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13/05/2022 | FRANCE | N°20/01612

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 13 mai 2022, 20/01612


MINUTE N° 228/2022





























Copie exécutoire à



- Me Marion BORGHI



- Me Dominique HARNIST





Le 13/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 13 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01612 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK3E



Décision déférée à la cour : 26 mai 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR



APPELANTE :



S.A.R.L. DMS pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Marion BORGHI, avocat à la cour.





INTIMÉE...

MINUTE N° 228/2022

Copie exécutoire à

- Me Marion BORGHI

- Me Dominique HARNIST

Le 13/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01612 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK3E

Décision déférée à la cour : 26 mai 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE :

S.A.R.L. DMS pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Marion BORGHI, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Madame [Z] [I]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame DIEPENBROEK, présidente et Madame DONATH , faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par assignation délivrée le 22 novembre 2017, Mme [Z] [I] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Colmar la SARL DMS, dont le gérant était son ex-mari, M. [O] [N], en paiement d'une somme de 14 785, 53 euros correspondant à diverses factures qu'elle prétendait avoir acquittées pour le compte de la société.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- déclaré recevables les demandes dirigées par Mme [Z] [I] divorcée [N] à l'encontre de la SARL DMS ;

- condamné la société DMS à lui payer la somme de 14 749,22 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 27 septembre 2014 ;

- condamné la société DMS aux frais et dépens de l'instance et au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté la SARL DMS de sa demande reconventionnelle.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription le tribunal a relevé que :

- les paiements en cause correspondaient à des factures émises de 9 janvier 2003 à mars 2004,

- l'action de Mme [I] était soumise au délai de prescription de 5 ans,

- celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 2236 du code civil selon lesquelles la prescription ne court pas entre époux, quand bien même la société contre laquelle était formée sa demande était dirigée par son ex-époux,

- les paiements effectués correspondaient à des prêts de Mme [I] à la société dont le terme n'avait pas été fixé, de sorte qu'il appartenait au juge de fixer le terme de l'engagement,

- les pièces produites permettaient de fixer la date d'exigibilité de ces prêts au premier jour suivant la date du courrier de mise en demeure adressé par Mme [I] à la société DMS, que la société ne conteste pas avoir reçu, soit au 27 septembre 2014, de sorte que la prescription n'était pas acquise.

Au fond, le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré que les documents comptables produits par Mme [I] auraient été obtenus par fraude, puisqu'ayant exercé les fonctions de secrétaire-comptable de la société elle y avait libre accès, qu'elle était, jusqu'en 2016, l'épouse du gérant et que ces documents étaient utiles à la défense de ses droits, observant que leur production aurait pu être ordonnée par le juge de la mise en état.

Le premier juge a retenu que s'agissant de rapporter la preuve contre une société commerciale, la preuve était libre, et que Mme [I] pouvait, en tout état de cause, se prévaloir d'une impossibilité morale de se procurer un écrit. Le tribunal a considéré que la preuve des prêts allégués ressortait suffisamment des pièces 1 à 11 produites par Mme [I], qui démontraient non seulement la remise des fonds mais aussi l'obligation de restitution. Il a donc fait droit à la demande à l'exception de la demande portant sur un reliquat de salaire de 36,31 euros.

Le tribunal a enfin rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société DMS en l'absence de preuve des 'vindictes' qu'elle impute à Mme [I].

La société DMS a interjeté appel de ce jugement, le 19 juin 2020, en toutes ses dispositions.

Par conclusions transmises par voie électronique, le 21 septembre 2020, la société DMS demande à la cour d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- constater que l'action de Mme [I] est prescrite ;

- la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- débouter Madame [I] de l'intégralité de ses demandes, faute d'éléments de preuves suffisants ;

En tout état de cause,

- condamner Madame [I] à verser à la SARL DMS la somme de 2 000 euros pour procédure abusive ;

- condamner Madame [I] à verser à la SARL DMS la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2 500 euros pour l'appel ;

- condamner Madame [I] aux entiers frais et dépens de la procédure.

