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13/05/2022 | FRANCE | N°19/04788

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 13 mai 2022, 19/04788


MINUTE N° 222/2022





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 13 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 13 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04788 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HG7L

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Décision déférée à la cour : 24 Septembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE



APPELANTS et INTIMÉS sur incident :



1/ Monsieur [M] [U]

demeurant [Adresse 2]



2/ Monsieur [C] [U]

demeurant [Adresse 3]



3/ Le GAEC SOURCE DE LA LARGUE prise en...

MINUTE N° 222/2022

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 13 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04788 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HG7L

Décision déférée à la cour : 24 Septembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE

APPELANTS et INTIMÉS sur incident :

1/ Monsieur [M] [U]

demeurant [Adresse 2]

2/ Monsieur [C] [U]

demeurant [Adresse 3]

3/ Le GAEC SOURCE DE LA LARGUE prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTIMÉ et APPELANT sur incident :

Monsieur [Z] [X]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

plaidant : Me HERRMANN, avocat à Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 4 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun Source de la Largue, (ci-après le GAEC) a été constitué le 10 mars 2003 entre :

- M. [M] [U], pour 2674 parts

- M. [C] [U], pour 4050 parts

- M. [Z] [X], pour 2686 parts

M. [M] [U] a notamment apporté du matériel agricole, des animaux et des installations et M. [X] du matériel.

M. [M] [U] a été nommé gérant. Une mésentente s'est installée dès le début de l'année 2004 entre MM. [U] et M. [X].

M. [X] ayant demandé à se retirer du GAEC par courrier recommandé du 14 février 2014, une réunion de conciliation s'est vainement tenue le 24 juin 2014.

Par ordonnance du 27 janvier 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse a ordonné une expertise confiée à M. [H], expert comptable, aux fins d'évaluer les droits de M. [X] et de faire le compte entre les parties.

L'expert a déposé son rapport, le 8 décembre 2015, aux termes duquel il a considéré que la valeur des titres détenus par M. [X] correspondant à son apport d'origine pouvait être évaluée selon la méthode patrimoniale seule susceptible d'être utilisée à 26 860 euros, et que ce dernier restait devoir une somme de 61 268,58 euros au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé.

Par exploit du 27 mars 2017, M. [X] a fait citer MM. [M] et [C] [U] et le GAEC devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de constater l'accord des associés sur son retrait, subsidiairement autoriser ce retrait, condamner le GAEC à lui verser la somme de 28 860 euros au titre de ses droits sociaux, dire et juger n'y avoir lieu au versement d'aucune indemnité au titre du compte courant d'associé et l'autoriser à reprendre ses terres.

Le GAEC a demandé le remboursement du compte courant d'associé débiteur.

Par jugement du 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

- autorisé M. [Z] [X] à se retirer du GAEC Source de la Largue,

- fixé la valeur des droits sociaux de M. [Z] [X] à la somme de 28 860 euros et constaté l'accord des parties,

- condamné le GAEC Source de la Largue à payer à M. [Z] [X] la somme de 28 860 euros,

- autorisé M. [Z] [X] à reprendre la jouissance de ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018,

- rejeté la demande du GAEC Source de la Largue au titre du compte courant débiteur,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ainsi que les frais et dépens de la procédure de référé,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et toute autre demande des parties.

Le tribunal a relevé que le fonctionnement du GAEC n'était pas conforme aux règles applicables ni à son intérêt, qu'en effet M. [X] ne travaillait plus pour le GAEC et n'était plus rémunéré, qu'il ne participait plus aux décisions, et a considéré qu'il convenait de faire cesser cette situation qui ne perdurait que du fait qu'il avait mis à disposition des terres dont il était propriétaire ou locataire.

Le premier juge a constaté l'absence d'accord sur le retrait, et après avoir rappelé les dispositions de l'article L.3234 du code rural qui permet au tribunal d'autoriser le retrait pour un motif grave et légitime, a considéré que ce motif était constitué par la mésentente grave existant entre les associés depuis de nombreuses années et par le fait que M. [X] ne travaillait plus pour le GAEC et n'était plus rémunéré par lui.

