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19/05/2022 | FRANCE | N°17/050961

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 19 mai 2022, 17/050961


MINUTE No 22/463

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 17/05096 - No Portalis DBVW-V-B7B-GUAN

Décision déférée à la Cour : 22 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN

APPELANT :

Monsieur [S] [X]
[Adresse 5

]
[Localité 6]

Représenté par Me Laurie TECHEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DU BAS RHIN
[Adre...

MINUTE No 22/463

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 19 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 17/05096 - No Portalis DBVW-V-B7B-GUAN

Décision déférée à la Cour : 22 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN

APPELANT :

Monsieur [S] [X]
[Adresse 5]
[Localité 6]

Représenté par Me Laurie TECHEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DU BAS RHIN
[Adresse 2]
[Localité 6]

Comparante en la personne de Mme [P] [F], munie d'un pouvoir

S.A.S. [Z] ET ASSOCIES
ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS SCHERBERICH
[Adresse 1]
[Localité 7]

Société SCHERBERICH S.A.S. en liquidation judiciaire
[Adresse 3]
[Localité 7]

Représentées par Me Mélina VARSAMIS, avocat au barreau de STRASBOURG, substituée par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour d'appel de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre ,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [X] a été engagé à compter du 10 janvier 2010 par la société Scherberich en qualité de tailleur de pierre, suivant contrat à durée indéterminée.

A fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin au titre de la législation professionnelle, il a établi deux déclarations de maladies professionnelles au titre de troubles angioneurotiques, l'une concernant sa main droite et l'autre concernant sa main gauche, toutes deux instruites sur la base du tableau no69 des maladies professionnelles : affections provoquées par les vibrations et chocs transmis par certains outils et par les chocs itératifs du talon de la main.

Le 11 février 2013, la CPAM du Bas-Rhin a décidé de prendre en charge la pathologie de la main droite au titre de la législation professionnelle (dossier 120928676), un taux d'incapacité permanente ayant été fixé à 8%, concernant cette pathologie, à compter du 19 avril 2013.

Le 12 mars 2013, la CPAM du Bas-Rhin a décidé de prendre en charge la pathologie de la main gauche au titre de la législation professionnelle (dossier 122928674), un taux d'incapacité permanente ayant été fixé à 6 %, concernant la main gauche, à compter du 1er juillet 2013.

Par lettre envoyée le 24 avril 2015, M. [S] [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin d'une action tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 22 novembre 2017, le TASS du Bas-Rhin a :

- déclaré la demande de M. [X] irrecevable au titre de la main droite ;
- déclaré recevable sa demande au titre de la main gauche mais l'en a débouté.

Par deux déclarations en date du 6 décembre 2017, M. [S] [X] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Les deux instances ont été jointes sous le numéro unique RG no17/5096.

Par jugement du 16 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a prononcé la liquidation judiciaire de la société Scherberich et a désigné la SELAS [Z] et Associés en la personne de Me [C] [Z] en qualité de liquidateur.

Par arrêt du 14 janvier 2021, la cour d'appel de Colmar a :

- déclaré recevable l'appel interjeté par M. [S] [X] ;
- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de la société Scherberich concernant la pathologie de la main droite et recevable l'action en reconnaissance de ladite faute concernant la pathologie de la main gauche ;
- infirmé le jugement déféré pour le surplus ;
statuant à nouveau,
- dit que la maladie professionnelle « troubles angioneurotiques de la main gauche » déclarée par M. [S] [X] est due à la faute inexcusable de son employeur la société Scherberich ;
- ordonné la majoration de la rente servie à M. [S] [X] à son maximum ;
- dit que la majoration sera versée par la CPAM du Bas-Rhin qui en récupérera le capital représentatif auprès de l'employeur ;
avant-dire droit sur la liquidation des préjudices complémentaires de M. [S] [X] :
- ordonné l'expertise médicale de M. [S] [X] ;
- désigné pour y procéder le Dr [O] [U] dont la mission a été détaillée ;
- fixé à 700 euros (HT) les frais d'expertise, l'avance de cette somme devant être faite par la CPAM du Haut-Rhin qui pourra en récupérer le montant sur l'employeur la société Scherberich ;
- débouté M. [S] [X] de sa demande de provision ;
- invité la SAS [Z] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société Scherberich à communiquer à la CPAM du Bas-Rhin, les coordonnées de la compagnie d'assurance et les numéro de police garantissant le risque « faute inexcusable » de la société Scherberich ;
- réservé les demandes des parties pour le surplus.