La société DMS indique contester l'analyse du tribunal s'agissant de la prescription, et considère que le délai de prescription étant de 5 ans, Mme [I] doit être déboutée de sa demande, la suspension des créances entre époux ne pouvant être invoquée par l'intimée puisque son actions est dirigée contre la société.

Elle reprend chacune des demandes pour conclure à leur prescription, retenant la date des factures en cause comme point de départ du délai de prescription..

Subsidiairement, l'appelante soutient que Mme [I] devra être déboutée de sa demande faute de rapporter la preuve de sa créance, les pièces produites issues de la comptabilité de la société ayant été obtenues illégalement, les fonctions de secrétaire comptable de l'intimée ou sa qualité d'épouse du gérant ne l'autorisant pas à utiliser des documents non publics de la société, ce qui constitue un vol de données.

Elle conteste la valeur probante des autres pièces produites et la réalité des prêts allégués.

L'appelante soutient enfin que cette procédure n'a pour objet que de nourrir 'les vindictes' de Madame [I] à l'encontre de son ancien époux, affirmant que, depuis 2014, elle a tout fait pour obtenir de M. [N] de prétendus remboursements de factures indus, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 décembre 2020, Mme [I] demande à la cour de débouter la société DMS de son appel ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et de condamner la société DMS SARL au paiement de la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève que l'appelante n'expose pas en quoi l'argumentation retenue par le premier juge pour écarter la prescription devrait être infirmée par la cour, alors que l'intérêt même des avances de fonds qu'elle a effectuées au profit de la société n'était pas d'en obtenir le remboursement immédiat.

Elle soutient qu'en dépit de l'absence de reconnaissance de dettes écrite, la société DMS ne peut sérieusement contester que les règlements effectués l'ont été à titre de prêts, puisque ces montants figurent dans sa comptabilité comme 'avances faites par Mme [N]-[I]'. Elle approuve donc les motifs du jugement.

L'intimée fait valoir en outre que la société DMS ne rapporte pas la preuve qu'elle se serait procurée les pièces qu'elle produit par violence ou fraude, et considère qu'il ne peut lui être reproché, alors qu'elle tenait la comptabilité de la société, d'avoir conservé des pièces strictement nécessaires à la défense de ses droits et les justificatifs des règlements effectués, observant que ces documents auraient pu être exigés par le juge de la mise en état. Au surplus, ils ne font que corroborer les autres éléments de preuve dont elle dispose.

Elle estime que l'acharnement de la société DMS qui refuse tout remboursement de sommes indiscutablement dues depuis 2014, prêtées sans intérêts depuis 2003, justifie la mise en compte d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 octobre 2021.

MOTIFS

Sur la prescription

Ainsi que le relève à bon droit l'intimée, la société DMS qui demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en indiquant contester vivement l'analyse du premier juge, ne soulève toutefois aucun moyen d'appel pour critiquer cette analyse. L'appelante ne conteste pas en effet la qualification de prêt retenue par le tribunal pour les avances consenties par Mme [I] à la société DMS, et se contente de considérer que le point de départ du délai quinquennal de prescription doit être fixé à la date de ces avances de fonds, sans répondre à la motivation pertinente du tribunal qui a exactement retenu, par des motifs appropriés que la cour adopte, qu'en l'absence de terme fixé pour la restitution des fonds, il appartenait au juge, en application des articles 1900 et 1901 du code civil, de fixer la date du terme de l'engagement, et en considération des circonstances de la cause, que la date d'exigibilité desdits prêts pouvait être fixée au 27 septembre 2014, de sorte que la demande de Mme [I] n'était pas prescrite.

Sur la licéité de la preuve

Ainsi que l'a rappelé le tribunal, en application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, ce qui suppose que les éléments de preuve produits aient été obtenus de manière licite.

