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12/05/2022 | FRANCE | N°20/00614

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 mai 2022, 20/00614


MINUTE N° 225/2022





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Michel WELSCHINGER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 12/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 12 mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00614

- N° Portalis DBVW-V-B7E-HJGJ



Décision déférée à la cour : 05 novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE



APPELANTE et intimée sur incident :



Madame [H] [O] veuve [X]

demeurant [Adresse 5]



représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.
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MINUTE N° 225/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Michel WELSCHINGER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 12/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00614 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJGJ

Décision déférée à la cour : 05 novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE

APPELANTE et intimée sur incident :

Madame [H] [O] veuve [X]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant incident :

Monsieur [E] [X]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La S.C.I. DU RELAIS prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître [I] [S], ès qualité d'administrateur provisoire, membre de l'AJA ASSOCIES, [Adresse 1].

ayant son siège social [Adresse 5]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 17 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine GARCZYNSKI, conseillère pour la présidente empêchée, et Madame Sylvie SCHIRMANN , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

M. [D] [X] et Mme [H] [O] se sont mariés le [Date mariage 3] 1990 sous le régime de la séparation de biens. Aucun enfant n'est issu de leur union.

Par un acte notarié du 8 septembre 1993, les époux [X]-[O] ont constitué la SCI du Relais, ayant pour objet la construction d'un chalet. Le capital social de 10 000 euros a été apporté à parts égales par les époux, à raison de 50 parts chacun.

Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 17 janvier 2014.

Alors que le divorce n'avait pas encore été prononcé, M. [D] [X] est décédé le [Date décès 2] 2015, laissant pour lui succéder son fils unique né d'une première union, M. [E] [X].

Le solde du prêt immobilier afférent au chalet a été réglé par l'organisme d'assurance décès de M. [D] [X] et le bien a été vendu au prix de 283 792 euros.

Un litige est survenu entre M. [E] [X] et Mme [H] [O], veuve [X], quant à la répartition des sommes inscrites sur les comptes d'associés de la SCI, dont le total s'élevait à 233 147 euros.

Par ordonnance de référé du 19 août 2016, Me [S], administrateur judiciaire, a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la SCI du Relais, avec pour mission, notamment de gérer et administrer la société avec tous les pouvoirs de gérant, prendre les mesures qu'impose l'urgence, effectuer les actes juridiques courants nécessaires au fonctionnement normal de la société, faire approuver le bilan au 31 décembre 2015 et, à défaut d'approbation, recevoir les observations des parties et en tirer les conséquences, répartir entre les associés le boni de liquidation après la vente de l'immeuble de la SCI.

M. [E] [X] ayant saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une action dirigée contre Mme [H] [O], veuve [X], en présence de la SCI du Relais, représentée par son administrateur provisoire, d'une action relative aux comptes courants d'associés, le tribunal a, par jugement du 5 novembre 2019 :

- déclaré ledit jugement opposable à la SCI du Relais, prise en son administrateur provisoire, la SELARL AJAssociés, prise en la personne de Me [I] [S],

- dit que la succession de M. [D] [X] disposait d'une créance de 134 736,86 euros à l'égard de la SCI du Relais, au titre du compte courant d'associé de M. [D] [X],

- dit que Mme [H] [O], veuve [X], disposait d'une créance de 19 153 euros à l'égard de la SCI du Relais, au titre de son compte courant d'associé,

- débouté M. [E] [X] de sa demande au titre du compte courant de la SARL [X] Diffusion,

- condamné Mme [H] [O], veuve [X], aux dépens de l'instance et dit que chaque partie supporterait la charge de ses frais irrépétibles.

Observant qu'il n'était pas saisi du partage de la succession de M. [D] [X], le tribunal a considéré que les demandes de l'héritier portaient en réalité sur la créance de la succession de M. [D] [X] à l'égard de la SCI du Relais, au titre du compte courant d'associé du de cujus.

Il a également rappelé que le montant du compte courant d'associé, constitué des avances de fonds réalisées par un associé à la société, constituait donc une créance de l'associé vis-à-vis de cette dernière, régie par le droit commun des obligations.

Il s'est fondé sur une expertise comptable réalisée par M. [Y], dont il résultait qu'un compte courant associé 4550000 avait, à compter de 2002, été dénommé successivement « CCT [D] [X] » puis, en 2007, « CCT M&Mme [X] », puis en 2010 à nouveau « CCT M. [X] ».