L'expert a déposé son rapport le 4 mai 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2022, M. [X] demande à la cour de :
– lui allouer les sommes suivantes :
* 2.892,50 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire,
* 6.000 euros au titre de la réparation des souffrances endurées,
* 3.000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire,
* 4.000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent,
* 5.000 euros au titre de son préjudice sexuel,
* 10.000 euros au titre de son préjudice d'agrément,
* 5.000 euros au titre de sa perte de gains professionnels actuels ;
– rappeler que la CPAM devra lui faire l'avance des frais ;
– condamner la SELAS [Z] et Associés, ès qualités de mandataire de la SAS Scherberich à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers frais de la procédure.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 23 décembre 2021, la SAS [Z] et Associés ès qualités de mandataire liquidateur de la société Scherberich demande à la cour de :

– déclarer l'appel mal fondé ;
– lui donner acte de ce qu'elle se propose d'indemniser les préjudices suivants à hauteur de :
* 414 euros pour le déficit fonctionnel temporaire,
* 2 .00 euros pour les souffrances physiques et morales endurées,
* 1.000 euros pour le préjudice d'agrément ;
– débouter M. [S] [X] de ses autres fins et prétentions ou les – réduire à de plus justes proportions ;
– lui donner acte qu'elle renonce à solliciter le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [S] [X] aux éventuels frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 18 août 2021, la CPAM du Bas-Rhin demande à la cour de :

– débouter M. [X] de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice sexuel, du préjudice esthétique et des préjudices de nature professionnelle ;
– réduire à de plus justes proportions les montants sollicités par M. [X] au titre des autres préjudices réclamés subis du fait de sa maladie professionnelle du 28 septembre 2012 due à une faute inexcusable de l'employeur ;
– condamner la société Scherberich à rembourser à la caisse les sommes qu'elle sera amenée à avancer à M. [X] au titre des préjudices subis ;
– condamner la société Scherberich à rembourser à la caisse les frais d'expertise avancés soit 700 euros ;
– rejeter toute demande de condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile au paiement des frais et dépens de la présente procédure.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 10 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnisation des préjudices de M. [X]

Aux termes des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L.452-2 du même code, la victime d'une maladie professionnelle a le droit de demander à l'employeur, dont la faute inexcusable a été reconnue, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par elle, de ses préjudices esthétiques temporaire et/ou définitif et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

En application de cette disposition, telle qu'interprétée par le Conseil constitutionnel (décision no2010-8 du 18 juin 2010 sur QPC) et la Cour de cassation, peuvent également être indemnisés le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT), l'assistance par tierce personne avant consolidation, les frais d'aménagement du véhicule et du logement, le préjudice sexuel, le préjudice permanent exceptionnel, le préjudice d'établissement, le préjudice scolaire, les dépenses de santé non prises en charge et les frais divers, postes de préjudice non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale.

Les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

Les différents chefs de préjudice subis par M. [S] [X], né le [Date naissance 4] 1965, consolidé le 30 juin 2013, des suites de sa maladie professionnelle touchant sa main gauche sont réparés comme suit :

Sur les souffrances physiques et morales endurées

M. [X] demande la somme de 6.000 euros au titre de la réparation de ses souffrances physiques et morales faisant valoir que ses souffrances psychologiques ont été ignorées par l'expert. Il souligne que sa souffrance morale a justifié la mise en place d'un suivi psychiatrique et que son syndrome anxio-dépressif est à l'origine de plusieurs arrêts de travail. Il ajoute que ce n'est qu'après deux années d'errance médicale que le Dr [V] a établi un diagnostic médical précis de la pathologie dont il souffre.

La société [Z] et Associés, ès qualités, propose une indemnisation à hauteur de 2.500 euros aux motifs que l'expert a retenu un préjudice léger de 2/7 en prenant en considération tant les souffrances morales que physiques de M. [X] sur la période courant à compter de septembre 2012, les arrêts de travail concernant la période antérieure n'étant pas imputables à la maladie des vibrations.

