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12/05/2022 | FRANCE | N°19/050701

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 12 mai 2022, 19/050701


SA/VD

MINUTE No 22/441

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 12 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05070 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHMV

Décision déférée à la Cour : 23 Octobre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTE :


URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 3]

Comparante en la personne de Mme [M] [C], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

SA DURAVIT prise en la personne de son repré...

SA/VD

MINUTE No 22/441

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 12 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/05070 - No Portalis DBVW-V-B7D-HHMV

Décision déférée à la Cour : 23 Octobre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 3]

Comparante en la personne de Mme [M] [C], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

SA DURAVIT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR, substituée par Me Anne CAPELLE, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, et Mme HERY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Les premiers juges ont exactement décrit la chronologie des opérations de contrôle, du redressement envisagé et des opérations postérieures à celui-ci, l'étendue du redressement opéré ainsi que les données du litige et la procédure de sorte que la cour s'y réfère expressément.

Il suffit de rappeler que la société anonyme (SA) Duravit a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, que l'Urssaf d'Alsace a notifié à la société Duravit par une lettre d'observations du 12 juillet 2017 un rappel de cotisations et contributions sociales, non contesté au titre des points no3 à 5 et maintenu par l'Urssaf sur les points contestés no1 et 2, réclamé par une mise en demeure du 15 décembre 2017 d'un montant de 53.408 €, dont 7.242 € de majorations de retard.

La société Duravit a contesté les chefs de redressement afférents aux indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations (point no1 de la lettre d'observations) et aux cotisations – rupture conventionnelle du contrat de travail – condition relative à l'âge du salarié (point no2 de la lettre d'observations) devant la commission de recours amiable de l'Urssaf, laquelle a décidé en sa séance du 9 juillet 2018 de minorer les chefs de redressement no1 et 2.

La société contrôlée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission, puis d'un recours en contestation de la décision explicite de rejet de la commission, lesquels ont été joints par le tribunal.

Vu l'appel interjeté par l'Urssaf d'Alsace le 28 novembre 2019 à l'encontre du jugement du 23 octobre 2019, notifié par le greffe selon lettre du 6 novembre 2019, rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg auquel le contentieux a été transféré qui, dans l'instance opposant la société Duravit à l'Urssaf d'Alsace, a :

– annulé les redressements contestés,
– ordonné le remboursement par l'Urssaf d'Alsace à la SA Duravit d'un montant correspondant aux redressements contestés, soit 33.819 € au principal ainsi que les majorations correspondantes, le tout avec intérêts moratoires à compter de la date de réception de la demande en remboursement par l'Urssaf, soit le 22 janvier 2018,

– condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à la SA Duravit un montant de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens de la procédure,
– débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions,
– ordonné l'exécution provisoire ;

Vu les conclusions visées le 6 novembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :

– infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions et ordonné l'exécution provisoire,
– dire et juger que les rappels de cotisations et contributions sociales afférents aux chefs de redressement contestés sont bien fondés en leur principe et leur montant résiduel,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 9 juillet 2018,
– valider la mise en demeure du 15 décembre 2017 pour la somme résiduelle de 33.819 € en cotisations et 5.608 € en majorations de retard,
– condamner à titre reconventionnel la société Duravit à lui payer ce montant,
– condamner la société Duravit à lui rembourser les sommes de 802,29 € versée au titre des intérêts moratoires et de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Duravit de ses plus amples demandes ;

Vu les conclusions du 25 mai 2021, visées en dernier lieu le 11 juin 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société Duravit demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,
– débouter l'Urssaf d'Alsace de l'ensemble de ses demandes,
– condamner l'Urssaf d'Alsace à lui payer un montant de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens de la procédure ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

La cour constate à titre liminaire que seuls les chefs no1 et 2 de la lettre d'observations opposent les parties et sont déférés à la juridiction d'appel et que l'Urssaf a procédé, d'une part au remboursement des sommes minorées par la commission et, d'autre part, à l'exécution provisoire du jugement dans son intégralité.

1) Sur les indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations – préavis, congés payés, non-concurrence, congé reclassement point no1 de la lettre d'observations)

Aux termes des dispositions de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

Est exclue de l'assiette des cotisations sus-mentionnées, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à dix fois le plafond annuel défini par l'article L241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions.

L'article 80 duodecies prévoit que par principe toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de dispositions particulières.