Sur ce compte, l'expert n'avait retrouvé des apports attribuables à Mme [H] [O] que pour un montant de 16 452 euros. Une somme de 16 500 euros débitée de ce compte avait été portée au crédit d'un autre compte courant d'associé 4550001 créé à compter du 31 décembre 2009, dénommé « CC Mme [X] ».

Selon l'expert, la création de ce nouveau compte au nom de Madame et son crédit proche de 16 452 euros traduisaient la volonté des époux de créer deux comptes courants d'associé distincts et conformes à leurs apports respectifs.

Il appartenait à Mme [H] [O], qui prétendait disposer d'une partie de la créance au titre du compte 4550000, de démontrer notamment qu'elle avait réalisé sur ce compte des versements supérieurs à la somme de 16 452 euros retrouvée par l'expert, ce qu'elle ne faisait pas. La seule dénomination temporaire « M&Mme [X] » de ce compte, ainsi qu'un document dactylographié constitué par elle-même, ne prouvaient pas qu'elle pouvait prétendre à la moitié des sommes y figurant.

Le tribunal a donc fixé la créance de Mme [H] [O] sur la SCI du Relais, au titre de son compte courant d'associée, au montant de 19 153 euros, et a considéré que le compte courant d'associé de M. [D] [X] présentait un solde de 209 869,50 euros lors de son décès, ces montants représentant respectivement le solde, au 13 décembre 2015, des comptes courants 4550001 et 4550000.

Il a cependant déduit de la créance de M. [D] [X] un montant de 75 132,64 euros provenant du transfert d'une partie de la créance figurant sur le compte ouvert au nom de la société [X] Diffusion, dont Mme [H] [O] avait dénoncé l'éventuel caractère frauduleux dans une plainte du 13 janvier 2018. Il a considéré qu'en l'absence de pièces comptables ou juridiques produites par le demandeur, de nature à démontrer la régularité d'une éventuelle cession de créances entre la société [X] Diffusion et la SCI du Relais, susceptible de justifier ce jeu d'écriture comptable, la succession de M. [D] [X] disposait d'une créance certaine, liquide et exigible, à l'égard de la SCI du Relais, d'un montant de 134 736,86 euros.

S'agissant de l'affectation du compte de la société [X] Diffusion, le tribunal a relevé qu'au vu des pièces comptables transmises, au 31 décembre 2014, la SCI du Relais était débitrice auprès d'elle d'une somme de 24 041,17 euros. D'après M. [E] [X], celle-ci provenait d'un apport fait par la société [X] Diffusion dont son père était seul actionnaire et devait être affectée au compte courant d'associé de son père dans la SCI par le mécanisme de la novation, par changement de créancier.

Cependant, le tribunal a estimé que le mécanisme de la novation ne permettait pas à une partie de prétendre à la réunion, sous une seule qualité, de créances qu'elle détenait au titre de plusieurs qualités. Il appartenait donc à M. [E] [X] de faire valoir ses droits au titre de cette créance en sa qualité d'héritier du gérant de la société [X] Diffusion, le tribunal observant que la découverte d'un actif après la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pouvait entraîner la reprise des opérations de liquidation.

Mme [H] [O], veuve [X], a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 24 janvier 2020.

Par ses conclusions récapitulatives datées du 27 août 2021, elle sollicite l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [E] [X] au titre du compte courant de la société [X] Diffusion.

Elle sollicite le rejet de l'appel incident de M. [E] [X] et de toutes ses demandes, ainsi que le rejet de la demande de la SCI du Relais fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande que la cour, statuant à nouveau :

- enjoigne à M. [E] [X] de produire l'ensemble des pièces comptables et des justificatifs en sa possession,

- déclare que le compte courant associé, précédemment inscrit au compte de la SCI du Relais sous l'intitulé [X] Diffusion, et qui s'élevait à la somme de 99 173,81 euros, lui revient pour moitié et pour moitié à M. [E] [X], héritier de M. [D] [X],

- constate dès lors la répartition des comptes courants associés comme suit :

* 95 106,80 euros pour son compte,

* 133 773 euros pour le compte de M. [X],

- subsidiairement, constate qu'elle dispose d'une créance minimale de 45 420 euros,

En tout état de cause,

- déclare la présente décision opposable à la SCI du Relais,

- condamne M. [E] [X] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes de M. [E] [X] au titre du compte courant de la société [X] Diffusion, Mme [H] [O], veuve [X], reprend les motifs du jugement déféré, dont elle sollicite la confirmation.