La CPAM indique que la jurisprudence évalue, en général, à 2.000 euros le montant devant être alloué pour un taux de préjudice tel que fixé par l'expert.

Aux termes de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander à celui-ci la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime de la maladie professionnelle et des traitements, interventions, hospitalisations dont elle a fait l'objet jusqu'à la consolidation.

Compte tenu de l'évaluation faite par l'expert au taux de 2/7, de l'âge de la victime, de la nature et de la durée des soins, une somme de 2.500 euros est allouée à M. [X] étant souligné que l'expert a retenu que l'évolution chronique de la maladie, dépourvue de traitement total, était de nature à participer aux manifestations d'un syndrome anxio-dépressif chronique mais que les premiers arrêts de travail mentionnés en 2010 ne sont pas imputables à la maladie en cause, le premier arrêt de travail à rattacher à cette dernière datant du 28 septembre 2012.

Sur le préjudice esthétique

- Sur le préjudice esthétique temporaire

M. [X] sollicite la somme de 3.000 euros au titre de la réparation du préjudice esthétique temporaire faisant état de ce que tout au long de sa maladie, il a subi une altération de la physionomie de ses mains, en particulier de la gauche faisant notamment état de ce qu'il a été contraint de porter une attelle plâtrée ainsi que des orthèses.

Il souligne que l'expert ne s'est pas prononcé sur l'évaluation du préjudice esthétique temporaire alors que sa mission l'intégrait.

M. [X] considère que ce préjudice doit être évalué à 2 sur 7.

La société [Z] et Associés, ès qualités, s'y oppose arguant de ce qu'il s'agit de ne se positionner que par rapport à la main gauche, qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération la période 2010-2011 alors que la première constatation médicale de la maladie de Raynaud est datée du 25 août 2012.

Elle souligne que M. [X] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice esthétique temporaire, l'expert n'en ayant d'ailleurs pas retenu et que si une somme devait être accordée à ce titre, elle devrait être réduite à de plus justes proportions.

La CPAM expose que l'expert n'a pas retenu l'existence d'un tel préjudice et souligne que si une somme devait être allouée à ce titre, il s'agirait de la minorer considération prise de ce que les troubles invoqués n'existent pas en permanence.

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes et altérations de l'apparence physique subies par la victime de la maladie professionnelle jusqu'à la consolidation et constitue un poste temporaire autonome indemnisable.

Sur le poste préjudice esthétique, l'expert a estimé que le préjudice esthétique était sans objet faute de troubles trophiques (concernant la nutrition des tissus) permanents ou même prolongés.

Toutefois, même si les troubles trophiques ne sont pas permanents ni prolongés, il ressort de l'analyse du 25 août 2012 (soit contemporaine à la constatation médicale de la pathologie atteignant la main gauche) du Dr [V], angiologue, que ces troubles sont typiques du syndrome de Raynaud, le syndrome étant décrit comme sévère à gauche, le patient faisant état de crises déclenchées par le froid ou simplement l'humidité y compris l'exposition à l'eau froide, ces crises atteignant les deux première phalanges des quatre doigts et pouvant aller jusqu'au milieu de la paume.

Il ressort du rapport du Dr [U] que le jour de l'examen de M. [X], la coloration de la main gauche était normale sans trouble trophique à la paume ni aux doigts, ce constat démontrant que ce trouble est une des particularités du syndrome de Raynaud, M. [X] ayant fait part à l'expert de l'existence d'un tel trouble lors de la survenance de crises.

Dès lors, c'est à juste titre que M. [X] sollicite une indemnisation au titre de son préjudice esthétique temporaire, lequel ne concerne que sa main gauche et la période allant de la constatation de sa pathologie à la date de la consolidation, de sorte que l'octroi d'une somme de 1.000 euros apparaît adaptée.

- Sur le préjudice esthétique permanent

M. [X] demande la somme de 4.000 euros au titre de la réparation du préjudice esthétique permanent, faisant valoir que sa pathologie consiste en un trouble de la circulation sanguine à l'origine d'une altération de l'apparence des mains en période de crises, les doigts prenant généralement une coloration blanchâtre en période de crise.

