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17/05/2022 | FRANCE | N°20/02741

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 17 mai 2022, 20/02741


MINUTE N° 22/504





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 17 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/02741

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMX4



Décision déférée à la Cour : 03 Septembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [R] [D]

1 rue Joseph Vogt

68840 PULVERSHEIM



Repré...

MINUTE N° 22/504

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 17 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/02741

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMX4

Décision déférée à la Cour : 03 Septembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [R] [D]

1 rue Joseph Vogt

68840 PULVERSHEIM

Représenté par Me Nicolas DESCHILDRE, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMES :

S.A. TECTA

Prise en la personne de son représentant légal

Zone portuaire

68490 OTTMARSHEIM

Société [B] INDUSTRIE GMBH

Prise en la personne de son représentant légal

Duisburger Strasse 24-D

41460 NEUSS

Société [B] GMBH

Prise en la personne de son représentant légal

Duisburger Strasse 24-D

41460 NEUSS

Représentées par Me Julie HOHMATTER, avocat au barreau de COLMAR

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE DU HAUT RHIN

Prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 313 088 247 00017

43 avenue de LUTTERBACH

68200 MULHOUSE

Représentée par Me Nicolas DESCHILDRE, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [R] [D], né le 22 avril 1973, a été embauché par la société Tecta le 03 janvier 2000. Il occupait en dernier lieu le poste de responsable d'expédition, niveau III, position P3, coefficient 215 de la convention collective des industries et Métaux du Haut-Rhin.

Monsieur [R] [D] était élu délégué du personnel le 24 février 2014 pour une durée de 4 ans, et était désigné délégué syndical par le syndicat Force Ouvrière (FO).

La société Tecta est spécialisée dans la découpe de l'acier destiné aux équipements industriels lourds. Elle fait partie du groupe [B].

Le 25 janvier 2016 la société informait le salarié de la cessation totale de l'activité, et de la fermeture de l'entreprise suite à de nombreuses difficultés économiques.

Après consultation des délégués du personnel, la société Tecta a notifié à la Direccte le projet de licenciement collectif visant à la suppression de l'ensemble des postes de la société en raison de la cessation totale, et définitive de l'activité de l'entreprise.

Le 22 février 2016, Monsieur [D] était convoqué à un entretien qui s'est tenu le 1er mars 2016 au cours duquel la société Tecta lui remettait un contrat de sécurisation professionnel, et l'informait de l'impossibilité de le reclasser, et de la suppression de son poste.

Par décision du 29 avril 2016, l'inspection du travail a refusé l'autorisation de procéder au licenciement de Monsieur [Z].

Par courrier du 04 mai 2016, la société Tecta dispensait le salarié de toute activité tout en maintenant sa rémunération.

Le 1er décembre 2016, statuant sur recours hiérarchique, le Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 29 avril 2016, et a autorisé le licenciement de Monsieur [D].

Le 19 décembre 2016 la société Tecta, sur la base de l'autorisation de licencier délivrée par le Ministre du Travail, notifiait à Monsieur [R] [D] son licenciement pour motif économique en raison de la cessation totale de l'activité. Le salarié acceptait le 06 décembre 2016 le contrat de sécurisation professionnelle, le contrat est réputé rompu au 07 décembre 2016.

Saisi par Monsieur [R] [D] le tribunal administratif a, par jugement du 30 janvier 2019, rejeté le recours du salarié.

Par arrêt du 17 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal administratif.

***

En parallèle, par requête introductive d'instance du 30 novembre 2017, Monsieur [R] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse aux fins de voir reconnaître la qualité de co-employeur des sociétés de droit allemand [B] Gmbh, et [B] Industries Gmbh, de constater l'absence de difficultés économiques au niveau du groupe [B], de reconnaître la faute, soit la légèreté blâmable des trois sociétés du groupe, et d'obtenir le paiement d'une indemnité de 63 627 € à ce titre.

