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05/05/2022 | FRANCE | N°19/04949

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 mai 2022, 19/04949


MINUTE N° 206/2022





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 05/05/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 Mai 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04949 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHFQ




Décision déférée à la cour : 23 Août 2019 par le tribunal de grande instance de SAVERNE



APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [W] [P]

Madame [G] [C] épouse [P]

demeurant [Adresse 22]



représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

plaid...

MINUTE N° 206/2022

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 05/05/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04949 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HHFQ

Décision déférée à la cour : 23 Août 2019 par le tribunal de grande instance de SAVERNE

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [W] [P]

Madame [G] [C] épouse [P]

demeurant [Adresse 22]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

plaidant : Me PARISIEN, avocat à Strasbourg.

INTIMÉS et appelants sur incident :

1/ Madame [L] [KX]

demeurant [Adresse 1]

2/ Monsieur [E] [KX]

demeurant [Adresse 2]

3/ Madame [B] [KX]

demeurant [Adresse 18]

4/ Monsieur [M] [KX]

demeurant [Adresse 5]

5/ Monsieur [I] [H] [KX]

demeurant [Adresse 6]

6/ Monsieur [O] [KX]

demeurant [Adresse 21]

7/ Monsieur [Y] [KX]

demeurant [Adresse 5]

1 à 7/ représentés par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

plaidant : Me MEUNIER, avocat à Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par acte du 4 avril 2014, les époux [P] ont acquis des héritiers de M. [J] [S] - la propre acquisition par ce dernier en nue-propriété et par Mme [N] [S] en usufruit viager remontant au 28 juillet 1975 - un terrain à usage de stationnement et d'un mobile home, cadastré commune de [Localité 23], section [Cadastre 20], [Cadastre 9], [Adresse 19], avec 9,45 ares de sol ; il était précisé, sous le titre 'accès au terrain-servitude' (p.13) qu'il résultait d'un courrier, adressé en date du 16 décembre 1975 par la mairie d'[Localité 23] à Mme [N] [S], que le terrain concerné avait 'de tout temps été desservi par un chemin de servitude', ledit courrier, joint à l'acte et y étant reproduit, indiquant que :

- le tracé de ce chemin était le suivant : 'CD 218-Pont situé derrière la propriété [A]. Après le pont à droite entre les maisons de week end jusqu'à l'ancienne propriété [R]',

- 'tous les terrains situés en aval de la propriété [R] (actuellement club Vosgien) étaient desservis par ce chemin de servitude et il n'existe pas d'autre accès aux dits terrains'.

L'acte ajoutait que l'acquéreur déclarait avoir pris connaissance de cette 'servitude d'accès dont bénéficiait le terrain' et entendait en faire son affaire personnelle, à la décharge du vendeur et des notaires.

Les consorts [KX] sont propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 15], contigüe à l'Est, sur laquelle se trouve un chalet ; cette parcelle a été achetée le 30 mars 1972 par M. [T] [KX], qui en a fait donation en nue-propriété à ses cinq enfants, devenus pleinement propriétaires suite à son décès le 31 octobre 2010, l'un d'eux ayant ensuite donné la nue-propriété à ses deux filles.

Par courrier du 13 juillet 2014, M. [E] [KX] a répondu au courrier du 7 juillet 2014 du conseil de M. [P], lui reprochant de ne pas laisser le passage sur sa parcelle, que depuis plus de 30 ans, personne n'était passé par sa parcelle, l'accès se faisant par 'le camping' [parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 8]] et que, si une servitude avait existé, elle s'était éteinte par le non-usage pendant 30 ans.

C'est dans ces conditions que les époux [P] ont saisi, par acte du 5 septembre 2014, enregistré au greffe le 8 septembre 2014, le tribunal d'instance de Molsheim d'une demande à l'encontre de M. [E] [KX] pour voir constater l'existence d'un droit de passage et voir condamner M. [E] [KX] à une astreinte en cas d'obstacle au passage. Par jugement du 30 avril 2015, ce tribunal s'est déclaré incompétent, du fait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance pour connaître des actions possessoires, et a renvoyé le dossier devant le tribunal de grande instance de Saverne.

Les époux [P] et M. [KX] ont constitué avocat devant le tribunal de grande instance de Saverne.

Par actes des 8, 12, 14 et 15 décembre 2016, les époux [P] ont assigné les autres copropriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 15] devant le tribunal de grande instance de Saverne en leur signifiant le jugement du tribunal d'instance, l'invitation à poursuivre l'instance adressée le 2 juillet 2015 par le tribunal de grande instance ainsi que leurs conclusions du 23 juin 2016 et celles de M. [E] [KX] du 22 novembre 2016 devant le tribunal de grande instance; par ordonnance du 17 janvier 2017, l'affaire a été jointe à la précédente.

