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17/05/2022 | FRANCE | N°20/03217

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 17 mai 2022, 20/03217


MINUTE N° 22/448





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION Ar>
ARRET DU 17 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/03217

N° Portalis DBVW-V-B7E-HNSG



Décision déférée à la Cour : 12 Octobre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE



APPELANTE :



Madame [R] [E]

12, rue Principale

67340 BISCHHOLTZ



Représentée par ...

MINUTE N° 22/448

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 17 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/03217

N° Portalis DBVW-V-B7E-HNSG

Décision déférée à la Cour : 12 Octobre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE

APPELANTE :

Madame [R] [E]

12, rue Principale

67340 BISCHHOLTZ

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

INTIMES :

Maître Me [T] [S], ès qualités de liquidateur de la société DELK (VETEMENTS SIMON)

18, avenue Pierre Mendes France

67300 67300 SCHILTIGHEIM

Non représenté

Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE NANCY Association UNEDIC Délégation AGS-CGEA de NANCY, représentée par sa directrice nationale

96 rue Saint Georges

50510 NANCY CEDEX

Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Saverne du 12 octobre 2020, régulièrement frappé d'appel, le 4 novembre 2020, par voie électronique, par Mme [R] [E] ;

Vu les conclusions de Mme [R] [E], transmises par voie électronique le 27 août 2021 ;

Vu les conclusions de l'AGS-CGEA de Nancy, transmises par voie électronique le 28 avril 2021 ;

Vu l'absence de constitution d'avocat pour la Selas MJE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Delk ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 26 octobre 2021 ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Il résulte des pièces et des conclusions des parties que Mme [R] [E], née le 3 octobre 1960, a été embauchée, à compter du 9 juillet 2013, par la société Danypat Sarl, en qualité de vendeuse, et a été initialement affectée à l'établissement, situé 40 rue Grand'rue à Saverne (67700).

Par acte du 14 décembre 2015, cet établissement a été cédé à la Sarl Delk, exerçant une activité de prêt-à-porter sous l'enseigne 'Vêtements Simon', et le contrat de travail de Mme [R] [E] a été transféré à cette dernière.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles.

Mme [R] [E] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 9 février 2019.

Par acte du 14 mars 2019, elle a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Saverne aux fins d'obtenir paiement diverses sommes, notamment à titre de rappel de salaire depuis le mois d'octobre 2018, de prime d'ancienneté et de prime d'objectif. La procédure a été enregistrée sous la référence RG 19/06.

Par jugement du 30 avril 2019, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl Delk.

Par acte introductif d'instance du 2 mai 2019, Mme [R] [E] a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Saverne aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et le paiement notamment d'un rappel de salaire. L'affaire a été enregistrée sous la référence RG 19/87.

Par décision du 4 juin 2019, le conseil de prud'hommes en la formation de référé a ordonné la radiation de l'affaire enregistrée sous la référence RG 19/06 en raison de l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la Sarl Delk.

Par jugement du 6 août 2019, ce redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, avec fixation de la date de cessation des paiements au 1er décembre 2017 et désignation de la Selas MJE, en la personne de Me [T] [S], en qualité de liquidateur.

En cours de procédure prud'homale, Mme [R] [E] a été convoquée par le liquidateur judiciaire à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 août 2019, puis elle a été licenciée le 20 août 2019 pour motif économique. Elle a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 16 août 2019, de sorte que le contrat de travail a pris fin le 6 septembre 2019.

Elle a alors contesté, à titre subsidiaire, son licenciement, puis elle a sollicité la fixation à son profit de diverses créances nées de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 12 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement pour motif économique est fondé,

- fixé au profit de Mme [R] [E] les créances suivantes :

* 8.664,44 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2018 à août 2019,

* 866,44 euros au titre des congés payés y afférents,

* 733,34 euros au titre de la prime d'ancienneté ,

* 73,33 euros au titre des congés payés y afférents,

* 26,62 euros à titre de reliquat de l'indemnité de licenciement,

- ordonné la transmission des feuilles de paie depuis octobre 2018 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 20ème jour du prononcé de la décision,

- ordonné la transmission des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 20ème jour du prononcé de la décision,

- dit que l'article 700 du code de procédure civile n'est pas applicable en raison de la nature de l'affaire,

- débouté Mme [R] [E] du surplus de ses chefs de demande,

- fixé les entiers frais et dépens à la charge de la liquidation judiciaire,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS-CGEA de Nancy.

