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06/05/2022 | FRANCE | N°20/01107

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 mai 2022, 20/01107


MINUTE N° 208/2022





























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Christine BOUDET





Le 06/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 6 mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01107 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKBI



Décision

déférée à la cour : 29 novembre 2019 par le tribunal judiciaire de Mulhouse



APPELANTS :



1) Madame [S] [I] épouse [B]

demeurant [Adresse 9]

2) Madame [Z] [I] épouse [J]

3) Monsieur [K] [J]

demeurant tous deux [Adresse 7]

4) Madame [M] [I] épouse [W]

demeu...

MINUTE N° 208/2022

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Christine BOUDET

Le 06/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 6 mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01107 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKBI

Décision déférée à la cour : 29 novembre 2019 par le tribunal judiciaire de Mulhouse

APPELANTS :

1) Madame [S] [I] épouse [B]

demeurant [Adresse 9]

2) Madame [Z] [I] épouse [J]

3) Monsieur [K] [J]

demeurant tous deux [Adresse 7]

4) Madame [M] [I] épouse [W]

demeurant [Adresse 11]

5) Madame [E] [I] épouse [H]

demeurant [Adresse 8]

[Adresse 2] (SUISSE)

6) Madame [G] [O] [I]

demeurant [Adresse 6]

représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour

INTERVENANT VOLONTAIRE :

Monsieur [L] [W]

demeurant [Adresse 11]

représenté par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

INTIMÉS :

1) Monsieur [A] [I]

2) Madame [X] [Y] épouse [I]

demeurant tous deux [Adresse 4]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 25 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par acte sous-seing privé du 1er janvier 1994, M. [U] [I] a donné en location à M. [A] [I] et Mme [X] [Y], pour une durée de trois ans, une maison d'habitation située [Adresse 5] (68), pour un loyer (mensuel selon les parties) de 1100 francs, soit 167,69 euros.

Par acte sous-seing privé du 1er janvier 2012, M. [U] [I] et son épouse ont donné aux mêmes en location la même maison d'habitation située [Adresse 5] (68), en contrepartie d'un loyer mensuel de 600 euros, seul le locataire ayant signé ce bail.

M. [U] [I] est décédé, puis son épouse, elle-même décédée le 16 mai 2017.

Par acte d'huissier du 16 juin 2017, Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], Mme [M] [I], épouse [W], Mme [E] [I], épouse [H], et Mme [G] [O] [I] ont fait signifier à M. [A] [I] seul un congé pour vendre avec effet au 1er janvier 2018, concernant un immeuble situé [Adresse 1] (68), l'acte ayant été remis à Mme [X] [Y], l'épouse du destinataire.

En décembre 2017, M. [A] [I] et Mme [X] [Y], épouse [I], ont fait assigner Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [M] [I], épouse [W], Mme [E] [I], épouse [H] et Mme [G] [O] [I] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins d'annulation du congé pour vendre, d'amende civile et d'indemnisation.

Par jugement du 29 novembre 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevables les demandes de renseignement officiel et de production d'un document par un tiers,

- déclaré nul le congé notifié le 16 juin 2017 à M. [A] [I] et à Mme [X] [Y], épouse [I],

- déclaré que le contrat de bail du 1er janvier 1994 s'était reconduit tacitement à compter du 1er janvier 2018 pour trois ans,

- déclaré irrecevable la demande de condamnation à une amende civile,

- rejeté la demande d'indemnisation « pour congé frauduleux »,

- rejeté la demande reconventionnelle d'autorisation :

* à donner un mandat de vente,

* à obtenir l'expulsion de M. [A] [I] et de Mme [X] [Y], épouse [I],

* à délivrer un congé pour l'échéance du bail du 31 décembre 2020,

* à faire application de la clause de révision figurant dans le bail du 1er janvier 1994,

Il a par ailleurs rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [M] [I], épouse [W], Mme [E] [I], épouse [H] et Mme [G] [O] [I] aux dépens, et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

En premier lieu, si les parties s'accordaient sur le fait que les locataires avaient accepté, après négociation, une augmentation du loyer mensuel à 600 euros, il n'était pas pour autant justifié de la signature d'un nouveau bail le 1er janvier 2012, le seul exemplaire partiellement produit ne comportant pas la signature des bailleurs.

En conséquence, le bail du 1er janvier 1994, signé par le bailleur et les deux preneurs, s'était reconduit par périodes de trois ans, en application de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 21 juillet 1994.