La société Scherberich s'y oppose aux motifs que l'expert n'a pas retenu l'existence d'un préjudice de cet ordre et soulignant que la variation de la couleur des mains qui réagissent au froid puis à leur réchauffement et leur gonflement peut affecter toute personne même sans maladie.

Elle ajoute que si une somme devait être accordée à ce titre, elle devrait être réduite à de plus justes proportions.

La CPAM fait valoir les mêmes moyens que pour le préjudice esthétique temporaire.

Ce poste de préjudice indemnise les altérations de l'apparence physique de la victime de la maladie professionnelle et constitue un poste permanent autonome indemnisable.

Sur le poste préjudice esthétique, l'expert a estimé que le préjudice esthétique était sans objet faute de troubles trophiques permanents ou même prolongés.

Toutefois, même si les troubles trophiques ne sont pas permanents ni prolongés, l'expert a noté que le diagnostic de syndrome de Raynaud reposait sur la description clinique des crises faite par M. [X] laquelle est caractéristique de ce syndrome, l'expert n'ayant pas remis en cause cette description.

L'expert a également indiqué qu'une fois installés, les troubles n'ont plus de tendance spontanée à la guérison, l'évolution étant imprévisible entre sédation et aggravation de la fréquence des crises.

L'analyse faite le 25 août 2012 par le Dr [V], angiologue, citée ci-avant est reprise dans un document établi le 2 mars 2021 par le même spécialiste lequel mentionne que ce syndrome est stable non évolutif sur le plan clinique, un rappel ayant été fait au patient de la nécessité de protéger les extrémités contre le froid et l'humidité.

Il s'en déduit que les troubles trophiques apparaissent en cas de crises lesquelles, si elles ne sont pas permanentes, sont néanmoins récurrentes de même que le préjudice esthétique post-consolidation.

A ce titre, une somme de 3.000 euros est allouée à M. [X] pour le préjudice afférent à sa main gauche.

Sur le préjudice d'agrément

M. [X] invoque l'impossibilité pour lui de se livrer désormais, régulièrement, aux activités de guitare classique, de pêche et bricolage, de ski et des sports au contact de l'eau froide et sollicite une somme de 10.000 euros.

La société [Z] et Associés, ès qualités, s'y oppose et offre une indemnisation à hauteur de 1.000 euros, faisant valoir que M. [X] ne produit aucune pièce venant corroborer l'existence d'une pratique régulière de la pêche antérieure au début de la maladie, que l'activité de bricolage est une activité ordinaire de la vie courante, que la pratique de ski de fond n'est pas impossible et que la facture de la guitare est de 3.390 francs et non euros, cette pratique n'étant pas seulement obérée par la main gauche mais également pasrla main droite.

La CPAM expose que le montant sollicité doit être minoré au regard de l'évaluation de l'expert et des éléments de preuve de l'assuré.

La réparation du préjudice d'agrément, aux termes des dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, vise à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs à laquelle elle se livrait antérieurement à la maladie professionnelle.

Ce poste de préjudice ne vise pas à réparer la perte de qualité de vie subie avant consolidation qui est prise en compte au titre du déficit fonctionnel temporaire.

L'expert a repris les déclarations de M. [X] aux termes desquelles, il ne pouvait plus pratiquer régulièrement comme avant la guitare, la pêche, le bricolage, le ski et les sports au contact de l'eau froide.

Sans remettre en cause médicalement cette altération de ces pratiques, l'expert a néanmoins indiqué que M. [X] ne subissait pas une forme grave de la maladie.

Si M. [X] ne produit pas de justificatifs suffisamment probants de sa pratique régulière du ski de fond, des sports d'eau invoqués et de la pêche, ceux produits sur sa pratique régulière de la guitare et de son activité de bricolage, allant au-delà d'une simple activité de la vie courante, permettent de lui allouer une somme de 2.000 euros à ce titre.