Sur la demande en reclassification au poste de responsable de magasin

Mme [R] [E] sollicite sa reclassification au poste de responsable de magasin, relevant de la catégorie B2 des agents de maîtrise, et réclame la fixation à son profit des créances de 26.383 euros brut à titre de rappel de salaire et 2.638,30 euros au titre des congés payés y afférents.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Pour déterminer la classification d'un salarié au regard de la convention collective applicable, il convient de ne pas s'arrêter à celle mentionnée dans le contrat de travail mais de rechercher quelles sont les tâches réellement accomplies par ce dernier au regard des dispositions de ladite convention collective, en l'espèce celle du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles.

Dans la présente affaire, Mme [R] [E] produit trois attestations de Mme [Z] [H], Mme [W] [I] et Mme [K] [N], une convention de stage concernant un élève inscrit en 'baccalauréat professionnel vente', et une attestation de stage concernant e même élève.

Toutefois, ces éléments n'apportent aucun élément utile au litige.

En effet, et en premier lieu, Mme [Z] [H], Mme [W] [I] et Mme [K] [N], qui ne sont pas salariées de l'entreprise, ne font état d'aucun élément dont elles auraient été des témoins directs. Elles se contentent de déclarer que Mme [R] [E] leur aurait fait part, courant décembre 2015, de ce qu'elle aurait été promue au poste de responsable de magasin, avec effet au 1er janvier 2016.

Mme [K] [N] ajoute que celle-ci était responsable du magasin, sans décrire son travail et sans expliquer les raisons qui l'ont amenée à procéder à une telle affirmation.

En deuxième lieu, l'attestation de stage, datée du 1er juillet 2017, ne porte pas le cachet de la Sarl Delk et n'est même pas signée.

En troisième lieu, même si Mme [R] [E] est désignée en qualité de tuteur et responsable du magasin dans la convention de stage dont il est fait état, cette convention concerne un stage d'une durée de seulement 20 jours effectifs et ne porte pas non plus le cachet de la Sarl Delk, étant observé que la salariée a apposé deux signatures sur cette convention, une fois en tant que tuteur et une autre en tant que représentant de l'entreprise, ce qu'elle n'était pas.

En dernier lieu, force est de constater que Mme [R] [E] procède par voie d'affirmation, qu'elle ne fournit aucune description des tâches qu'elle aurait accomplies en qualité de responsable de magasin, et qu'elle n'explique pas pourquoi elle n'a pas revendiqué auprès de son employeur cette qualité, avant la procédure prud'homale au fond, alors que ses bulletins de paie mentionnaient toujours la qualité de vendeuse.

Ainsi, Mme [R] [E] ne justifie pas avoir assuré de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification de responsable de magasin qu'elle revendique.

Il y a donc lieu de rejeter ses demandes en reclassification au poste de responsable de magasin, relevant de la catégorie B2 des agents de maîtrise, et en fixation de créances à ce titre, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la demande en paiement du rappel de salaire

Mme [R] [E] sollicite la fixation à son profit d'une créance de 8.987,99 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2018 au 6 septembre 2016, au motif que son salaire ne lui a pas été payé pendant cette période.

Elle demande également la fixation à son profit d'une créance de 702,56 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2017 au 6 septembre 2019, au motif qu'il a n'a pas été tenu compte de la revalorisation du salaire minimum conventionnel.

En premier lieu, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a limité la demande en paiement du rappel de salaire au 6 août 2019, date de la liquidation judiciaire de la Sarl Delk, alors que Mme [R] [E] avait droit à son salaire jusqu'au 6 septembre 2019, date de la rupture de son contrat de travail.

En deuxième lieu, il n'est pas contesté que Mme [R] [E] n'a pas perçu de salaire au titre de la période du 1er octobre 2018 au 8 février 2019, et que son salaire n'a pas été maintenu pendant son arrêt de travail pour maladie du 9 février 2019 au 6 septembre 2016, conformément aux dispositions de la convention collective applicable.

D'ailleurs, bien que la preuve du paiement des salaires incombe à l'employeur, force est de relever que Mme [R] [E] produit ses extraits bancaires qui montrent l'absence de tout versement de la part de la Sarl Delk.

Il est constant qu'en dernier lieu, Mme [R] [E] percevait un salaire d'un montant de 1.516,70 euros brut, alors que le salaire minimum conventionnel, relatif à au poste de vendeuse de catégorie 5 occupé par la salariée, avait été porté d'abord à 1.538 euros brut à compter du 1er septembre 2017, puis à 1.556 euros brut à compter du 1er janvier 2019.