Le tribunal a rejeté la demande de renseignement officiel et de production d'un document par un tiers sur le fondement des articles 143 et 771 du code de procédure civile, au motif que cette prétention était irrecevable devant lui car relevant de la seule compétence du juge de la mise en état.

Sur la nullité du congé pour vendre, il a retenu qu'un congé ne constituait pas un acte d'administration et requérait, pour être valable, l'unanimité des co-indivisaires.

Or, M. [A] [I], qui était lui-même co-indivisaire du bien mis en location avec ses s'urs, n'avait pas donné son accord au congé qui lui avait été délivré et qui aurait également été délivré à son épouse, et il n'avait pas non plus désigné l'une des défenderesses comme son mandataire à la gestion du bien immobilier.

En conséquence, ce congé lui était inopposable en sa qualité de co-indivisaire et était nul à son égard, en sa qualité de preneur.

De plus, le tribunal a rappelé que le congé devait être notifié à chacun des titulaires du bail, donc à l'épouse de M. [A] [I], ce qui n'était pas justifié. Ce congé serait également nul pour Mme [X] [Y], épouse [I].

En conséquence, le contrat de bail s'était reconduit tacitement et automatiquement à compter du 1er janvier 1998 jusqu'au 31 décembre 2020.

La demande de condamnation des défendeurs au paiement d'une amende civile était irrecevable au motif que M. [A] [I] et Mme [X] [Y], épouse [I], n'avaient aucune qualité pour la présenter.

Par ailleurs, le tribunal a relevé, au visa de l'article 1147 ancien du code civil, que les époux [I]-[Y] ne rapportaient pas la preuve du moindre préjudice à l'appui de leur demande de dommages-intérêts pour congé frauduleux.

Sur les demandes reconventionnelles fondées sur l'article 815-5 du code civil, tendant, pour les défendeurs, à être autorisés à donner un mandat de vente, à obtenir l'expulsion des demandeurs et à délivrer un congé pour l'échéance, le tribunal a considéré que l'intérêt commun se définissait comme celui de tous les co-indivisaires et qu'il n'était pas établi que l'intérêt, présent ou à venir, de M. [A] [I], soit que la maison qu'il occupait avec son épouse soit mise en vente et que tous deux soient expulsés, alors qu'ils bénéficiaient de droits issus du contrat de bail, dont le statut protecteur était d'ordre public.

De plus, les défenderesses ne justifiaient d'aucun manquement de leur part.

Par ailleurs, pour rejeter la demande tendant à l'application de la clause de révision figurant dans le bail du 1er janvier 1994 à compter de la notification, par RPVA, des conclusions du 11 octobre 2018, le tribunal a considéré que n'était pas établi l'intérêt de tous les co-indivisaires à une nouvelle augmentation du loyer et qu'il ne résultait pas de la commune intention des parties qu'une révision du loyer ait été convenue, alors que le bail, modèle pré-imprimé, comportait la mention « la révision du loyer se fait chaque année à la date suivante » qui n'était pas complétée par les parties.

Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [M] [I], épouse [W], Mme [E] [I], épouse [H] et Mme [G] [O] [I] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 mars 2020.

M. [L] [W], époux de Mme [M] [I], est intervenu volontairement à la procédure par des conclusions déposées avec les appelants, et ce au motif que son épouse et lui avaient opté, le 10 octobre 2017, pour un régime de communauté universelle, si bien qu'il était désormais également propriétaire indivis de l'immeuble objet de la procédure.

Par leurs conclusions récapitulatives datées du 22 avril 2021, Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [M] [I], épouse [W], Mme [E] [I], épouse [H] et Mme [G] [O] [I] demandent à être déclarés recevables en leur appel et M. [L] [W] demande à être déclaré recevable en son intervention volontaire.