Sur le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT)

M. [X] sollicite la somme de 2.892,50 euros au titre de l'indemnisation du DFT.

Il expose que c'est au prix d'une errance médicale, imputable aux praticiens qui le suivaient à l'époque, que le diagnostic exact de sa pathologie a été posé le 25 août 2012, ce dont il a été victime.

Il considère que, par erreur, l'expert a limité la période du DFT du 25 août 2012 au 30 juin 2013 et qu'il n'y a pas lieu de fixer au 28 septembre 2012 le point de départ du DFT, cette date correspondant à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle, le point de départ devant être fixé au 1er mai 2010, date des premières manifestations physiques et douloureuses du syndrome de Raynaud.

Il en déduit que la période d'analyse du DFT va du 1er mai 2010 au 30 juin 2013.

Faisant valoir que l'expert s'est trompé en retenant un DFP de 6% conforme au taux d'incapacité permanente partielle retenu par la CPAM, il demande à ce que ce taux soit fixé à 10% et précise que ses calculs ont été faits sur la base d'une indemnité mensuelle de 750 euros.

La société [Z] et Associés, ès qualités, indique que l'expert a retenu qu'aucun élément objectif ne permet de contredire le diagnostic de syndrome du canal carpien qui avait été posé en 2010, le syndrome de Raynaud s'étant développé secondairement, ces deux diagnostics pouvant coexister.

Elle ajoute qu'au demeurant, M. [X] ne démontre pas le préjudice qu'il a subi à compter du 1er mai 2010 résultant de la gêne dans les actes de la vie courante.

Elle considère que le DFT doit être indemnisé sur la période du 28 septembre 2012 au 30 juin 2013 sur la base d'un taux journalier de 25 euros.

La CPAM expose que la maladie professionnelle de M. [X] a été reconnue avec une date d'effet au 28 septembre 2012 et que l'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé au 30 juin 2013, ce qui correspond à la période de calcul du DFT.

Elle souligne que la jurisprudence admet une indemnité forfaitaire entre 300 et 500 euros pour réparer la gêne dans les actes de la vie courante lorsque l'incapacité temporaire est partielle.

Ce poste de préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique). Il n'est pas couvert par le livre IV du code de la sécurité sociale et doit donc être indemnisé.

L'expert a retenu un DFT de 6% du 25 août 2012 au 30 juin 2013.

Contrairement à ce que soutient M. [X], l'expert n'a pas fait de confusion avec le taux d'incapacité permanente partielle de 6% fixé par la CPAM mais il a juste signalé que le taux d'incapacité permanente partielle avait été fixé à hauteur de ce taux par la caisse.

Il a néanmoins fixé un point de départ erroné puisque la maladie professionnelle de M. [X] n'a été reconnue qu'avec une date d'effet au 28 septembre 2012, de sorte que le calcul de DFT doit se faire sur la période allant du 28 septembre 2012 au 30 juin 2013.

Compte tenu de la nature des lésions et des circonstances de la maladie professionnelle, la cour fixe à la somme de 750 euros par mois la base d'indemnisation et alloue donc une somme de 414 euros de ce chef ((25€X276)X 6%).

Sur le préjudice sexuel

M. [X] demande la somme de 5.000 euros au titre de la réparation de son préjudice sexuel. Il expose qu'il produit des pièces médicales qui évoquent un trouble de la libido et que le syndrome d'impuissance a été évoqué lors de l'expertise médicale mais que l'expert n'y a pas répondu arguant de ce qu'il n'avait pas été missionné sur ce point, ce qui est erroné.

La société [Z] et Associés, ès qualités, souligne que la mission confiée à l'expert ne portait pas sur l'analyse d'un préjudice sexuel et que le lien du trouble invoqué par M. [X] avec sa pathologie n'est qu'une hypothèse.

La CPAM expose que l'expert ne s'est pas prononcé sur ce point et que si une somme devait être allouée à ce titre, elle devra être minorée au regard de la demande de M. [X].

Ce poste de préjudice indemnise trois types d'altérations partielles ou totales, séparées ou cumulées : l'altération morphologique liée à l'atteinte aux organes sexuels, l'altération de la vie sexuelle résultant de la perte de plaisir ou de confort lors de l'accomplissement de l'acte sexuel et l'altération de la fertilité.

L'expert n'a pas reçu mission d'évaluer le préjudice sexuel.