Les consorts [KX] ont tous constitué avocat par acte du 26 janvier 2017, déposé le 27 janvier 2017.

Par jugement en date du 23 août 2019, le tribunal a déclaré la demande irrecevable et condamné les époux [P] aux dépens et à payer aux consorts [KX], conjointement, la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a retenu que les demandeurs exerçant une action possessoire et étant entrés 'en propriété' moins d'un an avant l'introduction de la procédure en date du '5 septembre 2014' - la procédure devant le tribunal de grande instance n'étant que la poursuite de la précédente -, ils étaient dépourvus de 'qualité pour agir' par application de l'article 1264 du code de procédure civile, prévoyant un délai minimum de possession de 1 an au moment du trouble, sauf pour l'action en réintégration après dépossession par voie de fait.

*

Les époux [P] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 12 novembre 2019.

Par leurs dernières conclusions du 31 janvier 2022, ils demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- dire qu'ils possédaient déjà la parcelle depuis au moins un an quand ils ont introduit l'instance,

- dire que la servitude n'est pas prescrite,

- enjoindre à 'l'indivision [KX]' de retirer tout obstacle au libre passage au profit de la parcelle [Cadastre 9] et 'juger que l'indivision [KX] sera condamnée' à une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,

- rejeter l'appel incident,

- condamner 'l'indivision [KX]' aux dépens des deux instances et à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [P] font valoir :

1) sur la recevabilité, que :

- il faut prendre en compte, comme date d'introduction de l'instance, celle de la saisine du tribunal de grande instance de Saverne au moment où l'intégralité des parties étaient en cause, soit le 8 décembre 2016, date à laquelle ils possédaient la parcelle depuis plus d'un an et avaient un titre pour revendiquer le passage, même si la servitude n'était pas inscrite au Livre foncier,

- de plus, le délai d'un an s'applique à ceux qui possèdent paisiblement, ce qui n'est pas leur cas puisque le droit de passage a été supprimé par la partie adverse.

2) sur le fond, que :

- une facture est produite par les intimés en date du 16 avril 2007 pour la mise en place d'un grillage de 1,50 m de haut qui, de toute évidence, a modifié la séparation entre les parcelles respectives des parties,

- il pourrait s'agir de la date à laquelle le passage a été exercé pour la dernière fois,

- mais lorsqu'ils ont pris possession de leur propriété suite à la vente, le passage était libre,

- ils démontrent l'existence du passage par des attestations et son utilisation par Mme [S],

- le chemin dont il est question dans l'attestation du maire existait bien selon les pièces complémentaires produites par les intimés, mais il fait 'bizarrement' l'objet d'une interruption à partir de la parcelle [Cadastre 16] jusqu'à la parcelle [Cadastre 8], puis reprend jusqu'à la parcelle [Cadastre 4] (camping à partir de la parcelle [Cadastre 8]),

- la parcelle [Cadastre 9] est enclavée et ne peut être desservie que par une servitude,

- Mme [F] (Club Vosgien propriétaire du camping) conteste l'existence de cette servitude s'exerçant sur le camping puisqu'elle n'évoque qu'un droit de passage exceptionnel et personnel au profit de Mme [S],

- l'action possessoire peut être engagée en cas de servitude de passage pour cause d'enclave,

- ils demandent que leur possession soit reconnue au travers d'une servitude traversant la parcelle [Cadastre 15],

- si la cour estime que la présente action ne relève pas du possessoire, il faudra créer une servitude de passage et ils font toutes réserves pour compléter leurs conclusions à titre subsidiaire à cet égard.

*

Par leurs dernières écritures du 22 décembre 2021, les consorts [KX] demandent à la cour de débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions et de confirmer le jugement entrepris dans son intégralité ; ils forment 'appel incident' toutefois, pour qu'il soit fait interdiction aux appelants, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, de traverser la parcelle [Cadastre 15]. Ils sollicitent, en outre, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. Subsidiairement, si l'attestation de M. [Z] du 30 août 2014 devait être prise en compte, ils réclament que l'original en soit produit, y compris le plan annexé.

Ils relèvent que les appelants reconnaissent eux-mêmes ne pas avoir possédé paisiblement avant d'agir, alors qu'il s'agit d'une condition pour exercer l'action en plus du délai d'un an de possession, relevant néanmoins qu'ils avaient une jouissance paisible du bien puisqu'ils passaient par le camping et que c'est ainsi qu'ils ont installé leur mobile home. Ils contestent qu'il ait existé un accès libre par leur propriété au moment de l'achat du bien par les appelants, puisque les parcelles étaient séparées par les grillages neufs remis en place en 2007.