Elle ajoute que la qualité de M. [E] [X] d'héritier de M. [D] [X] ne lui confère pas la qualité d'associé de la SCI, au vu des clauses d'agrément insérées dans ses statuts, selon lesquelles l'accord de tous les associés est nécessaire à cette fin.

Sur sa propre créance, elle reproche au tribunal d'avoir considéré que les pièces qu'elle produisait n'étaient pas suffisamment probantes, tout en ayant retenu des pièces comptables produites par M. [D] [X], dont il reconnaissait qu'elles n'avaient pas été approuvées par l'assemblée générale de la SCI.

De plus, l'expert a reconnu le caractère approximatif des pièces comptables qui lui avaient été communiquées et a même conclu à l'existence d'une double comptabilité. Or, M. [E] [X], qui a en sa possession l'intégralité des documents comptables, se garde bien de les produire, la cour devant lui enjoindre de le faire.

Mme [H] [O], veuve [X], demande que soit retenu à son profit un montant de 45 420 euros correspondant aux apports qu'elle indique avoir effectués entre 1998 et 2002, repris dans un décompte qu'elle a établi le 13 septembre 2017 à l'attention de Me [S] et dont l'essentiel apparaît dans les quelques pièces comptables versées aux débats.

Elle indique qu'il s'agit du montant qu'elle avait proposé dans le cadre d'un accord transactionnel et que l'expert l'avait expressément cautionné.

Doit être ajoutée une somme de 49 586,90 euros correspondant à la moitié de l'ancien compte [X] Diffusion d'un montant de 99 173,81 euros. En effet, elle s'estime créancière à hauteur de la moitié de ce compte qui a été supprimé en 2015 pour être rattaché directement au compte intitulé [X] [D], au mépris des règles comptables élémentaires. De plus, M. [E] [X] devait produire les extraits des comptes bancaires où figuraient les apports de [X] Diffusion pour abonder son compte associé.

Elle sollicite donc la répartition des comptes courants associés à raison de 95 106,80 euros pour son compte et 133 773 euros pour le compte de M. [E] [X] et, subsidiairement, que lui soit attribué le montant de 45 420 euros.

À l'appui de sa demande au titre des frais exclus des dépens, Mme [H] [O], veuve [X], fait valoir qu'elle avait proposé un accord transactionnel mais aussi que le litige est dû à l'obstruction de M. [E] [X] dans la production des éléments comptables en sa possession.

Par ses conclusions récapitulatives datées du 22 novembre 2021, M. [E] [X] sollicite le rejet de l'appel principal de Mme [H] [O] et, formant appel incident, la réformation du jugement déféré dans la limite que la cour, statuant à nouveau :

- dise et juge que le compte courant d'associé inscrit au compte de la SCI du Relais sous l'intitulé [X] Diffusion revient exclusivement à ses droits, seul héritier de M. [D] [X], associé unique de cette société,

- constate la répartition des comptes courants d'associés comme suit :

* 19 010 euros pour le compte de Mme [H] [O],

* 209 869,50 euros pour son propre compte.

Il sollicite la confirmation du jugement déféré pour le surplus et que soit rejetée comme irrecevable la demande formulée pour la première fois en appel par la SCI du Relais relativement à la créance de la société [X] Diffusion à son encontre.

Il sollicite également la condamnation de Mme [H] [O] en tous les frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure engagée en appel.

M. [E] [X] soutient que le compte séparé intitulé Mme [X] est apparu en 2009, notamment pour prendre en compte les différents apports réalisés antérieurement par Mme [H] [O], s'agissant d'une simple régularisation.

Il reprend les conclusions de M. [Y] et ajoute que les demandes de Mme [H] [O] ne sont pas justifiées par des pièces comptables probantes, qu'elles sont irréalistes et que l'appelante procède par pures affirmations, notamment pour ce qui concerne un prêt de 15 000 euros qu'elle aurait contracté en 2010 pour l'affecter à la SCI.