L'Union départementale du syndicat FO du Haut-Rhin est intervenue volontairement à l'instance pour réclamer la condamnation conjointe et solidaire des trois sociétés à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts subi par les licenciements des adhérents de l'UD FO du collège ouvrier.

Par jugement de départage du 03 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Mulhouse a :

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit qu'une situation de co-emploi à l'égard des sociétés Tecta, [B] et [B] Industrie n'est pas établie,

- déclaré hors de cause la responsabilité des sociétés [B] et [B] Industrie,

- débouté Monsieur [R] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'UD FO du Haut-Rhin,

-débouté le syndicat de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné à payer à la SA Tecta la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les trois sociétés de leur demande sur ce dernier fondement,

- condamné Monsieur [R] [D] aux dépens,

- condamné l'UD FO du Haut-Rhin aux dépens de son intervention volontaire,

- ordonné l'exécution provisoire.

Monsieur [R] [D] a interjeté appel de ce jugement le 25 septembre 2020.

Par conclusions responsives transmises par voie électronique le 22 décembre 2020, Monsieur [R] [D] demande à la cour de :

- avant dire droit, surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de cassation suite aux pourvois formés contre les arrêts de la cour d'appel de Colmar du 23 janvier 2020,

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- reconnaître la faute de la légèreté blâmable de la SA Tecta, de la société [B] Gmbh et de la société [B] industrie Gmbh,

- reconnaître la qualité de co-employeur de ces deux dernières sociétés,

- constater l'absence de difficultés économiques au niveau du groupe,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Tecta, [B] et [B] industrie au paiement d'une somme nette de 63.627 € à titre de dommages et intérêts pour légèreté blâmable de l'employeur,

- les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner conjointement et solidairement aux entiers frais et dépens y compris aux éventuels frais d'exécution par voie d'huissier.

Selon conclusions transmises par voie électronique le 22 décembre 2020, l'UD FO du Haut-Rhin sollicite l'infirmation du jugement déféré et réclame la condamnation conjointe et solidaire des sociétés Tecta, [B] et [B] industrie à lui payer les sommes de 1.500 € " à titre de dommages et intérêts subi par les licenciements des adhérents de l'UD FO du collège ouvrier " et 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 mars 2021, les sociétés Tecta, [B] et [B] industrie demandent à la cour de :

- confirmer le jugement querellé en tous points,

- débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à verser à la société Tecta une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers frais et dépens,

- débouter l'UD FO du Haut-Rhin de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, ainsi que de son appel incident,

- la condamner à verser à la société Tecta la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022.

Pour l'exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article quatre 55 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le sursis à statuer

Les sociétés intimées produisent en effet, une série de 15 arrêts rendus par la cour d'appel de Colmar le 20 janvier 2020 entre des salariés, le syndicat Force Ouvrière, la société Tecta, et deux autres sociétés du groupe.

Dans 14 de ces arrêts la cour a infirmé les jugements déférés, et débouté les salariés de toutes leurs demandes en jugeant d'une part qu'il y a bien eu cessation complète d'activité, et d'autre part qu'il n'y a pas de légèreté blâmable, la seule embauche de 57 salariés durant les cinq dernières années ne permettant pas de la caractériser.

En l'espèce les éléments rapportés par les parties à l'appui de leurs demandes ont évolué, et sont différents des instances précitées, et par ailleurs la cour d'appel administrative a définitivement tranché la question des autorisations de licenciement s'agissant des salariés protégés.

Il n'apparait dans ces conditions pas nécessaire d'ordonner le sursis à statuer.

2. Sur le co emploi

Selon une jurisprudence constante le co-emploi suppose réunit une triple confusion d'intérêts, d'activité, et de direction, et une immixtion de la société dominante dans la gestion économique et sociale de la société dominée (Soc. 2 juillet 2014 N° 13-15.208 à 13-21.153).

Seule une confusion totale d'intérêts, d'activités et de direction traduisant une immixtion anormale de la société mère dans la gestion de sa filiale, fait perdre à cette dernière toute autonomie (Soc. 06 juillet 2016 N° 15-15.481).