Au visa des articles 815-2, 815-3 et 815-5 du code civil, tous sollicitent l'infirmation du jugement déféré et que la cour, statuant à nouveau :

- dise et juge que le congé pour vendre délivré le 16 juin 2017 en vue d'empêcher le renouvellement du bail pour une durée de trois ans constitue un acte d'administration, voire un acte conservatoire et, en conséquence, dise et juge le congé régulier et de plein effet,

- à tout le moins, prenne acte de la notification d'un nouveau congé pour le 31 décembre 2020,

- dise et juge le nouveau congé régulier et de plein effet et, en conséquence, les autorise :

=$gt; à donner mandat de vente de l'immeuble situé [Adresse 3] (68), cadastré section 2, n°[Courriel 10], à toute agence immobilière de leur choix et, de manière générale, à accomplir tout acte dans le but de vendre ledit immeuble, y compris la signature de tout compromis et acte de vente authentique,

=$gt; à obtenir par tout moyen l'expulsion de M. [A] [I], de Mme [X] [Y], épouse [I], et de tout occupant de leur chef, de l'immeuble situé [Adresse 3], en exécution du congé aux fins de vente qui leur a été notifié le 16 juin 2017,

=$gt; à faire application de la clause de révision figurant dans le bail signé le 1er janvier 1994 à compter de la notification, par RPVA, des conclusions du 11 octobre 2018 valant notification de l'intention des indivisaires de faire application de la clause d'indexation (conclusions notifiées par RPVA le 17/10/2018 : cf. annexe 20),

- condamne M. [A] [I] et Mme [X] [Y], épouse [I], aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'à régler à chacun des appelants et intervenant volontaire la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En premier lieu, les appelants contestent l'annulation du congé du 16 juin 2017 prononcée par le tribunal.

Sur l'absence de notification du congé à Mme [X] [Y], épouse [I], ils soutiennent que, si en principe, la jurisprudence considère que sont nuls les congés qui n'ont pas été notifiés à tous les co-preneurs du bail, il existe une exception en cas de solidarité entre les locataires car le congé leur est opposable à tous, même s'il n'a pas

été notifié à chacun d'eux séparément. Les époux [I]-[Y] étant tenus solidairement au paiement des loyers en application de l'article 220 du code civil, s'agissant d'une dépense nécessaire à l'entretien du ménage, le congé pour vendre délivré à un seul d'entre eux est valable à l'égard des deux.

Subsidiairement, les appelants et l'intervenant volontaire font valoir qu'ils ont notifié un nouveau congé aux deux époux [I]-[Y] pour le 31 décembre 2020, dans l'hypothèse où la cour retiendrait un grief relatif aux conditions de délivrance du congé du 17 juin 2017.

Par ailleurs, ils affirment que, pour exiger l'unanimité des co-indivisaires pour délivrer le congé, le tribunal s'est fondé sur la jurisprudence relative à l'application de l'article 815-3 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2007. Si le consentement de tous les indivisaires était alors exigé pour les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis, la nouvelle version de l'article 815-3 ne requiert plus que la majorité des deux tiers des indivisaires pour les actes d'administration.

Or, un congé délivré au locataire constitue un acte d'administration, quand bien même il s'agit d'un congé pour vendre. Seule la vente du bien constitue un acte de disposition qui exigera l'autorisation du tribunal.

Le congé ayant été donné par 5/6èmes des indivisaires était donc parfaitement valable, quand bien même il a été délivré au 6ème co-indivisaire.

À l'appui de ce qu'ils qualifient de demande d'autorisation de vendre le bien immobilier en cause, les appelants et l'intervenant volontaire invoquent les dispositions de l'article 815-5 du code civil, selon lesquelles un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un co-indivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun.

Ils font valoir qu'en matière d'indivision, l'intérêt commun ne se réduit pas à la somme des intérêts individuels des co-indivisaires, mais qu'il s'agit de l'intérêt général de l'indivision, ce texte légal ayant pour but de faire face au blocage d'un co-indivisaire mettant en péril les intérêts de tous les autres.

En l'espèce, les appelants et l'intervenant volontaire font valoir qu'ils disposent de revenus modestes et qu'une partie du loyer est affectée au paiement de la taxe foncière et des réparations de l'immeuble, d'autant plus que celui-ci n'a pas été entretenu par ses occupants depuis 1993, se dégradant et perdant de la valeur du fait des locataires qui, cependant, peuvent réclamer à l'indivision, en sa qualité de bailleresse, des réparations.

De plus, le loyer n'est pas conforme à la valeur locative du bien et les époux [I]-[Y] sont entrés dans les lieux en trompant la confiance des parents de M. [A] [I], promettant d'acquérir le bien dans un délai de six mois. En outre, pendant près de 20 ans, ils n'ont payé qu'un loyer dérisoire.