Il affirme avoir, en juillet 2017, déposé à l'étude de Me [S] tous les documents comptables qui se trouvaient non pas à son propre domicile mais au domicile de son père, auquel Mme [H] [O] avait accès, et ajoute que ni M. [Y], ni Me [S], n'ont émis d'observations quant à l'impossibilité d'avoir accès aux documents utiles. Le rapport de suivi de l'administrateur provisoire du 11 juin 2020 permet d'écarter les accusations de Mme [H] [O] sur ce point.

Il conteste en revanche la déduction de la somme de 75 132,64 euros opérée par le premier juge sur son compte courant d'associé au motif qu'il s'agirait d'une créance douteuse, ce qui, selon lui, ne ressort nullement du rapport de M. [Y], qui n'a pas validé cette accusation formée par Mme [H] [O], dont la plainte n'a débouché sur aucune procédure établissant une fraude à hauteur de ce montant.

Sur la créance de 24 041,17 euros détenue par la société [X] Diffusion, M. [E] [X] soutient que, dans la mesure où cette société était détenue intégralement par son père, celui-ci est devenu seul propriétaire de cette créance, suite à la clôture de la liquidation judiciaire de cette société. Cette dette étant restée inscrite au passif de la SCI du Relais, la novation justifie dès lors son inscription au compte courant d'associé de M. [D] [X] et elle est transmise à son héritier. Il précise que la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas obstacle à sa qualité d'héritier, en l'absence de procédure de reprise de cette liquidation, en application de l'article L.643-13 du code du commerce.

Par ailleurs, M. [E] [X] soutient que la demande de Me [S], en sa qualité d'administrateur provisoire de la SCI du Relais, doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une prétention nouvelle formulée en appel.

Par ses conclusions récapitulatives datées du 26 novembre 2021, la SCI du Relais, représentée par Me [I] [S], ès qualités d'administrateur provisoire, membre de l'AJA Associés, sollicite que la cour statue ce que de droit quant à l'appel principal et à l'appel incident et :

- qu'elle dise et juge qu'en tout état de cause, la créance de la société [X] Diffusion à l'encontre de la SCI du Relais n'appartient ni à l'un ou à l'autre des associés mais constitue une dette de la SCI du Relais à l'égard de cette dernière, sous réserve de la prescription de celle-ci,

- qu'elle déclare la présente demande/précision recevable et bien fondée et condamne la partie succombante aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du Relais, représentée par son administrateur provisoire, souligne que les pièces comptables justifiant les écritures des livres et des comptes n'ont pu être recueillies, si bien que les écritures passées n'ont pu être approfondies.

Elle souligne que le compte courant unique d'associé a été alimenté jusqu'à sa scission, en 2009, par des apports conjoints des deux associés dans la plus grande confusion et elle reprend les observations de M. [Y] ainsi que ses conclusions, en l'absence d'élément susceptible de les remettre en cause.

Elle s'interroge sur la possibilité de répartir les comptes courants sans aucune approbation des comptes, puisque les comptes au 31 décembre 2015 n'ont toujours pas pu être approuvés, alors que cela lui semble être un préalable, tout comme l'arbitrage des dettes de la SCI du Relais à l'égard de la société [X] Diffusion et la question du transfert du compte courant d'associé de cette dernière sur le compte de M. [D] [X]. En effet, elle observe que la société [X] Diffusion disposait d'un compte au sein de la SCI du Relais dont elle n'était pas associée et que sa créance de 24 041 euros à l'égard de cette SCI n'a pas dû apparaître dans sa comptabilité et ne semble pas avoir été signalée par M. [D] [X] au liquidateur. Il s'agit donc d'un actif de la société [X] Diffusion qui n'a pas pu être réalisé.

De même, s'agissant du compte courant « d'associée » de la société [X] Diffusion, dont le crédit aurait été versé sur le compte de M. [D] [X] en 2008, cette créance n'était pas prescrite lors de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et il semble qu'elle n'ait pas été portée à la connaissance du liquidateur. La procédure de liquidation judiciaire pourrait donc être reprise et, en tout état de cause, cette créance ne peut être attribuée à l'un ou l'autre des associés. La société [X] Diffusion approuve donc le jugement déféré sur ce chef.

S'agissant de sa demande présentée en appel, la SCI du Relais soutient qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'une prise de position juridique par rapport aux prétentions émises par les parties adverses, sur laquelle elle demande à la cour de se prononcer.

