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19/05/2022 | FRANCE | N°19/041701

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 19 mai 2022, 19/041701


MINUTE No 22/459

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/04170 - No Portalis DBVW-V-B7D-HF7V

Décision déférée à la Cour : 22 Août 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [W] [O]
[Adresse 5]r>[Localité 4]

Représenté par Me Valérie PRIEUR, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEES :

CPAM DU HAUT-RHIN
[Adresse 2]
[Localité 4]

Dispensée de co...

MINUTE No 22/459

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/04170 - No Portalis DBVW-V-B7D-HF7V

Décision déférée à la Cour : 22 Août 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse

APPELANT :

Monsieur [W] [O]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Représenté par Me Valérie PRIEUR, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEES :

CPAM DU HAUT-RHIN
[Adresse 2]
[Localité 4]

Dispensée de comparution

SAS SYNERGIHP GRAND EST
anciennement dénommée GIHP LORRAINE TRANSPORTS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 10 février 2016, M. [W] [O], salarié de la SAS Groupement pour l'Insertion des Handicapés Physiques (GIHP) Lorraine Transports en tant que conducteur PMR depuis le 5 novembre 2009, a renseigné, à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin au titre de la législation professionnelle, une déclaration de maladie professionnelle « hernie discale L4-1.5 ».

Le 8 septembre 2016, la CPAM a notifié à M. [O] un refus de prise en charge de sa maladie « Radiculalgie crurale par hernie discale L4-L5 » déclarée dans le cadre du tableau no98 des maladies professionnelles au motif qu'il n'était pas établi que son activité professionnelle l'avait exposé à un risque couvert dans les libellés du tableau.

Le 4 novembre 2016, M. [O] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM d'un recours à l'encontre de cette décision.

Faute de réponse de la commission de recours amiable dans le délai imparti, M. [O], par courrier expédié le 31 janvier 2017, a saisi le le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM, M. [O] ayant demandé au tribunal de convoquer également son employeur la SA Groupement pour l'Insertion des Handicapés Physiques (GIHP) Lorraine Transports devenue la SAS Synergihp Grand Est.

Par jugement du 22 août 2019, le tribunal de grande instance (TGI) de Mulhouse remplaçant le TASS a :

- dit que la maladie déclarée par M. [W] [O] le 10 février 2016 n'est pas une maladie professionnelle et en conséquence ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
- débouté en conséquence M. [W] [O] de l'ensemble de ses demandes ;
- dit que chaque partie supportera ses propres dépens ;
- rejeté la demande présentée par M. [W] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande présentée par la société Synergihp Grand Est au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 17 septembre 2019.

L'affaire a été appelée à l'audience du 10 mars 2022, la CPAM du Haut-Rhin ayant été autorisée, sur sa demande à ne pas y comparaître.

Dans son mail sollicitant sa dispense de comparution, la CPAM a indiqué qu'elle se prévalait de ses conclusions produites au cours de la procédure de première instance datées du 5 février 2018 et du 12 décembre 2018 et des pièces annexées.

Le président a sollicité que la CPAM, sous huit jours, adresse une copie de ces conclusions et pièces et a accordé aux avocats des autres parties un délai de quinze jours pour y répondre éventuellement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 6 janvier 2021, M. [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

et, statuant à nouveau :

- annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ;
- annuler la décision de refus de prise en charge de la CPAM du 8 septembre 2016 ;
- dire et juger que sa maladie doit être prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels ;
- condamner la CPAM du Haut-Rhin à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 30 juin 2021, la SAS Synergie Grand-Est demande à la cour de :

sur l'appel principal de M. [O] :

- débouter M. [O] de l'intégralité de ses fins et conclusions et, en conséquence :

avant dire droit :

- juger qu'il n'y a pas lieu de lui enjoindre à communiquer les plannings de M. [O] ;
- constater que le rapport établi par l'enquêteur assermenté de la CPAM prend en considération les spécificités de la période des vacances scolaires et n'en tire pas une règle générale sur les conditions d'exercice de M. [O] ;
- juger qu'il n'est pas nécessaire d'organiser une mesure complémentaire d'expertise ;

en conséquence :

- débouter M. [O] de sa demande d'expertise complémentaire ;

au fond :

- juger que M. [O] n'effectuait aucune manutention de charges lourdes ;
- juger que M. [O] n'est exposé à aucun risque de travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes ;
- juger qu'il n'existe aucun lien entre la maladie de M. [O] et son exercice professionnel en son sein ;
- juger bien-fondé le rejet par la CPAM de la demande de prise en charge de la maladie de M. [O] au titre des maladies professionnelles ;
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et s'agissant des dépens ;

sur son appel incident :

