La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2022 | FRANCE | N°20/01047

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 mai 2022, 20/01047


MINUTE N° 199/2022





























Copie exécutoire à





- Me Thierry CAHN





- SELARL HARTER-LEXAVOUE





Le 5 mai 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 5 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01047 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ6

D



Décision déférée à la cour : 03 Février 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE et INTIMÉE sur incident:



Madame [L] [M]

demeurant chez Monsieur [R] [U] [Adresse 1]



représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.





INTIMÉE et APPELANTE...

MINUTE N° 199/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- SELARL HARTER-LEXAVOUE

Le 5 mai 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01047 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJ6D

Décision déférée à la cour : 03 Février 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE et INTIMÉE sur incident:

Madame [L] [M]

demeurant chez Monsieur [R] [U] [Adresse 1]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉE et APPELANTE sur incident :

Madame [O] [H]

demeurant [Adresse 3]

représentée par la SELARL HARTER-LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 24 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Selon compromis de vente du 4 juillet 2017, Mme [L] [M] a vendu à Mme [O] [H] une maison d'habitation sise [Adresse 2], au prix de 243 000 euros, dont 15 000 euros de meubles, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt immobilier à hauteur d'un montant en principal de 90 000 euros sur une durée de 15 ans pour un taux de 1,5%.

La vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 4 octobre 2017, en l'étude de Me [I], notaire, à peine de caducité de plein droit. L'acte comportait, en page 10, une clause pénale prévoyant le règlement d'une somme de 24 300 euros à titre de dommages et intérêts à la charge de la partie qui ne régulariserait pas l'acte authentique, alors que toutes les conditions suspensives seraient remplies.

Mme [H] ayant refusé de signer l'acte de vente, Mme [M] a, par acte introductif d'instance déposé au greffe le 22 mai 2018, saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une demande en paiement de la clause pénale, outre des dommages et intérêts.

Par jugement du 3 février 2020, le tribunal judiciaire a :

- déclaré sans objet l'exception de nullité du compromis de vente,

- rejeté les demandes de Mme [M],

- l'a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Sur la demande d'annulation du compromis de vente formée par Mme [H] pour dol ou erreur sur les qualités substantielles du bien vendu, motif pris de ce qu'elle avait découvert, en août 2017, que les canalisations d'eaux usées desservant la maison traversaient les propriétés de trois voisins en l'absence de toute servitude de passage de canalisations, le tribunal a retenu que la preuve de ce que Mme [H] avait été informée de la difficulté relative à l'absence de servitude n'était pas rapportée, mais a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du compromis de vente, que ce soit pour dol ou erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, puisque le compromis était caduque par application de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924. Il a par contre retenu que Mme [M] ayant manqué à son devoir d'information à l'égard de l'acquéreur ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude ce qui commandait le rejet de sa demande en paiement de la clause pénale et de sa demande indemnitaire.

Mme [M] a interjeté appel de ce jugement, le 6 mars 2020, en toutes ses dispositions.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 novembre 2020, elle demande à la cour de confirmer totalement le jugement de première instance, et statuant à nouveau de :

- condamner Madame [O] [H] à lui payer la somme de 24 300 euros au titre de la clause pénale,

- condamner Madame [O] [H] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Madame [O] [H] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Elle expose que, bien qu'ayant obtenu son prêt, Mme [H] ne s'est pas présentée aux différents rendez-vous de signature qui ont été fixés, et qu'une dernière date de régularisation de l'acte authentique ayant été fixée au 4 janvier 2018, elle a subordonné la signature de l'acte à la visite de la maison, objet de la vente, le mercredi 3 janvier 2018 afin d'effectuer un relevé des compteurs et un état général. Or, par courrier électronique du 4 décembre 2017, Maître [W], notaire de la venderesse, a été averti par Maître [I], notaire de l'intimée, que Madame [H] ne souhaitait plus donner suite à la vente et que le compromis était caduc.