Subsidiairement, elle soutient que sa demande est recevable en application de l'article 564 et de l'article 566 du code de procédure civile.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOTIFS

I ' Sur la demande de Mme [O], veuve [X], relative à la production de pièces par M. [E] [X]

Mme [O], veuve [X], sollicite que la cour enjoigne à M. [E] [X] de produire l'ensemble des pièces comptables et des justificatifs en sa possession, sans désigner précisément les documents dont elle réclame la production, ce qui ne permet pas à la cour d'examiner sa demande.

Au surplus, rien ne permet d'établir que M. [D] [X] ait conservé des pièces comptables autres que celles remises à l'expert-comptable missionné par l'administrateur provisoire de la SCI du Relais, que M. [E] [X] aurait en sa possession. En conséquence, cette demande ne peut être accueillie.

II ' Sur les demandes portant sur la répartition des comptes courants d'associés

Il convient d'observer en préalable que, si le rapport de Monsieur [Y], expert-comptable, n'est pas un rapport d'expertise judiciaire, il a été réalisé contradictoirement à l'égard de chacune des parties et cet expert a été missionné par l'administrateur provisoire de la SCI du Relais désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse, dont l'impartialité, vis-à-vis de chacun des associés de cette SCI, n'a pas lieu d'être remise en cause. C'est donc à bon droit que le tribunal a tenu compte de ce rapport d'expertise comptable.

A) ' Sur la recevabilité de la demande de la SCI du Relais

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Au cours de la première instance, la SCI du Relais avait demandé qu'il soit statué comme il appartiendra sur la condamnation aux dépens. Dans les motifs de ses écritures, elle avait indiqué qu'elle n'entendait pas formuler de demandes à l'encontre du demandeur ou de la défenderesse, n'étant appelée qu'en déclaration de jugement commun et soulignant que la décision à intervenir devrait permettre, d'une part de résoudre le conflit successoral opposant le demandeur à la défenderesse et d'autre part de permettre à l'administrateur judiciaire d'achever sa mission.

Dans ses conclusions déposées en appel, elle sollicite que la cour statue ce que de droit quant à l'appel principal et à l'appel incident et qu'elle dise et juge qu'en tout état de cause, la créance de la société [X] Diffusion à son encontre n'appartient ni à l'un ou à l'autre des associés mais constitue une dette d'elle-même à l'égard de cette dernière, sous réserve de sa prescription.

Cette demande de la SCI du Relais, représentée par son administrateur provisoire, ne consiste en rien d'autre qu'une prétention visant à faire écarter les prétentions adverses, au sens de l'article 564 du code de procédure civile rappelé ci-dessus, tendant uniquement à ce que, des créances de M. [E] [X] et de Mme [H] [O], veuve [X] à son égard soit déduit le montant de sa dette au profit de la société [X] Diffusion.

En conséquence, elle ne constitue pas une demande nouvelle prohibée par ces dispositions. La fin de non-recevoir soulevée la concernant doit donc être écartée et cette demande déclarée recevable.

B) - Sur la demande relative au compte courant [X] Diffusion

L'analyse, par M. [Y], des différents bilans de la SCI et des documents annexés a fait apparaître l'existence d'un compte courant [X] Diffusion, outre le compte courant n°45500000 au nom de [D] [X] et, à compter de fin 2009, celui créé au nom de Madame [X], portant le n°45510000.

De plus, il a été relevé, parallèlement aux grands livres 2007, 2008 et 2009 comportant le libellé habituel « CCT [X] [D]», édités à des dates compatibles avec l'établissement des bilans et qui ont été transmis au cabinet d'expert-comptable de la SCI chargé de les établir, d'autres grands livres des exercices 2007, 2008 et 2009, édités le 14 avril 2010, faisant apparaître pour la première fois, pour le compte n°45500000, le libellé « CCT M & Mme [X] ». M. [Y] en a conclu à juste titre que ces derniers documents faisaient apparaître l'existence d'une double comptabilité et que, dans la mesure où ils avaient été manifestement édités postérieurement à l'établissement des bilans, ils n'avaient pas de valeur probante.