Considérant que M. [X] se prévaut d'un certificat médical du 10 mars 2021 qui fait état de troubles de la libido ayant nécessité une prescription médicale médicamenteuse et ne faisant que poser l'hypothèse d'un lien éventuel avec le syndrome de Raynaud, ce qui n'est pas confirmé médicalement, il y a lieu de rejeter la demande formulée de ce chef.

Sur la perte de gains professionnels actuels

M. [X] demande la somme de 5.000 euros à ce titre, soutenant que cette perte concerne le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire, la rente pour maladie professionnelle ne réparant pas ce préjudice.

Il considère que sur la période allant du 28 septembre 2012 au 31 décembre 2012, il a subi un manque à gagner par rapport à son salaire et à ses primes.

La société [Z] et Associés, ès qualités, s'y oppose arguant de ce que cette perte est déjà indemnisée par le versement des indemnités journalières, que la rente accident du travail indemnise les pertes de gains professionnels actuels et futurs.

Subsidiairement, elle fait observer que l'indemnisation de ce préjudice est en principe égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calculant en net et hors incident spécial, et souligne que M. [X] ne justifie pas de ce préjudice puisqu'il ne produit pas les bulletins de paie permettant de vérifier ses calculs qu'elle considère erronés.

La CPAM expose que M. [X] a bénéficié d'indemnités journalières, de sorte qu'il n'est pas en droit de bénéficier de l'indemnisation qu'il sollicite.

Comme il l'a déjà été dit ci-avant, en matière d'indemnisation des préjudices en lien avec la faute inexcusable de l'employeur, les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire.

Ainsi, M. [X] ayant bénéficié d'indemnités journalières pendant la période qu'il vise, sa demande formulée de ce chef est rejetée.

L'indemnisation des préjudices de M. [X] s'établit comme suit :

– souffrances endurées : 2.500 euros
– préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros
– préjudice esthétique permanent : 3.000 euros
– préjudice d'agrément : 2.000 euros
– Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT) : 414 euros
– soit un total de : 8.914 euros.

Sur l'avance par la CPAM des indemnités allouées et son action récursoire

La CPAM du Bas-Rhin doit assurer l'avance des indemnisations ci-dessus allouées à M. [X].

Il est constant que l'ancien employeur de M. [X], la société Scherberich représentée par [Z] et Associés a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Ainsi la CPAM du Bas-Rhin est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société Scherberich représentée par [Z] et Associés sous réserve de la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire.

Sur les dépens et les frais de procédure

La société Scherberich est condamnée aux dépens d'appel exposés à compter du 1er janvier 2019, y compris les frais d'expertise lesquels seront employés en frais de procédure collective.

La SELAS [Z] et Associés ès qualités de mandataire liquidateur de la société Scherberich est condamnée à payer à M. [X] une indemnité de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :

Vu l'arrêt rendu le 14 janvier 2021,

FIXE comme suit les sommes dues à M. [S] [X] au titre de la réparation de ses préjudices :

– souffrances endurées : 2.500 euros
– préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros
– préjudice esthétique permanent : 3.000 euros
– préjudice d'agrément : 2.000 euros
– Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT) : 414 euros ;

REJETTE les demandes de M. [S] [X] pour l'indemnisation des préjudices suivants :

– préjudice sexuel,

– perte de gains professionnels actuels ;

DIT que la CPAM du Bas-Rhin versera directement à M. [S] [X] les sommes dues au titre de l'indemnisation complémentaire ;

DIT que la CPAM du Bas-Rhin est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société Scherberich ;

RAPPELLE que la CPAM du Bas-Rhin ne pourra exercer son action récursoire à l'encontre de la société Scherberich, en liquidation judiciaire, que sous réserve de la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire ;

CONDAMNE la société Scherberich aux dépens de la procédure d'appel exposés à compter du 1er janvier 2019 lesquels seront employés en frais de procédure collective ;

CONDAMNE la SAS [Z] et Associés ès qualités de mandataire judiciaire de la société Scherberich à payer à M. [S] [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 17/050961
Date de la décision : 19/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin, 22 novembre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-19;17.050961 ?
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