Le tribunal a relevé qu'il n'était pas contesté que M. [X] avait mis à disposition des terres dont il était propriétaire ou locataire et que le GAEC lui réglait des loyers à ce titre soit directement, soit à ses bailleurs bien qu'aucun élément ne soit produit à cet égard. Il a considéré que ces paiements ne pouvaient faire du GAEC ou des consorts [U] des preneurs-fermiers au sens de L.411 du code rural, qu'il s'agissait d'une simple mise à disposition prévue par L.411-2 du même code, et que suite au retrait de M. [X], il convenait de l'autoriser à reprendre la jouissance de ses parcelles.

Le tribunal a en revanche rejeté la demande au titre du solde débiteur du compte courant d'associé après avoir relevé que la position actuelle de ce compte n'était pas connue, qu'il n'avait pas enregistré de mouvements depuis 2008, et n'avait pas été crédité des loyers versés à M. [X], relevant que bien que le compte soit débiteur, le GAEC n'en avait jamais demandé le remboursement, et que M. [X] ne participait pas à la gestion du GAEC qui était, de fait, assurée par les deux autres associés, situation dont les conséquences devaient être supportées par le GAEC.

MM. [M] et [C] [U] et le GAEC ont interjeté appel de ce jugement, le 7 novembre 2019, en toutes ses dispositions.

Par conclusions transmises par voie électronique le 15 juin 2021, ils demandent à la cour de :

- déclarer M. [Z] [X] mal fondé en son appel incident, et l'en débouter ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Mulhouse le 24 septembre 2019 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

A titre principal,

- déclarer M. [Z] [X] irrecevable en l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [Z] [X] de sa demande tendant à être autorisé à se retirer du GAEC Source de la Largue et de l'ensemble de ses prétentions,

En tous les cas,

- condamner M. [Z] [X] à verser au GAEC Source de la Largue la somme de 61 268,58 euros correspondant à la valeur du compte courant détenu par M. [X] du GAEC Source de la Largue au jour du dépôt du rapport d'expertise du 8 décembre 2015,

- ordonner la compensation en tant que de besoin des créances réciproques entre les parties,

- constater que M. [X] n'a soumis au tribunal aucune prétention quant à la reprise de la jouissance de parcelles qu'il revendique,

- débouter M. [X] de toute prétention tendant à reprendre la jouissance de parcelles exploitées par le GAEC Source de la Largue ;

En tant que de besoin, soumettre la question préjudicielle au tribunal paritaire des baux ruraux de Mulhouse, ou inviter M. [X] à mieux se pourvoir ;

- condamner M. [X] à verser au GAEC Source de la Largue la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, y compris ceux de la procédure de référé RG 14/427.

Les appelants soutiennent que les demandes de M. [X] sont irrecevables dès lors que les points qu'il a soumis au tribunal avaient déjà fait l'objet d'un accord transactionnel contresigné par les parties le 22 mars 2005, les concessions à son profit consistant en l'accord de principe sur une autorisation de retrait, qui n'est pas de droit, ainsi que sur les conditions financières et modalités de sa sortie.

Subsidiairement, ils invoquent l'article 21 des statuts selon lequel le retrait d'un associé suppose un motif grave et légitime lequel n'est pas démontré, dès lors que M. [X] qui s'est totalement désinvesti du GAEC, et ce presque dès l'origine, en s'abstenant d'y travailler, ne peut alléguer sa propre turpitude. Ils contestent par ailleurs les attestations produites et font valoir que le fait qu'il ne participe pas effectivement au travail en commun et aux responsabilités de l'exploitation constitue une violation caractérisée des obligations des associés telles que précisées à l'article 13 des statuts.

Ils estiment que c'est à tort que le premier juge a cru devoir « autoriser M. [X] à reprendre la jouissance de ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018 » statuant ainsi ultra petita puisqu'il n'était pas saisi d'une prétention à ce sujet, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais d'une simple demande de 'dire et juger' .