Sur les bilans pris en compte par M. [Y], le compte courant au nom de [X] Diffusion était créditeur de 99 173,81 euros, jusque fin 2008, où une écriture du 31 décembre a transféré de ce compte un montant de 75 132,64 euros sur le compte courant ouvert au nom de M. [D] [X], dont le solde a été porté à 192 191,2 euros. À compter de fin 2008, le solde du compte-courant au nom de [X] Diffusion s'est élevé au montant de 24 041,17 euros, jusqu'au bilan de 2015, où cette somme a disparu de ce compte courant, une somme quasi équivalente étant apparue au crédit du compte courant de M. [D] [X].

Or, ces montants ne représentent pas un apport effectué par M. [D] [X] à la SCI, mais ils constituent manifestement des fonds provenant de la société [X] Diffusion, qui n'était pas associée au sein de cette SCI et qui a, par la suite, fait l'objet d'une liquidation judiciaire dont les parties s'accordent sur le fait qu'elle a été clôturée pour insuffisance d'actif.

Dès lors, M. [E] [X] ne peut revendiquer ces sommes en sa qualité d'héritier de son père, unique associé de la société [X] Diffusion, soit au total 99 173,81 euros, alors que la liquidation judiciaire de cette dernière a été clôturée pour insuffisance d'actif et qu'elle peut donc, ainsi que l'a relevé fort justement le tribunal, être rouverte par le liquidateur dans la mesure où il subsiste un actif, dès lors que le liquidateur en sera informé, ce qu'il appartient notamment à l'administrateur provisoire de la SCI du Relais de faire.

Il en résulte que c'est à juste titre que le jugement déféré a déduit du montant figurant au crédit du compte courant de M. [D] [X], au sein de la SCI du Relais, le montant de 75 132,64 euros, évoquant à ce titre une plainte déposée par Mme [H] [O], veuve [X], auprès des services de gendarmerie ayant dénoncé le caractère frauduleux du transfert de ces fonds. Mais il doit également en être déduit le montant de 24 041,17 euros, dont la provenance est la même. En effet, si M. [E] [X] ne peut revendiquer ces fonds dans le contexte évoqué ci-dessus d'une liquidation judiciaire de la société [X] Diffusion susceptible d'être rouverte, Mme [O], veuve [X], ne peut pas non plus en solliciter le partage entre les associés.

Il en résulte qu'il convient donc de faire droit à la demande de la SCI du Relais, représentée par son administrateur provisoire, tendant à ce qu'il soit jugé qu'en tout état de cause, la créance de la société [X] Diffusion à son encontre n'appartient ni à l'un ou à l'autre des associés mais constitue une dette de sa part à l'égard de cette dernière, sous réserve de la prescription de celle-ci.

B ' Sur les apports de Mme [O], veuve [X] et le solde du compte courant de chacun des associés

En premier lieu, il convient de préciser que les époux ayant été mariés sous le régime de la séparation de biens, il n'existe aucune présomption de ce que les fonds apparaissant sur le compte courant associé de l'un des époux, au sein de la SCI du Relais, soient des fonds communs, mais ils sont au contraire présumés être des fonds propres.

Par ailleurs, l'absence d'approbation des comptes par l'assemblée générale des associés est sans incidence sur le droit de ces derniers à réclamer le montant de leur compte courant d'associé. En effet, en l'absence de terme spécifié, il représente une avance consentie par un associé constituant un prêt à durée indéterminée, de sorte que chacune des parties dispose de la faculté de rompre unilatéralement le contrat à tout moment.

Dans les différents bilans successifs de la SCI du Relais qu'il a examinés, M [Y] a relevé un compte courant n°4550000 [X] [D], puis, à compter du 31 décembre 2009, un autre compte courant n°4551000 intitulé « CC Madame [X] », ce qui lui a paru révéler une volonté délibérée de séparer les comptes courants en rectifiant, par deux écritures créditées sur ce compte à partir du compte de M. [D] [X], d'un montant respectif de 15 000 euros et de 1 500 euros, l'imputation à tort, sur le compte de l'époux, d'apports effectués antérieurement par Mme [H] [O], veuve [X],.

Avant cette scission des comptes, l'expert-comptable avait attribué à Mme [H] [O], veuve [X], sur le compte courant associé n°4550000, les apports libellés à son nom et 50 % des apports libellés au nom de Monsieur et Madame, qu'il avait attribués pour moitié à chacun des époux. En effet, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, le régime matrimonial des époux ainsi que le fait que le compte n°4550000 soit libellé au nom de M. [D] [X], ne permet pas de présumer que la moitié des fonds ayant été déposés revienne à Mme [H] [O], veuve [X], et ce même avant la création du compte ouvert au nom de celle-ci.