L'exigence d'une immixtion de la société mère est désormais renforcée, puisqu'elle doit être une immixtion permanente conduisant à la perte totale d'autonomie et d'action de la société dominée (Soc 25 novembre 2020 N° 18-13. 769.

En l'espèce les trois sociétés font partie d'un groupe intervenant dans le même domaine d'activité, (le négoce et la transformation de l'acier), ce qui entraîne nécessairement entre elles une coordination des actions économiques, des rapports d'entraide, de coopération, et de soutien, voire peut engendrer une domination économique, sans pour autant qu'il y ait une immixtion permanente des sociétés allemandes envers la société Técta, et que celle-ci ait perdu toute son autonomie.

Monsieur [D] expose en premier lieu que le co-emploi résulterait des éléments développés à l'appui de la légèreté blâmable qu'il soutient par ailleurs (perte de lignes de crédit, départ du commercial, création d'acier du Rhin, rachat de stocks à bas prix, détournement de commande etc.). Or il est jugé ci-après que la légèreté blâmable n'est pas établie.

Il se fonde par ailleurs sur une attestation de Monsieur [T] [X] ancien directeur général délégué de la société Tecta d'avril 2007 à mai 2016. Cependant cette attestation isolée ne peut à elle seule fonder le co-emploi dès lors que ce salarié est lui-même en litige prud'homal avec la société Tecta dans le cadre de la contestation de son licenciement pour inaptitude.

C'est à juste titre que le conseil des prud'hommes souligne que c'est Monsieur [J] qui est le directeur général opérationnel de la société Tecta, alors que Monsieur [G] [B] est le président du conseil d'administration.

Monsieur [D] n'établit pas à hauteur de cour une immixtion permanente conduisant à la perte totale d'autonomie et d'action de la société Tecta, dont il convient par ailleurs de rappeler qu'elle connaissait d'importantes difficultés économiques.

Il convient d'ailleurs de souligner que dans trois autres arrêts rendus par la cour d'appel de céans le 24 septembre 2021 concernant trois autres salariés opposés aux mêmes sociétés, les salariés n'avaient pas maintenu leurs demandes fondées sur le co-emploi, de sorte que les jugements du même conseil des prud'hommes de Mulhouse, qui avaient rejeté cette demande, étaient définitifs sur ces points.

Par conséquent le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a jugé que la situation co emploi invoquée n'est pas établie.

3. Sur le licenciement économique

Monsieur [D] a été licencié en mars 2016 soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 08 août 2016.

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le licenciement économique peut également être justifié par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et prévenir ainsi des difficultés économiques à venir.

Par ailleurs que la cessation d'activité d'une entreprise peut constituer en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement économique, et qu'elle est ainsi un motif autonome de licenciement économique, à la condition cependant que la cessation d'activité soit définitive et totale.

Il existe par ailleurs deux exceptions lorsque la société appartient à un groupe, soit d'une part s'il est établi une faute ou une légèreté blâmable de l'entreprise, où d'autre part s'il existe un co-emploi.

a. Sur la cessation totale et définitive de l'activité

L'appelant conteste la cessation d'activité totale de la société Tecta au motif qu'il subsistait une activité de réception, de manutention, de conditionnement et d'expédition de plaques d'acier, en utilisant des ressources matérielles, ou humaines de la société Tecta.

Cependant il résulte de la procédure, et des propres conclusions de l'appelant que ces activités sont exercées par d'autres sociétés : les sociétés Acier du Rhin, Zipptec et Zipperer, au moyen de ressources matérielles qui ont été vendues par Tecta (le pont de transfert,) et en réembauchant des salariés comme la secrétaire de production, qui a été embauchée par Acier du Rhin.

Les sociétés Acier du Rhin, et Zipptec 'uvrent sur le même site d'Ottmarsheim que la société Tecta, la société Zipptec étant elle-même une filiale de la société Zipperer Gmbh domiciliée en Allemagne.