C'est également à tort que le premier juge a estimé qu'il n'y avait pas de contestation sur le fait que M. [X] aurait apporté des terres au GAEC, et s'est référé à l'article L.323-5 du code rural selon lequel nonobstant toute disposition contraire des statuts, l'associé qui, pour quelle que cause que ce

soit, cesse de faire partie de la société peut, dans la mesure de ses droits, reprendre ses apports en les précomptant sur sa part pour le prix qu'ils valent alors, dès lors que les statuts, dans leur titre II consacré aux apports, ne font nullement état de ce que M. [X] aurait inclus à ses apports quelle que parcelle que ce soit.

En outre, le GAEC produit aux débats tous les éléments de preuve de nature à établir l'existence de baux verbaux entre les propriétaires des terres qu'il exploite et lui-même, conformément à l'article L.411-1 du code rural, la preuve du bail verbal pouvant être rapportée par tout moyen, et aucune convention de mise à disposition n'ayant été formalisée.

De même, ils soutiennent que le tribunal ne pouvait rejeter la demande de remboursement du compte courant en invoquant un dysfonctionnement dans la gestion du GAEC auquel les associés auraient dû mettre fin dès 2007-2008, alors que rien ne justifie d'imputer au GAEC l'absence persistante de M. [X] aux assemblées générales auxquelles il était dûment convoqué et son désinvestissement total du fait qu'il exerçait une autre profession. Ils se référent au rapport de l'expert judiciaire sur ce point qui est parfaitement clair, et soulignent que les autres associés ont assumé à deux une charge de travail considérable et conçue initialement pour trois, se privant de vacances et de tout temps de repos, et que le chiffre d'affaires de l'exploitation aurait été bien supérieur si trois personnes avaient travaillé durant toutes ces années.

Par conclusions transmises par voie électronique le 30 décembre 2020, M. [X] conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera ses dépens et les frais de la procédure de référé.

Il sollicite la condamnation des appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances.

Il conteste que le protocole d'accord du 22 mars 2015 ait valeur de transaction en l'absence de concessions à son profit, soulignant qu'aux termes de ce protocole, il ne reçoit que les montants qui lui sont dus et doit laisser au GAEC la jouissance de la moitié des terres qu'il a mises à disposition du GAEC. Il ajoute que ce protocole n'a pas été exécuté, de sorte que sa demande est recevable.

Il soutient que depuis de nombreuses années, il est dans l'impossibilité d'exercer ses droits et obligations d'associé du fait du comportement vexatoire et agressif de M. [M] [U] et qu'étant sans revenus il a dû se reconvertir dans la profession de charpentier. Il fait valoir qu'il existe un accord de principe des associés sur son retrait et que seules les modalités sont discutées, la mésentente grave empêchant les associés de travailler ensemble et la disparition de l'affectio societatis constituant un motif légitime de retrait judiciaire. De plus la situation financière du GAEC, qui enregistre des résultats déficitaires depuis plusieurs années, est préoccupante, cette situation étant la conséquence des choix de gestion de MM. [U], puisqu'il était évincé.

Il estime que leur refus du retrait, qui n'est lié qu'à la volonté de préserver la viabilité économique de l'exploitation en évitant la reprise des terres mises à disposition n'est pas justifié. Il conteste l'existence d'un bail rural, que le paiement d'un loyer par la société agricole qui exploite les terres mises à sa disposition ne peut suffire à caractériser, invoquant les dispositions de l'article L.411-2 du code rural et de la pêche maritime pour les terres lui appartenant, et celles de l'article L.323-14 du même code qui prévoient qu'en cas de mise à disposition de terres louées par un associé d'un groupement, celui-ci est tenu solidairement avec le preneur de l'exécution du bail.

M. [X] soutient enfin que la demande au titre du compte courant d'associé ne peut être accueillie, dans la mesure où il n'a pas à supporter un passif qui ne lui est pas imputable mais résulte de la mauvaise gestion des associés.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de M. [X]

M. [X] ayant envisagé, dès le 12 mars 2004, de quitter le GAEC, un protocole d'accord a été signé par les associés, le 22 mars 2005, aux termes duquel :

- M. [X] accepte de sortir du GAEC en laissant sa référence laitière au GAEC qui sera attribuée à Mme [E] [U] lors de son installation dans le GAEC,

