAM devra faire l'avance de toutes les sommes accordées autitre de cette reconnaissance,
*limiter l'expertise aux préjudices visés par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale,
* ramener la majoration de la rente à hauteur du taux de 8 % tel que retenu par le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité du 13 février 2018,
* rejeter la demande de provision ;

- en tout état de cause, condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Aux termes de ses conclusions reçues le 3 juin 2021, la SAS CRIT demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel incident et limité ;
- en conséquence, réformer le jugement en date du 4 novembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Mulhouse pôle social en ce qu'il a admis l'existence d'une faute inexcusable ;
- dire et juger les demandes de Mme [U] [L] irrecevables et en tout cas mal fondées ;
- par conséquent, la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [U] [L] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où l'existence d'une faute inexcusable serait confirmée par la cour :

* confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2019 en ce que la société GP V France a été condamnée, en sa qualité d'entreprise utilisatrice, à relever et la garantir des condamnations et conséquences financières résultant des demandes de Mme [U] [L] en principal, accessoires, intérêts et frais, et a rejeté la demande de mise hors de cause de la société GPV France,

* statuer ce que de droit sur la demande tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire dans la limite des dispositions de l'article L.452-3 du code de lasécurité sociale,

* en pareille hypothèse, débouter Mme [L] de sa demande de provision ;

- en tout état de cause, dire et juger que la CPAM du Haut-Rhin sera, le cas échéant, condamnée à faire l'avance de l'intégralité des sommes éventuellement allouées à Mme [U] [L] ;

- rejeter toute demande plus ample ou contraire.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 5 novembre 2020, Mme [U] [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que l'accident dont elle a été victime en date du 9 mars 2016 est dû à la faute inexcusable de l'employeur ;
- lui allouer une provision d'un montant 20.000 euros à valoir sur le préjudice qu'elle a subi ;
- condamner les appelantes à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelantes aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions reçues le 3 juin 2021, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :

- lui donner acte en ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société CRIT ;

Si le jugement attaqué devait être confirmé :

- lui donner acte en ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant des réparations complémentaires visées aux articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale qui pourraient être attribuées à Mme [U] [L] ;
- condamner l'employeur fautif à lui rembourser conformément aux dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, le paiement de la majoration de la rente ainsi que le montant des préjudices personnels qui pourraient être alloués à la victime.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Les avis de réception de réception des lettres recommandées de notification du jugement entrepris n'étant pas produits, il y a lieu de déclarer l'appel de la société GPV France recevable, la recevabilité de cet appel n'étant, au demeurant, pas contestée.

Sur la demande de la société CRIT tendant à ce que les demandes de Mme [U] [L] soient déclarées irrecevables

La société CRIT ne développant aucun moyen à l'appui de cette demande, il y a lieu de décider que les demandes de Mme [L] sont recevables.

Sur la faute inexcusable

Sur l'existence de la faute inexcusable

La société GPV France expose que l'action engagée par Mme [L] l'a été exclusivement à l'encontre de son employeur, la société CRIT, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause, rappelant que c'est l'entreprise de travail temporaire qui est tenue responsable des conséquences de la faute inexcusable vis à vis de ses salariés.

Elle fait valoir que les constatations faites par l'inspecteur du travail sont inexactes, le plan de circulation ayant fait l'objet d'une réactualisation en 2014 et l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête pénale ayant relevé l'existence d'un marquage au sol, ce qu'a confirmé le CHSCT qui a souligné la nécessité de le rematérialiser pour plus de visibilité.

Elle ajoute que de larges barrières étaient présentes pour délimiter les postes de travail et circonscrire la circulation, de sorte qu'elle considère n'avoir commis aucun manquement et que l'accident du travail est dû à l'inattention de Mme [L] qui se trouvait sur une voie de circulation formellement interdite.

Elle précise qu'aucune poursuite pénale n'a eu lieu, ce qui signifie que les éléments du dossier ont été jugés inconsistants ou nos probants par le juge pénal, ce qui doit également être le cas pour le juge civil.