M. [Y] a indiqué qu'il était possible que des apports libellés, soit au nom de Mme [H] [O], veuve [X], soit au nom de Monsieur et Madame [X] n'aient pas été intégralement « reclassés » en 2009, lors de la création du compte n°4551000 « CC Madame [X] », et que, si Mme [H] [O], veuve [X], était en mesure de démontrer que ses apports étaient supérieurs, il lui appartiendrait d'en fournir la preuve.

Or, au vu des pièces produites par Mme [H] [O], veuve [X],, hormis les apports répertoriés par M. [Y], il est mis en évidence deux apports d'un montant respectif de 5 000 F et 2 000 F, soit 1 067,14 € (7 000 F.) d'après le grand livre des comptes de la SCI de l'année 1998 sur laquelle n'a pas porté l'analyse de l'expert-comptable, qui a précisé que le document le plus ancien dont il avait disposé était le bilan au 31 décembre 2002, avec comparatif au 31 décembre 2001. Les autres apports invoqués par l'appelante ne sont pas suffisamment démontrés par les pièces versées aux débats.

Il convient donc d'ajouter ce seul montant au solde du compte-courant de Mme [H] [O], veuve [X], au 31 décembre 2015, soit 1 067,14 euros + 19 153 euros = 20 220,14 euros.

En revanche, il convient de déduire ce montant de 1 067,14 € de celui du compte courant de M. [D] [X] revenant à sa succession, outre les montants provenant de la société [X] Diffusion, ce qui porte le solde de ce compte à :

209 869,50 - (99 173,81 + 1 067,14) = 109 628,55 euros.

C'est ainsi qu'au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, le jugement déféré sera confirmé, notamment en ce qu'il a débouté M. [E] [X] de sa demande au titre du compte courant de la société [X] Diffusion. Il sera en revanche infirmé, s'agissant du montant de la créance dont dispose chacune des parties au titre des comptes courants d'associés, lequel sera fixé, pour la succession de M. [D] [X], au titre du compte courant d'associé de ce dernier, au montant de 109 628,55 euros et, pour Mme [H] [O], veuve [X], au montant de 20 220,14 euros.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant en grande partie confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

De plus, l'appel principal de Mme [O], veuve [X], étant pour l'essentiel rejeté, de même que l'appel incident de M. [E] [X], les dépens d'appel seront partagés par moitié entre chacune des deux parties. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel et les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de Mme [H] [O], veuve [X], tendant à ce qu'il soit enjoint à M. [E] [X] de produire l'ensemble des pièces comptables et des justificatifs en sa possession,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Mulhouse le 09 novembre 2019, à l'exception des dispositions relatives aux montants respectifs des créances de Mme [H] [O], veuve [X], et de la succession de M. [D] [X] à l'égard de la SCI du Relais,

Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant,

DECLARE recevable la demande de la SCI du Relais, représentée par Me Céline Maschi, membre de l'AJA Associés, en qualité d'administrateur provisoire, tendant à ce que la cour dise et juge qu'en tout état de cause, la créance de la société [X]

Diffusion à son encontre n'appartient ni à l'un ou à l'autre des associés mais constitue une dette de sa part à l'égard de cette dernière, sous réserve de la prescription de celle-ci,

DIT que la créance de la société [X] Diffusion à l'encontre de la SCI du Relais constitue une dette de cette dernière à l'égard de la société [X] Diffusion, sous réserve de la prescription de celle-ci,

DIT que M. [E] [X], en sa qualité d'héritier de M. [D] [X] dispose d'une créance de 109 628,55 euros (cent neuf mille six cent vingt-huit euros et cinquante cinq centimes) à l'égard de la SCI du Relais, au titre du compte courant d'associé de ce dernier,

DIT que Mme [H] [O], veuve [X], dispose d'une créance de 20 220,14 euros (vingt mille deux cent vingt euros et quatorze centimes) à l'égard de la SCI du Relais, au titre de son compte courant d'associée,

CONDAMNE M. [E] [X] et Mme [H] [O], veuve [X], à régler chacun la moitié des dépens d'appel,

REJETTE les demandes respectives des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.

Le greffier,La conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00614
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;20.00614 ?
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