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05/05/2022 | FRANCE | N°20/03113

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 mai 2022, 20/03113


MINUTE N° 205/2022





























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 5 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03113 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNMG



Décision déférée à la cour : 10 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS et INTIMÉS sur incident :



1/ Madame [K] [W]

2/ Monsieur [I] [F]

demeurant ensemble chez Monsieur [L] [S]

[Adresse 1]



3/ Monsieur [S] [L]

demeurant [Adre...

MINUTE N° 205/2022

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 5 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03113 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNMG

Décision déférée à la cour : 10 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et INTIMÉS sur incident :

1/ Madame [K] [W]

2/ Monsieur [I] [F]

demeurant ensemble chez Monsieur [L] [S]

[Adresse 1]

3/ Monsieur [S] [L]

demeurant [Adresse 1]

1 à 3/ représentés par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

INTIMÉ et APPELANT sur incident :

Monsieur [N] [E]

demeurarnt [Adresse 3] (ALLEMAGNE)

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

plaidant Me PELLETIER (substituant Me LELARGE), avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E], de nationalité allemande, expose s'être séparé de son épouse, Mme [O] [T] le 22 février 2018.

Il indique avoir été hébergé par Mme [W] (dont il a fait connaissance à l'occasion de transports réguliers dans son taxi) ainsi que par son concubin et son fils, MM. [F] et [L], à leur domicile en France, situé [Adresse 1], durant les périodes suivantes :

- du 22 février 2018, jour de son départ du domicile conjugal situé à Rastatt (Allemagne), au 26 février 2018, date à laquelle il a été hospitalisé à la clinique Median à [Localité 2] (Allemagne),

- du 10 mai 2018, jour de sa sortie de la clinique, au 13 juin 2018, date à laquelle il a quitté définitivement leur domicile.

Le 10 décembre 2018, M. [E] a déposé plainte pour abus de confiance à l'encontre de Mme [W] et de MM. [F] et [L], auprès des services de gendarmerie de [Localité 4], se plaignant de n'avoir pu récupérer une somme de 39 000 euros en espèces - rangée dans une enveloppe non fermée, remise à Mme [W] le 22 février 2018, après avoir été comptée en sa présence et celle de M. [F] -, ainsi que des bijoux et les 'papiers' de ses deux véhicules Mercedes.

Le 27 mai 2019, M. [E] a signifié par huissier à Mme [W], par remise à une personne présente à son domicile, un courrier de son avocat la mettant en demeure de lui restituer la somme de 39 000 euros, les 'papiers' des deux véhicules Mercedes ainsi que divers biens et effets personnels, qu'il n'avait pu récupérer lors de son départ précipité du 13 juin 2018.

Par acte d'huissier délivré le 17 février 2020, M. [E] a assigné Mme [W], M. [F] et M. [L] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg ; il a demandé leur condamnation à lui restituer la somme précitée, les papiers et clés des véhicules Mercedes, ainsi que divers bijoux, montres, autres objets mobiliers et deux classeurs contenant des documents et papiers personnels. Il réclamait en outre des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Par jugement du 10 septembre 2020, réputé contradictoire du fait de la défaillance des défendeurs et rectifié par jugement du 12 novembre 2020, en ce qui concerne l'orthographe du nom '[W]' et le prénom de M. [F], le tribunal les a condamnés solidairement à :

- payer à M. [E] la somme de 39 000 euros,

- lui restituer les objets et effets personnels réclamés, sauf les papiers et clés du véhicule Mercedes S350,

- à défaut de restitution de ces objets, lui payer la somme de 10 000 euros au titre de la valeur de ces meubles,

- lui payer la somme de 2 000 euros, à titre de dommages et intérêts (en réparation d'un 'préjudice moral distinct' selon les motifs du jugement),