Mme [L] se prévaut des dispositions des article L.4121-1, L.4121-4, R.4224-3, R.4224-4 et L.6321-1 du code du travail aux termes desquelles, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lorsqu'il confie des tâches à un travailleur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, il prend en considération les capacités de l'intéressé à mettre en oeuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité, les lieux de travail intérieurs et extérieurs sont aménagés de telle façon que la circulation des piétons et des véhicules puisse se faire de manière sûre, il prend toutes dispositions pour que seuls les travailleurs autorisés à cet effet puissent accéder aux zones de danger, les mesures appropriées étant prises pour protéger ces travailleurs, il assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.

Elle invoque l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur dans le cadre du contrat de mise à disposition, l'action en reconnaissance de faute inexcusable devant être dirigée à l'encontre de l'entreprise employeur et non de l'entreprise utilisatrice, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction étant regardés comme substitués à l'employeur dans la direction au sens des articles L.452-1 à L.452-4 du code de la sécurité sociale, l'employeur demeurant tenu des obligations prévues auxdits articles sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable, la mise en cause s'avérant nécessaire afin d'éviter le renvoi de responsabilités entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire.

Elle souligne qu'il résulte des éléments de l'enquête, des constatations de l'inspecteur du travail et des différentes déclarations des intervenants que les sociétés CRIT et GPV France ont engagé leur responsabilité en matière de faute inexcusable.

Elle ajoute que l'entreprise utilisatrice est connue de l'administration du travail, pour avoir fait l'objet de rappels à l'ordre et d'observations et que la formation générale à l'hygiène, la santé et la sécurité du 9 février 2016 destinée à rappeler les consignes de sécurité applicables au sein de l'entreprise utilisatrice concernée ainsi que la formation relative au port obligatoire des équipements de protection individuelle n'ont en réalité jamais existé, seul lui ayant été remis un document rappelant les consignes, de sorte qu'elle n'a pas bénéficié de formation relative à la sécurité depuis sa mise à disposition le 9 février 2016.

La société CRIT soutient qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable, le compte-rendu du CHSCT faisant état d'un marquage au sol pour les piétons nécessitant une rematérialisation, Mme [L] ayant reçu des consignes de sécurité particulière et un livret qu'elle reconnaît avoir reçu, la société GPV France indiquant que la zone de passage était clairement identifiée sans le moindre encombrement, qu'il y avait de larges barrières pour délimiter les postes de travail pour circonscrire la circulation et renvoyant à un plan de circulation de 2014 que Mme [L] ne pouvait ignorer vu son ancienneté.

Elle se prévaut de l'inattention de Mme [L] laquelle portait néanmoins des équipements de protection individuelle, et souligne que la procédure pénale n'a pas eu de suite.

Elle ajoute que l'entreprise utilisatrice n'a pas plus commis de faute.

La CPAM s'en remet à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société CRIT.

Aux termes du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Par application des dispositions combinées des articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident du travail dont a été victime le salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres fautes, y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.

Mme [L] ne se prévaut pas de la présomption de faute inexcusable prévue par l'article L.4154-3 du code du travail au profit des intérimaires affectés à un poste de travail présentant des risques particuliers pour leur santé.

Il convient, en conséquence, de rechercher si les éléments constitutifs de la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction par application de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de l'entreprise utilisatrice, sont réunis.

Il incombe à Mme [L] de prouver que son employeur, la société CRIT qui avait ou devait avoir conscience du danger auquel elle était exposée, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Aux termes de son contrat de mission temporaire, Mme [L] a été engagée du 22 février 2016 au 27 février 2016 à un poste de vérification de la production, de conditionnement des produits finis et de contrôle qualité au sein de la société GPV France.

Selon déclaration du 10 mars 2016 renseignée par la société CRIT, l'accident du travail dont Mme [L] a été victime le 9 mars 2016 d'après les informations données par la société GPV France, un cariste roulant à vide en marche avant, fourches en position normale n'a pas vu Mme [L] qui marchait devant les palettes, placée de dos par rapport au cariste qu'il a renversée et fait tomber en avant au sol.