Ne constituent pas une rémunération imposable, selon la loi no2013-504 du 14 juin 2013 applicable jusqu'au 31 décembre 2015, les indemnités mentionnées aux articles L1235-1, L1235-2, L1235-3 et L1235-11 à L1235-13 du code du travail.

Lorsqu'une transaction a été conclue à la suite d'un licenciement, ou d'une rupture de contrat de travail imputable à l'employeur, les sommes versées sont soumises aux règles d'assiette sus-mentionnées, dans la limite des exonérations qui sont d'interprétation stricte.

Il appartient à l'employeur qui entend exclure les indemnités versées de l'assiette des cotisations de rapporter la preuve que ces sommes concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

Aussi, il appartient au juge saisi d'un différend quant à l'assujettissement ou non de tout ou partie des sommes versées à titre d'indemnité transactionnelle résultant de l'absence de dispositions claires et précises dans le protocole transactionnel de rechercher si cette indemnité comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations.

En l'espèce, l'inspecteur chargé du contrôle a constaté que deux salariés, Mme [J] et M. [F], respectivement licenciés les 15 novembre 2013 et 24 mars 2014, ont chacun conclu avec la société Duravit un protocole d'accord transactionnel.

La commission de recours amiable de l'Urssaf ayant annulé le chef de redressement concernant l'indemnité versée à Mme [J], seul reste en discussion la nature de l'indemnité forfaitaire et globale versée à M. [F].

Compte-tenu des demandes formulées par le salarié à l'employeur dans deux courriers datés des 16 décembre 2013 et 22 janvier 2014, l'inspecteur du recouvrement a considéré que l'indemnité transactionnelle versée à M. [F] a une nature salariale et il a procédé à la réintégration du montant brut reconstitué de cette indemnité dans l'assiette des cotisations sociales.

Estimant que l'employeur rapportait la preuve que cette indemnité concourait pour tout ou partie à l'indemnisation d'un préjudice, le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg a jugé qu'elle devait être exonérée de cotisations conduisant à l'annulation du redressement sur ce point.

L'Urssaf d'Alsace appelante reproche aux premiers juges d'avoir insuffisamment qualifié les éléments de la transaction litigieuse.

La société Duravit soutient que la transaction conclue avec M. [F] est rédigée en termes clairs, précis et sans ambiguïté et que l'Urssaf a dénaturé l'intention des parties en procédant au redressement litigieux.

Il résulte des éléments du litige ainsi que des pièces versées aux débats que M. [F] a conclu avec la société Duravit un accord transactionnel le 24 avril 2014 prévoyant « qu'en réparation du préjudice que M. [F] prétend avoir subi du fait de son licenciement et sans que cela emporte reconnaissance du bien fondé des prétentions du salarié, et en contrepartie de la renonciation à toute action ou instance, la société verse à M. [F], à titre d'indemnité transactionnelle globale, forfaitaire et définitive, compensant l'ensemble des préjudices matériels et moraux au titre de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du contrat de travail de Monsieur [F] au sein de la société, une somme de 59.692 euros avant précompte de la CSG et de la CRDS ».

Il ressort de l'article 2 de la transaction que le montant proposé et accepté par M. [F] constitue une indemnité globale, forfaitaire et définitive, compensant l'ensemble des préjudices matériels et moraux au titre de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du contrat de travail et que cette somme vient notamment s'ajouter à l'indemnité conventionnelle, au solde de RTT et à la prime de treizième mois au titre de l'année 2014.

Aux termes de l'article 3 de la transaction, M. [F] se déclare rempli de tous ses droits et demandes au titre de la conclusion et de l'exécution de son contrat de travail (rappels de salaire, avantages individuels de toute nature, primes, heures supplémentaires, congés payés, avantages en nature, frais professionnels, indemnités de toute nature, prétendue surcharge de travail, sans que cette liste soit exhaustive) mais aussi de la rupture ou de la cessation de son contrat de travail tant au niveau de la forme que du fond. M. [F] indique ne plus avoir aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit vis-à-vis de la société Duravit et qu'il renonce à toute action et instance à l'encontre de ladite société.

Antérieurement à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement prévu le 23 décembre 2013, M. [F] a, le 16 décembre 2013, adressé à la société Duravit un courrier par lequel il demandait notamment à « prendre connaissance des modalités de régularisation concernant le très grand nombre d'heures supplémentaires effectuées et non décomptées ni rémunérées ».