- lui payer la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le tribunal, se référant à l'article 1915 du code civil concernant le contrat de dépôt, a estimé qu'il ressortait du témoignage de l'épouse de M. [E] (tout en notant la difficulté résidant dans cet unique témoignage pour corroborer les propos de celui-ci) que Mme [W], M. [F] et M. [L] avaient été les dépositaires de très nombreux effets personnels de M. [E] et, à ce titre, détenteurs précaires de ceux-ci ; au motif que les défendeurs n'avaient pas 'estimé utile de se manifester pour venir contester' la réalité du transfert de ces objets entre leurs mains, il a retenu l'existence d'un contrat de dépôt volontaire, à charge pour eux de garder ces objets et les restituer en nature.

Il a fait droit à la demande en restitution, en application de l'article 1352 du code civil, à l'exception de celle concernant le véhicule mercedes S350 qui, selon la plainte pénale, avait été vendu à M. [L], même si le prix n'avait pas été payé.

*

Mme [W], M. [F] et M. [L] ont interjeté appel le 26 octobre 2020 du jugement du 10 septembre 2020, signifié le 17 octobre 2020.

Par leurs dernières conclusions du 25 mai 2021, ils sollicitent l'infirmation de ce jugement et, statuant à nouveau, le débouté de l'intégralité des demandes et la condamnation de M. [E] à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent qu'il n'est pas établi que les biens réclamés leur auraient été remis -relevant que l'épouse de M. [E] n'indique pas avoir constaté personnellement une telle remise, mais seulement avoir remis, à quelques reprises en présence de M. [F] ou de Mme [W], des effets personnels à M. [E] -, ni même que les biens réclamés soient la propriété de M. [E].

*

Par conclusions du 23 février 2021, M. [E], formant appel incident, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les appelants à lui payer d'une part, la somme de 10 000 euros à défaut de restitution des objets et effets personnels, et d'autre part, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- les condamner solidairement à lui payer, respectivement à ces titres, les sommes de 40 000 et 20 000 euros,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- il a appris de Mme [W] entre le 23 et le 25 mai 2018 que la somme de 39 000 euros, qu'il lui avait confiée avant d'être hospitalisé, avait disparu, celle-ci ayant accusé, dans un premier temps, la petite amie de son fils avant de l'accuser lui-même,

- il a organisé, avec l'aide de son épouse, des rendez-vous avec les défendeurs les 4 juillet, 1er, 8 et 22 août 2018 pour tenter de recouvrer ses effets personnels, sans succès,

- il a déposé une première plainte auprès des services de police de [Localité 2] le 23 août 2018,

- si les appelants contestent la preuve de la remise, ils ne contestent pas l'avoir hébergé, alors qu'il n'avait aucun domicile propre ou local de stockage,

- le fait qu'ils aient entre leurs mains la pièce n° 1 qu'ils produisent (courrier d'un huissier allemand à M. [E] du 12 janvier 2016 et réponse par M. [E] à un questionnaire établi par cet huissier), qu'il n'a jamais lui-même versée aux débats, démontre qu'ils ont eu accès à des documents qui lui sont personnels, contenus dans deux classeurs encore en leur possession,

- les réponses contenues dans ce document, remontant à plus de deux ans avant les faits, ne reflètent pas son patrimoine lors de son installation chez les défendeurs,

- la preuve de la remise est donc rapportée,

- certains justificatifs de sa propriété sur les biens réclamés se trouvent dans les classeurs précités, de sorte qu'il ne peut les produire,

- en tout état de cause, il n'a pas eu l'intention de transférer la propriété de ces biens aux défendeurs, qui sont tous trois intervenus pour leur réception et leur conservation, au vu de l'attestation de son épouse mentionnant leur présence et de ce que les biens étaient conservés à leur domicile commun,

- la valeur de ces biens peut être 'globalement et raisonnablement' estimée à 40 000 euros, hors la somme de 39 000 euros en espèces,

- son préjudice moral résulte de la privation de ses économies, des papiers et clés de son véhicule, qu'il ne peut dès lors utiliser ni céder, ainsi que de la privation de la possession des biens, pour partie issus de l'héritage de sa mère, depuis maintenant 31 mois.