L'appelant lui-même reconnaît que les locaux sont loués aux sociétés Acier du Rhin, ou Zipperer, que la société Zipptec est un sous-traitant de Acier du Rhin, et enfin il conclut en page 20 : " Il subsiste une activité de réception, de manutention, de conditionnement et d'expédition de plaques d'acier, activité certes exercée sous l'égide de la société Acier du Rhin, ou des sociétés Zipptec et Zipperer'." ;

Or la poursuite d'une activité de même nature, mais par une personne morale distincte, au moyen d'outils de production qu'elle a achetés, et grâce à des salariés qu'elle a embauchés, ne peut être analysée comme la persistance, et la continuation de son activité par la société Tecta, personne juridique distincte.

Qu'à cet égard l'absence de dissolution de la société Tecta lors de l'assemblée générale extraordinaire du 22 septembre 2016 est sans incidence ;

Il convient également de relever que dans sa décision du 1er décembre 2016, le Ministre du Travail, qui disposait de moyens d'investigation, a décidé que toute activité a cessé dans les locaux de la société Tecta, que tous les salariés ont été licenciés, et que les lieux ont été loués à des tiers, ce qui caractérise une cessation totale et définitive de l'activité. Cette décision a été confirmée par l'arrêt de la cour administrative d'appel. La cessation totale d'activité est ainsi définitivement admise par les juridictions administratives.

b. Sur la légèreté blâmable

La cessation d'activité totale et définitive de l'entreprise, retenue en l'espèce, constitue un motif suffisant pour justifier un licenciement économique, y compris lorsque l'entreprise appartient à un groupe, sauf à démontrer que la fermeture de la société Tecta, est la conséquence d'une faute, ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, ce qui dans ce cas rend le licenciement économique qui en résulte dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur la création de la société Acier du Rhin et l'obligation de lui vendre à bas coût son stock d'acier, pour le racheter plus cher

Le salarié soutient en premier lieu que la société Acier du Rhin créée en 2009 par Monsieur [J], par ailleurs directeur de la société Tecta, et appartenant au groupe [B], achetait auprès de la société Tecta de l'acier en dessous du cours, pour lui revendre ensuite au-dessus du prix du marché. Il cite comme exemple la vente par Tecta en janvier 2015 d'acier à 661 € la tonne, puis son rachat en novembre 2015 à 830 € la tonne, conformément aux annexes 21 et 22.

L'examen de l'annexe 21 est établi qu'elle ait constituée d'une série de 9 factures établies par la société Tecta le 21 janvier 2015 au profit de la société Acier du Rhin, et que toutes ces factures concernent des références différentes d'acier, dont l'intimée n'étudie qu'un seul exemple.

De la même manière l'annexe 22 qui est une facture d'Acier du Rhin à la société Tecta comporte une quarantaine de références.

L'examen de ces documents établit que le prix de la tonne est différent pour chaque référence, et que si la référence P265' a été vendue par Tecta 661,26 € la tonne le 28 janvier 2015, et rachetée à 830 € la tonne le 30 novembre 2015, il apparaît d'une part que ce matériau est soumis à une importante fluctuation, et que d'autre part le prix plus bas correspond à un tonnage très important de 824 140, alors que le prix plus élevé correspond à un tonnage très inférieur de 19 440, et qu'il est constant que l'achat/vente de grosses quantités entraîne une baisse du prix, de sorte que la comparaison n'est pas pertinente.

De la même manière l'intimé dénonce la vente d'acier plus cher à la société Tecta qu'à d'autres clients en comparant les annexes 16 et 17 ;

Si l'annexe 17 est une facture du 11 novembre 2015 d'Acier du Rhin à une société Steel Trade qui a acheté l'acier S355' au prix de 555 €/tonne pour un poids de 19.400, la comparaison de cette pièce avec la pièce 16 n'est pas pertinente. En effet la pièce 16 n'identifie pas l'acheteur. Il s'agit visiblement de la dernière page d'une facture comportant 58 références, sans que l'on sache si cette facture est adressée à Tecta. Elle a en outre été établie le 30 septembre 2015 sur une matière soumise à fluctuation, et que si le prix est de 610 € la tonne, elle porte sur une quantité inférieure de 13.219 contre 19.400.