- la somme de 14 664,63 euros lui sera réglée, dès décision préfectorale de la commission laitière et accord des propriétaires concernant la redistribution des terres,

- le GAEC conservera 50 % des terres et M. [X] reprendra 50 % des terres mises à disposition par lui au GAEC, la surface totale mise à disposition étant d'environ 48 ha,

- les associés sont convenus de libérer les terres reprises par M. [X] après la récolte 2005,

- la répartition des terres sera effectuée lors d'une réunion prévue le 25 mars 2005,

- M. [X] s'engage, sous peine de dommages et intérêts, à ne pas réclamer la référence laitière sur les terres reprises par lui et à faire respecter cet engagement auprès des éventuels repreneurs de ces terrains.

Il est admis que ledit protocole, qui était soumis à différentes conditions tenant notamment à une décision de la commission laitière et à l'accord des propriétaires concernant la redistribution des terres, n'a pas été exécuté. Les appelants soutiennent que cette inexécution serait exclusivement imputable à

M. [X] qui n'aurait pas engagé les démarches nécessaires à cette fin. Il convient toutefois de relever qu'aux termes du protocole d'accord, la répartition des terres mises à disposition restait à définir lors d'une nouvelle

réunion qui devait intervenir entre les associés, et qu'il n'est ni soutenu ni démontré qu'elle se soit tenue. Il n'est dès lors pas démontré que l'inexécution du protocole serait exclusivement imputable à la carence de l'intimé.

Les appelants ne peuvent donc, dans ces conditions, opposer à la demande de M. [X] la fin de non-recevoir prévue par l'article 2252 ancien du code civil, applicable au litige tirée de l'autorité de chose jugée de la transaction.

Sur la demande de retrait de M. [X]

L'article 21 des statuts énonce que :

« 1- Tout associé peut, pour motif grave et légitime, se retirer du groupement avec l'accord de son coassocié, ou avec l'accord unanime des autres associés,

(')

3- A défaut d'accord, comme en cas de refus, le retrait peut être autorisé par le tribunal pour justes motifs. »

L'article L.323-4, alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime énonce par ailleurs : « Tout associé peut être autorisé par les autres associés ou, le cas échéant, par le tribunal à se retirer du groupement pour un motif grave et légitime ».

Si MM. [M] et [C] [U] ne se sont pas opposés à la demande de retrait présentée par M. [X], par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 février 2014, celui-ci ne peut pas pour autant se prévaloir d'un accord unanime des associés sur le principe de son retrait, dans la mesure où, il résulte seulement du courrier de M. [M] [U], agissant en qualité de gérant du GAEC, du 23 avril 2014, qu'il contestait le motif allégué pour justifier la demande de retrait, mais restait ouvert à la discussion, et de la convocation à l'assemblée générale du 27 juin 2014 qu'une réunion de conciliation était envisagée.

En l'absence d'accord unanime des associés, le retrait peut être autorisé par le tribunal aux conditions précitées. En l'espèce, si les parties divergent et s'imputent réciproquement la responsabilité de la profonde mésentente qui s'est incontestablement installée entre elles dès le début de l'année 2004, soit quelques mois seulement après la constitution du GAEC, et produisent chacune des attestations allant dans le sens de la thèse qu'elle développe, il apparaît que cette mésentente est telle qu'il n'existe plus aucun affectio societatis entre M. [X] et MM. [M] et [C] [U], ce qui a des répercussions sur le fonctionnement du groupement puisque l'intimé ne travaille plus pour le GAEC depuis de très nombreuses années, et corrélativement ne perçoit plus de rémunération, tout en continuant à se voir imputer les pertes enregistrées par le groupement.

M. [X] justifie en outre souffrir d'une affection de longue durée depuis 2016 et avoir été placé en invalidité 2ème catégorie en février 2019, de sorte qu'au jour où la cour statue, il n'est plus en capacité de reprendre une activité au sein du GAEC.

Le jugement devra donc être confirmé en tant qu'il a considéré qu'il existait un motif grave et légitime justifiant d'accueillir la demande de M. [X] d'être autorisé à se retirer du GAEC.

