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03/05/2022 | FRANCE | N°21/00116

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 03 mai 2022, 21/00116


MINUTE N° 22/417





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SEC

TION A



ARRET DU 03 Mai 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00116

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOX5



Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE



APPELANT :



Monsieur [X] [P] [N]

25, quai Mullenheim

67000 STRASBOURG



Repré...

MINUTE N° 22/417

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 03 Mai 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00116

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOX5

Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE

APPELANT :

Monsieur [X] [P] [N]

25, quai Mullenheim

67000 STRASBOURG

Représenté par Me Jean SCHACHERER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

Maître [M] [Z] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société ILLER SA, RCS 812 848 240 dont le siège social était situé Route de Dachstein 67120 ALTORF.

4a rue du Périgord BP 302

BP 302 67380 LINGOLSHEIM

Représenté par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE NANCY Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,

96 rue Saint Georges- CS 50510

CS 50510

54008 NANCY CEDEX

Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

Mme ARNOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Iller, ayant pour activité la fabrication, la transformation, la vente de produits carnés, charcuterie et volailles, a été créée en 2013 dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, et a intégré le groupe [T].

Monsieur [X] [P] [N], né le 29 décembre 1968, a été engagé par la société Iller selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 11 juillet 2016, en qualité de Directeur Général Adjoint en charge du commerce - statut cadre dirigeant - moyennant en dernier lieu un salaire brut de base de 8.500 €.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes du 29 mars 1972.

Par jugement du 06 juin 2017, la société Iller a été placée en redressement judiciaire par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne. Un plan de cession est intervenu le 22 mai 2018, puis la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, et Maître [M] [Z], désigné ès-qualité de liquidateur judiciaire.

Une rupture conventionnelle, datée du 20 juin 2017, a été conclue entre les parties et homologuée par l'autorité administrative le 03 aout 2017, avec une date de rupture au 10 août 2017 moyennant le versement d'une indemnité de 1.800 €.

M. [X] [P] [N] a contesté la validité de la rupture conventionnelle selon courrier du 20 août 2017.

Il a le 04 septembre 2017 été embauché par la holding [C] [T] avec maintien de tous les avantages acquis.

Par requête en date du 12 juin 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes de Saverne aux fins d'annuler la rupture conventionnelle, et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Iller diverses sommes, dont 59.641,26 € à titre de dommages et intérêts, et 25.500 € d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents.

Par jugement du 20 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Saverne a constaté que la rupture conventionnelle a été valablement conclue, dit et jugé qu'elle n'est entachée par aucun vice du consentement, débouté M. [X] [P] [N] de toutes ses demandes, débouté l'AGS-CGEA de Nancy de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive, condamné M. [X] [P] [N] à verser à la société Iller et à l'AGS-CGEA de Nancy la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune, et condamné M. [X] [P] [N] aux entiers frais et dépens.

M. [X] [P] [N] a interjeté appel de ce jugement le 17 décembre 2020.

Par dernières conclusions responsives transmises par voie électronique le 04 octobre 2021, M. [X] [P] [N] demande à la cour de réformer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté l'AGS-CGEA de Nancy de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive.

Il sollicite de la cour qu'elle juge que son consentement a été vicié, dise que la convention de rupture est nulle, et fixe sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Iller aux montants suivants :

- 25.500 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.550 € au titre des congés payés sur préavis,

- 59.641,26 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Il demande à la cour de dire le jugement opposable à l'AGS-CGEA de Nancy, de débouter les parties intimées de leurs demandes, de les condamner aux entiers frais et dépens de l'instance, et à lui payer 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions en réplique transmises par voie électronique le 07 juin 2021, Maître [M] [Z], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Iller, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de l'appelant et de le condamner à régler à la société Iller la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 21 mai 2021, l'AGS-CGEA de Nancy demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer M. [X] [P] [N] irrecevable et dans tous les cas mal fondé en sa demande en requalification de la rupture conventionnelle en un licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le déclarer mal fondé en toutes ses autres demandes, de l'en débouter, de le condamner aux frais et dépens ainsi qu'à lui verser une indemnité de 2.000 € au titre de l'instance d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 février 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

M. [X] [P] [N] sollicite l'annulation de la convention de rupture du 20 juin 2017 en invoquant l'absence d'entretien et d'information sur la possibilité de se faire assister, et un vice de consentement.

1. Sur l'absence d'entretien et d'information sur la possibilité de se faire assister

Selon l'article L 1237-12 du code du travail, la rupture conventionnelle est subordonnée à un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister.

Le document de rupture mentionne l'existence d'un entretien le 20 juin 2017. Ce document est signé par les deux parties qui y ont en outre apposé la mention « lu et approuvé ». Monsieur [N] n'apporte aucune preuve établissant que ces mentions sont inexactes. Il convient cet égard de rappeler que le salarié était un cadre dirigeant de l'entreprise, et occupait un poste de directeur général adjoint, de sorte que la portée de sa signature, de la mention manuscrite sur cette convention, et de l'ensemble des mentions qui y figurent n'a pu lui échapper.

Il affirme avoir contesté l'existence de cette réunion dans son courrier du 20 août 2017 ce qui est inexact, ce courrier ne comportant pas une telle contestation, mais uniquement la référence à des pressions caractérisant un harcèlement moral, et l'affirmation selon laquelle il a été empêché de se faire assister par un conseil de son choix.

Il est en route outre rappelé que la convention a par ailleurs été homologuée par l'inspection du travail le 03 août 2017, et que le salarié n'a pas contesté sa validité durant les 15 jours du délai de rétractation.