Sur le fond, ils font valoir que la parcelle adverse appartenait, avant la famille [S], à la famille [U], qui la louait au camping du club Vosgien, ainsi étendu sur les parcelles [Cadastre 3] à [Cadastre 9], et avait délimité la séparation entre le camping, accessible au public, et le terrain [KX] par une clôture ; que l'entrée du camping se faisait pas la route départementale ; que lors de l'acquisition [S], le camping a été repoussé à la limite séparant la parcelle [Cadastre 9] de la parcelle [Cadastre 8], appartenant à la famille [K], qui la loue toujours au club vosgien ; que Mme [S] a ensuite maintenu la séparation entre les parcelles, constituée d'une clôture et d'une haie de sapins, lesquels ont d'ailleurs brûlé, Mme [S] ayant été déclarée responsable et condamnée à indemniser M. [T] [KX] par jugement du 16 novembre 1998 ; que le tribunal rappelait alors que l'expert avait constaté que les sapins étaient implantés sur 80 m de long ; que M. [KX] a remplacé la clôture en 2007 et qu'ainsi, jusqu'à la vente aux appelants, Mme [S] passait par la parcelle [Cadastre 8] pour accéder à son terrain et jamais par leur propriété, sinon 'on se demande pourquoi' elle aurait eu besoin de demander par écrit au maire comment accéder à la parcelle [Cadastre 9].

Ils se prévalent également de ce que :

- les appelants ne justifient d'aucun titre pour revendiquer une servitude discontinue, le courrier du maire ne constituant pas un titre et leur acte de vente ne leur reconnaissant aucune servitude au vu de la page 6 ;

- la Cour de cassation a précisé qu'une servitude ne pouvait trouver son fondement que dans le titre du fonds servant, alors que le titre de [T] [KX] n'en fait pas mention ;

- les attestations adverses doivent être écartées car elles n'ont pas valeur de titre et ne sont pas crédibles, notamment celle de M. [Z], qui n'est pas le maire de la commune mais un adjoint, et dont le schéma annexé n'a aucune valeur cadastrale, un trait au feutre ayant été rajouté sur le plan ;

- l'attestation du maire [D] [V] qu'ils produisent contredit 'les deux attestations adverses de la mairie' ;

- la cour n'est pas compétente pour statuer sur l'état d'enclave du terrain, seule une action pétitoire devant le tribunal de grande instance de Saverne le permettant et les appelants n'ayant agi qu'au possessoire, et au surplus sans attraire l'ensemble des propriétaires des fonds servants ([Cadastre 14], [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 17] et [Cadastre 16]).

Ils ajoutent que la parcelle n'est pas enclavée car l'accès par le camping demeure possible et que les appelants se sont eux-mêmes enclavés en fermant l'accès côté camping ; que les propriétaires des chalets se sont consentis réciproquement une servitude conventionnelle jusqu'au terrain de football (parcelle [Cadastre 17]), qui ne saurait être étendue aux consorts [P] ; que la parcelle acquise par les appelants n'a pas, depuis 1972, bénéficié d'un droit de passage sur leur parcelle [Cadastre 15] ; que le club Vosgien est propriétaire de la parcelle [Cadastre 7] et loue, depuis au moins 1920, la parcelle [Cadastre 8] ; que M. [P] a dû passer par la route bétonnée traversant le camping du club vosgien, qui prend son origine sur la départementale, pour installer son mobile home, et que ce n'est qu'à la suite d'une 'fâcherie' avec le club vosgien gérant le camping, dont il était président, que l'accès lui a été refusé ; que la parcelle [Cadastre 8] dispose d'un accès direct à la voie publique contrairement à la leur, de sorte que le trajet est plus court par cette parcelle ; que l'ensemble des terrains est longé par un chemin forestier (au sud) qui permet un accès à la voie publique et que, de l'autre coté (au nord), la parcelle [Cadastre 9] n'est séparée de la départementale que par un petit cours d'eau qui pourrait être surmonté par une passerelle, comme celle existant à l'entrée des chalets.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que la servitude s'est éteinte par le non usage depuis le 30 mars 1972, soit plus de 30 ans, et qu'il existe une seule servitude, officiellement constatée au Livre foncier 'et correspondant à la pratique', qui débute à l'entrée des parcelles [Cadastre 13]-[Cadastre 14] et s'achève avant la parcelle [Cadastre 17] de la famille [OU], qui sert de terrain de football.