Enfin que la vente le 23 février 2016 à un prix que l'intimé estime inférieur au marché s'explique par la nécessité de valoriser ses stocks dans le cadre de la cessation totale de l'activité.

- la perte en 2014 des lignes de crédit faute pour le groupe [B] d'avoir produit les bilans comptables

L'appelant soutient que les banques ont demandé au groupe [B] la production de bilans comptables afin de maintenir les lignes de crédit, et que faute de communication de ces bilans les banques ont supprimé les lignes de crédit occasionnant une perte de 2 millions d'euros, et contraignant la société Tecta à emprunter à un taux de 4 % auprès de la société-mère.

Cette affirmation est étayée par la pièce 27, qui est un courrier adressé le 26 novembre 2014 par la Société Générale à la société Tecta.

Il résulte de ce courrier que la ligne de crédit a été, non pas supprimée, mais réduite de 600.000 € à 300.000 € au 26 janvier 2015, et en effet si la banque indique qu'elle avait également sollicité les éléments financiers de la maison-mère, elle rappelle au préalable son approche économique sur l'utilisation du découvert qui devait permettre des pointes de trésorerie par rapport aux différentes échéances, mais ajoute qu'elle ne finance ni une perte, ni un stock, de sorte que cette réduction du découvert ne résulte que pour partie de la non communication des éléments financiers de la maison-mère. La seule lettre précitée est insuffisante pour caractériser une faute.

- le départ du commercial pour la société allemande sans rachat de la clientèle,

Monsieur [D] fait valoir que lors d'un premier licenciement collectif en 2015, dans le projet soumis au délégués du personnel il était prévu la revente de la clientèle allemande à la société Rosengerger Gmbh, que Monsieur [S] le commercial s'occupant de cette clientèle a démissionné le 31 décembre 2015, et a été réengagé par la société Rosengerger Gmbh sans le moindre rachat de la clientèle, ce qui constitue un détournement de clientèle sans contrepartie financière.

Il apparaît cependant que la notice d'information pour la consultation des délégués du personnel du 26 juin 2015 ne comporte que les quatre premières pages dans lesquelles il n'est fait aucune référence à une vente de la clientèle allemande (pièce 14).

Pour sa part la société Tecta se réfère à la lettre de démission du salarié à effet au 31 décembre 2015, et explique qu'il a été réembauché par la société Rosengerger Gmbh dont le siège social est situé à plus de 600 km, ce qui n'est pas constitutif d'une faute.

Par conséquent aucune faute ou légèreté blâmable ne pourra être retenue à ce titre.

- Sur le démontage et la vente d'une machine d'oxycoupage

Il est reproché à la société Tecta d'avoir profité de la mise en congés du personnel du 21 décembre 2015 au 1er janvier 2016 pour démonter la machine d'oxycoupage sans qu'aucune facture de vente n'ait été fournie à l'inspecteur du travail dans le cadre des demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés.

Mais si la facture de vente du 11 février 2016 est désormais bien produite en pièce 30, la société Tecta n'explique pas pour quel motif apparaît dans les grands livres des comptes clients une opération de débit de 32 500 €, et le jour même une opération de crédit du même montant.

Si la vente d'une machine dans le cadre prévisible d'une cessation d'activité est compréhensible, en revanche l'opération financière non expliquée n'est pas dans l'intérêt de la société Tecta.

- le détournement de commande, la délocalisation de la découpe d'acier pour des clients français, et le détournement des principaux clients

Attendu que Monsieur [D] fait valoir qu'une commande d'acier objet d'une facture du 04 décembre 2015 a été détournée par la société [B] GmbH qui en a reçu livraison de l'acier le 20 janvier 2016.

