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10/05/2022 | FRANCE | N°20/02197

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 10 mai 2022, 20/02197


MINUTE N° 22/464

















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

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ARRET DU 10 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/02197

N° Portalis DBVW-V-B7E-HL2T



Décision déférée à la Cour : 22 Juillet 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A. EUROGLAS,

prise en la personne de son représentant légal

N° ...

MINUTE N° 22/464

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 10 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/02197

N° Portalis DBVW-V-B7E-HL2T

Décision déférée à la Cour : 22 Juillet 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A. EUROGLAS,

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 354 095 127 00032

Zone Industrielle

68490 HOMBOURG

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [Y] [P]

5 rue du Muhlbach

68740 BLODELSHEIM

Représenté par M. [J] [K] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président et Mme ARNOUX, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président

Mme ARNOUX, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par M. EL IDRISSI, Conseiller, faisant fonction de Président

- signé par M. EL IDRISSI, Conseiller faisant fonction de Président et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M.[Y] [P] né le 24 mars 1971 a été engagé par la SA Euroglass à compter du 03 août 1994 en qualité d'opérateur.

Le 28 décembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction fixé au 17 janvier 2019 et a reçu un avertissement le 04 février 2019.

Contestant cet avertissement, M.[Y] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse, qui suivant jugement de départage en date du 22 juillet 2020 a :

-dit que l'avertissement du 04/02/2019 pris à l'encontre de M.[Y] [P] par la SA Euroglass est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

-annulé l'avertissement,

-condamné la SA Euroglass à régler à M.[Y] [P] la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SA Euroglass aux entiers frais et dépens.

La SA Euroglass a interjeté appel le 31 juillet 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 11 mars 2022, la SA Euroglass demande d'infirmer le jugement et de :

-débouter M.[Y] [P] de l'intégralité de ses prétentions,

-condamner M.[Y] [P] à lui verser la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 03 novembre 2020, M.[Y] [P] demande de :

-déclarer l'appel irrecevable et en tout cas mal fondé,

-débouter la SA Euroglass de l'ensemble de ses fins et conclusions,

-confirmer le jugement prononcé le 22 juillet 2020 en toutes ses dispositions,

-condamner la SA Euroglass à lui régler la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure y compris ceux de première instance.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2022.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Selon les dispositions de l'article L1331-1 du code du travail « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence de l'employé dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Aux termes de l'article L1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu à l'exercice de poursuite pénales ».

L'avertissement implique un énoncé d'un ou plusieurs manquements bien identifiés afin que le salarié puisse rectifier la situation. Si la sanction apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée, elle peut être annulée.

En cas de litige concernant des sanctions disciplinaires, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, l'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction ; au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utile ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'avertissement du 04 février 2019 est libellé comme suit :

« les propos tenus ainsi que le ton utilisé envers M. [M] le 30 novembre 2018 peu après 20h35 dans l'enceinte du site et qui concernait l'organisation du CSE (mot de passe d'un PC) n'étaient absolument pas appropriés.

Comme le mot de passe du PC du CSE n'était pas disponible immédiatement, vous avez menacé M. [M] en hurlant de déposer une main courante à la gendarmerie et vous vous êtes mis en délégation. Durant ce laps de temps, M. [M] attendait que vous le releviez, ce que vous n'avez finalement fait qu'à 00h50.

Ces propos et le ton sur lequel ils ont été prononcés sont tout à fait inacceptables dans l'enceinte de notre entreprise et ne sont pas excusables ».

Ainsi la SA Euroglass reproche à M.[Y] [P] d'avoir tenu des propos inappropriés à l'égard d'un autre salarié obligeant ce dernier d'attendre qu'il le relève suite à sa mise en délégation.

Pour justifier de cette sanction, la SA Euroglass produit les attestations de M. [M] et M. [O] responsable de ligne.

D'une part, M. [M] atteste que M.[Y] [P] devant le relever à 20h45 est arrivé à 20h40 et lui « a demandé d'un agressif si nous avions modifié le mot de passe de l'ordinateur du CSE. Vu son agressivité, j'ai répondu que je ne savais pas » ['] M. [P] a appelé le responsable de ligne pour lui dire qu'il partait en délégation pour aller déposer une main courante à la gendarmerie pour rétention d'information puis il est reparti. Pendant ce temps le responsable de ligne m'appelle au téléphone. M. [P] revient dans la salle de contrôle en hurlant : « je te laisse 5 minutes pour aller à la gendarmerie. Je lui ai alors dit « arrête de gueuler, je suis au téléphone ». Il a continué à hurler et est sorti. J'ai alors contacté la secrétaire du CSE et suis allé donné le mot de passe à M. [P] au local CSE. Il hurlait toujours autant. Il a dit « je gueule si je veux et je reste en délégation ». Je lui ai demandé « jusqu'à quand ' Je dois chercher ma fille ». Il m'a répondu « je reviens quand je veux ». A 23H38, il revient en salle de contrôle (M. [O] responsable de ligne est présent), je lui demande si je peux lui passer les consignes maintenant. M. [P] s'énerve et me répond « si tu le prends sur ce ton, je repars en délégation ».