Enfin, la vente de l'immeuble ne contraindrait pas les époux [I]-[Y] à quitter leur domicile, ces derniers pouvant l'acquérir à la valeur estimée par une agence immobilière, admise par tous les indivisaires dans le cadre de la déclaration de succession. En outre, si un tiers acquéreur proposait un prix inférieur, M. [A] [I] pourrait se substituer à lui au prix proposé.

À défaut, pour M. [A] [I] et son épouse, de faire valoir leurs droits de préemption, il est dans l'intérêt de l'indivision que l'immeuble puisse être mis en vente vide d'occupants.

Par leurs conclusions du 20 juillet 2021, M. [A] [I] et Mme [X] [Y], épouse [I], sollicitent la confirmation du jugement déféré et le rejet de l'ensemble des conclusions des appelants ainsi que leur condamnation aux entiers frais et dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'absence de notification du congé à Mme [X] [Y], épouse [I], les intimés soutiennent qu'en cas de pluralité de locataires, le congé doit être notifié à chacun d'eux, puisque chacun bénéficie d'un droit de préemption.

Dès lors, la solidarité des deux époux au paiement du loyer n'a aucune incidence sur la nécessité de devoir notifier à chacun d'eux le congé pour vendre, puisque chacun dispose du droit d'acquérir sans être tenu d'agir en commun, le choix de l'un des preneurs ne créant aucun droit ou obligation à l'égard de l'autre.

En conséquence, le défaut de notification du congé à l'un des co-titulaires du bail rend ce congé inopposable à son égard.

Par ailleurs, sur la nature du congé pour vendre, les intimés soutiennent qu'il ne s'agit pas d'un acte d'administration mais d'un acte de disposition qui nécessite l'accord de tous les indivisaires, dans la mesure où la finalité du congé délivré est de vendre l'immeuble. Il en résulte que tant le congé de 2017 que celui de mai 2020 leur sont inopposables.

S'agissant de l'article 815-5 du code civil, les époux [I]-[Y] font valoir qu'il n'a vocation à s'appliquer que lorsque le refus opposé par l'un des co-indivisaires met en péril l'intérêt de tous les indivisaires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, les intimés indiquent ne pas être opposés à la vente du bien en tant que telle mais seulement au prix proposé par les appelants. Ils affirment que la valeur actuelle de la maison n'est pas de 160 000 euros, comme indiqué dans le congé pour vendre, mais de 95 000 euros, invoquant des estimations réalisées par deux agences immobilières.

Ils font donc valoir qu'une vente au prix de 160 000 euros n'aurait aucune chance d'aboutir, que l'indivision ne pourrait obtenir le capital qu'elle espère, de telle sorte que le moyen relatif à l'obtention d'un capital invoqué par les appelants est voué à l'échec.

Les époux [I]-[Y] invoquent une application restrictive de l'article 815-5 du code civil et contestent que les appelants aient de faibles revenus, ajoutant que l'indivision perçoit mensuellement le loyer prévu au contrat de bail. De plus, les appelants sollicitent l'autorisation de donner un mandat de vente à une agence immobilière, mais pas de vendre le bien, ne précisant pas le prix auquel ils entendent mettre ce bien en vente.

Enfin, les intimés font valoir qu'en leur qualité de locataires, ils ne sont tenus qu'à l'entretien du bien et qu'ils ont procédé au ravalement de la façade, au remplacement d'éléments de la chaudière, à la mise en place d'un adoucisseur d'eau, qu'ils ont fait réparer des volets'

Cependant, l'absence de réalisation de gros travaux à la charge des propriétaires a une influence certaine sur la valeur de la maison, dont elle entraîne une diminution progressive.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS

En préalable, il y a lieu de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. [L] [W], étant observé que les intimés ne s'y opposent nullement.

I ' Sur les demandes des appelants et de l'intervenant volontaire

L'article 815-3 du code civil, dans sa version issue de la loi du 23 juin 2006 applicable en l'espèce, énonce que les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, notamment effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis et conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. À défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.

Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. Il s'agit de la vente des meubles indivis pour payer les dettes et les charges de l'indivision.

Selon une jurisprudence constante en application de ces dispositions légales, la délivrance d'un congé pour vendre aux locataires n'est pas un acte d'administration et elle ne relève pas de l'exploitation normale des biens indivis. Elle nécessite dès lors l'accord de tous les indivisaires.