Il y a donc lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande de Mme [R] [E] en fixant à son profit les créances de 9.690,55 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2017 au 6 septembre 2019, et 969,05 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé sur ces points.

Sur la demande en paiement de la prime d'ancienneté

La convention collective applicable prévoit une prime d'ancienneté de 19,81 euros par mois à partir de trois années d'ancienneté.

Mme [R] [E] ayant été embauchée à compter du 9 juillet 2013, elle avait donc droit de percevoir une prime d'ancienneté du 9 juillet 2016 au 6 septembre 2016, date de la rupture du contrat de travail, soit une prime calculée sur la base de 37,91 mois (22/31 du mois de juillet 2016 + 5 mois + 12 mois + 12 mois + 8 mois + 6/30 du mois de septembre 2016).

Il y a donc lieu de fixer à son profit une créance de 751 euros brut au titre de la prime d'ancienneté.

Par ailleurs, la prime d'ancienneté étant versée au salarié tout au long de l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer pour partie une seconde fois par l'employeur.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de Mme [R] [E] en paiement des congés payés au titre de la prime d'ancienneté.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ces points.

Sur la demande en paiement de la prime d'objectif

Mme [R] [E] sollicite la fixation à son profit des créances de 3.000 euros brut au titre de la prime d'objectif pour l'année 2016 et 300 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Elle fait valoir que lors de sa promotion au poste de responsable de magasin en janvier 2016, il a été convenu entre les parties d'accompagner cette promotion d'une prime sur objectif d'un montant semestriel de 1.500 euros.

Toutefois, la cour n'ayant pas retenu la promotion alléguée au poste de responsable de magasin, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [R] [E] de ces chefs de demande.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts

Mme [R] [E] sollicite la fixation à son profit, à titre de dommages-intérêts, des créances de 3.000 euros pour le retard de paiement des salaires entre juin 2018 et octobre 2018, 5.000 euros pour non-paiement des salaires du 1er octobre 2018 au 8 férier 2019, 5.000 euros pour absence de transmission par l'employeur de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie avant que le liquidateur ne le fasse en septembre 2019, 5.000 euros, subsidiairement 500 euros, pour non-respect du salaire minimum conventionnel applicable aux agents de maîtrise de niveau A1, subsidiairement aux employés de catégorie 5, 500 euros pour non-paiement de la prime d'ancienneté, 5.000 euros pour absence de transmission des bulletins de paie depuis juin 2018, 1.000 euros pour non-paiement de la prime d'objectif, et 3.000 euros pour absence d'affiliation à la complémentaire santé et au régime de prévoyance obligatoire en application de la convention collective.

La cour ayant rejeté les demandes au titre de la reclassification au poste de responsable de magasin et de la prime d'objectif, les demandes de dommages-intérêts y afférentes doivent être rejetées.

Concernant les demandes de dommages-intérêts pour retard dans le paiement des salaires et de la prime d'ancienneté, et pour absence de transmission de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie, Mme [R] [E] ne caractérise pas l'existence d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, de sorte que ces demandes doivent être rejetées.

Concernant les autres demandes de dommages-intérêts, Mme [R] [E] ne justifie ni du montant du préjudice allégué, ni encore du lien de cet éventuel préjudice avec les manquements reprochés à l'employeur, de sorte que ces demandes doivent également être rejetées.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces points.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il se déduit des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le salarié peut demander au conseil de prud'hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations. Si cette demande est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les manquements de l'employeur sont souverainement appréciés par les juges, qui peuvent tenir compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour du jugement.

Les faits allégués doivent présenter une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail.

C'est au salarié qui invoque la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur de justifier des faits ou manquement invoqués à l'encontre de ce dernier et de ce qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La prise d'effet d'une résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors que le contrat de travail n'a pas été rompu avant cette date.

En l'espèce, Mme [R] [E] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant les retards de paiement des salaires à compter du mois de février 2018, le non-paiement des salaires depuis octobre 2018, le défaut de transmission des bulletins de paie depuis juin 2018, le non-respect du salaire minimum conventionnel, le non-paiement de la prime d'ancienneté, le non-paiement de la prime sur objectif, l'absence de transmission de l'attestation de salaire à la caisse primaire d'assurance maladie et le non-respect de l'obligation de mettre en place une complémentaire santé et une prévoyance collective.

