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12/05/2022 | FRANCE | N°20/010751

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 12 mai 2022, 20/010751


SA/VD

MINUTE No 22/437

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 12 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01075 - No Portalis DBVW-V-B7E-HJ7V

Décision déférée à la Cour : 13 Février 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R

.L. LE PETIT PARIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Michel WELSCHINGER, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me KOÏS, avocat au barreau de MUL...

SA/VD

MINUTE No 22/437

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 12 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01075 - No Portalis DBVW-V-B7E-HJ7V

Décision déférée à la Cour : 13 Février 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R.L. LE PETIT PARIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Michel WELSCHINGER, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me KOÏS, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [V] [I], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, et Mme HERY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La Sarl Le Petit Paris a fait l'objet d'un contrôle inopiné par les services de l'Urssaf le 18 octobre 2017 à l'issue duquel l'Urssaf a dressé un procès-verbal no2018/014/001 pour constat de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Par lettre d'observations du 30 août 2018, l'Urssaf d'Alsace a notifié à la société Le Petit Paris un rappel de cotisations sociales, d'assurance-chômage et d'AGS au titre de l'année 2017 d'un montant de 5.408 € hors majorations de retard et majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.

Par courrier du 28 septembre 2018, la société Le Petit Paris a fait état de difficultés financières à l'Urssaf d'Alsace, laquelle a pris note dans un courrier de réponse du 10 octobre 2018 de l'absence de contestation formulée sur l'infraction de travail dissimulé.

Le 22 octobre 2018, l'Urssaf d'Alsace a mis en demeure la société Le Petit Paris d'avoir à lui payer la somme totale de 6.944 € dont 5.409 € de cotisations, 346 € de majorations de retard et 1.190 € de majoration forfaitaire de redressement pour infraction de travail dissimulé, déduction faite d'un versement d'un euro du 15 janvier 2018.

La société Le Petit Paris a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace.

Par courrier du 13 décembre 2018, la société Le Petit Paris a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Par décision du 11 février 2019, la commission de recours amiable de l'Urssaf a explicitement rejeté sa requête.

Vu l'appel interjeté par la Sarl Le Petit Paris le 9 mars 2020 à l'encontre du jugement du 13 février 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse auquel le contentieux a été transféré qui, dans l'instance opposant la société Le Petit Paris à l'Urssaf d'Alsace, a dit que le recours introduit par la Sarl Le Petit Paris à l'encontre de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de l'Urssaf d'Alsace effective en date du 6 décembre 2018 est régulier et recevable, confirmé le bien fondé de la décision de la commission de recours amiable du 11 février 2019, dit que le redressement opéré au titre d'un travail dissimulé consécutif à une dissimulation de salarié pour un montant en principal de 5.408 € est parfaitement justifié, fixé la créance de l'Urssaf d'Alsace à l'égard de la société Le Petit Paris à la somme de 6.944 € dont 5.408 € en principal, 346 € en majorations de retard et 1.190 € en majorations de redressement pour infraction de travail dissimulé et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Vu les conclusions visées le 18 mai 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société Le Petit Paris demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– annuler la décision de redressement forfaitaire prise par l'Urssaf le 30 août 2018,
– annuler la mise en demeure du 22 octobre 2018 portant sur un montant de 6.944€,
– infirmer la décision de la commission de recours amiable du 11 février 2019,
– débouter l'Urssaf de l'intégralité de ses fins et conclusions,
– subsidiairement, inviter l'Urssaf à recalculer le montant des cotisations dues dès lors qu'aucun redressement forfaitaire ne saurait être effectué,
– condamner l'Urssaf aux entiers frais et dépens ainsi qu'à la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions visées le 20 novembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :

– débouter la société Le Petit Paris de son appel,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– condamner la société Le Petit Paris à lui verser la somme de 6.944 € correspondant à la mise en demeure du 22 octobre 2018,
– rejeter toute autre demande de la société Le Petit Paris ;

Vu le procès-verbal d'analyse no2018/14/005 UR Alsace visé le 24 février 2022 ;

Vu la note en délibéré de la société Le Petit Paris autorisée lors de l'audience, reçue le 9 mars 2022 ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions,

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Aux termes de l'article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait par l'employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10 du même code, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit à l'accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale des déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises dessus.

La preuve de la réalité d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié impose à l'Urssaf de démontrer l'existence d'un contrat de travail, c'est-à-dire une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre, sous sa subordination, moyennant une rémunération.

Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée. De même, l'existence d'une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle.

Lorsqu'elle est établie, le montant des cotisations est fixé conformément aux dispositions de l'article L242-1-2 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire forfaitairement, sur la base de 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé.

Pour faire obstacle à l'application de l'évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l'employeur doit apporter la preuve non seulement de la durée effective d'emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période.

Ces rémunérations ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale ou de minoration de l'assiette de ces cotisations et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats et notamment de la lettre d'observations du 30 août 2018 qu'au cours du contrôle inopiné réalisé le 18 octobre 2017, les inspecteurs de l'Urssaf ont constaté la présence de M. [B] [S] dans les cuisines du restaurant qui portait un tablier estampillé « Le Petit Paris ».

La gérance de la société n'a pas procédé à la déclaration préalable à l'embauche de M. [S] et celui-ci n'est pas inscrit dans le registre unique du personnel.

Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la société Le Petit Paris ne conteste pas avoir manqué à son obligation déclarative préalable à l'embauche.