Il en résulte que M. [A] [I] est fondé à soulever la nullité du congé pour vendre qui lui a été délivré à l'initiative des autres co-indivisaires, par acte d'huissier du 16 juin 2017, sans son accord, en sa qualité de co-indivisaire. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré nul ce congé.

Il en résulte de même que la demande additionnelle des appelants et de l'intervenant volontaire tendant à ce qu'il soit jugé qu'est régulier et de plein effet le nouveau congé pour vendre délivré à M. [A] [I] et à Mme [X] [Y], épouse [I], postérieurement au jugement déféré, par actes d'huissier signifiés le 22 mai 2020 à chacun des époux, et ce sans l'accord de M. [A] [I] en sa qualité de co-indivisaire, ne peut qu'être rejetée.

Chacun des deux congés délivrés respectivement le 16 juin 2017 et le 22 mai 2020 étant irréguliers, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles d'autorisations à donner un mandat de vente et à obtenir l'expulsion de M. [A] [I] et de Mme [X] [Y], épouse [I], formées par les appelants et par l'intervenant volontaire, en conséquence du congé pour vendre du 16 juin 2017 et les mêmes demandes présentées en conséquence du congé pour vendre du 22 mai 2020 doivent être rejetées.

En effet, de telles autorisations ne pourraient découler que de la délivrance d'un congé pour vendre régulier. Or, ces deux congés pour vendre signifiés successivement sont atteints de nullité.

Sur ce point, il convient de préciser que la lecture du dispositif des dernières écritures des appelants et de l'intervenant volontaire ne fait pas apparaître de demande d'autorisation de vendre l'immeuble en application de l'article 815-5 du code civil, contrairement à ce que les motifs de ces écritures laissent penser, mais uniquement une

demande tendant à se voir autoriser, en conséquence de la régularité de l'un au moins des congés délivrés aux locataires, à donner mandat de vente de l'immeuble en cause à toute agence immobilière de leur choix et à accomplir tout acte dans le but de vendre cet immeuble, en ce inclus la signature de tout compromis et acte de vente authentique.

En conséquence, la cour ne peut que constater qu'elle n'est pas saisie d'une telle demande d'autorisation de vente de l'immeuble, étant souligné que celle-ci devrait, en tout état de cause, mentionner le prix de vente sollicité.

Enfin, la demande d'application de la clause de révision figurant dans le bail signé le 1er janvier 1994 ne relève pas des dispositions de l'article 815-5 selon lesquelles un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun. En effet, une telle mesure constitue un acte d'administration qui nécessite seulement la majorité des deux tiers des indivisaires, et ne relève donc pas d'une autorisation judiciaire dès lors que cette majorité acquise. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande portant sur une telle autorisation.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant pour l'essentiel confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et, pour les mêmes motifs, les appelants et l'intervenant volontaire, dont les demandes sont rejetées en appel, assumeront les dépens de l'appel.

En revanche, dans le contexte familial de cette affaire, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie les frais exclus des dépens qu'elle a engagés tant en première instance qu'en appel. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celles présentées sur ce même fondement à hauteur de cour seront également rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE recevable l'intervention volontaire de M. [L] [W],

CONFIRME dans la limite de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Mulhouse le 29 novembre 2019,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [E] [I], épouse [H], Mme [G] [O] [I], Mme [M] [I], épouse [W], et de M. [L] [W], tendant à ce que la cour juge que le nouveau congé délivré pour le 31 décembre 2020 est régulier et de plein effet et tendant à ce que la cour, en conséquence, les autorise :

=$gt; à donner mandat de vente de l'immeuble situé [Adresse 3] (68), cadastré section 2, n°[Courriel 10], à toute agence immobilière de leur choix et, de manière générale, à accomplir tout acte dans le but de vendre ledit immeuble, y compris la signature de tout compromis et acte de vente authentique,

=$gt; à obtenir par tout moyen l'expulsion de M. [A] [I], de Mme [X] [Y], épouse [I], et de tout occupant de leur chef, de l'immeuble situé [Adresse 3], en exécution du congé aux fins de vente qui leur a été notifié le 16 juin 2017,

CONDAMNE Mme [S] [I] épouse [B], Mme [Z] [I] épouse [J], M. [K] [J], Mme [E] [I], épouse [H], Mme [G] [O] [I], Mme [M] [I], épouse [W], et M. [L] [W] aux dépens d'appel,

REJETTE les demandes respectives des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.

Le greffier,La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01107
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;20.01107 ?
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