Sur les conséquences du retrait

- la valeur des droits sociaux

M. [X] demande la confirmation du jugement de ce chef. Les appelants, bien que concluant à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et au rejet de toutes les demandes de M. [X] ne soulèvent aucun moyen s'agissant de ce chef de demande.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- la reprise des parcelles

Si les appelants considèrent que le tribunal, qui était saisi d'une demande tendant à voir : 'dire et juger que M. [Z] [X] est autorisé à reprendre la jouissance de ces (sic) parcelles mises à dispositions tant en sa qualité de propriétaire que de locataire' qui, selon eux, ne constituerait pas une prétention, aurait statué ultra petita en autorisant M. [X] à reprendre la jouissance de ses parcelles telles que listées dans le relevé MSA du 1er janvier 2018, ils n'en tirent toutefois pas les conséquences qui s'imposent et ne demandent pas l'annulation du jugement. En tout état de cause, nonobstant la formulation 'dire et juger', le tribunal était bien saisi d'une prétention qui tendait à voir consacrer le droit de M. [X] de reprendre la jouissance des parcelles qu'il prétendait avoir mises à disposition du GAEC.

A hauteur de cour, M. [X] demande la confirmation de ce chef de la décision. Pour s'y opposer, le GAEC fait valoir que les statuts ne mentionnent aucun apport de terres par M. [X] et qu'en réalité il bénéficie de baux verbaux ainsi qu'il en justifie.

L'article 5 des statuts du GAEC Source de la Largue intitulé 'apports' mentionne au titre des apports de M. [X] du matériel (épandeur à fumier, herse rotative, charrue), des parts sociales Calas et du numéraire. Le tribunal ne pouvait donc se fonder sur les dispositions de l'article L.323-5 du code rural et de la pêche maritime relatif à la reprise des apports.

Toutefois, l'article 12 des statuts traite des 'biens mis à disposition' qui sont distincts des apports, et mentionne que la liste de ces biens doit faire l'objet d'un document particulier certifié sincère et véritable par les associés.

Ainsi que l'a relevé le tribunal un tel document n'est pas produit et il n'est même pas soutenu qu'il aurait été établi.

Le GAEC prétend être titulaire de baux ruraux sur les parcelles prétendument mises à disposition par M. [X] et justifie du paiement de fermages tant à M. [X] pour les parcelles lui appartenant, qu'à d'autres bailleurs. Il produit également seize 'attestations' émanant de bailleurs (et non de preneurs) attestant de la perception de fermages pour les terres louées par le GAEC Source de la Largue.

Il convient toutefois d'observer que, bien que le document visé à l'article 12 ni aucune convention de mise à disposition n'aient été établis, l'article 31 intitulé 'affectation du quota laitier' indique : 'la référence laitière dont a été attributaire M. [M] [U], à savoir 228 749 litres, et M. [Z] [X], à savoir 146 000 litres est mise à disposition du GAEC'. Cet article précise en outre 'toutes les terres mises en valeur, en qualité de propriétaire ou de preneur, par le titulaire des droits à produire sont mises à la disposition du groupement'. Il découle donc nécessairement de cet article la preuve d'une mise à disposition par M. [X] des terres ouvrant droits aux quotas laitiers transmis au GAEC.

Les termes du protocole d'accord susvisé confirment par ailleurs une telle mise à disposition puisque les parties admettaient alors qu'avait été mise à disposition du GAEC par M. [X] une surface totale d'environ 48 ha ; or les parcelles dont M. [X] demande la reprise, sur la base d'un relevé MSA surligné, totalisent 41 hectares 33 ares et 95 centiares.

Enfin, au cours des opérations d'expertise, l'expert comptable du GAEC exposait, sans être contredit par les consorts [U], que dans les sociétés agricoles comme le GAEC Source de la Largue, il n'y jamais de baux (à 99,99 %), les terres appartenant aux associés ainsi qu'à des tiers et étant mises à la disposition du GAEC aux termes de conventions de mise à disposition, mais qu'en l'espèce il n'y avait pas eu de convention écrite.