L'employeur, dont la qualité n'est pas contestée, indique néanmoins n'avoir pu recourir avec son prestataire habituel, la société de travail temporaire Working Spirit, et avoir oublié de procéder aux formalités d'embauche compte-tenu d'une situation d'urgence résultant de l'absence imprévue du chef de cuisine à compter du 17 octobre 2017.

La société Le Petit Paris fait valoir l'absence de toute intention de soustraction aux formalités d'embauche.

Il convient toutefois de relever que, lors du contrôle, il a été constaté la présence de M. [S] en situation de travail lequel, après vérification par l'Urssaf, n'avait pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche alors que, selon l'employeur, celui-ci se trouvait déjà en situation de travail à compter du 17 octobre 2017 pour le service du soir.

Il ressort d'une jurisprudence constante que s'il procède du constat d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le redressement a pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.

En tout état de cause, dès lors que les formalités requises à l'embauche avant le début de l'exécution du contrat de travail n'ont pas été respectées, le délit de dissimulation d'activité est caractérisé.

De plus, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'urgence ne constitue pas un motif de nature à dispenser l'employeur des formalités déclaratives d'embauche.

Qui plus est, la société Le Petit Paris excipe en vain d'un droit à l'erreur instauré par la loi no2018-727 du 10 août 2018 alors que les dispositions législatives en résultant ne sont pas applicables aux faits de l'espèce en ce que cette loi est entrée en vigueur postérieurement au contrôle, qu'elle n'a pas d'effet rétroactif et qu'en tout état de cause la société avait connaissance de la règle de droit applicable à sa situation en qualité d'employeur de plusieurs salariés.

Enfin, le principe de la rétroactivité dite « in mitius » applicable à la peine pénale, selon lequel une loi nouvelle plus douce que la loi ancienne doit trouver à s'appliquer, ne permet pas de conférer un effet rétroactif aux dispositions de la loi no2018-727 du 10 août 2018 précitée.

Au regard des constatations susvisées et des développements qui précèdent, il convient de retenir que le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié est établi à l'égard de M.[K] [S].

La société conteste la base forfaitaire du redressement. Elle fait valoir que la preuve de la durée réelle d'emploi de M. [S] et du montant exact de la rémunération qui lui a été versée pour les journées des 17 et 18 octobre 2017 résulte des bulletins de paie établis par la société de travail intérimaire Working Spirit ainsi que de la fiche de paie établie pour M. [X] qui fait mention de son absence le 18 octobre 2017.

Aucune preuve de la durée effective d'emploi et de la rémunération versée n'a toutefois été produite par la société lors des opérations de contrôle.

Il ne s'agit pas pour l'employeur d'avoir justifié de la production de l'ensemble des pièces éventuellement utiles devant les contrôleurs, mais il s'agit pour ce dernier de ne pas se prévaloir au stade judiciaire de pièces absentes lors du contrôle.

La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale au demeurant rappelées dans la lettre d'observations du 30 août 2018, les opérations de contrôle prennent fin à l'issue d'une période contradictoire de trente jours à compter de la réception de la lettre d'observations par la personne contrôlée durant laquelle l'employeur peut y répondre.

Par courrier recommandé avec accusé réception en date du 28 septembre 2018 (pièce no2 de l'appelante), la société n'a pas transmis les éléments dont elle entend désormais se prévaloir au stade judiciaire.

Dès lors que la société Le Petit Paris a disposé de manière effective d'un délai suffisant lui permettant de préparer les éléments dont elle entendait se prévaloir en réponse aux observations des inspecteurs du recouvrement, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que les premiers juges ont rappelé que l'employeur n'était plus fondé à apporter devant les juridictions judiciaires des éléments de preuve qui n'auraient pas été débattus lors du contrôle.

A cet égard, la cour entend préciser que la phase judiciaire ne peut devenir, pour l'employeur, une session de rattrapage de sa carence probatoire durant la période contradictoire instaurée par le code de la sécurité sociale.

Au surplus, la cour constate que M. [S] aurait été embauché les 17 et 18 octobre 2017 selon les bulletins de paie produits. La société soutient qu'il s'agissait de pallier l'absence imprévue du chef de cuisine, M. [X], alors qu'il résulte du bulletin de paie (pièce no15 de l'appelante) et du témoignage de M. [X] (pièce no8 de l'appelante) que ce dernier n'a été absent que le 18 octobre 2017.

Par conséquent, c'est à bon droit que le redressement a été calculé sur une base forfaitaire telle que précisée dans la lettre d'observations qui est conforme aux dispositions de l'article L242-1-2 du code de la sécurité sociale.

Enfin, dès lors que la réalité du travail dissimulé est établie concernant M. [S], l'Urssaf était fondée à procéder à l'annulation des réductions Fillon dont a bénéficié la société au titre du mois d'octobre 2017 sur le fondement de l'article L133-4-2 du code de la sécurité sociale.

Il résulte de ce qui précède qu'il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

La société Le Petit Paris n'établit pas s'être acquittée des sommes réclamées au titre du redressement contesté.

Le redressement étant justifié en son principe et son quantum, il sera fait droit à la demande reconventionnelle en paiement de l'Urssaf.

Succombant en son appel, la société Le Petit Paris sera condamnée aux frais et dépens d'appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Le Petit Paris à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme de 6.944 € au titre de la mise en demeure du 22 octobre 2018 ;

DEBOUTE la société Le Petit Paris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

CONDAMNE la société Le Petit Paris aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 20/010751
Date de la décision : 12/05/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-12;20.010751 ?
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