Ni la qualité d'épouse du gérant de Mme [I], ni ses fonctions de secrétaire comptable ou d'employée administrative au sein de la société DMS ne peuvent légitimer le fait qu'elle conserve, après la cessation de ses fonctions, des documents internes tirés de la comptabilité de la société, sauf à ce qu'il s'agisse de documents strictement nécessaires pour préserver ses droits et les besoins de sa défense.

Or en l'espèce, les seuls éléments tirés de la comptabilité de la société qu'elle verse aux débats sont l'édition du compte 168100 ouvert à son nom dans les comptes 2004 de la société DMS, intitulé 'avance [N] [Z]' et un extrait du Grand livre 2003 afférent à ce compte, tous éléments lui permettant de rapporter la preuve des avances qu'elles prétend avoir consenties à la société, alors qu'aucune convention de prêt n'a été régularisée du fait de sa qualité d'épouse du gérant de la société DMS.

Cette dernière ne démontrant pas que Mme [I] aurait obtenu ces documents, auxquels elle avait accès, par fraude ou violence ou par tout autre procédé déloyal, Mme [I] peut s'en prévaloir comme éléments de preuve.

Sur les montants

Mme [I], qui n'a pas formé appel incident s'agissant du rejet de sa demande relative à un reliquat de salaire, sollicite les montants suivants :

- 2 400 euros pour l'achat d'un véhicule C15 immatriculé [Immatriculation 4] destiné à l'entreprise - ce qui résulte du reçu établi par M. [D], vendeur du véhicule -, l'avance de cette somme ayant été faite à Mme [I] par son frère M. [K] [I] qui en atteste, précisant avoir prêté cette somme à sa soeur suite à un refus de prêt bancaire, et indiquant avoir été remboursé par cette dernière après la vente de son appartement en novembre 2003, ce qui est corroboré par un extrait de compte bancaire de l'appelante. Contrairement à ce que soutient la société DMS, M. [I] n'a établi qu'une seule attestation, le 'reçu' émanant de M. [K] [D]. La preuve de cette avance est donc suffisamment rapportée.

- 15 000 euros pour l'achat d'une pelleteuse hydraulique acquise le 24 octobre 2003, ce dont il est justifié par la facture émise le 24 octobre 2003 mentionnant son paiement par chèque le 26 octobre 2003, ainsi que par le débit d'un chèque de même montant du compte de Mme [I] le 31 octobre 2003, et la mention de cette somme comme 'avance [Z]' dans les comptes de la société.

- 232 euros pour le coût de la carte grise du véhicule C15, cette somme correspondant à un chèque prélevé 31 janvier 2003 sur le compte de Mme [I] et étant visé comme 'avance [Z]' dans les comptes de la société à la date du 27 janvier 2003, la différence de quelques jours entre ces deux dates correspondant manifestement au délai de remise du chèque à l'encaissement.

- une somme de 8 200 euros correspondant à des factures Graphitec, le montant de ces factures figurant avec la mention 'av.', au crédit du compte 'avance [N] [Z]' ; il est en outre justifié par des extraits du compte bancaire de l'intimée du débit de chèques et d'un virement correspondant à ces paiements

C'est donc un montant total de 25 832 euros qui a été prêté à la société DMS par Mme [I]. Il convient de déduire de ce montant, les remboursements effectués à hauteur de 11 082,78 euros, soit un solde dû par la société DMS de 14 749,22 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé, en ce qu'il a condamné la société DMS au paiement de cette somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2014, ainsi qu'en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société DMS.

Il ne résulte pas des circonstances de la cause la preuve suffisante que l'appel ait été formé de mauvaise foi ou dans des conditions susceptibles de caractériser un abus du droit d'exercer une voie de recours, alors que Mme [I] avait tardé à demander le remboursement des sommes prêtées. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles. La société DMS qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel, et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à Mme [I], sur ce fondement, une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Colmar en date du 26 mai 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DÉBOUTE la société DMS de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL DMS aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [Z] [I] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01612
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;20.01612 ?
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