Il affirme également que les travaux pour des clients français ont été effectués par la société [B] GmbH, facturés à la société Tecta qui devait ensuite les poinçonner et les livrer aux clients français, car elle seule dispose des normes de qualité ISO.

Il poursuit que la société Tecta a même été contrainte de facturer une commande à un prix inférieur à celui payé à [B] GmbH, et qu'enfin dès le 03 février 2016 la société Tecta informait ses principaux et plus importants clients français de la cessation d'activité et proposait que la production soit reprise par la société [B].

Les faits dénoncés par Monsieur [D] se situent à une période contemporaine à la cessation définitive de l'activité de la société Tecta, et qu'une telle cessation d'activité ne peut se mettre en 'uvre de manière instantanée, et s'échelonne sur une certaine durée.

Il est constant que la société Tecta rencontrait de très importantes difficultés financières et présentait un déficit de près de 2 millions d'euros fin septembre 2015 ;

La facture du 04 décembre 2015 porte sur des plaques d'acier commandées par la société Tecta pour une somme de 1.180 €, et le fait qu'elles aient été livrées à la société [B] GmbH le 20 janvier 2016 est sans conséquence sur la situation financière de Tecta à ce moment-là, alors qu'en outre sa procédure de cessation d'activité était en cours.

Il en est de même des deux factures du 09 février 2016 présentant en réalité une différence de 33,50 € sur chacune des quatre plaques commandées puis revendues, soit un montant total, très minime, de 134 € HT en défaveur de la société Tecta, ce qui est sans la moindre conséquence sur le déficit de la société.

Aucune pièce n'établit que la certification ISO détenue par la société Tecta ait été détournée par la société [B] qui n'en disposait pas, puisque la seule pièce visée à cet égard par Monsieur [D] est la décision infirmée de l'inspecteur du travail du 29 avril 2016, qui lui-même ne précise pas sur quelle pièce il se fonde, et qui à aucun moment ne mentionne que la société [B] ne dispose pas de la certification. Il est rappelé en outre que cette décision a été définitivement infirmée.

La société [B] GmbH quant à elle produit sa certification ISO 9001 2008 et 2004 initialement délivrées les 08 et 14 avril 2015, et valables jusqu'en 2018.

Il apparaît que compte tenu de la situation financière obérée de la société Tecta, l'achat de la matière première, et la découpe par la société allemande pour le compte d'un certain nombre de clients n'est pas abusive.

Enfin que le fait que la société Tecta informe par courrier du 03 février 2016 ses principaux clients " comme déjà mentionné par téléphone " de la cessation de son activité, et qu'elle propose la prise en charge par le site de production en Allemagne la société [B] " en mesure de reprendre en son nom la réalisation de vos pièces ", n'apparaît pas fautif, et s'inscrit dans la continuité de la prise en charge des clients de la société Tecta par une autre société du groupe.

- Sur l'embauche de 57 personnes entre 2010 et 2015

Monsieur [D] dénonce l'embauche de 57 salariés entre 2010 et 2015.

Le registre du personnel confirme en effet les embauches dénoncées par l'appelant. Mais il établit également que 39 salariés ont quitté l'entreprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013, et 16 autres au cours de l'année 2014, de sorte que les embauches ont eu lieu pour remplacer des salariés ayant quitté l'entreprise, et qu'elles ne constituent pas des embauches disproportionnées caractérisant une faute ou une légèreté blâmable.

- Sur la synthèse

Monsieur [D], pour tous les motifs qu'il a invoqués, soutient que la société Tecta a commis une faute, et à tout le moins a fait preuve de légèreté blâmable par une passivité inexcusable au profit des sociétés du groupe [B].

Pour apprécier l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, il convient de se référer à la situation économique de l'entreprise en cessation d'activité (Cass. soc. 1er février 2011 n°10-30.045).

Il a été ci-dessus démontré que la plupart des faits invoqués par Monsieur [D] ne permet pas de caractériser une faute ou une légèreté blâmable.