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, condamner M. [O] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

en tout état de cause :

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner solidairement M. [O] et la CPAM à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 5 février 2018 et du 12 décembre 2018, prises respectivement pour les audiences du TASS du 15 mars 2018 et du 10 janvier 2019 que la CPAM a indiqué reprendre à hauteur d'appel, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :

- confirmer le refus de reconnaissance de la maladie professionnelle 98 opposé à M. [O] ;

- rejeter la demande de M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 10 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Interjeté dans les formes et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur la demande de prise en charge de la maladie de M. [O] au titre de la législation professionnelle

M. [O] fait valoir qu'en application de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, sa maladie doit être présumée et même considérée comme d'origine professionnelle puisque la CPAM n'apporte pas la preuve contraire.

Il fait état de son embauche le 5 novembre 2009 au poste de conducteur PMR avec augmentation de ses horaires de travail au fil des années, une hernie discale L4-L5 comprimant la racine L4 droite ayant été diagnostiquée le 18 novembre 2014, laquelle relève du tableau no98 des maladies professionnelles relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes.

Il soutient que dans le questionnaire et le rapport demandés à son employeur par la CPAM, les observations faites par son employeur ne sont pas conformes à la réalité, ces documents ayant été remplis par la DRH du groupe à [Localité 6] qui ne connaissait pas ses conditions exactes de travail.

Il précise qu'il était amené à porter des charges lourdes de plus de trente kilos en hauteur au-dessus (et non pas en dessous) d'un mètre pour permettre aux personnes d'agripper la rampe, qu'il devait parcourir avec sa charge une « distance unitaire habituelle » supérieure (et non pas inférieure) à deux mètres en fonction des tournées lorsqu'il devait récupérer et déposer les clients avec leur fauteuil à leur domicile, qu'il devait répéter ces opérations, au minimum, toutes les heures pendant ses journées de travail, devait parfois porter des charges lourdes de plus de trente kilos en montée ou en descente afin d'aider aider certains clients à monter ou descendre les escaliers ou encore pousser le fauteuil en montée ou en descente.

Il souligne que les manipulations effectuées l'amenaient à adopter régulièrement une position « bras levés » puisqu'il lui fallait aller chercher la rampe manuelle qui se trouve dans le véhicule à un niveau situé au-dessus des épaules pour la faire redescendre manuellement à l'aide de ses mains pour la mettre au niveau de la personne à mobilité réduite pour qu'elle puisse l'agripper puis la remonter et ce, quatre fois plus fréquemment qu'il n'a de clients à transporter (puisqu'il faut sortir et ranger la rampe à chaque montée et à chaque descente de clients).

Il précise encore que la plupart des fauteuils roulants des clients sont manuels et non pas électriques, à quelques exceptions près, et que sa durée d'exposition au port de charges lourdes était supérieure à une heure par jour, soulignant que si, en principe, il ne devait pas porter les clients, il n'avait parfois pas le choix que de les aider notamment pour monter ou descendre des escaliers, à sortir de chez eux ; sachant que certains clients pèsent jusqu'à cent trente kilogrammes, le fait de pousser un fauteuil roulant manuel, sur lequel est assis une personne d'un tel poids est incontestablement caractéristique de manutention de charges lourdes.

Il indique que lorsque l'enquêteur a accompagné Mme [V] [C], il s'agissait d'une période de vacances scolaires, avec beaucoup moins de déplacements de jeunes qu'en temps normal alors qu'il transportait majoritairement des jeunes pour leurs déplacements en établissements scolaires, Mme [C] ayant un contrat de travail avec un volume horaire moindre de sorte que le temps de conduite journalier de M. [O] et le nombre de clients à prendre en charge sont largement sous-évalués (soit 4-5h contre 7-8h de conduite par jour en réalité et deux à quatre personnes transportées au lieu de six à huit en réalité), ses dires étant faciles à vérifier au regard des plannings journaliers que le GIHP établissait, les relevés

informatiques de ses tournées édités par la société Synergihp pour les années 2015 et 2016 étant incomplets car ne mentionnant que l'aller de chaque trajet et non le retour qu'il effectuait avec les personnes dont il avait la charge, ne faisant pas état des tournées rajoutées au jour le jour entre 10 et 16 heures, ces heures « supplémentaires » résultant de ses bulletins de paie.

Il fait encore valoir que les photographies du véhicule donné par le GIHP ne correspondent pas au véhicule qu'il conduisait plus ancien et beaucoup moins fonctionnel, les équipements censés aider à la manutention en diminuant le port de charges lourdes ne fonctionnant pas.