L'inspecteur a également relevé lors de son contrôle qu'un courrier adressé à M. [F] par la société Duravit en date du 22 janvier 2014 indiquait que le salarié « serait à même de pouvoir accepter un accord amiable selon les conditions suivantes :

– Sortie de l'entreprise : 30/06/2014
(?)
– Rappel des heures supplémentaires : 0
(?)
– Indemnité transactionnelle : 50 000 € (indemnité transactionnelle, équivalent des heures supplémentaires, équivalent de l'indemnité compensatrice de congés payés sur heures supplémentaires, coût coaching)
(?)
Nous attirons votre attention sur le fait qu'il n'est pas à exclure qu'en cas de contrôle URSSAF un redressement sur la partie de l'indemnité transactionnelle au regard des demandes de rappel d'heures supplémentaires que ce dernier a dans un premier temps formulées ».

Si, par courrier du 31 mars 2014, M. [F] estimait dans un nouveau courrier adressé à l'employeur avoir subi un préjudice lié à la rupture de son contrat de travail, évalué par le salarié à un montant équivalent à deux années de salaire, celui-ci indiquait encore avoir été obligé de faire face à une charge de travail anormale.

Bien que l'accord transactionnel précise que l'indemnité versée à titre de concession de la société revêt une « nature indemnitaire » et qu'il mentionne l'existence d'un « préjudice », la nature de l'indemnité n'est pas détaillée dans le protocole.

Or il incombe à la société de justifier du caractère indemnitaire des sommes versées dans le cadre d'une transaction conclue par le versement d'une indemnité globale et forfaitaire compensant l'ensemble des préjudices matériels et moraux au titre tant de la rupture que de la conclusion et de l'exécution du contrat de travail.

Dès lors, faute pour la société d'avoir justifié de l'équivalent des demandes salariales réclamées par M. [F], distingué les sommes qui ont un caractère de salaire de celles à caractère purement indemnitaire mais surtout de préciser les préjudices subis par le salarié du fait de la rupture de son contrat de travail qu'elle entendait indemniser – et non des préjudices hypothétiques calculés à hauteur d'appel selon la jurisprudence de la cour –, l'inspecteur du recouvrement a exactement considéré que l'indemnité versée devait être soumise dans son intégralité à cotisations et contributions sociales.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a annulé le chef de redressement minoré par la commission de recours amiable.

2) Sur les cotisations – rupture conventionnelle du contrat de travail – condition relative à l'âge du salarié (point no2 de la lettre d'observations)

L'inspecteur du recouvrement a constaté l'existence de quatre ruptures conventionnelles conclues en 2015 et en 2016 entre l'employeur et des salariés âgés de plus de 55 ans au moment de leur départ de l'entreprise.

L'employeur n'ayant pas justifié de la situation des salariés au regard de leurs droits à la retraite de base, les indemnités de rupture conventionnelle versées à ces salariés ont été réintégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales et la régularisation a été opérée compte-tenu du forfait social appliqué par la société.

La commission de recours amiable de l'Urssaf a annulé les régularisations opérées concernant deux salariés de sorte que le litige est limité aux indemnités versées à MM. [T] et [O].

A l'examen des pièces versées aux débats, les premiers juges ont considéré que les régularisations faites par l'Urssaf étaient infondées.

L'Urssaf d'Alsace conteste le jugement sur ce point en soutenant que les documents produits par la société contrôlée sont insuffisants à prouver si les deux salariés étaient en droit ou non de bénéficier d'une retraite anticipée à la date de la rupture de leur contrat de travail.

En réplique, la société Duravit expose à titre principal que la preuve de la situation des salariés vis-à-vis de leur retraite est libre pour l'employeur.

Elle indique à titre subsidiaire qu'elle dispose d'éléments permettant de justifier qu'au jour de la sortie des effectifs des salariés concernés, ces derniers ne pouvaient liquider leurs droits à une retraite à taux plein.

Il s'agit de déterminer si MM. [T] et [O] étaient en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, au jour de la rupture effective de leur contrat de travail prévue dans la convention de rupture puisqu'en effet lorsque le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, le régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle suit son régime fiscal tel que fixé par l'article 80 duodecies du code général des impôts qui dispose dans ses différentes versions applicables au litige que n'est pas imposable (et est donc exclue de l'assiette des cotisations), la fraction des indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :

– Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;

– Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
A l'inverse, à la date de la rupture effective du contrat de travail, pour le salarié qui serait en droit de liquider sa pension de retraite, sur la base d'un taux plein ou non, l'entreprise ne peut pas bénéficier des règles générales d'exonération dont bénéficient les autres indemnités de rupture conventionnelle.