Pour conclure au rejet de cette demande, l'AGS-CGEA de Nancy fait valoir pour l'essentiel :

- que de simples retards dans le paiement des salaires, lorsque la société se trouve en situation économique délicate, ne saurait être considérés comme des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

- qu'il en est a fortiori ainsi en cas de non-paiement du salaire durant la période précédant l'ouverture d'une procédure collective, couverte par la garantie des créances salariales ;

- que Mme [R] [E] ne s'est empressée de demander la résiliation judiciaire que lorsqu'elle a été informée de la vente aux enchères du magasin.

Toutefois, le défaut de paiement de plusieurs mois consécutifs du salaire constitue un manquement par l'employeur à ses obligations légales et contractuelles suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

De plus, Mme [R] [E] justifie avoir réclamé le paiement de ses salaires par courriel du 21 août 2018 et par mise en demeure du 7 mars 2019 auxquels aucune suite n'avait été donnée.

Par ailleurs, force est de constater que la date de cessation des paiements a été fixée au 1er décembre 2017, et que la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire a été formée, le 29 mars 2019, par l'Urssaf d'Alsace et non par la Sarl Delk qui n'avait même pas comparu devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne.

En conséquence, et sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, et ce à effet du 6 septembre 2019, date de la rupture du contrat de travail.

Cette résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, eu égard à l'ancienneté de Mme [R] [E] (6 ans et 2 mois), à son âge au jour du licenciement (58 ans), à son salaire moyen (1.556 euros), aux conditions de la rupture et à sa situation après cette rupture, il y a lieu de fixer à son profit une créance de 9.000 euros brut à titre de dommages-intérêts, indemnisant l'intégralité des conséquences résultant de la rupture.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a fixé au profit de Mme [R] [E] une créance de 26,62 euros net au titre du solde restant dû sur l'indemnité de licenciement.

Sur le licenciement de la salariée

Comme il a été fait droit à la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la demande relative au licenciement de Mme [R] [E] est devenue sans objet.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de paie depuis octobre 2018 et les documents de fin de contrat, mais infirmé en ce qu'il a assorti cette remise d'une mesure d'astreinte, qui n'apparaît pas opportune en l'espèce.

Il y a cependant lieu de le compléter en indiquant que cette remise devra se faire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Sur l'opposabilité du présent arrêt à l'AGS-CGEA de Nancy

Le présent arrêt doit être déclaré opposable à l'AGS/CGEA de Nancy dont la garantie joue à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D. 3253-1 à D. 3253-5 du code du travail.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu''il a mis les dépens de la première instance à la charge de la liquidation judiciaire de la Sarl Delk, et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

À hauteur d''appel, la Selas MJE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Delk et partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

La demande de Mme [R] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement rendu le 12 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Saverne, sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [R] [E] de ses demandes en reclassification au poste de responsable de magasin, relevant de la catégorie B2 des agents de maîtrise, en fixation de créances à ce titre, en paiement de la prime d'objectif, et en paiement de dommages-intérêts ;

- fixé au profit de Mme [R] [E] une créance de 26,62 euros net au titre du reliquat d'indemnité de licenciement,

- mis les dépens de la première instance à la charge de la liquidation judiciaire de la Sarl Delk, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

FIXE au profit de Mme [R] [E] les créances suivantes dans le passif de la Sarl Delk :

- 9.690,55 € brut (neuf mille six cent quatre-vingt-dix euros et cinquante-cinq centimes) à titre de rappel de salaire pour la période du 1er septembre 2017 au 6 septembre 2019,

- 969,05 € brut (neuf cent soixante-neuf euros et cinq centimes) au titre des congés payés y afférents,

- 751 € brut (sept cent cinquante-et-un euros) au titre de la prime d'ancienneté ;

REJETTE la demande en paiement des congés payés afférents à la prime d'ancienneté ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de la Sarl Delk ;

DIT que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce à effet du 6 septembre 2019 ;

En conséquence, FIXE au profit de Mme [R] [E], dans le passif de la Sarl Delk, la créance de 9.000 € brut (neuf mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que la demande relative au licenciement de Mme [R] [E] pour motif économique est devenue sans objet ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir la remise par la Selas MJE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Delk, des bulletins de paie et des documents de fin de contrat d'une mesure d'astreinte ;

DIT que cette remise devra se faire dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt à la Selas MJE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Delk ;

REJETTE la demande de Mme [R] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de Nancy dont la garantie joue à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D.3253-1 à D.3253-5 du code du travail ;

CONDAMNE la Selas MJE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Delk et partie perdante, aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 mai 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de chambre, et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 20/03217
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.03217 ?
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