Il argue de ce que, dès lors que la CPAM a maintenu son refus de prise en charge au motif qu'il existait un doute puisque les « versions » de M. [O] et de son employeur, ainsi qu'il ressort du rapport d'enquête, étaient contradictoires, une nouvelle enquête s'avérait nécessaire.

Il prétend rapporter preuve d'une charge de travail importante impliquant la manutention de charges lourdes, expose qu'il n'a jamais soutenu que l'agent enquêteur aurait fait part de constatations fausses mais faussées et qu'il apporte des éléments et témoignages de nature à discréditer les constatations effectuées.

La CPAM réplique qu'aux termes du rapport rendu par l'agent enquêteur le 28 juillet 2016 dont les conclusions font foi jusqu'à preuve du contraire, M. [O] n'a pas été exposé au port de charges lourdes tel que décrit au tableau no98 des maladies professionnelles et que selon l'employeur, il manipule deux à quatre fauteuils par jour, la rampe du véhicule étant équipée de vérins facilitant sa manipulation.

Elle ajoute que M. [O] ne rapporte pas la preuve ni même de commencement de preuve que son activité professionnelle le soumet à des charges lourdes rentrant dans le cadre du tableau 98 des maladies professionnelles.

La société Synergihp Grand Est expose que M. [O] ne démontre pas avoir été exposé de manière habituelle aux risques du tableau no98 des maladies professionnelles.

Elle fait état du questionnaire qu'elle a complété faisant ressortir l'absence de manutention et port habituels de charges lourdes, étant souligné que les manipulations des fauteuils manuels ou électriques des personnes handicapées ne constituent pas un port de charges lourdes, que la rampe d'accès des fauteuils est équipée de vérins et de poignées, de sorte que la mise en place de cette rampe ne peut être qualifiée de manutention de charges lourdes, que les plannings d'intervention dont M. [O] demande la production ne sont pas de nature à démontrer le port de charges lourdes, pas plus que les bulletins de paie de M. [O].

Elle rappelle qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve, de sorte que les demandes d'enquête et d'expertise doivent être rejetées.

Elle conteste que M. [O] faisait les heures complémentaires dont il fait état, soulignant que la réalisation de telles heures se fait sur la base du volontariat.

Elle se prévaut du contenu du rapport qu'elle a remis à la CPAM, M. [O] ne démontrant pas les manutentions qu'il invoque, les attestations produites devant être considérées avec la plus grande précaution.

Aux termes des dispositions de l'article L461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Aux termes des dispositions de l'article L.461-1 alinéas 3 et 5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Aux termes des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

La maladie déclarée par M. [O] est une radiculalgie crurale par hernie discale L4-L5 inscrite au tableau no98 des maladies professionnelles afférent aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes.

Le délai de prise en charge prévu est de six mois sous réserve d'une durée d'exposition de cinq ans et le tableau prévoit une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie consistant en des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués notamment dans le cadre de soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ou dans le cadre du brancardage et du transport des malades.

Aux termes de son contrat de travail, M. [O] a été embauché par la société GIHP Lorraine Transports comme « conducteur PMR » à savoir de personnes à mobilité réduite, ses attributions consistant à assurer tous types de transports de personnes handicapées dont il a la charge, son attention ayant été portée sur le fait qu'il doit apporter son aide à la montée et à la descente du véhicule.

Le dernier avenant à son contrat de travail en date du 5 mars 2013 a fixé à compter du 1er mars 2013, la durée du travail de M. [O] à 115 heures mensuelles, soit 28,75 heures hebdomadaires avec possibilités d'heures complémentaires dans la limite de 28,75 heures par mois et le questionnaire rempli par l'employeur à destination de la CPAM évoque une durée de travail hebdomadaire de 30 heures.

Les réponses aux questionnaires dressés et par l'employeur et par M. [O] ne sont pas toutes concordantes.

Sur les manutentions manuelles réalisées, ce même questionnaire fait notamment état d'un poids de charge à l'unité supérieur à 30 kgs, d'un nombre de pièces manipulées inférieur à dix par jour, d'une fréquence de l'opération supérieure à cinq par jour, la charge à manipuler consistant en un fauteuil manuel ou électrique, sans aide à la manutention avec la nécessité d'exercer une force sur les fauteuils roulants manuels pour les tirer ou les pousser, sur des sols avec dénivelés et avec une distance parcourue avec la charge inférieure à deux mètres mais sans avoir à porter la charge en montée ou descente.

L'employeur a également établi un rapport aux termes duquel il est précisé notamment que M. [O] est amené à soulever des poids unitaires supérieurs à 50 kgs.