Monsieur [N] soutient en second lieu qu'il n'a pas été informé de la possibilité de se faire assister lors de l'entretien, ce qui n'est pas contesté. Cependant il est désormais de jurisprudence ancienne et constante que le défaut d'information du salarié par l'employeur sur la possibilité de se faire assister lors de l'entretien, n'affecte pas la validité de cette dernière, sauf à ce que ce défaut d'information ait vicié son consentement (Soc. 29 janvier 2014).

C'est donc à fort juste titre que le conseil des prud'hommes n'a pas retenu les arguments du salarié.

2. Sur le vice du consentement

L'appelant soutient avoir été victime de pressions et de harcèlement moral dans la mesure où la rupture conventionnelle avait pour objet de contourner les règles du licenciement pour motif économique. Il soutient que pour l'inciter à partir plus rapidement il était convenu du paiement d'une indemnité de 23 000 € conformément au protocole d'accord transactionnel. Il en conclut que compte tenu des circonstances de la rupture conventionnelle celle-ci est nulle, et que son consentement a été vicié. Il soutient encore que des rumeurs ont circulé à son sujet concernant une relation avec une autre salariée remettant en cause la qualité de son travail.

Il convient de rappeler que le harcèlement moral procède d'une définition légale précise selon laquelle il s'agit d'agissements ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique, ou morale ou de compromettre son avenir professionnel. Il appartient dans ce cas salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et il revient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans ce cas il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Or force est de constater que malgré le débouté en première instance l'appelant ne démontre pas l'existence d'agissements susceptibles de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il verse certes aux débats deux très courtes attestations des 30 et 31 mai 2018 dans lesquels les deux témoins rapportent l'existence d'une rumeur au sein de l'entreprise Iller selon laquelle une liaison existait entre une collaboratrice et Monsieur [N] en mettant en cause la qualité de son travail. Cependant ces attestations ne sont pas de nature à établir l'existence d'un fait laissant présumer un harcèlement moral.

C'est enfin à juste titre que le conseil des prud'hommes relève que tout en affirmant avoir été victime de harcèlement moral Monsieur [N] cadre dirigeant dont le supérieur hiérarchique était Monsieur [J] [T] a suite à la rupture conventionnelle été embauchée le 04 septembre 2017 par la société [C] [T] détenant 100 % des parts sociales de la société Iller, et dont Monsieur [J] [T] était le président, tout comme il l'était de la société Iller.

S'agissant du vice du consentement, l'appelant soutient qu'il n'a signé la convention de rupture qu'en contrepartie de la promesse d'une indemnité transactionnelle de 23 000 €, affirmant ainsi avoir été victime d'un dol, ou d'une fraude. Ce que conteste l'AGS qui affirme que l'appelant a cherché à se faire verser une indemnité complémentaire dans le cadre fiscal et social optimisé d'une transaction.

Il convient en premier lieu de souligner que cette indemnité transactionnelle pouvait parfaitement être mentionnée dans la rupture conventionnelle, mais que tel n'a pas été le cas.

Il résulte par ailleurs de la procédure et des pièces versées aux débats, que la rupture conventionnelle a été signée le 20 juin 2017, à effet au 10 août 2017 après homologation par la Dirrect le 03 août 2017. Ce n'est que par requête du 14 novembre 2017 que l'administrateur judiciaire a sollicité l'autorisation du juge commissaire de verser une indemnité forfaitaire complémentaire de 23.000 € à Monsieur [N]. Il apparaît que le juge commissaire a par décision du 16 janvier 2018 rejeté la requête, cette décision ayant été confirmée par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne par jugement du 07 mai 2019.

Ainsi aucun élément ne démontre que l'employeur ait, avant la signature de la rupture conventionnelle, pris l'engagement de verser à Monsieur [N] une indemnité complémentaire de 23.000 €. Au contraire l'exposé des faits retranscrits dans le protocole démontre que le litige est né postérieurement au courrier de contestation du 20 août 2017 dans lequel Monsieur [N] conteste la rupture conventionnelle, alors que la société Iller considère que cette rupture est conforme aux exigences légales et qu'aucune pression n'a été exercée. Ainsi c'est précisément pour mettre un terme à ce litige, et éviter toute contestation judiciaire de la rupture conventionnelle que la proposition de versement d'une indemnité conventionnelle avait été convenue.

Il est en dernier lieu relevé que le juge-commissaire dans son ordonnance souligne que le salarié n'a nullement fait mention d'éventuelles pressions émanant de la direction, ni de harcèlement moral, et qu'il n'aurait pas accepté la proposition d'embauche formulée par Monsieur [J] [T] qui était son seul supérieur hiérarchique au sein de l'entreprise Iller, ce qui confirme encore l'absence de tout harcèlement tel que jugé ci-dessus.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucun vice du consentement, ni aucune fraude n'est établie, de sorte que c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a constaté que la rupture conventionnelle a été valablement conclue, et a rejeté toutes les prétentions de Monsieur [N]. Le jugement est donc confirmé.

3. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est également confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des frais et dépens.

À hauteur de cour l'appelant qui succombe en l'intégralité de ses prétentions est condamné aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel, ce qui entraîne par voie de conséquence le rejet de sa demande de frais irrépétibles.

L'équité commande par ailleurs de le condamner à payer à chacune des parties intimées une somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

CONFIRME le jugement rendu le 20 novembre 2020 par le conseil des prud'hommes de Saverne en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE Monsieur [X] [P] [N] à payer à Maître [M] [Z] es qualité de liquidateur judiciaire de la Société Iller une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [X] [P] [N] à payer l'Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy une somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [X] [P] [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 03 mai  2022, et signé par Mme Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Mme Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/00116
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;21.00116 ?
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