Au soutien de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, Mme [L] produit :

- le procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT du 10 mars 2016 qui fait état de ce que la salariée marchait devant des palettes en hauteur et que le cariste l'a vue trop tard, qui évoque plusieurs mesures à prendre pour éviter que d'autres accidents de ce genre se répètent à savoir enlever une rangée de palettes pour avoir une meilleure visibilité, faire disparaître une partie des bureaux à Condsta en préservant celui de [W] [N], prévoir un endroit précis pour les semi-ouvrés où seuls les caristes auront accès, rematérialiser les marquages existants au sol pour les piétons, interdire le rangement de palettes dans l'allée ; qui décide de désengorger les ateliers notamment Condsta pour permettre d'avoir une meilleure visibilité pour réfléchir au nouveau traçage des allées piétons/caristes, de prévoir des emplacements palettes CHEP, perdues et SNCF palettes cassées matérialisées par des barrières dans quatre zones notamment à Condsta qui exige qu'entre Bobta, Condsta et Impsta, il n'y ait plus d'encombrement de palettes semi-ouvrés et qui mentionne, d'une part, que M. [D], secrétaire du CHSCT proposera un plan de circulation piétons/caristes avec marquage au sol, le premier marquage au sol devant être effectué le 19 mars 2016 et, d'autre part, qu'une étude est en cours pour trouver des emplacements en toutes sécurité pour les palettes S.O Envsta vers Condsta pour éviter tout débordement,

- l'avis donné le 26 août 2016 par le contrôleur du travail à M. le procureur de la République faisant le constat :

* de l'absence de consignes de circulation dans l'atelier, de règles de circulation, de plan de circulation et de balisage,
* d'une circulation importante de chariots mobiles automoteurs servant au levage de charges dans certaines zones de l'établissement (notamment Condsta) où les piétons sont amenés à circuler également alors qu'il n'existe pas de voies de circulation distinctes pour les véhicules et pour les piétons,
* d'un engorgement des palettes notamment dans l'atelier [9], ce qui ne permet pas une bonne visibilité des traçages qui subsistent à certains endroits entre les allées piétons et caristes,
* de ce que, suite à une mise en demeure du 5 avril 2016 pour que les lieux de travail intérieurs et extérieurs soient aménagés de sorte que la circulation des piétons et des véhicules puissent se faire de manière sûre, un traçage des zones de circulation piétons/chariots a été réalisé restant toutefois à consolider, la peinture sur le sol tendant à s'effacer assez rapidement, et certaines mesures sont en cours de réalisations telles que la mise en place de barrières dans les différents ateliers,

- un procès-verbal dressé par la gendarmerie nationale le 2 juin 2016 dont il ressort que M. [C], le directeur et le responsable du CHSCT l'ont informée de ce que depuis l'accident de Mme [L] des dispositions ont été prises à savoir le déplacement des palettes, la rematérialisation des allées et la pose de barrières à certains endroits,
- le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 22 mars 2016 qui dresse un constat des actions menées suite à l'accident du travail en cause à savoir : suppression des palettes entre Bobsta et Condsta, mise en place de barrières aux passages piétons et entre l'allée piétons et l'allée chariots, rematérialisation des marquages en cours, suppression du stockage dans les allées,
- le procès-verbal d'audition de M. [E] [P], conducteur du chariot qui a percuté Mme [L] dont il ressort que cette dernière est passée à côté des palettes qui étaient au bord de l'allée et a donc marché sur l'allée, le long des palettes sans pouvoir faire autrement vu l'encombrement occasionné par les palettes, que, depuis l'accident du travail, des passages piétons ont été réalisés et les lignes jaunes au sol pour les chariots lesquelles n'étaient plus suffisamment visibles ont été refaites,

- une attestation de M. [M] [B] qui indique que Mme [L] n'avait pas la possibilité de marcher en sécurité compte tenu du fait que le marquage, quasiment invisible, était totalement encombré de palettes et qu'il n'existait pas de zone piétonne en face du lieu de l'accident, des améliorations étant intervenues après l'accident du travail,
- une attestation de M. [Z] [X] qui indique qu'à l'endroit de l'accident du travail en cause, il n'y avait aucune protection pour les piétons, les barrières et les tracés de circulation au sol ayant été faits après le 9 mars 2016.