Dans le questionnaire qu'il rempli, M. [O] indique qu'il manipule jusqu'à dix fauteuils par jour, apporte des précisions sur les tâches qu'il a à accomplir telle que la nécessité de monter et descendre la rampe d'un poids de 20 kgs, le poids des personnes en fauteuil roulant pouvant aller jusqu'à 130 kgs et fait état d'une durée de travail hebdomadaire de 30 à 35 heures, d'une distance parcourue avec la charge supérieure à deux mètres, avec possibilité de montée ou descente, l'aide à la manutention se faisant par une rampe manuelle qu'il estime inadaptée.

La CPAM a pris l'option de procéder à une enquête administrative dont il est ressorti que M. [O] réalisait de 30 à 35 heures de travail par semaine, que l'employeur indiquait qu'en moyenne, M. [O] véhiculait et poussait entre deux et quatre fauteuils roulants par jour et jusqu'à huit piétons, la rampe utilisée étant équipée de vérins pour faciliter sa manipulation.

L'enquêtrice a accompagné la remplaçante de M. [O] sur une tournée du soir pendant trois heures, le travail de cette dernière consistant à pousser ou tirer le fauteuil roulant avec le client dessus, le poids total faisant plus de 70 kgs. Elle y a décrit le processus de manipulation de la rampe dont elle a donné le poids soit 30 kgs et a noté que la remplaçante de M. [O] ne considérait pas que ce soit du port de charges lourdes.

A l'issue de son enquête, l'enquêtrice a conclu que M. [O] n'a pas été exposé au port de charges lourdes tel que décrit au tableau no98 des maladies professionnelles.

Force est de constater que :

- en amont de cette enquête, l'employeur avait admis que M. [O] était amené à procéder à des manutentions manuelles de personnes à mobilité réduite en fauteuil roulant ou électrique pouvant aller jusqu'à neuf par jour,

- l'enquêtrice a validé le nombre d'heures de travail hebdomadaires de M. [O] comme pouvant aller jusqu'à 35 heures alors que l'employeur n'avait fait état que de 30 heures,

- l'employeur n'avait pas fait état de l'existence de la rampe comme aide à la manutention, M. [O], pour sa part, ayant évoqué la difficulté liée à la manutention de cette rampe dont il a estimé le poids à 20 kgs alors que l'enquête administrative a révélé qu'elle pesait 10 kgs de plus,

- l'enquête a mentionné que le poids total de la charge à pousser et tirer (fauteuil roulant+personne) était supérieur à 70 kgs, étant rappelé que le jour de la tournée de la remplaçante de M. [O], il n'y avait qu'une seule une jeune femme en fauteuil roulant manuel à prendre en charge, l'éventualité de poids allant jusqu'à 130 kgs tel que le mentionne M. [O] n'étant pas à exclure.

Dès lors, il apparaît que M. [O] a été employé comme conducteur PMR avec pour attributions d'assurer tous types de transports de personnes handicapées avec nécessité d'apporter son aide à la montée et à la descente du véhicule des personnes prises en charge et qu'il réalisait donc quotidiennement des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués pour des travaux visés par le tableau no98 des maladies professionnelles.

Considération prise de ce que la condition liée à la liste limitative des travaux, seule contestée, est remplie, il y a lieu de dire que la CPAM doit prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie que M. [O] lui a déclarée, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail devant jouer par application des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a dit que chaque partie supportera ses propres dépens et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est confirmé pour le surplus.

La CPAM est condamnée aux dépens de la procédure de première instances exposés à compter du 1er janvier 2019.

La CPAM est condamnée à payer à M. [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés lors de la procédure de première instance et ses frais de procédure d'appel.

La CPAM et la société Synergihp Grand Est sont déboutées de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement du pôle social de tribunal de grande instance de Mulhouse du 22 août 2019 en ce qu'il a :

- dit que la maladie déclarée par M. [W] [O] le 10 février 2016 n'est pas une maladie professionnelle et en conséquence ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

- débouté en conséquence M. [W] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens ;

- rejeté la demande présentée par M. [W] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME pour le surplus le jugement du pôle social de tribunal de grande instance de Mulhouse du 22 août 2019 ;

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

DIT que la maladie professionnelle de M. [W] [O] « radiculalgie crurale par hernie discale L4-L5 » doit être prise en charge par la CPAM du Haut-Rhin au titre de la législation professionnelle ;

CONDAMNE la CPAM Haut-Rhin aux dépens de la procédure de première instance exposés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la CPAM Haut-Rhin à payer à M. [W] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la SAS Synergihp Grand Est et la CPAM Haut-Rhin de leurs demandes d'indemnité fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/041701
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-19;19.041701 ?
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