Au soutien de son appel, Mme [M] fait valoir que :

- Mme [H] a reporté à plusieurs reprises la signature de l'acte sans invoquer le problème de canalisations,

- elle connaissait les lieux pour les avoir visité à plusieurs reprises,

- elle était assistée de son propre notaire,

- elle était parfaitement informée de la situation du bien relative à l'assainissement car dans le compromis de vente, et par la suite dans le projet d'acte, figuraient toutes les mentions y relatives ainsi que l'existence d'une servitude de canalisation,

- il était clairement indiqué dans le rapport de diagnostic « le branchement des eaux usées de la propriété traverse les propriétés voisines (cf schéma) avant de rejoindre le réseau public d'assainissement collectif en contrebas. Afin de rendre la propriété indépendante des propriétés voisines au niveau de l'assainissement, la CCTC propose de poser à ses frais, un regard de branchement d'assainissement au droit de la propriété, sur demande du propriétaire. »,

- Mme [H] aurait pu prévoir une condition suspensive, si elle souhaitait qu'une servitude soit constituée avant la vente, ce qu'elle n'a pas fait, et il lui appartient, le cas échéant, de rechercher la responsabilité de son notaire sur ce point.

L'appelante considère donc qu'ayant signé l'acte en connaissance de cause, Mme [H] est donc tenue par la clause pénale, dont le montant est parfaitement justifié, puisqu'en prévision de la vente, elle avait vidé la maison et dû être hébergée par son fils. Elle fait valoir qu'elle a perdu des opportunités de vente, et que c'est seulement le 15 mars 2018 qu'elle a été informée, par un courrier de Maître [W], de ce qu'elle était déliée et pouvait remettre son bien en vente. L'immeuble a été vendu finalement le 27 août 2018.

Par conclusions transmises par voie électronique le 18 août 2020, Mme [H] demande à la cour de débouter l'appelante de ses prétentions, et de confirmer le jugement entrepris. Subsidiairement,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil, de :

- prononcer la nullité pour dol, et subsidiairement pour erreur sur les qualités essentielles, du compromis authentique de vente du 4 juillet 2017 régularisé entre Madame [L] [M] et Madame [O] [H] en l'étude de Maître [W], notaire à la résidence de [Localité 4],

- débouter Madame [L] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation,

- dire et juger que Madame [H] a valablement fait usage de son droit légal de rétractation,

En conséquence, dire et juger que le vente objet du compromis authentique de vente du 4 juillet 2017 régularisé entre Madame [L] [M] et Madame [O] [H] en l'étude de Maître [W], notaire à la résidence de [Localité 4], est nulle et de nul effet,

- débouter Madame [L] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Encore plus subsidiairement,

Vu l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil.

- dire et juger que la clause pénale stipulée pour un montant de 14 300 euros (sic) est manifestement excessive, la ramener à de plus justes proportions.

En tout état de cause,

- condamner Madame [M] à payer à Madame [H] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'intimée fait valoir que, nonobstant la réalisation des conditions suspensives, l'acheteur peut légitimement refuser de signer l'acte authentique de vente lorsque le compromis de vente est affecté d'une cause de nullité ou qu'il existe une cause de résolution de la vente, et qu'il est alors fondé à opposer l'exception de nullité au vendeur qui demande paiement de la clause pénale.

Elle indique avoir découvert, postérieurement à la signature du compromis de vente, le fait que les canalisations d'eaux usées de la maison traversaient trois propriétés voisines sans qu'il existe de servitude de passage de canalisations, Mme [M] ne l'ayant jamais avisée de cette situation constitutive d'un empiètement de sa propriété sur les propriétés voisines et d'une violation du droit de propriété susceptible de justifier la démolition pure et simple de l'ouvrage. Au contraire, l'appelante a expressément déclaré dans la promesse de vente, sous la rubrique « garantie de possession (page 10) » : « qu'il n'y a eu aucun empiètement sur le fonds voisin ». L'intimée considère donc être fondée à invoquer le dol ou l'erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue.

Elle invoque sa bonne foi et le fait que, nonobstant la caducité du compromis de vente, elle avait chargé Me [W], de régulariser les actes constitutifs de servitude, et soutient que ce n'est que suite à l'impossibilité d'obtenir la signature desdits actes par les propriétaires des fonds voisins concernés qu'elle a, de manière parfaitement légitime, refusé de régulariser l'acte authentique de vente.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais visé ni paraphé le diagnostic assainissement au moment de la signature du compromis de vente, en tout état de cause si ce document indique les modalités de raccordement, en passant sur des fonds voisins, à aucun moment il ne précise qu'il n'existerait pas de servitude de passage.

Subsidiairement, elle soutient que l'absence de servitude conventionnelle et l'existence d'un empiètement du fait des canalisations d'eaux usées de l'immeuble acquis constitue une modification substantielle du bien vendu qui nécessitait la modification de la promesse de vente, cette modification devant lui être notifiée afin de lui permettre d'exercer son droit légal de rétractation. A défaut de notification d'un projet modifié, elle considère être manifestement bien fondée à exercer le droit de rétractation prévu par l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation.