Par ailleurs il ne peut être tiré de lien de causalité entre les seuls, et minimes éléments retenus par la cour, et la situation financière particulièrement obérée de la société Tecta qui présentait au 30 septembre 2015 un résultat déficitaire de 1.938.058 € ;

Par conséquent le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'existence d'une légèreté blâmable viciant le licenciement pour motif économique.

- Sur les difficultés économiques

Il est rappelé que la cessation d'activité définitive et totale d'une entreprise est un motif autonome de licenciement économique. Il a ci-dessus été jugé que la cessation d'activité définitive et totale de la société Tecta est avérée et ne résulte pas d'une faute. Par conséquent de ce seul fait le licenciement pour motif économique est fondé.

*

Il est surabondamment rappelé que la cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national (Cass. Soc. 16 nov. 2016 n° 14-30063).

La société Tecta appartient au groupe [B] qui compte un ensemble de 7 sociétés implantées en France, en Allemagne, et en Suisse, et dont le secteur d'activité est celui de l'acier.

Il résulte du dossier que le cours de l'acier, très volatile, a subi les dernières années une baisse considérable, tout comme le coût de la ferraille résultant des découpages de l'acier, ce qui impacte la production et la vente de pièces découpées telles celles effectuées par la société Tecta, et la revente de la ferraille qu'elle produit.

En effet la Chine, premier consommateur et producteur d'acier, a exporté ses excédents d'acier à bas coût en inondant le marché mondial, et a ainsi contribué à l'effondrement des prix.

Ainsi l'ensemble des intervenants de ce secteur ont subi une baisse conséquente de leur activité par une baisse des ventes, et des carnets de commandes, et que par exemple la liquidation ou le redressement judiciaire de plusieurs importantes sociétés françaises 'uvrant dans le secteur de l'acier a été prononcée en 2013 (Société Heuliez), en 2014 (le groupe Altia) et en 2015 (la Société Elektron), et que des milliers de postes ont été supprimés dans des sociétés étrangères (Redeau, Tatastel ).

La chute permanente du prix de l'acier depuis plusieurs années a des conséquences sur les résultats des sociétés du groupe [B] qui, presque toutes, rencontrent des difficultés économiques, et en particulier de la société Tecta.

Il résulte de ce qui précède que c'est tout le secteur d'activité de l'acier - occupant le groupe [B]- qui rencontre des difficultés.

Les bilans comptables versés aux débats établissent que la société Tecta elle-même rencontre d'importantes difficultés économiques dans son activité de découpe d'acier destiné aux équipements industriels lourds, et ce de manière croissante depuis l'année 2009 malgré les mesures mises en 'uvre, et que ces difficultés économiques ne sont pas contestées.

Il apparaît par conséquent que les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe [B] auquel appartient la société Tecta sont avérées.

***

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le licenciement repose bien sur cause réelle et sérieuse soit un motif économique, de sorte que le jugement déféré est confirmé.

4 Sur l'intervention du syndicat FO

Le conseil des prud'hommes a à juste titre déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat qui défend l'intérêt collectif des salariés, puis l'a débouté de ses demandes. Monsieur [D] a en effet été débouté de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement est par conséquent également confirmé sur ces points.

5. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est également confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des frais et dépens et à la charge des parties qui succombent.

A hauteur d'appel Monsieur [D] et l'Union Départementale Force Ouvrière du Haut-Rhin succombent de sorte qu'elles sont condamnées aux frais et dépens de la procédure pour le premier, et aux frais et dépens de son intervention volontaire pour la seconde, et débouter par voie de conséquence de leurs demandes de frais irrépétibles.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au bénéfice des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Mulhouse le 03 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DEBOUTE l'ensemble des parties de leurs demandes de frais irrépétibles ;

CONDAMNE Monsieur [R] [D] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE l'Union Départementale Force Ouvrière du Haut-Rhin aux frais et dépens de son intervention volontaire.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 mai 2022, signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 20/02741
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.02741 ?
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