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus visées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

A l'audience du 3 mars 2022, il a été demandé au conseil des appelants la production de l'original de l'attestation de M. [Z] du 30 aout 2014 (annexe 6 Me [X]) y compris le plan annexé conformément à la demande adverse. Me [X] a déposé une note en délibéré à cet effet le 5 avril 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande des époux [P]

L'action possessoire a été introduite par la saisine du tribunal d'instance de Molsheim le 8 septembre 2014 par les époux [P]. L'appel en intervention forcée des coindivisaires de M. [E] [KX] en décembre 2016 n'a pas introduit une nouvelle instance, étant rappelé qu'il n'a consisté qu'à les assigner en leur signifiant le jugement du tribunal d'instance, l'avis de poursuite d'instance et les conclusions échangées devant le tribunal de grande instance jusque cette date. Il n'a fait ainsi que rendre opposable à tous les indivisaires la décision susceptible d'intervenir dans l'instance précédemment engagée.

A la date d'introduction de l'instance, l'article 1264, ancien, du code de procédure civile, était applicable et n'ouvrait les actions possessoires qu'à ceux qui possédaient ou détenaient depuis au moins un an, sauf s'agissant de l'action en réintégration contre l'auteur d'une voie de fait, mais les appelants ne soutiennent pas en l'espèce exercer une telle action, ni ne démontrent d'ailleurs de voie de fait.

Ayant acquis leur parcelle [Cadastre 9] depuis moins d'une année à la date du 8 septembre 2014, les époux [P] ne pouvaient exercer une possession sur une servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 15] de l'indivision [KX] depuis au moins un an, tel que l'exigeaient les dispositions précitées, de sorte que force est de constater qu'ils ne remplissaient pas la condition d'ouverture pour agir au possessoire tenant à la durée de la possession.

L'absence de caractère paisible de la possession alléguée ne leur permet pas d'échapper à cette irrecevabilité, puisqu'il s'agit d'une condition supplémentaire à la durée d'au moins un an exigée pour bénéficier de la protection possessoire

Au surplus, à supposer que la date de l'appel en intervention forcée des coindivisaires puisse être prise en compte pour apprécier les conditions d'ouverture de l'action possessoire, leur demande était en tout état de cause irrecevable, compte tenu des modifications intervenues 'tant en ce qui concerne les règles du code civil que du code de procédure civile relatives à la possession', comme les époux [P] le relevaient eux-mêmes dans leurs écritures sans en tirer les conséquences qui s'imposaient.

En effet, l'article 2279, ancien, du code civil, selon lequel les actions possessoires étaient ouvertes 'dans les conditions prévues par le code de procédure civile' à ceux qui possédaient ou détenaient paisiblement, a été abrogé par la loi n°2015-177 du 16 février 2015 ; dès lors, celle-ci a emporté abrogation, dès son entrée en vigueur au 18 février 2015, des articles 1264 à 1267 du code de procédure civile définissant le régime de ces actions et édictés spécifiquement pour l'application de l'article 2279 (même si leur abrogation effective n'a été réalisée que plus tard par le pouvoir réglementaire, par un décret du 6 mai 2017, entrée en vigueur le 11 mai 2017), la protection possessoire n'étant plus assurée à compter de cette date que par les actions en référé (Civ 3ème, 24 septembre 2020 n°19-16.370).

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable.

Au vu du dispositif des conclusions des époux [P], lequel ne formule aucune demande subsidiaire pour pouvoir conclure aux fins de se voir reconnaître un droit de passage au titre de l'enclavement de leur parcelle, la cour n'a pas à statuer sur une telle demande, conformément à l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur la demande reconventionnelle ajoutée en cause d'appel

Aux termes de l'article 1265, ancien, du code de procédure civile, la protection possessoire et le fond du droit ne sont jamais cumulés.

En l'espèce, la demande des intimés, qu'ils qualifient d'appel incident, visant à interdire aux appelants de traverser leur parcelle [Cadastre 15], implique de statuer sur l'existence ou non d'un droit de passage sur cette parcelle au profit de la parcelle [Cadastre 9] des appelants, soit sur le fond du droit, alors que l'instance engagée par les époux [P] tend exclusivement à la protection possessoire d'un tel droit.

En conséquence, elle ne peut qu'être rejetée, le principe du non-cumul du possessoire et du pétitoire y faisant obstacle.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de l'issue de l'appel, le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile. Les époux [P] seront condamnés aux dépens d'appel et à payer aux intimés la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles exposés en appel, eux-mêmes étant déboutés de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

DEBOUTE MM. [I], [E], [M], [O] et [Y] [KX] ainsi que Mmes [L] et [B] [KX] de leur demande reconventionnelle d'interdiction de traverser leur parcelle formée en cause d'appel,

CONDAMNE M. [W] [P] et Mme [G] [C], épouse [P], in solidum à payer à MM. [I], [E], [M], [O] et [Y] [KX] ainsi que Mmes [L] et [B] [KX], ensemble, la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,

DÉBOUTE M. [W] [P] et Mme [G] [C], épouse [P], de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,

CONDAMNE M. [W] [P] et Mme [G] [C], épouse [P], in solidum aux entiers dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/04949
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;19.04949 ?
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