L'ensemble des ces éléments confirme, nonobstant l'absence de toute convention écrite, la mise à disposition de parcelles par M. [X] lors de son entrée dans le GAEC, le seul fait que ce dernier lui règle des fermages pour les parcelles lui appartenant n'étant pas suffisant pour caractériser l'existence d'un bail rural, les dispositions de l'article L.411-2, dernier alinéa du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige, excluant celles de l'article L. 411-1 pour les biens mis à la disposition d'une société par une personne qui participe effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci, ce qui était le cas de M. [X] lors de son entrée dans le GAEC.

De même l'article, L.323-14 du même code disposant que : 'Le preneur à ferme qui adhère à un groupement agricole d'exploitation en commun peut faire exploiter par ce groupement tout ou partie des biens dont il est locataire pour une durée qui ne peut être supérieure à celle du bail dont il est titulaire. Il en avise alors, par lettre recommandée, avec accusé de réception, le propriétaire.

Cette opération ne donne pas lieu à l'attribution de parts d'intérêts au profit du preneur, qui reste seul titulaire du bail. Les droits du bailleur ne sont pas modifiés. Toutefois, le groupement est tenu solidairement avec le preneur de l'exécution des clauses du bail (...)', il ne peut être déduit du paiement des loyers par le GAEC, directement entre les mains des bailleurs, l'existence d'un bail rural entre ceux-ci et le GAEC, les 'attestations' produites qui ne sont en réalité que des formulaires dactylographiés pré-établis par les appelants, sans que l'identité de leurs signataires puisse être vérifiée, étant dépourvus de valeur probante suffisante.

La mise à disposition de terres par M. [X] étant établie, ce dernier est dès lors fondé, suite à son retrait du GAEC, à y mettre fin et à demander la reprise de la jouissance desdites terres, le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point, la liste des parcelles concernées n'étant pas en elle-même discutée.

Sur le compte courant d'associé

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le compte courant d'associé de M. [X] présentait un solde débiteur à hauteur d'un montant non contesté de 61 268,58 euros arrêté à la date du rapport, le 8 décembre 2015, provenant pour l'essentiel de l'imputation de la part des déficits incombant à l'intimé.

Pour rejeter la demande, le tribunal a considéré que le GAEC n'ayant jamais demandé le remboursement de ce compte courant et n'ayant pas usé des moyens statuaires et légaux lui permettant de mettre fin aux dysfonctionnements existants au sein du groupement au moins depuis 2007-2008, alors que M. [X] n'était pas informé de la gestion des deux autres associés, ne pouvait en faire supporter les conséquences à ce dernier.

Il convient toutefois de constater que M. [X] a été régulièrement convoqué à toutes les assemblées générales appelées à se prononcer sur l'approbation des comptes du groupement et sur l'affectation des résultats mais qu'il a manifestement fait le choix de ne pas participer à ces assemblées générales et donc de se tenir à l'écart de la gestion de la société, fût-il associé minoritaire, qu'il n'a pas davantage sollicité d'information sur la gestion du GAEC et a tardé à demander officiellement son retrait alors qu'il ne travaillait plus pour le GAEC.

En tant qu'associé, il dispose d'un droit à affectation du résultat au prorata des parts sociales qu'il détient dans le capital du GAEC, et corrélativement est tenu de participer aux pertes dans la même proportion.

Le fait qu'un associé dispose d'un compte courant débiteur constitue une créance du groupement qui peut en demander le remboursement à tout moment. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef qui sera accueillie, le montant retenu par l'expert n'étant pas discuté.

Sur les autres demandes

En considération de la nature et de la solution du litige ainsi que de la succombance réciproque, le jugement sera confirmé en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens. Il en sera de même en cause d'appel et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 24 septembre 2019, sauf en ce qu'il rejette la demande du GAEC Source de la Largue au titre du compte courant débiteur ;

Statuant à nouveau de ce seul chef et ajoutant au jugement,

DECLARE les demandes de M. [X] recevables ;

CONDAMNE M. [Z] [X] à payer au GAEC Source de la Largue la somme de 61 268,58  euros (soixante et un mille deux cent soixante huit

euros et cinquante huit centimes) ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques dans la limite de la plus faible d'entre elles ;

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/04788
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;19.04788 ?
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