Subsidiairement, elle considère que le montant de la clause pénale est manifestement excessif.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que le dispositif des conclusions de l'appelante est manifestement entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il tend à la 'confirmation totale' du jugement et à ce que la cour, statuant à nouveau, fasse droit aux demandes de Mme [M] rejetées par le tribunal, et qu'il convient donc de considérer, comme le fait d'ailleurs l'intimée, que ces conclusions tendent en réalité à l'infirmation totale du jugement.

Au fond, nonobstant la caducité du compromis de vente, l'acquéreur qui est poursuivi en paiement de la clause pénale peut opposer l'exception de nullité de l'acte prévoyant cette clause, et par voie de conséquence, celle de la clause elle-même qui survit à la caducité de l'acte.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'immeuble objet de la vente était raccordé au réseau d'assainissement par une canalisation traversant trois parcelles appartenant à des tiers sans qu'une servitude de passage de canalisations n'ait été constituée, une telle situation étant constitutive d'un empiètement, et exposant l'acquéreur du fonds à un risque de demande de démolition et de remise en état de la part des propriétaires concernés.

Il n'est pas démontré que l'attention de Mme [H] avait été attirée par la venderesse sur cette situation qui n'était pas décelable par une simple visite des lieux. En effet, si l'acte mentionne en page 12 l'existence d'une servitude de passage de canalisation d'eau, il s'agit toutefois d'une servitude grevant le fonds cédé au profit des trois fonds voisins, comme l'a exactement relevé le premier juge, et non pas d'une servitude bénéficiant à ce fonds.

De même, si l'acte indique, en page 19, que 'l'immeuble est raccordé au réseau d'assainissement, ainsi constaté par une lettre délivrée le 21 juillet 2015 par la COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE THANN CERNAY, dont l'original est joint', aucune lettre n'est toutefois annexée audit acte. En tout état de cause, les termes de ce courrier n'étaient pas suffisamment explicites pour permettre à l'intimée de se convaincre de l'existence d'un empiètement de la canalisation d'eaux usées desservant l'immeuble sur trois propriétés voisines, puisqu'il est seulement fait état d'une possibilité de rendre la propriété indépendante des propriétés voisines au niveau de l'assainissement

par la pose d'un regard de branchement d'assainissement au droit de la propriété. Il n'est par ailleurs pas démontré que le diagnostic d'assainissement du 10 juillet 2015, auquel renvoie ce courrier, a été communiqué à Mme [H], qui le conteste, ce document n'ayant pas été paraphé par elle et le compromis de vente n'y faisant aucune référence.

En outre, la venderesse affirmait dans l'acte ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec l'installation d'assainissement - page 19 -, et qu'il n'y a eu aucun empiètement sur le fonds voisin - page 11-.

Il n'est dès lors pas démontré que Mme [H] avait été informée par Mme [M] de la particularité du raccordement du fonds au réseau d'assainissement, cette dernière ne pouvant utilement se prévaloir du fait que l'intimée était assistée de son propre notaire, cette circonstance ne la dispensant pas de son devoir d'information, alors qu'au surplus il ressort du courrier de Me [W] - pièce n°5 de l'appelante - que le dossier n'a été transmis à Me [I] que le 5 décembre 2017. Il ne peut donc, dans ces conditions, être reproché à Mme [H] de ne pas avoir fait insérer dans l'acte une condition suspensive tenant à la constitution d'une servitude de passage de canalisations dont elle ignorait la nécessité au moment de la signature du compromis de vente.

Le fait que l'immeuble vendu soit raccordé au réseau d'assainissement par une canalisation traversant trois fonds voisins sans que soit constituée une servitude de passage de canalisations, laquelle, étant occulte, ne peut s'établir que par titre, affecte les qualités substantielles du bien vendu puisqu'il expose l'acquéreur à un risque d'action en enlèvement de la dite canalisation et à la nécessité de devoir exposer le coût de travaux de modification de l'installation. L'erreur commise par Mme [H] étant de nature à vicier son consentement, cette dernière est bien fondée à opposer aux demandes en paiement de la clause pénale et de dommages et intérêts formée par Mme [M], l'exception de nullité du compromis de vente.

Le jugement entrepris sera donc confirmé, par ces motifs substitués à ceux du premier juge, en ce qu'il a rejeté les demandes de l'appelante.

Il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Mme [M], qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 3 février 2020 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [L] [M] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [O] [H] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [M] de sa demande sur ce fondement.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01047
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.01047 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award