En outre, la circulaire DSS no2009-210 du 10 juillet 2009 prévoit que pour le salarié âgé de 55 à 59 ans compris avec lequel une convention de rupture a été conclue, l'employeur devra pouvoir présenter à l'agent chargé du contrôle un document relatif à la situation du salarié au regard de ses droits à la retraite de base et qu'à ce titre, il peut demander au salarié avec lequel il est envisagé de conclure une rupture conventionnelle de lui fournir copie du document attestant de sa situation à l'égard des droits à retraite établi par les caisses de retraite de base dont il dépend.

Dès lors que l'exonération de cotisations de sécurité sociale déroge au principe d'assujettissement, il appartient à l'employeur qui prétend être exonéré de cotisations de sécurité sociale au titre d'une indemnité de rupture conventionnelle versée à un salarié âgé de plus de 55 ans d'établir que les conditions d'exonération étaient effectivement remplies en justifiant, par une preuve libre, de la situation dudit salarié au regard de ses droits à la retraite au moment de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

En l'espèce, il est constant que M. [L] [T], né le [Date naissance 2] 1956, était âgé de plus de 55 ans au moment de la rupture de son contrat de travail le 30 septembre 2015.

Si ce dernier atteste (pièce no18 de l'intimée) avoir liquidé ses droits à la retraite en date du 1er novembre 2016 lorsque les conditions de la liquidation des droits à la retraite à taux plein étaient réunies, cette attestation sur l'honneur ne permet pas à elle seule de justifier que le salarié n'était pas en droit de bénéficier d'une retraite anticipée à la date de la rupture de son contrat de travail (cf conditions notamment visées par les dispositions des articles L351-1-1 et D351-1-1 du code de la sécurité sociale) alors qu'il bénéficiait de l'âge requis pour y prétendre.

Au sujet de M. [X] [O], né le [Date naissance 1] 1958, également âgé de plus de 55 ans au moment de la rupture de son contrat de travail le 30 juin 2016, le même constat de l'insuffisance de preuve quant à sa situation au regard d'un départ anticipé à la retraite s'impose.

En effet, le relevé de services miniers versé aux débats (pièce no12 de l'intimée), lequel renseigne une période de « scolarité » de M. [O] du 24 novembre 1974 au 30 septembre 1977, suivie d'une année de service militaire et de services accomplis entre le 24 avril 1979 et le 26 février 1990, ne permet pas à l'employeur de justifier suffisamment de la situation de ce salarié vis-à-vis d'une retraite anticipée. La mention d'une période de scolarité décomptée pour le calcul de la retraite des mines ne justifie pas de la situation antérieure de M. [O], notamment à l'égard d'autres régimes de retraite.

L'employeur ne parvenant pas à justifier de la situation de MM. [T] et [O] au regard de leurs droits à la retraite de base au moment de la rupture de leur contrat de travail, les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées à ces deux salariés doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales sous déduction du forfait social qui a déjà été payé.

Ainsi, le redressement opéré par l'Urssaf est fondé sur ce point.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé ce chef de redressement.

Il résulte des développements qui précèdent que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions, y compris en ses dispositions concernant le paiement des intérêts moratoires et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qu'en conséquence, la mise en demeure du 15 décembre 2017 sera validée et la société Duravit condamnée dans les termes du dispositif ci-après.

S'agissant de la demande de l'Urssaf de remboursement de la somme de 802,29 € versée au titre des intérêts moratoires et de celle de 4.000 € versée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, montants acquittés en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, il n'y a pas lieu à statuer dès lors que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.

Succombant à l'issue du litige, la société Duravit sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONFIRME la décision de la commission de recours amiable du 9 juillet 2018 ;

VALIDE la mise en demeure du 15 décembre 2017 pour la somme résiduelle de 33.819 € (trente-trois mille huit-cent dix-neuf euros) en cotisations et de 5.608 € (cinq-mille six-cent huit euros) en majorations de retard ;

CONDAMNE la SA Duravit à payer à l'Urssaf d'Alsace la somme résiduelle de 33.819 € (trente-trois mille huit-cent dix-neuf euros) en cotisations et de 5.608 € (cinq-mille six-cent huit euros) en majorations de retard ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

DEBOUTE la société Duravit de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

CONDAMNE la société Duravit aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/050701
Date de la décision : 12/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 23 octobre 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-05-12;19.050701 ?
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