*

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2021.

MOTIFS

Aux termes de l'article 1915 du code civil, le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui à charge de la garder et de la restituer en nature. L'article 1921 dispose par ailleurs que le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit.

Il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver conformément à l'article 1353 du code civil.

En conséquence, en l'espèce, il appartient à M. [E], qui réclame l'exécution d'une obligation de restitution d'une somme d'argent et de divers biens et documents qu'il aurait confiés aux appelants, de prouver le contrat de dépôt volontaire conclu concernant cette somme d'argent et ces divers biens et documents, soit leur remise aux appelants, à charge pour eux de les lui garder et de les lui restituer en nature, ce qui suppose un échange de consentements entre eux à cet égard.

S'agissant de la somme de 39 000 euros en espèces, aucun reçu n'est produit. La preuve de la remise de cette somme aux appelants n'est rapportée par aucun écrit ; elle n'est mentionnée que dans la plainte pénale déposée par M. [E] lui-même. Elle est contestée par les appelants. La demande ne peut donc qu'être rejetée.

Pour le surplus, les seules pièces produites n'établissent pas non plus cette remise.

En effet, il est produit :

- une attestation de son épouse, laquelle ne fait état que de la remise par elle à M. [E], le 18 avril 2018 à Rastatt, en présence de MM. [F] et [L], d'un véhicule Mercedes S 350, avec ses papiers et jeu de clés (dont la restitution n'est plus réclamée suite au rejet de cette demande par le jugement déféré), ainsi que des papiers et clés d'un second véhicule, outre la 'remise d'effets personnels', les 11 mai et 25 mai 2018 à M. [E] en présence de M. [F],

- des listings en date des 18 avril, 11 mai et 25 mai 2018, mentionnant le nom de M. [F] mais ne comportant que la signature de M. [E] et, en tout état de cause, ne consistant qu'en des listes d'objets et effets, outre les éléments précités en ce qui concerne les deux véhicules, que Mme [O] [E] aurait remis à son mari, et non à M. [F].

Le fait que M. [E] était hébergé chez les appelants ne peut suffire à établir qu'il leur aurait remis en dépôt tout ce que son épouse lui avait elle-même remis.

Enfin, si les appelants ont produit la copie d'un courrier du 12 janvier 2016 adressé par un huissier allemand à M. [E], auquel est joint une déclaration de M. [E] reçu par cet huissier le 8 janvier 2016, que M. [E] n'a jamais lui-même versé aux présents débats, il n'est pas établi d'une part, que ce document faisait partie de ceux contenus dans les deux classeurs dont la restitution est réclamée, ni d'autre part que ces classeurs et leur contenu auraient été remis aux appelants à titre de dépôt ; le seul fait qu'ils aient eu accès à cette copie est insuffisant à établir le dépôt allégué de ces classeurs.

Il en résulte que le contrat de dépôt, retenu par le premier juge, n'est pas démontré ; l'intimé n'invoque aucun autre fondement juridique à sa demande de restitution.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé et M. [E] débouté de l'intégralité de sa demande en restitution, comme de sa demande en dommages et intérêts, aucune faute ne pouvant, par suite, être reprochée à Mme [W], M. [F] et M. [L].

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue de l'appel, M. [E], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ; il convient également de le condamner à payer aux appelants la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, et de le débouter de ses propres demandes du chef de ces dispositions, tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré, rectifié par jugement du 12 novembre 2020 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [N] [E] de l'ensemble de sa demande en restitution et de sa demande en dommages et intérêts,

CONDAMNE M. [N] [E] à payer à Mme [K] [W], M. [I] [F] et M. [S] [L], ensemble, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [N] [E] aux dépens de première instance et d'appel, et le déboute de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03113
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.03113 ?
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