Il résulte de tous ces éléments que Mme [L], au regard de l'encombrement par des palettes de l'allée destinée aux piétons où elle circulait a été contrainte de marcher sur l'allée où circulait le chariot qui l'a renversée.

En laissant la voie destinée aux piétons indûment encombrée par des palettes, la société CRIT substituée par la société GPV France avait ou devait avoir conscience du danger auquel ses salariés, dont Mme [L], était exposés, celle-ci ayant été contrainte de marcher sur la voie empruntée par les chariots élévateurs.

La société CRIT substituée par la société GPV France a, de toute évidence, manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [L] en ne prenant pas des dispositions adaptées pour lui permettre de circuler en toute sécurité dans l'entreprise.

La faute inexcusable de la société CRIT est par conséquent retenue, le fait qu'il n'y ait pas eu de poursuites pénales étant sans incidence sur la procédure en faute inexcusable.

Le jugement entrepris est donc confirmé.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Sur l'indemnisation des préjudices subis par Mme [L]

La société GPV France soutient que des postes de préjudices ne sont ni établis ni justifiés, que la provision sollicitée n'est pas plus justifiée et que l'expertise doit être strictement limitée aux chefs de préjudice énumérés par le jugement critiqué.

La société CRIT indique que les préjudices indemnisables sont ceux visés par L.452-3 du code de la sécurité sociale ainsi que le déficit fonctionnel temporaire et le préjudice sexuel. Elle s'oppose à l'octroi d'une provision à Mme [L].

Mme [L] fait valoir que sa demande de provision à hauteur de 20.000 euros est justifiée puisqu'elle a des difficultés à retrouver une activité professionnelle.

Au regard de la pertinence de sa motivation sur la nécessité de recourir à une expertise pour déterminer et chiffrer les préjudices subis par Mme [L], il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

S'agissant de la provision allouée à Mme [L] à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, au regard de la nature des blessures qu'elle a subies -une fracture de la rotule gauche associée à une fracture de la cheville gauche et une entorse de la cheville droite-, il y a lieu de fixer cette provision à hauteur de 5.000 euros.

Le jugement entrepris est donc infirmé sur le montant de la provision mais confirmé en ce qu'il a dit qu'il appartient à la CPAM du Haut-Rhin d'en faire l'avance.

Sur la majoration de la rente

La société GPV France et la société CRIT font valoir que Mme [L] n'apporte aucune précision sur la fixation de son taux d'incapacité permanente partielle et sur la rente qui lui est servie par la CPAM. Elle ajoute qu'en premier ressort, le CPAM a produit une notification de taux d'incapacité permanente partielle de 15% mais que par jugement du 13 février 2018, le tribunal de l'incapacité a estimé que ce taux devait être fixé à 8%, de sorte que la prise en charge par l'employeur de l'éventuelle majoration de rente doit être faite dans la limite de ce taux à charge pour la CPAM de prendre à son compte le surplus.

Mme [L] indique que le contentieux concernant le taux d'invalidité n'est pas terminé, le doublement de la rente s'imposant, peu importe ce qui sera décidé dans le cadre du contentieux avec la sécurité sociale, étant souligné que la question du taux de la rente ne concerne que les rapports entre la CPAM et elle-même mais pas la société GPV France.

Considération prise de la pertinence de la motivation du jugement entrepris, il y a lieu de le confirmer, étant souligné que le litige entre la CPAM et l'employeur ne concerne pas Mme [L] qui doit bénéficier de la majoration de la rente dont elle bénéficie suite à la notification que lui a faite la CPAM en date du 24 novembre 2017, l'impact de la décision du tribunal de l'incapacité du 13 février 2018 étant à analyser dans le cadre de l'action récursoire de la CPAM à venir.

Sur l'appel en garantie de la société CRIT à l'encontre de la société GPV France

La société GPV France fait valoir que l'action engagée par Mme [L] l'a été exclusivement à l'encontre de la société CRIT de sorte qu'elle doit être mise hors de cause.

La société CRIT demande à ce que la société GPV France la garantisse de toutes les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, faisant valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans le cadre de la mise à disposition de Mme [L] au profit de la société GPV France.