D'autre part, M. [O] atteste que « le vendredi 30 novembre 2018, lors de ma relève à 20H50, mon collègue M. [T] [G] m'a informé qu'il venait d'y avoir un contentieux entre MM [M] et [P] lors de leur relève et que M. [P] lui avait annoncé qu'il partait en délégation. Du coup nous avons demandé à M. [M] de rester en heures supplémentaires pour combler le sous-effectif. Plus tard vers 23h30, je me trouvais à l'Aquarium avec MM [M], [X] et [F] quand M [P] a fait son retour visiblement pour prendre son poste. M. [M] a pris la parole en premier en lui demandant « est ce que c'est bon cette fois-ci ' Je peux te passer les consignes ' » Là-dessus M. [P] a démarré au quart de tour et a rétorqué : « si c'est pour le prendre sur ce ton, ce n'est pas la peine! Je repars en délégation! ». Il s'en est suivi une brève dispute entre eux pendant laquelle j'ai essayé de ramener tout le monde au calme, mais M. [P] a repris ses affaires et a quitté l'Aquarium pour retourner en délégation. J'ai libéré M. [M] à 0h50 car il avait atteint son quota d'heures journalières autorisées. Il a passé ses consignes à M. [A] en ma présence. M. [P] est revenu de sa délégation à 1h00 et a pris son poste sans croiser M. [M] ».

Pour sa part, M.[Y] [P] produit le courrier qu'il a adressé au secrétaire du CSE en date du 06 décembre 2018 ayant pour objet « mise au point ». Concernant les faits du 30 novembre 2018, il indique qu'arrivant sur son poste de nuit, il est passé au local CSE pour travailler sur un dossier, le code d'accès ayant été changé il s'est adressé à M. [M] qui n'a pu lui répondre, il lui a alors demandé d'appeler le secrétaire et face son refus, il lui a répondu qu'il repassait au local CSE et que s'il ne disposait pas des codes dans les dix minutes, il partait faire une main courante à la gendarmerie.

Il sera relevé que les faits s'inscrivent dans un contexte tendu suite à des élections au sein du CSE et un changement de majorité syndicale.

Sans conteste, une altercation a eu lieu le 30 novembre 2018 en deux temps. La première fois avant la prise de poste de M.[Y] [P] soit avant 20h 50 et la seconde fois au moment de la relève vers 23h30.

Tout d'abord cette altercation intervient dans le cadre d'un différend entre deux élus syndicaux suite à la modification du mot de passe du PC se trouvant au CSE, qui n'a pas été portée à la connaissance de M.[Y] [P] étant observé que la passation des consignes entre les élus CDFT et CFTC devaient se faire au 06 décembre 2018.

Hormis l'attestation de M. [M], aucun témoignage n'est produit sur ce premier épisode, au cours duquel M.[Y] [P] a effectivement réclamé avec véhémence les codes et ne les obtenant pas, a déclaré qu'il allait se rendre à la gendarmerie pour déposer une main courante indiquant qu'il se mettait en délégation.

M.[Y] [P] a d'ailleurs produit le bon de délégation en date du 30 novembre 2018 mentionnant les horaires à savoir 20h50 à 23h30 puis 23h40 à 1h00, étant observé que ces heures de délégation ont été validées par l'employeur et qu'elles n'ont pas été contestées par celui-ci, nonobstant le fait qu'il est soutenu qu'elles ont été prises dans l'intention de nuire à M. [M]

Il ne peut dès lors être fait grief à M.[Y] [P] d'avoir fait attendre M. [M] pour la relève.

Quant au second épisode, le responsable de ligne atteste d'une brève dispute entre M. [M] et M. [P] vers 23h30 nécessitant son intervention pour apaiser la situation.

Il résulte de ce qui précède que l'avertissement fait état de façon générale de propos qualifiés d'inacceptables tenus par M.[Y] [P] à l'encontre de M. [M] ; pour autant, ces seuls propos qualifiés d'inacceptables par l'employeur ne sauraient justifier la sanction prise par la SA Euroglass à l'encontre de M.[Y] [P], qui est disproportionnée au regard du contexte.

Aussi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé l'avertissement du 04 février 2019.

Sur les demandes accessoires

Succombant dans le cadre de la présente procédure, la SA Euroglass sera condamnée aux dépens. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce que la SA Euroglass a été condamnée à verser à M.[Y] [P] la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A hauteur d'appel, les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Rejette les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Euroglass aux dépens de la procédure d'appel ;

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022, signé par Monsieur EL IDRISSI, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 20/02197
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;20.02197 ?
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