Il résulte de la combinaison des articles L.24l-5-1, L.412-6 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident du travail d'un travailleur intérimaire et imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue en sa qualité d'employeur envers l'organisme social du remboursement des indemnités complémentaires prévues aux articles L.452-1 à L.452-4 du même code, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir de celle-ci le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail.

La garantie des conséquences financières résultant de la faute inexcusable due par l'entreprise utilisatrice concerne notamment la réparation complémentaire versée à la victime à savoir la réparation des postes du préjudice personnel de la victime, y compris ceux non prévus au livre IV du code de la sécurité sociale.

C'est donc à juste titre que la société CRIT a demandé que la société GPV France soit appelée dans la cause. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Au regard des circonstances de l'accident du travail, c'est avec pertinence que le jugement entrepris a décidé que la société GPV France doit supporter les conséquences financières de la faute inexcusable de la société CRIT, de sorte qu'il y a lieu de le confirmer.

Sur l'action récursoire de la CPAM

La CPAM demande la condamnation de l'employeur fautif à lui rembourser conformément aux dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, le paiement de la majoration de la rente ainsi que le montant des préjudices personnels qui pourraient être alloués à la victime.

Devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, la CPAM n'avait demandé au tribunal de grande instance que de dire que l'employeur devra lui reverser les montants avancés au titre des préjudices.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que la provision avancée par la CPAM du Haut-Rhin est à charge de recours pour elle à l'encontre de la société CRIT.

Ce même jugement est infirmé en ce qu'il a réservé les droits de la CPAM sur les montants avancés au titre des préjudices.

Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, il y a lieu de condamner la société CRIT à rembourser à la CPAM du Haut-Rhin le montant des préjudices personnels qui seront alloués à Mme [U] [L].

S'agissant de la majoration de la rente, si la CPAM du Haut-Rhin est fondée, en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant de la majoration de la rente d'accident du travail attribuée à la victime en raison de la faute inexcusable de l'employeur de Mme [U] [L] , son action ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a réduit, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, que dans les limites découlant de l'application de ce dernier.

La CPAM du Haut-Rhin n'ayant pas fait état de l'existence d'un recours formé à l'encontre du jugement du tribunal de l'incapacité de Paris du 13 février 2018, il y a lieu de condamner la société CRIT à rembourser à la CPAM du Haut-Rhin le paiement de la majoration de la rente dans la limite de l'application du taux d'incapacité permanente partielle de 8% tel qu'il résulte du jugement du tribunal de l'incapacité précité.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, la société GPV France est condamnée aux dépens.

La société CRIT et la société GPV France sont condamnées à payer à Mme [U] [L] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elles sont déboutées de leurs demandes d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

DECLARE l'appel recevable ;

DECLARE Mme [U] [L] recevable en ses demandes ;

INFIRME le jugement du pôle social de tribunal de grande instance de Mulhouse du 4 novembre 2019 en ce qu'il a :

- alloué à Mme [U] [L] la somme de 2.000 euros au titre de la provision sur l'indemnisation du préjudice ;

- réservé les droits de la CPAM du Haut-Rhin sur les montants avancés au titre des préjudices ;

Statuant de nouveau sur ces seuls points :

ALLOUE à Mme [U] [L] la somme de 5.000 euros au tire de la provision sur l'indemnisation de ses préjudices ;

CONDAMNE la SAS CRIT à rembourser à la CPAM du Haut-Rhin le montant des préjudices personnels qui seront alloués à Mme [U] [L] ;

CONFIRME pour le surplus, dans les limites de l'appel, le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Mulhouse du 4 novembre 2019 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS CRIT à rembourser à la CPAM du Haut-Rhin le paiement de la majoration de la rente dans la limite de l'application du taux d'incapacité permanente partielle de 8% tel qu'il résulte du jugement du tribunal de l'incapacité de Paris du 13 février 2018 ;

CONDAMNE la SAS GPV France aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la SAS CRIT et la SAS GPV France à payer à Mme [U] [L] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la SAS GPV France et la SAS CRIT de leurs demandes d'indemnité fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/052731
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 04 novembre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-19;19.052731 ?
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